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LA VIERGE.
Nuestra Senora de Oca, représentée assise, portant l'enfant Jésus qui tient
une pomme (cathédrale de Burgos); de Nuestra Senora de los Remedios, à
Mondonado, et tant d'autres. Tels se présentent, clans leur ensemble et
dans leurs détails, le grand retable de la vieille cathédrale de Sala-
manque, peinture espagnole du quatorzième siècle; celui d'une cha-
pelle dédiée à sainte Anne, dansla cathédrale de Burgos; les fresques de
la sacristie épiscopale de Tolède, et le retable de la capilla mayor du
même sanctuaire qui, terminé vers 1550, semble clôturer la période
d'expression naïve où s'incarne la Vierge Marie.
En faisant un retour vers l'antique, la renaissance dut apporter, dans
l'expression des Vierges, une modification nouvelle, et se rapprocher de
la byzantine. Marie alors prit une physionomie beaucoup plus sévère :
de simple ménagère qu'elle semblait être, elle redevint reine; elle re-
commença de poser sur un trône; mais elle acheva de perdre la naïveté
d'idéalisme qui caractérise les Vierges des époques antérieures. Cette
phase dura plus d'un siècle. En Allemagne, en France où la réforme
protestante, imposant une attitude vulgaire à l'auguste mère du Christ,
comprimait l'essor des artistes catholiques romains, le prosaïsme devait
naître et se maintenir, tant que se maintiendrait l'hérésie triomphante.
Mais en Espagne, d'où vient qu'il existait aussi? De ce que les artistes y
avaient perdu toute puissance de création. Copistes, ils cessèrent d'être
poètes; ils se rendirent esclaves de la forme; ils ne surent pas, comme
Michel-Ange ou Jean Goujon, en quelques-unes de leurs œuvres, allier
la magie de l'expression à l'élégance du type matériel. Cependant,
une lueur bien remarquable d'idéalisme caractérise parfois certaines
compositions de cette époque si rationnelle. La vision du jésuite Martin
Alvaro, qui crut entendre la Vierge même lui manifester le désir d'être
peinte telle qu'elle lui apparaissait, et qui chargea Vicente Juanès
de reproduire son rêve, donna naissance à une toile colossale, pleine
d'expression. Cette toile existe dans l'église San-Juan de Valence, et
Marie, assure le sacristain, s'en montra satisfaite, car elle complimenta
l'artiste. Dans la même ville, à l'altar mayor de la cathédrale, nous
avons vu des scènes de la vie de Marie, peintes d'une manière remar-
quable, dans le genre florentin, par Felipe Paulo de Santa-Leucadia,
artiste habile, d'origine bourguignone. Nous avons admiré, à la ca-
LA VIERGE.
Nuestra Senora de Oca, représentée assise, portant l'enfant Jésus qui tient
une pomme (cathédrale de Burgos); de Nuestra Senora de los Remedios, à
Mondonado, et tant d'autres. Tels se présentent, clans leur ensemble et
dans leurs détails, le grand retable de la vieille cathédrale de Sala-
manque, peinture espagnole du quatorzième siècle; celui d'une cha-
pelle dédiée à sainte Anne, dansla cathédrale de Burgos; les fresques de
la sacristie épiscopale de Tolède, et le retable de la capilla mayor du
même sanctuaire qui, terminé vers 1550, semble clôturer la période
d'expression naïve où s'incarne la Vierge Marie.
En faisant un retour vers l'antique, la renaissance dut apporter, dans
l'expression des Vierges, une modification nouvelle, et se rapprocher de
la byzantine. Marie alors prit une physionomie beaucoup plus sévère :
de simple ménagère qu'elle semblait être, elle redevint reine; elle re-
commença de poser sur un trône; mais elle acheva de perdre la naïveté
d'idéalisme qui caractérise les Vierges des époques antérieures. Cette
phase dura plus d'un siècle. En Allemagne, en France où la réforme
protestante, imposant une attitude vulgaire à l'auguste mère du Christ,
comprimait l'essor des artistes catholiques romains, le prosaïsme devait
naître et se maintenir, tant que se maintiendrait l'hérésie triomphante.
Mais en Espagne, d'où vient qu'il existait aussi? De ce que les artistes y
avaient perdu toute puissance de création. Copistes, ils cessèrent d'être
poètes; ils se rendirent esclaves de la forme; ils ne surent pas, comme
Michel-Ange ou Jean Goujon, en quelques-unes de leurs œuvres, allier
la magie de l'expression à l'élégance du type matériel. Cependant,
une lueur bien remarquable d'idéalisme caractérise parfois certaines
compositions de cette époque si rationnelle. La vision du jésuite Martin
Alvaro, qui crut entendre la Vierge même lui manifester le désir d'être
peinte telle qu'elle lui apparaissait, et qui chargea Vicente Juanès
de reproduire son rêve, donna naissance à une toile colossale, pleine
d'expression. Cette toile existe dans l'église San-Juan de Valence, et
Marie, assure le sacristain, s'en montra satisfaite, car elle complimenta
l'artiste. Dans la même ville, à l'altar mayor de la cathédrale, nous
avons vu des scènes de la vie de Marie, peintes d'une manière remar-
quable, dans le genre florentin, par Felipe Paulo de Santa-Leucadia,
artiste habile, d'origine bourguignone. Nous avons admiré, à la ca-