HISTOIRE. - PARIS MODERNE.
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banderoles, de panoplies, d’inscriptions portant, gravés dans un même écusson, le chiffre de l’Empereur et celui de l’impératrice.
La voiture de Leurs Majestés, qui avait servi au sacre de Napoléon Ier et de Joséphine, était entièrement dorée et surmontée de la
couronne impériale. Maisons, fenêtres, tout était envahi par la population sur le passage du cortège. La décoration de la cathédrale,
d’une grande richesse et parfaitement appropriée au style et aux proportions du monument, produisait le plus merveilleux effet.
Devant le portail, on avait élevé un porche gothique; tout le long de la balustrade qui couronne la galerie des Rois, régnait une
frise d’aigles; neuf bannières vertes, semées d’abeilles, flottaient sur les grandes fenêtres et sur la rose du milieu; la grande
galerie à jour était ornée d’une tenture verte aux semis d’abeilles. A l’intérieur, les piliers de la cathédrale étaient tendus,
jusqu’aux chapiteaux, en velours rouge, bordé de palmes d’or; des deux côtés de la nef et de chaque tribune, pendaient des
tentures en velours rouge, doublées d’hermine aux écussons impériaux, et reliées par des guirlandes de verdure et de fleurs. Le
sommet des ogives était revêtu de pentes vertes, semées d’abeilles. Au milieu du transept, sur une estrade couverte d’un tapis
d’hermine et abritée par un dais magnifique en velours rouge, étaient placés les deux sièges d’honneur réservés à Leurs Majestés.
Quinze mille cierges éclairaient la cathédrale. A une heure, Mgr l’archevêque de Paris donna aux augustes époux la bénédiction
nuptiale, et offrit à Dieu le Saint-Sacrifice. Après la messe, l’assistance entonna le Te Deum, et le cortège, favorisé par un temps
doux et serein, malgré la saison d’hiver, revint aux Tuileries par les quais, la place du Carrousel et le pavillon de l’Horloge.
Le 14 février, l’Empereur fit en personne, au palais des Tuileries, l’ouverture de la session législative. Dans le discours de Sa
Majesté, on remarqua le passage suivant : « 11 y a quatorze mois à peine, le pays était livré aux hasards de l’anarchie.A ceux
qui regretteraient qu’une part plus large n’ait pas été faite (dans nos institutions) à la liberté, je répondrais : La liberté n’a jamais
aidé à fonder d’édifice politique durable; elle le couronne quand le temps la consolide. » C’était résumer à la fois, au point de vue
politique, le présent et l’avenir du règne de Napoléon III. En cette même année 1853, l’histoire de Paris ne fut signalée par aucun
de ces événements graves qui changent la face des empires. Nous en avions vu assez de ces événements, et Paris, aussi bien que
la France, aspirait avant tout à jouir d’un glorieux repos.
La population de la capitale subissait un accroissement rapide, et les ouvriers, attirés de tous les départements à Paris, par la
perspective du travail et des salaires, commençaient à ne pouvoir trouver de logements. Dans cette situation se manifestait un
mouvement de hausse du prix des loyers qui ajoutait aux embarras de la classe laborieuse. Le Gouvernement, s’attachant à
remédier autant que possible aux difficultés de cette situation, décida qu’outre les améliorations imposées aux anciennes habitations
ouvrières, de nouvelles maisons, avec des logements garnis et non garnis, pour les ouvriers célibataires comme pour les ménages,
s’élèveraient à la fois dans plusieurs quartiers de Paris, sur des emplacements bien choisis, à proximité des travaux, et que ces
logements seraient disposés de manière à réunir à l’économie du prix toutes les conditions désirables de bien-être et de salubrité.
De là, l’origine et la fondation de ces cités ouvrières qui existent aujourd’hui à Paris et dont le nombre et l’importance se seraient
accrus si les travailleurs, en vue desquels on cherchait à réaliser une amélioration aussi considérable, ne s’étaient pas trop souvent
montrés animés de préventions ou de défiance contre la pensée de l’administration. Mieux éclairés, sans doute, ils sauront s’y
associer, et l’utile combinaison dont nous parlons portera plus tard ses fruits. Vers le même temps on continuait avec une infatigable
persévérance la construction des grandes halles, ce Louvre du peuple dont Napoléon Ier voulait doter Paris; on entreprenait la
reconstruction du pont Notre-Dame et du pont de l’Hôtel-Dieu ; on abaissait le Pont-Neuf; on déblayait avec une active énergie
les emplacements du Carrousel, naguère encore couverts de vieilles maisons, et qui à cette heure n’offraient qu’un amas de ruines
du milieu desquelles allait surgir un admirable palais; la rue du Cardinal-Lemoine venait d’être ouverte; c’était le moment où
l’Empereur venait d’appeler aux difficiles fonctions de préfet de la Seine M. Haussmann, alors préfet de la Gironde, et dont la
présence aux affaires devait contribuer à hâter la transformation de Paris.
