VOYAGE EN ESPAGNE.
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doutes, bien que je ne l'aie pas vu de nies propres yeux. Tout le monde
en parle ici comme d'une chose vulgaire. Il est donc positif que l'Europe
possède un singe à l'état sauvage , et que ce singe est le magot , simia
inuvs ou pithecus inuus, très-connu des anciens. Il a cinquante centi-
mètres de hauteur, à peu près; pas de queue; son pelage est d'un gris
jaune qui devient blanchâtre par devant. C'est celui que l'on voit le
plus communément dans les ménageries ambulantes, et qui est très-
susceptible d'éducation. Tout le monde sait que ce singe est l'animal
qui, après le danseur, ressemble le plus à l'homme.
Je ne me rappelle pas avoir jamais été rôti d'une façon plus complète
et plus prolongée que je ne l'ai été dans le cours de cette visite. Quel
soleil ! grand Dieu, quelle chaleur! Et pas le moindre souffle d'un veut
quelconque, pas le moindre rafraîchissement possible sur ces hauteurs
arides ! On nous a proposé de voir plusieurs points élevés et découverts
de cette immense forteresse ; mais nous avons renoncé sans peine à un
plaisir douteux acheté au prix d'une grillade assurée. En conséquence,
nous sommes redescendus vers la ville, et nous avons fait irruption dans
le premier cabaret borgne qui s'est rencontré. De l'eau, de l'eau! C'était
un cri général, et, par bonheur, on a pu nous en donner. Les verres
étaient aussitôt vidés que remplis; l'incendie qui nous dévorait mena-
çait de mettre à sec toutes les fontaines environnantes; aussi avons-nous
dû songer aux moyens d'atténuer les inconvénients de cette inondation.
Les azucarillos nous ont paru devoir remédier au mal possible, et
plusieurs douzaines de ces charmantes friandises ont disparu avec une
rapidité qui tenait du prodige. Notre hôte était stupéfait de cette con-
sommation héroïque; plusieurs buveurs attablés regardaient, bouche
béante, nos prodiges, sans savoir à quoi attribuer cette voracité phé-
noménale.
Bien rafraîchis, nous avons arpenté la ville pour en découvrir les beau-
tés. J'ai remarqué plusieurs édifices assez notables portant le nom du
gouverneur Don Georges, et la date de 1788. J'ai aussi visité une église
catholique dans laquelle on célébrait un service funèbre anniversaire.
Le principal autel est orné d'une bonne copie de la Transfiguration de
Raphaël. L'église anglaise est fermée. Messieurs les protestants, qui font
de la religion une affaire, ne s'occupent de ce grave sujet qu'à jour
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doutes, bien que je ne l'aie pas vu de nies propres yeux. Tout le monde
en parle ici comme d'une chose vulgaire. Il est donc positif que l'Europe
possède un singe à l'état sauvage , et que ce singe est le magot , simia
inuvs ou pithecus inuus, très-connu des anciens. Il a cinquante centi-
mètres de hauteur, à peu près; pas de queue; son pelage est d'un gris
jaune qui devient blanchâtre par devant. C'est celui que l'on voit le
plus communément dans les ménageries ambulantes, et qui est très-
susceptible d'éducation. Tout le monde sait que ce singe est l'animal
qui, après le danseur, ressemble le plus à l'homme.
Je ne me rappelle pas avoir jamais été rôti d'une façon plus complète
et plus prolongée que je ne l'ai été dans le cours de cette visite. Quel
soleil ! grand Dieu, quelle chaleur! Et pas le moindre souffle d'un veut
quelconque, pas le moindre rafraîchissement possible sur ces hauteurs
arides ! On nous a proposé de voir plusieurs points élevés et découverts
de cette immense forteresse ; mais nous avons renoncé sans peine à un
plaisir douteux acheté au prix d'une grillade assurée. En conséquence,
nous sommes redescendus vers la ville, et nous avons fait irruption dans
le premier cabaret borgne qui s'est rencontré. De l'eau, de l'eau! C'était
un cri général, et, par bonheur, on a pu nous en donner. Les verres
étaient aussitôt vidés que remplis; l'incendie qui nous dévorait mena-
çait de mettre à sec toutes les fontaines environnantes; aussi avons-nous
dû songer aux moyens d'atténuer les inconvénients de cette inondation.
Les azucarillos nous ont paru devoir remédier au mal possible, et
plusieurs douzaines de ces charmantes friandises ont disparu avec une
rapidité qui tenait du prodige. Notre hôte était stupéfait de cette con-
sommation héroïque; plusieurs buveurs attablés regardaient, bouche
béante, nos prodiges, sans savoir à quoi attribuer cette voracité phé-
noménale.
Bien rafraîchis, nous avons arpenté la ville pour en découvrir les beau-
tés. J'ai remarqué plusieurs édifices assez notables portant le nom du
gouverneur Don Georges, et la date de 1788. J'ai aussi visité une église
catholique dans laquelle on célébrait un service funèbre anniversaire.
Le principal autel est orné d'une bonne copie de la Transfiguration de
Raphaël. L'église anglaise est fermée. Messieurs les protestants, qui font
de la religion une affaire, ne s'occupent de ce grave sujet qu'à jour