DE MADRID A CUENCA. 379
qu'homme de goût '. Ce fut sous sou impulsion que travailla Xamite dit
Jamite, artiste éminent sorti de l'école florentine à l'époque où elle
était la première du monde.
Par Xamite, par Ruodi, et par d'autres artistes que nous avons déjà
fait connaître, Cuenca devint un foyer de travaux remarquables. Une
noble émulation les animait; toutes les constructions se ressentaient de
leur présence. Bien que la ville fût très-petite, elle pouvait suffire gran-
dement à ses charges, et alimenter les sciences, les lettres, les arts avec
l'argent que lui procuraient son territoire, son industrie et son com-
merce. En 1600, on lavait, année commune, dans les eaux de Cuenca
62,000 quintaux de laine, et l'on en teignait à peu près moitié pour
l'usage seul des manufactures voisines. Vers le milieu du siècle dernier,
ce commerce déchut beaucoup; avec le commerce tombèrent les insti-
tutions libérales, industrielles dont il avait favorisé l'essor et dont les
révolutions et les guerres accomplirent la ruine. Aujourd'hui la ville,
presque déserte, ne prend quelque animation qu'à la fête de san Julian,
son patron, et aux anniversaires de la Vierge. Nuestra Senora del Sa-
grario, posée dans une chapelle splendide de la cathédrale, jouit surtout
d'une vénération très-profonde et attire chaque jour des pèlerins.
Pour les naturalistes, aucune partie peut-être de l'Espagne n'est
aussi intéressante que la province de Cuenca. Nous leur recommandons
les sources du Tage, Nacimiento del Tajo, les jolies rives de l'Escabas,
la Cueva del Judio, le lac Noir, laguna Negra, et cet autre lac roman-
tique el Pozo Ayron où don Buesso précipita, dit-on, vingt-quatre de
ses maîtresses; la dernière, mieux avisée que les autres, l'entraîna
dans le gouffre et vengea l'humanité. La Cueva de Pedro Cotillas, ornée
de stalactites, les vallées de Huescar et de Palorema, la Fuente del
Frayle, les Fuentes del Rey, où campa Alonso, les sombres défilés du
val de Cabros, peuplés de sapins, sont autant de sites bien propres à cap-
tiver les amis de la belle nature. On s'y croirait en Écosse; mais il faut
1 Don Ramiro, né à Villa-Escusa en 1459, mort à Cuenca en 1536, repose devant le
maître-autel. On lit sur sa tombe l'inscription suivante :
D. O. M.
Didaco Ramirio Conchesi Episcopo viro raro et doctissimo cui tanta vis animi ingeniique fuit,
ut ad id natum diceres, quodcumque ageret.
qu'homme de goût '. Ce fut sous sou impulsion que travailla Xamite dit
Jamite, artiste éminent sorti de l'école florentine à l'époque où elle
était la première du monde.
Par Xamite, par Ruodi, et par d'autres artistes que nous avons déjà
fait connaître, Cuenca devint un foyer de travaux remarquables. Une
noble émulation les animait; toutes les constructions se ressentaient de
leur présence. Bien que la ville fût très-petite, elle pouvait suffire gran-
dement à ses charges, et alimenter les sciences, les lettres, les arts avec
l'argent que lui procuraient son territoire, son industrie et son com-
merce. En 1600, on lavait, année commune, dans les eaux de Cuenca
62,000 quintaux de laine, et l'on en teignait à peu près moitié pour
l'usage seul des manufactures voisines. Vers le milieu du siècle dernier,
ce commerce déchut beaucoup; avec le commerce tombèrent les insti-
tutions libérales, industrielles dont il avait favorisé l'essor et dont les
révolutions et les guerres accomplirent la ruine. Aujourd'hui la ville,
presque déserte, ne prend quelque animation qu'à la fête de san Julian,
son patron, et aux anniversaires de la Vierge. Nuestra Senora del Sa-
grario, posée dans une chapelle splendide de la cathédrale, jouit surtout
d'une vénération très-profonde et attire chaque jour des pèlerins.
Pour les naturalistes, aucune partie peut-être de l'Espagne n'est
aussi intéressante que la province de Cuenca. Nous leur recommandons
les sources du Tage, Nacimiento del Tajo, les jolies rives de l'Escabas,
la Cueva del Judio, le lac Noir, laguna Negra, et cet autre lac roman-
tique el Pozo Ayron où don Buesso précipita, dit-on, vingt-quatre de
ses maîtresses; la dernière, mieux avisée que les autres, l'entraîna
dans le gouffre et vengea l'humanité. La Cueva de Pedro Cotillas, ornée
de stalactites, les vallées de Huescar et de Palorema, la Fuente del
Frayle, les Fuentes del Rey, où campa Alonso, les sombres défilés du
val de Cabros, peuplés de sapins, sont autant de sites bien propres à cap-
tiver les amis de la belle nature. On s'y croirait en Écosse; mais il faut
1 Don Ramiro, né à Villa-Escusa en 1459, mort à Cuenca en 1536, repose devant le
maître-autel. On lit sur sa tombe l'inscription suivante :
D. O. M.
Didaco Ramirio Conchesi Episcopo viro raro et doctissimo cui tanta vis animi ingeniique fuit,
ut ad id natum diceres, quodcumque ageret.