MARTES.
179
l’on trouve, d’ailleurs, dans tous les petits carnassiers. Moins sauvage que la marte,
plus esfrontée que le putois, elle ose pénétrer dans les habitations, et jusque dans
les caves et les celliers. Elle doit cette audace, non à sa sorce ni à son courage,
mais à une arme singulière qui ne manque jamais de mettre en fuite ses ennemis
même les plus acharnés ; et cette arme n’est rien autre chose que l’odeur infecte,
insupportable, qu’elle exhale à volonté. La liqueur qui la produit est épaisse,
jaunâtre, semblable à du pus, renfermée dans deux grosses glandes entourées de
muscles puissants, de manière que, lorsque l’animal est irrité, il comprime vio-
lemment ses glandes, et la liqueur empoisonnée peut être lancée assez loin par
l’anus. Comme la moufette porte constamment la queue retroussée sur son dos,
cette partie est, ainsi que le reste du pelage, à l’abri de son atteinte, d’où il ré-
sulte que l’animal lui-même n’a pas d’odeur, ou du moins en a une supportable.
C’est ce qu’on a pu voir à la ménagerie, où l'on a conservé vivant, pendant quel-
que temps, un de ces animaux. « Dans les terres voisines du détroit de Magellan,
dit le capitaine Wood, nous vîmes un animal auquel nous donnâmes le nom de
grondeur ou de sousfleur, parce qu’il ne voit pas plutôt quelqu’un, qu’il gronde,
souffle et gratte la terre avec ses pieds de devant, quoiqu’il n’ait pour toute dé-
sense que scn derrière qu’il tourne d’abord vers celui qui l’approche, et d’où il
fait sortir des excréments d’une odeur la plus détestable qu’il y ait au monde. »
On lit dans Garcillasso de la Vega : « Il y a au Pérou beaucoup de petits renards
parmi lesquels il faut remarquer ceux qui rendent une odeur insupportable ; ils
entrent la nuit dans les villes, et quelque fermées que soient les senêtres, on les
sent de plus de cent pas; heureusement que le nombre en est petit, car sans cela
ils empuantiraient le monde entier. » D’autres voyageurs disent que cette insup-
portable odeur est si forte, qu’elle se fait sentir à un quart de lieue à la ronde,
et qu’elle sufsoque tellement les chiens par lesquels on fait attaquer une mou-
sette, qu’ils en sont malades pendant six heures. Si une goutte de la liqueur
odorante tombe sur les habits de quelqu’un, ils en sont empestés pour plus de
six mois, malgré toutes les précautions que l’on peut prendre pour les désinsec-
ter. « Quand cet animal, dit Kahn en parlant du fisltalte ou polecat, est chassé
soit parles chiens, soit par l’homme, il court tant qu’il peut, et lorsqu’il se trouve
trop pressé, il lance son urine contre ceux qui le poursuivent. L’odeur en est si
forte, qu’elle susfoque ; s’il tombait une goutte de cette liqueur empestée dans les
yeux, on courrait risque de perdre la vue... La plupart des chiens se rebutent et
s’enfuient dès qu’ils en sont frappés... En 1749, il vint un de ces animaux près
de la ferme où je logeais ; c’était en hiver et pendant la nuit, les chiens étaient
éveillés et le poursuivaient. Dans le moment il se répandit une odeur si fétide,
qu’étant dans mon lit je pensai être sufsoqué; les vaches beuglaient de toute
leur force... Sur la fin de la même année, il s’en glissa un autre dans notre cave ;
mais il ne répandit pas la plus légère odeur, parce qu’il ne la répand que quand
il est chassé ou pressé. Une femme, qui l’aperçut la nuit à ses yeux étincelants,
le tua, et dans le moment il remplit la cave d’une telle odeur, que non-seulement
cette semme fut malade pendant quelques jours, mais que le pain, la viande et les
autres provisions qu’on conservait dans cette cave furent tellement infectés, qu’on
ne put rien en garder, et qu’il fallut tout jeter dehors. » J’ajouterai que, au Jar-
din des Plantes, les peaux seules de mousettes infectent pour plusieurs mois les
179
l’on trouve, d’ailleurs, dans tous les petits carnassiers. Moins sauvage que la marte,
plus esfrontée que le putois, elle ose pénétrer dans les habitations, et jusque dans
les caves et les celliers. Elle doit cette audace, non à sa sorce ni à son courage,
mais à une arme singulière qui ne manque jamais de mettre en fuite ses ennemis
même les plus acharnés ; et cette arme n’est rien autre chose que l’odeur infecte,
insupportable, qu’elle exhale à volonté. La liqueur qui la produit est épaisse,
jaunâtre, semblable à du pus, renfermée dans deux grosses glandes entourées de
muscles puissants, de manière que, lorsque l’animal est irrité, il comprime vio-
lemment ses glandes, et la liqueur empoisonnée peut être lancée assez loin par
l’anus. Comme la moufette porte constamment la queue retroussée sur son dos,
cette partie est, ainsi que le reste du pelage, à l’abri de son atteinte, d’où il ré-
sulte que l’animal lui-même n’a pas d’odeur, ou du moins en a une supportable.