Dans l’ordre des faits politiques, la suppression du ministère de la Police Générale, décrétée le 21 juin 1853, avait produit un
excellent effet sur l’opinion publique, en ce qu’elle avait attesté les progrès de la sécurité et le retour accompli du bon ordre.
Cependant les esprits se tournaient vers l’Orient, où se manifestaient des causes presque inévitables de guerre à l’occasion des
projets de la Russie contre l’indépendance de la Porte-Ottomane. La France, sous Napoléon III, ne pouvait abdiquer sa grande
mission qui est de protéger les faibles et de maintenir l’équilibre européen. La Russie, habituée à agir souverainement et sans
contrôle, poursuivait la réalisation de ses desseins, et se mettait peu en peine des réclamations de l’Europe occidentale. Un grave
conflit ne pouvait tarder à naître de cette situation, et tout le monde le pressentait. L’Empereur, investi par le vœu national du
devoir de faire respecter l’honneur du pays, évitait jusqu’au bout de tirer l’épée, tant qu’une dernière espérance subsistait encore
de maintenir honorablement la paix. Durant le cours des négociations, sur l’issue desquelles personne n’osait se faire illusion, une
autre cause d’embarras vraiment redoutables commençait à se produire par suite des intempéries et du mauvais rendement de la
récolte, et les populations n’envisageaient pas sans effroi, à Paris, les éventualités prochaines de la guerre et de la disette. Pour
obvier aux difficultés de cette situation, en ce qui concernait le renchérissement des subsistances, l’Empereur ordonna que des
mesures seraient prises en vue d’assurer à la population de Paris, sans imposer au Trésor des sacrifices impossibles, le maintien
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banderoles, de panoplies, d’inscriptions portant, gravés dans un même écusson, le chiffre de l’Empereur et celui de l’impératrice.
La voiture de Leurs Majestés, qui avait servi au sacre de Napoléon Ier et de Joséphine, était entièrement dorée et surmontée de la
couronne impériale. Maisons, fenêtres, tout était envahi par la population sur le passage du cortège. La décoration de la cathédrale,
d’une grande richesse et parfaitement appropriée au style et aux proportions du monument, produisait le plus merveilleux effet.
Devant le portail, on avait élevé un porche gothique; tout le long de la balustrade qui couronne la galerie des Rois, régnait une
frise d’aigles; neuf bannières vertes, semées d’abeilles, flottaient sur les grandes fenêtres et sur la rose du milieu; la grande
galerie à jour était ornée d’une tenture verte aux semis d’abeilles. A l’intérieur, les piliers de la cathédrale étaient tendus,
jusqu’aux chapiteaux, en velours rouge, bordé de palmes d’or; des deux côtés de la nef et de chaque tribune, pendaient des
tentures en velours rouge, doublées d’hermine aux écussons impériaux, et reliées par des guirlandes de verdure et de fleurs. Le
sommet des ogives était revêtu de pentes vertes, semées d’abeilles. Au milieu du transept, sur une estrade couverte d’un tapis
d’hermine et abritée par un dais magnifique en velours rouge, étaient placés les deux sièges d’honneur réservés à Leurs Majestés.
Quinze mille cierges éclairaient la cathédrale. A une heure, Mgr l’archevêque de Paris donna aux augustes époux la bénédiction
nuptiale, et offrit à Dieu le Saint-Sacrifice. Après la messe, l’assistance entonna le Te Deum, et le cortège, favorisé par un temps
doux et serein, malgré la saison d’hiver, revint aux Tuileries par les quais, la place du Carrousel et le pavillon de l’Horloge.
