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https://doi.org/10.11588/diglit.42500#0330
3o4 ACADEMIE DES SCIENCES,
de Tes lauriers les fruits délicieux de ses estudes. 11 pasia mesme à une
recherche fort exadte des beautez de la Grece , &: les posseda avec
tant d’avantages , qu’on en vid peu de son temps plus sçavans que luy
en cette Langue. Mais apres avoir demeuré quelque temps dans le sein
de ses Muses , il fut obligé à se ravir à soy-mesme , & à sacrifier son
repos au Public : car comme il passoit facilement pour l’un des plus
disèrts de la France ; on jetta l’œil sur sa personne , pour luy donner
la Chaire de l’Eloquence , que Pierre Ramus avoit occupée avec beau-
coup de réputation dans le College Royal à Paris. Ce doéfe Succesieur
ne s’acquitta pas avec moins d’honneur de cette pénible fon&ion : il
fè fit entendre avec tant d’éclat au dessus de ses Collègues , que la
Jeunesse curieuse abandonna leurs Ecoles pour remplir son auditoire ;
où mesme les plus considerables personnes du Royaume alloient sou-
vent repaistre leurs esprits du miel de son Eloquence lors principale-
ment qu’il entreprennoit de leur découvrir le sens caché des plus grands
geniesdela Langue Latine j ce qu’il faisoit avec une facilité qui ravis-
soit leurs esprits d’étonnemenr. Ce fut par ces aimables chaisnes qu’il
captiva le cœur de Henry de Mesme , cét illushre Amateur des belles
Lettres , & qu’il se lia si étroittement d’amitié avec luy , qu’il leur fut
impossible depuis lors de se separer , &: de vivre l’un sans l’autre. Ausiî
pour jouir plus facilement de cette aggreable communication d’esprit.
De Mesme receut Passerat en sa maison, & l’y retint plus de tren-
te ans avec une tendresie qui fit allez voir combien il estoit charmé de
sa vertu , & de sa doctrine. Passerat de son collé reconnut tous-
jours ses bienfaits comme il devoit , &: ne manqua jamais de les pu-
blier ; afin de n’en point étouffer le beau souvenir par un silence in-
grat &: reprochable : il avoit mesme accoulfumé de luy presenter tous
les ans pour étrenes quelques Poèmes de sa façon , comme autant
d’hommages qu’il croyoit elfre obligé de rendre à une Famille où il
trouvoit le repos de ses efiudes , Sc le doux contentement de sa vie:
& quelques ouvrages qu’il ait entrepris ; quelques compositions que
sa dode plume ait mises au jour ; il y en a peu qui ne portent avec
les marques signalées de son érudition , celles de là genereuse rëcon-
noitfance. Je pourrois marquer icy plusieurs de ces nobles enfaris de
son esprit, qu’il a produits en Prose , &. enVers; en Latin, ôc en Fran-
çois , s’il ne suffisoic de voir ses Commentaires sur Cicéron , & sur les
Comédies de Plaute, pour elfre persuadé de la parfaite connoissance
qu’il avoit de la pureté du Ifile Romain. Cét homme incomparable ayant
l’ame si accomplie , avoit des imperfedions dans le corps asiez remar-
quables : il ne voyoit que d’un œil , depuis qu’il avoit perdu l’autre
d'un coup de Balon dans un jeu de Paume ; & son visage elfoit cou-
vert de quelques taches de couleur de pourpre , qui le rendoient d’un
abord farouche : mais ce n’elfoit qu*un sombre nuage, au travers du-
quel on voyoit briller sa candeur , sa gaveté naturelle , &: la douceur
de sa convention , comme autant de rayons de sa belle ame. Il fut
toute sa vie fort modéré en sa fortune , ausii bien qu’en ses mœurs, &
souffrit avec une resignation vrayment Chrelfienne les incommoditez
d’une longue maladie ; qui après l’avoir tenu cinq ans au lid , mit une
fin pieuse à son innocente vie l’an mille six cens deux , le soixante-
treizieme de son âge. Jean Jaques De Mesme, fils de Henry De Mes-
me; conièrvant pour la mémoire de ce sçavant homme une affeétion
pareille à celle que son Pere avoit eue pour luy pendant là vie , fit
graver sa figure sur la Tombe en l’Eglife des Jacobins prés de la Porte