C’est ce qu’on a pu voir à la ménagerie, où l'on a conservé vivant, pendant quel-
que temps, un de ces animaux. « Dans les terres voisines du détroit de Magellan,
dit le capitaine Wood, nous vîmes un animal auquel nous donnâmes le nom de
grondeur ou de sousfleur, parce qu’il ne voit pas plutôt quelqu’un, qu’il gronde,
souffle et gratte la terre avec ses pieds de devant, quoiqu’il n’ait pour toute dé-
sense que scn derrière qu’il tourne d’abord vers celui qui l’approche, et d’où il
fait sortir des excréments d’une odeur la plus détestable qu’il y ait au monde. »
On lit dans Garcillasso de la Vega : « Il y a au Pérou beaucoup de petits renards
parmi lesquels il faut remarquer ceux qui rendent une odeur insupportable ; ils
entrent la nuit dans les villes, et quelque fermées que soient les senêtres, on les
sent de plus de cent pas; heureusement que le nombre en est petit, car sans cela
ils empuantiraient le monde entier. » D’autres voyageurs disent que cette insup-
portable odeur est si forte, qu’elle se fait sentir à un quart de lieue à la ronde,
et qu’elle sufsoque tellement les chiens par lesquels on fait attaquer une mou-
sette, qu’ils en sont malades pendant six heures. Si une goutte de la liqueur
odorante tombe sur les habits de quelqu’un, ils en sont empestés pour plus de
six mois, malgré toutes les précautions que l’on peut prendre pour les désinsec-
ter. « Quand cet animal, dit Kahn en parlant du fisltalte ou polecat, est chassé
soit parles chiens, soit par l’homme, il court tant qu’il peut, et lorsqu’il se trouve
trop pressé, il lance son urine contre ceux qui le poursuivent. L’odeur en est si
forte, qu’elle susfoque ; s’il tombait une goutte de cette liqueur empestée dans les
yeux, on courrait risque de perdre la vue... La plupart des chiens se rebutent et
s’enfuient dès qu’ils en sont frappés... En 1749, il vint un de ces animaux près
de la ferme où je logeais ; c’était en hiver et pendant la nuit, les chiens étaient
éveillés et le poursuivaient. Dans le moment il se répandit une odeur si fétide,
qu’étant dans mon lit je pensai être sufsoqué; les vaches beuglaient de toute
leur force... Sur la fin de la même année, il s’en glissa un autre dans notre cave ;
mais il ne répandit pas la plus légère odeur, parce qu’il ne la répand que quand
il est chassé ou pressé. Une femme, qui l’aperçut la nuit à ses yeux étincelants,
le tua, et dans le moment il remplit la cave d’une telle odeur, que non-seulement
cette semme fut malade pendant quelques jours, mais que le pain, la viande et les
autres provisions qu’on conservait dans cette cave furent tellement infectés, qu’on
ne put rien en garder, et qu’il fallut tout jeter dehors. » J’ajouterai que, au Jar-
din des Plantes, les peaux seules de mousettes infectent pour plusieurs mois les