HISTOIRE.
PARIS MODERNE.
31
Rochefort, ni son exil à Sainte-IIéléne. Ne perdant point de vue qu’il ne nous est pas donné de raconter d’autres annales que
celles de Paris, nous nous bornerons à mentionner les incidents qui précédèrent la seconde invasion des armées étrangères dans
la capitale de la France.
Le 24 juin, un gouvernement provisoire étant institué, Fouché, qui en faisait partie, écrivit confidentiellement à Wellington:
« Il est très-essentiel que les armées anglo-prussiennes hâtent leur mouvement sur Paris; il ne faut plus qu’il y ait de sang
répandu; je réponds de Paris et de sa soumission; que le roi donne des garanties; qu’il établisse dans des proclamations un
système large et constitutionnel, et la restauration se fera toute seule. » Les étrangers hâtèrent la marche de leurs troupes, et,
de leur côté, des négociateurs français, désignés par les deux Chambres, cherchèrent à s’aboucher avec les généraux ennemis
et à stipuler quelques garanties. Chaque jour, les débris de la grande armée, refoulés sur Paris par les colonnes étrangères, se
ralliaient et trouvaient des chefs. Le maréchal Davoust, cjui dirigeait l’administration de la guerre, pouvait compter sur une armée
de cent mille hommes, tant soldats que gardes nationaux et fédérés; on avait élevé quelques travaux de défense aux abords de
Paris, et il était possible de prolonger la résistance. Mais le gouvernement provisoire ne songeait nullement à tenter le sort des
armes; il amusait l’armée et le peuple par des proclamations et des adresses, et n’avait d’autre intention que d’obtenir de l’ennemi
des conditions favorables. L’armée demandait à grands cris qu’on la menât au combat, et les Prussiens, qui avaient franchi la
Seine, venaient braver les Parisiens jusque dans les lignes de Montrouge. Le maréchal Davoust fit demander une suspension
d’armes; Blücher la lui refusa en termes durs et grossiers: « Paris et la France, écrivit-il, sont dans mes mains; je viens
défendre les honnêtes gens contre la canaille; je vous promets de ne pas traiter Paris comme vous avez traité Hambourg. » Il
y eut quelques escarmouches et un petit nombre d’engagements. Les ennemis, au lieu d’attaquer Paris du côté du Nord, se
déployèrent en masse sur la rive droite du fleuve; on se battit à Vélisy, à Roquencourt, à Sèvres; les Prussiens et les Anglais
perdirent du monde et n’en réussirent pas moins à couronner toutes les hauteurs qui entourent Paris. Enfin, à la suite d’un
conseil de guerre qui fut tenu dans la nuit du 2 au 3 juillet, au quartier général de Davoust, un armistice intervint entre les
armées étrangères et l’armée qui combattait pour le trône de Napoléon IL En vertu de cet acte, qui fut nommé Convention de
Saint-Cloud, la capitale devait se rendre aux ennemis, et les troupes françaises se replier derrière la Loire. •
A l’heure où fut signée cette suspension d’armes, en y comprenant les fédérés, qui servaient en guise de tirailleurs, le
gouvernement provisoire, s’il avait voulu prolonger la lutte, aurait pu disposer encore, sous les murs de Paris, de cent six mille
hommes, de onze cents canons et de vingt-cinq mille chevaux. Mais les gouvernants et les chefs militaires voulaient en finir par
une prompte paix : les uns avaient déjà pris des engagements avec le roi ; les autres redoutaient d’appeler sur Paris les désastres
d’une guerre sanglante et des efforts de six cent mille soldats étrangers. L’armée, qui aurait voulu combattre pour Napoléon II,
héritier de son père, se résigna lentement à obéir, et jusque dans sa défaite elle se consola par cette pensée qu’elle avait été
moins vaincue que trahie.
Paris était en proie à la consternation et à la stupeur; les places, les rues, les faubourgs étaient encombrés de cultivateurs et
de paysans, chassés de leurs villages par l’approche des armées étrangères; ces malheureux, avec leurs femmes, leurs vieillards,
leurs enfants, leurs chars remplis d’ustensiles et de meubles de campagne, campaient en plein air et inspiraient une commisération
profonde. Fouché, qui dominait le Gouvernement et les Chambres, faisait tous ses efforts pour accroître les alarmes et les
inquiétudes des Parisiens, afin de leur enlever d’avance toute pensée de résistance. Malgré les tentatives de sa police, des
rassemblements se formaient et appelaient le peuple à prendre les armes. La garde nationale, commandée par Massena, comprima
ces manifestations. L’armée s’indignait d’être éloignée de Paris et réclamait sa solde.- Les banquiers et les riches bourgeois se
cotisèrent et avancèrent les millions à l’aide desquels on enleva aux soldats de Napoléon ce dernier moyen de résistance. Le
6 juillet, les troupes de Blücher et de Wellington entrèrent dans Paris. Parmi les équipages et les fourgons des Prussiens, la
population des faubourgs remarqua avec une sombre colère la calèche élégante qui portait le prince de Talleyrand. Le lendemain
7 juillet, le gouvernement provisoire se démit de ses fonctions; les rues, les quais, les places publiques, les mairies et les palais
nationaux étaient occupés par des détachements de l’armée prussienne; les ennemis bivouaquaient dans le jardin des Tuileries et
sur les terrasses du Luxembourg. En ce même moment, les deux Chambres, qui avaient manqué à leur devoir envers Napoléon
et envers la France, s’éteignirent obscurément et sans bruit. La Chambre des Représentants, singeant mal à propos le Sénat do
Rome, occupa ses dernières heures à discuter et à voter une nouvelle constitution et une déclaration des principes, et il suffît de
donner une consigne au sergent du poste pour en Unir avec cette déplorable assemblée.
