61 VOYAGE EN ESPAGNE.
familier du roi, et avec lui deux petits pages qui demeurèrent à ses
côtés.
Dès que les gentilshommes furent réunis chez don Nuho, il leur parla
ainsi : « Conduisez-vous comme des chevaliers; ne vous laissez pas
imposer de tribut ; songez à ces exploits que les gentilshommes ont
faits dans nos Espagnes au temps passé; et si vous avez besoin de mes
conseils, je vous les donnerai très-volontiers. »
Alors les chevaliers, les gentilshommes s'écrièrent : « Donnez-les-
nous; nous les prendrons bien. »
« Allez-vous-en à vos logis, armez-vous bien à cheval. Les cinq
maravédis, enserrez-les dans un morceau d'étoffe et suspendez-les de
la sorte à la pointe de vos lances. »
A peine ce conseil était-il donné que tout était achevé.
« Vous nous voyez ici , don Nuho, dirent les chevaliers. Ce que vous
avez commandé, voyez comme nous avons été l'accomplir prompte-
ment, sans contrainte et sans violence. »
Alors parla don Nuho; écoutez bien comment il parla : « Que deux
d'entre vous aillent trouver le roi et lui disent qu'il envoie vite à la
place où nous l'attendons la collection du tribut que Son Altesse a mis
sur nous, et que les gentilshommes sont là disposés à le payer. Si le
collecteur ne vient pas, il n'y aura pas lieu de s'en étonner, car en
Espagne les gentilshommes ne doivent point de tribut. Et celui qui
voudra le nôtre, il faudra qu'il le paye cher.»
Après cela, deux gentilshommes s'en furent vers le roi lui rapporter
la chose. En les entendant, le roi fut très-irrité. Don Diègue, parlant
alors en homme de prudence, de sagesse et de valeur, lui dit : « Bon roi,
mettez la chose à ma charge; rejetez la chose sur moi. Dites que ce
conseil vous vient de moi; exilez-moi du royaume; confisquez mes
terres. Par ce moyen, seigneur, vous apaiserez tout.»
Aussitôt le bon roi fait venir don Nuho et les autres gentilshommes;
puis il leur peint la chose de la manière suivante : « Mes chevaliers,
pardonnez-moi, car j'ai été trompé. C'est don Diègue de Biscaye qui
m'avait conseillé. Je ne veux point votre tribut; au contraire, je
vous rends plus libres qu'auparavant. Don Diègue me payera cher son
mauvais conseil. Qu'il soit exilé de mon royaume et que l'on prenne
familier du roi, et avec lui deux petits pages qui demeurèrent à ses
côtés.
Dès que les gentilshommes furent réunis chez don Nuho, il leur parla
ainsi : « Conduisez-vous comme des chevaliers; ne vous laissez pas
imposer de tribut ; songez à ces exploits que les gentilshommes ont
faits dans nos Espagnes au temps passé; et si vous avez besoin de mes
conseils, je vous les donnerai très-volontiers. »
Alors les chevaliers, les gentilshommes s'écrièrent : « Donnez-les-
nous; nous les prendrons bien. »
« Allez-vous-en à vos logis, armez-vous bien à cheval. Les cinq
maravédis, enserrez-les dans un morceau d'étoffe et suspendez-les de
la sorte à la pointe de vos lances. »
A peine ce conseil était-il donné que tout était achevé.
« Vous nous voyez ici , don Nuho, dirent les chevaliers. Ce que vous
avez commandé, voyez comme nous avons été l'accomplir prompte-
ment, sans contrainte et sans violence. »
Alors parla don Nuho; écoutez bien comment il parla : « Que deux
d'entre vous aillent trouver le roi et lui disent qu'il envoie vite à la
place où nous l'attendons la collection du tribut que Son Altesse a mis
sur nous, et que les gentilshommes sont là disposés à le payer. Si le
collecteur ne vient pas, il n'y aura pas lieu de s'en étonner, car en
Espagne les gentilshommes ne doivent point de tribut. Et celui qui
voudra le nôtre, il faudra qu'il le paye cher.»
Après cela, deux gentilshommes s'en furent vers le roi lui rapporter
la chose. En les entendant, le roi fut très-irrité. Don Diègue, parlant
alors en homme de prudence, de sagesse et de valeur, lui dit : « Bon roi,
mettez la chose à ma charge; rejetez la chose sur moi. Dites que ce
conseil vous vient de moi; exilez-moi du royaume; confisquez mes
terres. Par ce moyen, seigneur, vous apaiserez tout.»
Aussitôt le bon roi fait venir don Nuho et les autres gentilshommes;
puis il leur peint la chose de la manière suivante : « Mes chevaliers,
pardonnez-moi, car j'ai été trompé. C'est don Diègue de Biscaye qui
m'avait conseillé. Je ne veux point votre tribut; au contraire, je
vous rends plus libres qu'auparavant. Don Diègue me payera cher son
mauvais conseil. Qu'il soit exilé de mon royaume et que l'on prenne