de Saint Jaques à Paris, ôc l’accompagna d'une Epitaphe Latine , que
de Tes lauriers les fruits délicieux de ses estudes. 11 pasia mesme à une
recherche fort exadte des beautez de la Grece , &: les posseda avec
tant d’avantages , qu’on en vid peu de son temps plus sçavans que luy
en cette Langue. Mais apres avoir demeuré quelque temps dans le sein
de ses Muses , il fut obligé à se ravir à soy-mesme , & à sacrifier son
repos au Public : car comme il passoit facilement pour l’un des plus
disèrts de la France ; on jetta l’œil sur sa personne , pour luy donner
la Chaire de l’Eloquence , que Pierre Ramus avoit occupée avec beau-
coup de réputation dans le College Royal à Paris. Ce doéfe Succesieur
ne s’acquitta pas avec moins d’honneur de cette pénible fon&ion : il
fè fit entendre avec tant d’éclat au dessus de ses Collègues , que la
Jeunesse curieuse abandonna leurs Ecoles pour remplir son auditoire ;
où mesme les plus considerables personnes du Royaume alloient sou-
vent repaistre leurs esprits du miel de son Eloquence lors principale-
ment qu’il entreprennoit de leur découvrir le sens caché des plus grands
geniesdela Langue Latine j ce qu’il faisoit avec une facilité qui ravis-
soit leurs esprits d’étonnemenr. Ce fut par ces aimables chaisnes qu’il
captiva le cœur de Henry de Mesme , cét illushre Amateur des belles
Lettres , & qu’il se lia si étroittement d’amitié avec luy , qu’il leur fut
impossible depuis lors de se separer , &: de vivre l’un sans l’autre. Ausiî
pour jouir plus facilement de cette aggreable communication d’esprit.
De Mesme receut Passerat en sa maison, & l’y retint plus de tren-
te ans avec une tendresie qui fit allez voir combien il estoit charmé de
sa vertu , & de sa doctrine. Passerat de son collé reconnut tous-
jours ses bienfaits comme il devoit , &: ne manqua jamais de les pu-
blier ; afin de n’en point étouffer le beau souvenir par un silence in-
grat &: reprochable : il avoit mesme accoulfumé de luy presenter tous
les ans pour étrenes quelques Poèmes de sa façon , comme autant
d’hommages qu’il croyoit elfre obligé de rendre à une Famille où il
trouvoit le repos de ses efiudes , Sc le doux contentement de sa vie:
& quelques ouvrages qu’il ait entrepris ; quelques compositions que
sa dode plume ait mises au jour ; il y en a peu qui ne portent avec
les marques signalées de son érudition , celles de là genereuse rëcon-
noitfance. Je pourrois marquer icy plusieurs de ces nobles enfaris de
son esprit, qu’il a produits en Prose , &. enVers; en Latin, ôc en Fran-
çois , s’il ne suffisoic de voir ses Commentaires sur Cicéron , & sur les
Comédies de Plaute, pour elfre persuadé de la parfaite connoissance
qu’il avoit de la pureté du Ifile Romain. Cét homme incomparable ayant
l’ame si accomplie , avoit des imperfedions dans le corps asiez remar-
quables : il ne voyoit que d’un œil , depuis qu’il avoit perdu l’autre
d'un coup de Balon dans un jeu de Paume ; & son visage elfoit cou-
vert de quelques taches de couleur de pourpre , qui le rendoient d’un
abord farouche : mais ce n’elfoit qu*un sombre nuage, au travers du-
quel on voyoit briller sa candeur , sa gaveté naturelle , &: la douceur
de sa convention , comme autant de rayons de sa belle ame. Il fut
toute sa vie fort modéré en sa fortune , ausii bien qu’en ses mœurs, &
souffrit avec une resignation vrayment Chrelfienne les incommoditez
d’une longue maladie ; qui après l’avoir tenu cinq ans au lid , mit une
fin pieuse à son innocente vie l’an mille six cens deux , le soixante-
treizieme de son âge. Jean Jaques De Mesme, fils de Henry De Mes-
me; conièrvant pour la mémoire de ce sçavant homme une affeétion
pareille à celle que son Pere avoit eue pour luy pendant là vie , fit
graver sa figure sur la Tombe en l’Eglife des Jacobins prés de la Porte
de Saint Jaques à Paris, ôc l’accompagna d'une Epitaphe Latine , que