PARIS MODERNE.
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Rochefort, ni son exil à Sainte-IIéléne. Ne perdant point de vue qu’il ne nous est pas donné de raconter d’autres annales que
celles de Paris, nous nous bornerons à mentionner les incidents qui précédèrent la seconde invasion des armées étrangères dans
la capitale de la France.
Le 24 juin, un gouvernement provisoire étant institué, Fouché, qui en faisait partie, écrivit confidentiellement à Wellington:
« Il est très-essentiel que les armées anglo-prussiennes hâtent leur mouvement sur Paris; il ne faut plus qu’il y ait de sang
répandu; je réponds de Paris et de sa soumission; que le roi donne des garanties; qu’il établisse dans des proclamations un
système large et constitutionnel, et la restauration se fera toute seule. » Les étrangers hâtèrent la marche de leurs troupes, et,
de leur côté, des négociateurs français, désignés par les deux Chambres, cherchèrent à s’aboucher avec les généraux ennemis
et à stipuler quelques garanties. Chaque jour, les débris de la grande armée, refoulés sur Paris par les colonnes étrangères, se
ralliaient et trouvaient des chefs. Le maréchal Davoust, cjui dirigeait l’administration de la guerre, pouvait compter sur une armée
de cent mille hommes, tant soldats que gardes nationaux et fédérés; on avait élevé quelques travaux de défense aux abords de
Paris, et il était possible de prolonger la résistance. Mais le gouvernement provisoire ne songeait nullement à tenter le sort des
armes; il amusait l’armée et le peuple par des proclamations et des adresses, et n’avait d’autre intention que d’obtenir de l’ennemi
des conditions favorables. L’armée demandait à grands cris qu’on la menât au combat, et les Prussiens, qui avaient franchi la
Seine, venaient braver les Parisiens jusque dans les lignes de Montrouge. Le maréchal Davoust fit demander une suspension
d’armes; Blücher la lui refusa en termes durs et grossiers: « Paris et la France, écrivit-il, sont dans mes mains; je viens
défendre les honnêtes gens contre la canaille; je vous promets de ne pas traiter Paris comme vous avez traité Hambourg. » Il
y eut quelques escarmouches et un petit nombre d’engagements. Les ennemis, au lieu d’attaquer Paris du côté du Nord, se
déployèrent en masse sur la rive droite du fleuve; on se battit à Vélisy, à Roquencourt, à Sèvres; les Prussiens et les Anglais
perdirent du monde et n’en réussirent pas moins à couronner toutes les hauteurs qui entourent Paris. Enfin, à la suite d’un
conseil de guerre qui fut tenu dans la nuit du 2 au 3 juillet, au quartier général de Davoust, un armistice intervint entre les
armées étrangères et l’armée qui combattait pour le trône de Napoléon IL En vertu de cet acte, qui fut nommé Convention de
Saint-Cloud, la capitale devait se rendre aux ennemis, et les troupes françaises se replier derrière la Loire. •
A l’heure où fut signée cette suspension d’armes, en y comprenant les fédérés, qui servaient en guise de tirailleurs, le
gouvernement provisoire, s’il avait voulu prolonger la lutte, aurait pu disposer encore, sous les murs de Paris, de cent six mille
hommes, de onze cents canons et de vingt-cinq mille chevaux. Mais les gouvernants et les chefs militaires voulaient en finir par
une prompte paix : les uns avaient déjà pris des engagements avec le roi ; les autres redoutaient d’appeler sur Paris les désastres
d’une guerre sanglante et des efforts de six cent mille soldats étrangers. L’armée, qui aurait voulu combattre pour Napoléon II,
héritier de son père, se résigna lentement à obéir, et jusque dans sa défaite elle se consola par cette pensée qu’elle avait été
moins vaincue que trahie.
Paris était en proie à la consternation et à la stupeur; les places, les rues, les faubourgs étaient encombrés de cultivateurs et
de paysans, chassés de leurs villages par l’approche des armées étrangères; ces malheureux, avec leurs femmes, leurs vieillards,
leurs enfants, leurs chars remplis d’ustensiles et de meubles de campagne, campaient en plein air et inspiraient une commisération
profonde. Fouché, qui dominait le Gouvernement et les Chambres, faisait tous ses efforts pour accroître les alarmes et les
inquiétudes des Parisiens, afin de leur enlever d’avance toute pensée de résistance. Malgré les tentatives de sa police, des
rassemblements se formaient et appelaient le peuple à prendre les armes. La garde nationale, commandée par Massena, comprima
ces manifestations. L’armée s’indignait d’être éloignée de Paris et réclamait sa solde.- Les banquiers et les riches bourgeois se
cotisèrent et avancèrent les millions à l’aide desquels on enleva aux soldats de Napoléon ce dernier moyen de résistance. Le
6 juillet, les troupes de Blücher et de Wellington entrèrent dans Paris. Parmi les équipages et les fourgons des Prussiens, la
population des faubourgs remarqua avec une sombre colère la calèche élégante qui portait le prince de Talleyrand. Le lendemain
7 juillet, le gouvernement provisoire se démit de ses fonctions; les rues, les quais, les places publiques, les mairies et les palais
nationaux étaient occupés par des détachements de l’armée prussienne; les ennemis bivouaquaient dans le jardin des Tuileries et
sur les terrasses du Luxembourg. En ce même moment, les deux Chambres, qui avaient manqué à leur devoir envers Napoléon
et envers la France, s’éteignirent obscurément et sans bruit. La Chambre des Représentants, singeant mal à propos le Sénat do
Rome, occupa ses dernières heures à discuter et à voter une nouvelle constitution et une déclaration des principes, et il suffît de
donner une consigne au sergent du poste pour en Unir avec cette déplorable assemblée.