2 ÉCOLE FLAMANDE.
aisément sa porte aux peintres qui, poursuivis par une compagnie rivale, cherchaient en son sein un lieu
d’asile; enfin le membre qu’elle venait de s’adjoindre s’abritait sous la puissante égide de Lebrun: il fut
'donc reçu comme un enfant de la maison.
Le nouvel académicien était né à Anvers le 25 mai 1640 ’. On ne sait pas exactement ce que fut son
père; mais on a quelque raison de supposer, un peu à cause de la parfaite identité du nom, que le jeune
artiste pourrait être de fils d’un certain Abraham Genoels, qui, pendant l’exercice 1636 à 1637, avait été
reçu franc-maître de la «corporation de Saint-Luc. Quoi qu’il en soit, Abraham commença de bonne
heure l’élude de son art; à onze ans il entrait dans l’atelier d’un maître secondaire, Backereel *,-chez
lequel il devait rester jusqu’à sa quinzième année. Backereel lui apprit à peindre la figure, et l’on sait
en effet que la première ambition d’Abraham 'Genoels fut de se consacrer exclusivement au portrait; mais
élargissant bientôt son rêve, il se laissa tenter par le paysage, et il en étudia le secret à la meilleure des
écoles, dans ces campagnes lumineuses et'Vertes qui entourent Anvers d’une fraîche ceinture de prairies.
Descamps nous apprend que Genoels eut aussi un autre maître : désireux de connaître la perspective
jusque dans ses lois les plus abstraites, il alla pendant quelque temps demeurer à Bois-le-Duc auprès
d’un certain Firelans, dont le nom, défiguré peut-être, n’a point laissé de trace dans l’histoire de l’art.
Lorsqu’il eut appris avec lui les théories de l’optique et de la géométrie, Genoels, beaucoup plus instruit
que les artistes ne le sont d’ordinaire, revint dans sa ville natale.
L’heure était excellente pour y rester et s’y faire un nom, car Van Uden et Van Artois ne tenaient plus
le pinceau que d’une main défaillante, et les paysagistes devenaient rares. Mais Abraham Genoels avait
l’esprit inquiet et curieux; un vague désir de voir le monde le poussait; d’ailleurs, l’école d’Anvers était
déjà sur une pente fatale, il le comprit, et avide de se retremper à des sources plus vives, il se dirigea
vers la France.
Toutefois « la guerre entre l’Espagne et la France l’empêcha, nous dit-on, de partir sur-le-champ.
Peu après, il se rendit à Amsterdam, où il s’embarqua pour Dieppe sur une flotte marchande, escortée par
des vaisseaux de guerre. Il arriva enfin à Paris; il y trouva Laurent Franck, son neveu, et Francisque
Milé 4. » Lorsque Genoels venait ainsi grossir la colonie, je devrais dire la famille d’artistes flamands établis
parmi nous, l’heure était décisive. Le traité des Pyrénées avait donné la paix à la France. Fouquet était
encore surintendant; mais déjà Colbert avait le département des arts et préparait de grandes choses.
Abraham Genoels trouva aisément à s’employer. L’académicien Pierre de Sève, qui peignait des modèles de
tapisseries, fut trop heureux de trouver en lui un aide intelligent. Descamps nous apprend en outre que le
grand-prieur lui avait donné un atelier au Temple et qu’il lit pour lui diverses peintures; enfin Genoels
peignit aussi des paysages qui lui furent demandés.par la princesse de Condé et par l’ambassadeur
d’Angleterre.
Ainsi la vie commençait pour l’artiste flamand sous les auspices les plus heureux, et tout marchait au
gré de ses rêves, lorsque des difficultés, qu’il aurait dû prévoir, lui furent tout à coup suscitées et
l’arrêtèrent un instant dans ses travaux. On sait quelle loi rigoureuse pesait alors sur l’art et sur les
artistes. Il n’était pas loisible à chacun dé faire œuvre de peinture. La communauté de Saint-Luc, gardienne
1 Les dates de naissance et de mort de Genoels que nous donnons sont, non pas différentes, mais plus précises que celles
qu’indiquent les historiens flamands. Nous les empruntons à Mariette, qui les tenait de Reynez, le concierge de fAcadémie,
honnête homme qui prenait des notes sur tout et qui, de l’aveu de Mariette, « étoit l’exactitude même. »
2 Descamps donne à Backereel le prénom de Jacques ; les auteurs du catalogue du Musée d’Anvers l’appellent Abraham. Il y a
là une petite difficulté que nous ne sommes pas en mesure de résoudre; ce qui, à nos yeux, complique la question, c’est que.
les deux Backereel que nous connaissons par les tableaux religieux exposés dans les églises de Bruges et au Musée de Bruxelles,
se nomment l’un Guillaume et l’autre Gilles. Ils paraissent être nés à Anvers, le premier en -1570, le second en -1572. La date
de leur mort n’est point connue; mais, si longue qu’ait été leur vie, aucun d’eux n’aurait pu être le maître de Genoels. Us eurent
sans doute des fils et des neveux, et c’est dans cette descendance ignorée qu’il faudrait chercher le professeur de notre paysagiste.
