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Audiganne, Armand; Benoist, Philippe [Ill.]
Paris dans sa splendeur: monuments, vues, scènes historiques, descriptions et histoire$ddessins et lithographies par MM. Philippe Benoist [und 17 weitere] ; texte par MM. Audiganne [und 23 weitere] (3ième volume): Histoire de Paris - environs de Paris — Paris: Henri Charpentier, 1861

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https://doi.org/10.11588/diglit.71015#0185

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HISTOIRE.

PARIS MODERNE.

59

atome de bien-être à leur condition actuelle, elles faisaient entrevoir aux multitudes pauvres et ignorantes des chimères sans
réalisation possible, une prétendue félicité qui n’était point la récompense du devoir, et qui, de tous points, était contraire à la
loi de Dieu et aux préceptes que Jésus-Christ, le Verbe incarné, avait enseignés sur la montagne. Le communisme, le fouriérisme,
le babouvisme, le jacobinisme proposèrent tour-à-tour leur solution; l’homme téméraire qui a dit : la propriété, c’est le vol! eut
l’entière liberté de développer des combinaisons, à l’aide desquelles la fortune immobilière devenait un vain mot, et qui mettait en
circulation, sous forme de papier monnaie, toutes les parcelles du pays. On ne saurait croire quel mal enfantaient ces discussions.
Il ne faut qu’un jour pour faire admettre par le paysan et l’ouvrier que la propriété doit être mise en commun, et qu’il faut
partager, avec une égalité absolue, le sol et l’argent entre tous les hommes; il faut trente ans, il faut un siècle d’autorité
puissante et sage pour effacer ces folles idées de l’esprit des masses. Sur ces entrefaites, les conseils de guerre jugeaient un certain
nombre d’insurgés de juin, plus compromis que les autres, et qui avaient été réservés pour la justice régulière. Ces misérables,
pris les armes à la main, auraient pu se borner, pour défense, à invoquer certaines théories officiellement admises dans l’enceinte
législative.
Dans les premiers jours de novembre, l’Assemblée Nationale termina son œuvre en votant les derniers articles de la constitution
imposée à la France. Ce code politique avait été dégagé des dangereuses théories du socialisme; ses auteurs, déterminés à
maintenir la forme républicaine, avaient fait justice des idées fausses proclamées contre la propriété et la famille, ils avaient
imaginé une combinaison gouvernementale assez régulière, mais ils avaient fait abstraction, d’une manière absolue, de la tradition
politique et du caractère national.Rêveurs imprudents, et pour la plupart honnêtes, ils avaient cru fonder un ordre stable en inventant
une charte imitée (moins la royauté) de la constitution de 1791, et en créant un antagonisme perpétuel entre le pouvoir exécutif
et le pouvoir législatif. Le droit de faire la loi était confié à une assemblée unique; la mission de gouverner allait être donnée pour
quatre ans à un président, élu par le suffrage universel, et que la France ne pouvait réélire. En prenant cette précaution contre le
rétablissement possible de la forme monarchique, l’Assemblée avait imprudemment mis au néant le droit permanent de la nation
française et enfanté le germe des plus redoutables conflits. Quand cette constitution imparfaite et grosse de futurs orages eut été
achevée, la France qui avait redouté des lois plus dangereuses encore, des institutions plus folles et des expériences plus téméraires,
l’accueillit comme un progrès sur le régime auquel on nous avait soumis depuis le 24 février. Malgré le froid, la neige et l’hiver,
l’Assemblée Nationale, un peu hère de son œuvre, crut devoir inaugurer la nouvelle constitution par une cérémonie publique qui
eut lieu, en plein air, au milieu de l’immense place de la Concorde. Tous les corps constitués étaient présents à cette solennité.
On y avait également convoqué la garde nationale, et, sur des places réservées, fort mal abrités par des toiles, on avait installé
un grand nombre de curieux de tout âge et de tout sexe. Là, en présence de cette multitude en uniforme, en toilette de ville ou
en blouse, M. Armand Marrast, président de l’Assemblée, donna lecture de la constitution. La première ligne de ce code était ainsi
formulée : « La France s’est constituée en république. En adoptant cette forme définitive de gouvernement, etc. » Les autres
articles renfermaient les dispositions du nouveau code. Cette loi, que ses auteurs semblaient proclamer éternelle, né devait avoir
que trois ans d’avenir: un pressentiment secret l’annonçait à la France, mais ce pays, tourmenté chaque jour par tant de
secousses, se disait qu’après tout on était encore fort heureux d’avoir trois ans à soi pour espérer et vivre (42 novembre).
Un décret de l’Assemblée Nationale convoqua le peuple français dans ses comices pour procéder à l’élection de l’homme à qui
devait être remis l’honneur et le devoir de gouverner durant une période de quatre ans la république, sous la surveillance des
députés, et avec le titre modeste de président. Pour la seconde fois, depuis moins d’un an, la France allait être mise en demeure
d’agir elle-même. Déjà, au mois d’avril, en élisant l’Assemblée Constituante, elle avait fait justice des fureurs révolutionnaires et
des théories rétrogrades. Au mois de décembre 4 848, bien autrement éclairée sur ses propres besoins et sur les dangers qui naissent
des principes républicains, elle allait enfin prendre une éclatante revanche de la surprise du 24 février, et se venger des gens qui,
sans la consulter, avaient osé disposer d’elle. On lui avait imposé la république dont elle ne voulait pas. Libre d’exprimer ses
sympathies, elle allait faire sortir de l’urne la condamnation de cette république usurpatrice. Vainement on étalait sous ses yeux
le tableau des services que lui avait rendus le général Cavaignac, dans les terribles journées de juin; la France n’était pas
ingrate, mais elle ne voulait pas être confisquée au profit d’une ambition isolée, et, en remontant dans son histoire, elle trouvait
d’autres motifs de reconnaissance qui la ramenaient au 4 8 brumaire, alors que, grâce à Dieu et par le génie d’un homme
providentiel, elle s’était vu affranchie de la première république. Tout le pays officiel, les fonctionnaires publics, les chefs de
la garde nationale, la majorité de l’Assemblée Nationale, la bourgeoisie travaillaient à faire élire le général Cavaignac : le peuple
résista à cet entraînement et porta ailleurs ses suffrages.
A plusieurs reprises, Paris et les départements avaient élu, membre de l’Assemblée Nationale, le plus proche héritier de
l’Empereur, le prince Louis-Napoléon Bonaparte, dont le nom a déjà figuré dans ce livre. Les démagogues et le parti orléaniste
s’étaient inquiétés de ce choix, parce qu’ils y voyaient le symptôme avant-coureur de leur défaite; les partisans du général
Cavaignac et la fraction républicaine désignée sous le titre « d’école du National, » avaient affecté de signaler le prince comme
 
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