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ÉCOLE ITALIENNE

tence, le Dominiquin les supporta avec une patience inaltérable. Accoutumé depuis longtemps à souffrir,
il se résigna aux tourments qui l'assaillirent sous son propre toit comme il s’était résigné aux dédains
de la foule et aux misères de sa vie d'artiste. Jamais en effet les injustices dont il avait été victime n’a¬
vaient pu le rendre injuste à son tour ni même l’aigrir un moment ; jamais il n’essaya d’opposer la mé-
disance à la calomnie et de se venger des rivaux qu’on lui donnait en critiquant amèrement leurs
ouvrages. Ces ouvrages, si inférieurs aux siens, il était au contraire le premier aies étudier, aies louer
de bonne foi, et le Guide qui, il est vrai, ne le persécuta pas directement, mais dont le nom plus qu'au-
cun autre servit de prétexte et d’enseigne aux persécuteurs, le Guide put compter le Dominiquin parmi
ses admirateurs les plus sincères : « Je viens de voir les peintures du Guide à San Domenico et à San
Michèle in Boschi, écrivait le maître à Francesco Poli lors de ce voyage à Bologne, dont nous avons
parlé. On les croirait de la main d'un ange. Oh ! quel reflet du paradis, quelle expression de tendresse !
Oh ! voilà un peintre, etc. » Il fallait, soit dit en passant, que le Dominiquin songeât bien habituelle-
ment au paradis pour le pressentir jusque dans les mondains tableaux du Guide ; mais il fallait aussi
un bien rare désintéressement pour s’humilier à ce point devant un artiste envers qui la sévérité eût
paru d’autant plus de mise qu’elle eût été une revanche légitime et une sorte de prêté-rendu.
L’extrême indulgence avec laquelle le Dominiquin jugeait les autres, son peu de confiance dans ses
propres forces ou plutôt une disposition naturelle à se croire toujours justement blâmé, tout avait con-
tribué au succès de la ligue formée contre lui à Borne. Les menées de Lanfranc ayant achevé de lui
faire perdre un reste de crédit, plusieurs années s’étaient écoulées sans que le peintre de Saint Nil et
de la chapelle de Sainte Cécile sortît, même pour un moment, de l’obscurité d’où il était rentré. A peine
savait-on s’il existait encore. Aux inimitiés dont il s’était vu entouré avait succédé une indifférence
absolue ; mais — cela est triste à dire —cette indifférence semble presque un bienfait au prix de ce qui
allait suivre, puisque le nom du Dominiquin, remis un instant en lumière, ne devait servir qu’à rallier
de plus lâches haines et de plus cruels ennemis.
En se rendant à Naples, où il était appelé pour décorer la chapelle de saint Janvier, dite du Trésor,
le Dominiquin au reste n’ignorait pas qu’il y retrouverait Lanfranc, et, celui-ci n’en étant plus à faire
ses preuves, il fallait s’attendre de ce côté à une reprise d’hostilités, à de nouveaux témoignages de
méchanceté et de bassesse. Toutefois, croyant n’avoir affaire qu’à ce seul ennemi, et rassuré d’ailleurs
par les mesures préalables prises par le vice-roi, le maître avait saisi avec empressement cette occasion
inespérée de reparaître dans un travail digne de lui. Au commencement, les choses se passèrent au
mieux. On avait interdit sous les peines les plus sévères les menaces et les outrages : tout mauvais
traitement envers le Dominiquin devait être puni de l’exil. Lanfranc, qui n’était pas homme à mépriser
l’avertissement, garda quelque temps le silence et se contenta de nourrir dans l’ombre, en attendant de
meilleurs jours, ses projets de vengeance et sa haine. Or, il y avait à Naples deux artistes qui, de leur
côté, ne rêvaient qu’aux moyens de perdre le nouveau venu dans l’esprit du vice-roi, mais qui, moins
patients ou plus malhabiles que Lanfranc, se hasardaient déjà à laisser percer leur rage secrète et leurs
venimeux désirs. L’un était Ribera, talent vigoureux, mais sans élévation, caractère grossier et brutale-
ment envieux ; l’autre se nommait Bélisaire Corenzio, talent superficiel et négligé jusqu’au ridicule,
âme cupide pour qui l’art n’avait de prix qu’autant qu’il procurait la richesse. L’appel fait au Domini-
quin avait enlevé à Corenzio une tâche importante et par conséquent l’espoir d’un gain considérable :
il fallait donc ou déterminer le vice-roi à revenir sur sa décision ou empêcher l’accomplissement de
cette tâche en décourageant celui qui en était chargé. Telle était aussi la pensée de Ribera, blessé dans
sa vanité de chef d’école par la faveur accordée à un autre artiste que lui. Poussés par leurs passions
diverses, ces deux hommes s’unirent donc dans un même ressentiment, et, sans accuser ouvertement le
Dominiquin, ils tentèrent d’abord, en parlant de sa lenteur habituelle, d’effrayer le prince sur la durée
probable du travail. Il est vrai que, pour mieux justifier les craintes à ce propos, des mains inconnues
effaçaient la nuit ce que le Dominiquin avait peint dans la journée ; que, d’autre part, la chaux dont se
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