•1 2 3 Descamps , Nie des peintres flamands et hollandais, t. in, p. 93.
aisément sa porte aux peintres qui, poursuivis par une compagnie rivale, cherchaient en son sein un lieu
d’asile; enfin le membre qu’elle venait de s’adjoindre s’abritait sous la puissante égide de Lebrun: il fut
'donc reçu comme un enfant de la maison.
Le nouvel académicien était né à Anvers le 25 mai 1640 ’. On ne sait pas exactement ce que fut son
père; mais on a quelque raison de supposer, un peu à cause de la parfaite identité du nom, que le jeune
artiste pourrait être de fils d’un certain Abraham Genoels, qui, pendant l’exercice 1636 à 1637, avait été
reçu franc-maître de la «corporation de Saint-Luc. Quoi qu’il en soit, Abraham commença de bonne
heure l’élude de son art; à onze ans il entrait dans l’atelier d’un maître secondaire, Backereel *,-chez
lequel il devait rester jusqu’à sa quinzième année. Backereel lui apprit à peindre la figure, et l’on sait
en effet que la première ambition d’Abraham 'Genoels fut de se consacrer exclusivement au portrait; mais
élargissant bientôt son rêve, il se laissa tenter par le paysage, et il en étudia le secret à la meilleure des
écoles, dans ces campagnes lumineuses et'Vertes qui entourent Anvers d’une fraîche ceinture de prairies.
Descamps nous apprend que Genoels eut aussi un autre maître : désireux de connaître la perspective
jusque dans ses lois les plus abstraites, il alla pendant quelque temps demeurer à Bois-le-Duc auprès
d’un certain Firelans, dont le nom, défiguré peut-être, n’a point laissé de trace dans l’histoire de l’art.
Lorsqu’il eut appris avec lui les théories de l’optique et de la géométrie, Genoels, beaucoup plus instruit
que les artistes ne le sont d’ordinaire, revint dans sa ville natale.
L’heure était excellente pour y rester et s’y faire un nom, car Van Uden et Van Artois ne tenaient plus
le pinceau que d’une main défaillante, et les paysagistes devenaient rares. Mais Abraham Genoels avait
l’esprit inquiet et curieux; un vague désir de voir le monde le poussait; d’ailleurs, l’école d’Anvers était
déjà sur une pente fatale, il le comprit, et avide de se retremper à des sources plus vives, il se dirigea
vers la France.
Toutefois « la guerre entre l’Espagne et la France l’empêcha, nous dit-on, de partir sur-le-champ.
Peu après, il se rendit à Amsterdam, où il s’embarqua pour Dieppe sur une flotte marchande, escortée par
des vaisseaux de guerre. Il arriva enfin à Paris; il y trouva Laurent Franck, son neveu, et Francisque
Milé 4. » Lorsque Genoels venait ainsi grossir la colonie, je devrais dire la famille d’artistes flamands établis
parmi nous, l’heure était décisive. Le traité des Pyrénées avait donné la paix à la France. Fouquet était
encore surintendant; mais déjà Colbert avait le département des arts et préparait de grandes choses.
Abraham Genoels trouva aisément à s’employer. L’académicien Pierre de Sève, qui peignait des modèles de
tapisseries, fut trop heureux de trouver en lui un aide intelligent. Descamps nous apprend en outre que le
grand-prieur lui avait donné un atelier au Temple et qu’il lit pour lui diverses peintures; enfin Genoels
peignit aussi des paysages qui lui furent demandés.par la princesse de Condé et par l’ambassadeur
d’Angleterre.
Ainsi la vie commençait pour l’artiste flamand sous les auspices les plus heureux, et tout marchait au
gré de ses rêves, lorsque des difficultés, qu’il aurait dû prévoir, lui furent tout à coup suscitées et
l’arrêtèrent un instant dans ses travaux. On sait quelle loi rigoureuse pesait alors sur l’art et sur les
artistes. Il n’était pas loisible à chacun dé faire œuvre de peinture. La communauté de Saint-Luc, gardienne
1 Les dates de naissance et de mort de Genoels que nous donnons sont, non pas différentes, mais plus précises que celles
qu’indiquent les historiens flamands. Nous les empruntons à Mariette, qui les tenait de Reynez, le concierge de fAcadémie,
honnête homme qui prenait des notes sur tout et qui, de l’aveu de Mariette, « étoit l’exactitude même. »
2 Descamps donne à Backereel le prénom de Jacques ; les auteurs du catalogue du Musée d’Anvers l’appellent Abraham. Il y a
là une petite difficulté que nous ne sommes pas en mesure de résoudre; ce qui, à nos yeux, complique la question, c’est que.
les deux Backereel que nous connaissons par les tableaux religieux exposés dans les églises de Bruges et au Musée de Bruxelles,
se nomment l’un Guillaume et l’autre Gilles. Ils paraissent être nés à Anvers, le premier en -1570, le second en -1572. La date
de leur mort n’est point connue; mais, si longue qu’ait été leur vie, aucun d’eux n’aurait pu être le maître de Genoels. Us eurent
sans doute des fils et des neveux, et c’est dans cette descendance ignorée qu’il faudrait chercher le professeur de notre paysagiste.
•1 2 3 Descamps , Nie des peintres flamands et hollandais, t. in, p. 93.