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https://doi.org/10.11588/diglit.42501#0516
5oo ACADEMIE DES SCIENCES,
Gérard Segers, 8c natis d’Anvers; où il vivoit l’an mille si x cens qua-
rante-six , âgé d’environ quarante-cinq ans. Ayant appris son Art de
Jean Breugel il embrassa la réglé des Jesuites , qui le receurent pour
Frere Laïc dans le Convent d’Anvers, à cause de la gentillesse, 8c delà
douceur de son esprit. A peine eut-il sàtisfait aux devoirs du Novitias
qu’il reprit les instrumens de son Art. Ses Supérieurs vouîans profiter
de son ïndustrie l’envoyerent à Bruxelles, où il sie par leur ordre ces
paysages que son voit dans leur Eglise au dessus des sieges confeslîon-
naux; qui representent quelques histoires de la Compagnie, particuliè-
rement de ce qui s’est passe au Japon. Quelque temps après trouvant
une occasion favorabîé de faire le voyage de Rome , il y alla pourvoir
ce que l’Art , 8c la Nature forment de merveilleux en cette capitale
du Monde. Y estant arrivé il travailla incessamment à desseigner ce qu’il
y avoit de plus exquis dans les Palais , & les Jardins ; 6e lors qu’il fut
de retour au Pays-bas , il fit paroistre ces raretez agréables aux yeux'
des Curieux avec une eîegance qui leur fit naistre le desir d’y pouvoir
participer : mais comme il ne travaillait point pour le vulgaire ; il
n’y a que les Princes , & les Jesuites qui possedentdes pièces de sa main.
On en voit de fort excellentes dans l'Egide d’Anvers , de mestne que
dans les cabinets de l’Empereur , & du Roy d’Espagne ; qui par leurs
magnifiques recompenses donnèrent bien à connoitre l’efiime qu’ils en
faisoient. Le Prince d’Orange les desira avec tant de pasiion , qu’il en-
voya son Peintre Thomas Willeborts exprès à Anvers pour en obtenir.
Segers fit pour Iuy avec la permisflon de ses Supérieurs un vase en
ovale remply de sseurs , sur lesquelles il peignit quelques papillons , 8c
autres bestioles avec une delicatesse qui augmente encore les beautez
de cette rare Peinture : ausli ce Prince en fut si satisfait , que voyant
que les Jesuites reslisoient honnestement l’argent qu’il leur ofFroit pour
cét ouvrage ; il leur envoya un Dixain de fin or, dont les grains estoient
fort gros en forme d’Oranges émaillées; en outre une palette, &quel-
ques bâtons de pinceaux auffî de fin or ; 8c sit accompagner cette re-
connoissance d’un remerciment qui témoigna combien il prisoit le beau
present qu’il avoit receu. La Princesse d’Orange eut aussi du mesime
Segers un vase plein de sseurs, parmy lesquelles il a entre-mélé quel-
ques branches d’Orangers chargées de leur fruit d’une façon que l’on
ne peut allez admirer. Cette Princesse non moins genereuse qu’affedion-
née aux Arts donna pour recompense aux Peres une croix d’or émail-
lée pelant plus d’une Livre , avec un passeporr pour vaquer à leurs af-
faires dans le plat Pays. Certes ces Tableaux ont des perfeélions dignes
de ces liberalitez, & d’eflre admirées de tous les Amateurs de la Pein-
ture : ils representent aux yeux ce que Flore 8c Pommone nous prô-
sentent de plus délicieux 8c de plus agréable. La main ingenieuse de
Segers ya fait éclorre des sseurs qui ne ssestriront jamais; 8c ces in-
nocentes beautez, que le Soleil fait naistre 8c mourir, luy doivent pour
ainsidire leur immortalité : de sortequ’en les voyant nous ne pourrions
mieux exprimer noflre ravissement que par ces Vers.
Gérard Segers, 8c natis d’Anvers; où il vivoit l’an mille si x cens qua-
rante-six , âgé d’environ quarante-cinq ans. Ayant appris son Art de
Jean Breugel il embrassa la réglé des Jesuites , qui le receurent pour
Frere Laïc dans le Convent d’Anvers, à cause de la gentillesse, 8c delà
douceur de son esprit. A peine eut-il sàtisfait aux devoirs du Novitias
qu’il reprit les instrumens de son Art. Ses Supérieurs vouîans profiter
de son ïndustrie l’envoyerent à Bruxelles, où il sie par leur ordre ces
paysages que son voit dans leur Eglise au dessus des sieges confeslîon-
naux; qui representent quelques histoires de la Compagnie, particuliè-
rement de ce qui s’est passe au Japon. Quelque temps après trouvant
une occasion favorabîé de faire le voyage de Rome , il y alla pourvoir
ce que l’Art , 8c la Nature forment de merveilleux en cette capitale
du Monde. Y estant arrivé il travailla incessamment à desseigner ce qu’il
y avoit de plus exquis dans les Palais , & les Jardins ; 6e lors qu’il fut
de retour au Pays-bas , il fit paroistre ces raretez agréables aux yeux'
des Curieux avec une eîegance qui leur fit naistre le desir d’y pouvoir
participer : mais comme il ne travaillait point pour le vulgaire ; il
n’y a que les Princes , & les Jesuites qui possedentdes pièces de sa main.
On en voit de fort excellentes dans l'Egide d’Anvers , de mestne que
dans les cabinets de l’Empereur , & du Roy d’Espagne ; qui par leurs
magnifiques recompenses donnèrent bien à connoitre l’efiime qu’ils en
faisoient. Le Prince d’Orange les desira avec tant de pasiion , qu’il en-
voya son Peintre Thomas Willeborts exprès à Anvers pour en obtenir.
Segers fit pour Iuy avec la permisflon de ses Supérieurs un vase en
ovale remply de sseurs , sur lesquelles il peignit quelques papillons , 8c
autres bestioles avec une delicatesse qui augmente encore les beautez
de cette rare Peinture : ausli ce Prince en fut si satisfait , que voyant
que les Jesuites reslisoient honnestement l’argent qu’il leur ofFroit pour
cét ouvrage ; il leur envoya un Dixain de fin or, dont les grains estoient
fort gros en forme d’Oranges émaillées; en outre une palette, &quel-
ques bâtons de pinceaux auffî de fin or ; 8c sit accompagner cette re-
connoissance d’un remerciment qui témoigna combien il prisoit le beau
present qu’il avoit receu. La Princesse d’Orange eut aussi du mesime
Segers un vase plein de sseurs, parmy lesquelles il a entre-mélé quel-
ques branches d’Orangers chargées de leur fruit d’une façon que l’on
ne peut allez admirer. Cette Princesse non moins genereuse qu’affedion-
née aux Arts donna pour recompense aux Peres une croix d’or émail-
lée pelant plus d’une Livre , avec un passeporr pour vaquer à leurs af-
faires dans le plat Pays. Certes ces Tableaux ont des perfeélions dignes
de ces liberalitez, & d’eflre admirées de tous les Amateurs de la Pein-
ture : ils representent aux yeux ce que Flore 8c Pommone nous prô-
sentent de plus délicieux 8c de plus agréable. La main ingenieuse de
Segers ya fait éclorre des sseurs qui ne ssestriront jamais; 8c ces in-
nocentes beautez, que le Soleil fait naistre 8c mourir, luy doivent pour
ainsidire leur immortalité : de sortequ’en les voyant nous ne pourrions
mieux exprimer noflre ravissement que par ces Vers.