Le 14 février, l’Empereur fit en personne, au palais des Tuileries, l’ouverture de la session législative. Dans le discours de Sa
Majesté, on remarqua le passage suivant : « 11 y a quatorze mois à peine, le pays était livré aux hasards de l’anarchie.A ceux
qui regretteraient qu’une part plus large n’ait pas été faite (dans nos institutions) à la liberté, je répondrais : La liberté n’a jamais
aidé à fonder d’édifice politique durable; elle le couronne quand le temps la consolide. » C’était résumer à la fois, au point de vue
politique, le présent et l’avenir du règne de Napoléon III. En cette même année 1853, l’histoire de Paris ne fut signalée par aucun
de ces événements graves qui changent la face des empires. Nous en avions vu assez de ces événements, et Paris, aussi bien que
la France, aspirait avant tout à jouir d’un glorieux repos.
La population de la capitale subissait un accroissement rapide, et les ouvriers, attirés de tous les départements à Paris, par la
perspective du travail et des salaires, commençaient à ne pouvoir trouver de logements. Dans cette situation se manifestait un
mouvement de hausse du prix des loyers qui ajoutait aux embarras de la classe laborieuse. Le Gouvernement, s’attachant à
remédier autant que possible aux difficultés de cette situation, décida qu’outre les améliorations imposées aux anciennes habitations
ouvrières, de nouvelles maisons, avec des logements garnis et non garnis, pour les ouvriers célibataires comme pour les ménages,
s’élèveraient à la fois dans plusieurs quartiers de Paris, sur des emplacements bien choisis, à proximité des travaux, et que ces
logements seraient disposés de manière à réunir à l’économie du prix toutes les conditions désirables de bien-être et de salubrité.
De là, l’origine et la fondation de ces cités ouvrières qui existent aujourd’hui à Paris et dont le nombre et l’importance se seraient
accrus si les travailleurs, en vue desquels on cherchait à réaliser une amélioration aussi considérable, ne s’étaient pas trop souvent
montrés animés de préventions ou de défiance contre la pensée de l’administration. Mieux éclairés, sans doute, ils sauront s’y
associer, et l’utile combinaison dont nous parlons portera plus tard ses fruits. Vers le même temps on continuait avec une infatigable
persévérance la construction des grandes halles, ce Louvre du peuple dont Napoléon Ier voulait doter Paris; on entreprenait la
reconstruction du pont Notre-Dame et du pont de l’Hôtel-Dieu ; on abaissait le Pont-Neuf; on déblayait avec une active énergie
les emplacements du Carrousel, naguère encore couverts de vieilles maisons, et qui à cette heure n’offraient qu’un amas de ruines
du milieu desquelles allait surgir un admirable palais; la rue du Cardinal-Lemoine venait d’être ouverte; c’était le moment où
l’Empereur venait d’appeler aux difficiles fonctions de préfet de la Seine M. Haussmann, alors préfet de la Gironde, et dont la
présence aux affaires devait contribuer à hâter la transformation de Paris.
Dans l’ordre des faits politiques, la suppression du ministère de la Police Générale, décrétée le 21 juin 1853, avait produit un
excellent effet sur l’opinion publique, en ce qu’elle avait attesté les progrès de la sécurité et le retour accompli du bon ordre.
Cependant les esprits se tournaient vers l’Orient, où se manifestaient des causes presque inévitables de guerre à l’occasion des
projets de la Russie contre l’indépendance de la Porte-Ottomane. La France, sous Napoléon III, ne pouvait abdiquer sa grande
mission qui est de protéger les faibles et de maintenir l’équilibre européen. La Russie, habituée à agir souverainement et sans
contrôle, poursuivait la réalisation de ses desseins, et se mettait peu en peine des réclamations de l’Europe occidentale. Un grave
conflit ne pouvait tarder à naître de cette situation, et tout le monde le pressentait. L’Empereur, investi par le vœu national du
devoir de faire respecter l’honneur du pays, évitait jusqu’au bout de tirer l’épée, tant qu’une dernière espérance subsistait encore
de maintenir honorablement la paix. Durant le cours des négociations, sur l’issue desquelles personne n’osait se faire illusion, une
autre cause d’embarras vraiment redoutables commençait à se produire par suite des intempéries et du mauvais rendement de la
récolte, et les populations n’envisageaient pas sans effroi, à Paris, les éventualités prochaines de la guerre et de la disette. Pour
obvier aux difficultés de cette situation, en ce qui concernait le renchérissement des subsistances, l’Empereur ordonna que des
mesures seraient prises en vue d’assurer à la population de Paris, sans imposer au Trésor des sacrifices impossibles, le maintien