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N° 163

BULLETIN DE L'ART POUR TOUS

n'est pas jusqu'à ces chères petites choses di-
vines : les fleurs, qu'il ne paraisse vouloir
remercier de s'associer à notre vie par les joies
et les consolations qu'elles nous donnent.
L'Hommage à Delacroix (1864) est le premier
acte de piété accompli par le disciple reconnais-
sant.

Pour bien comprendre le caractère de cette
œuvre et de cette sorte de compositions grou-
pées qui se rattachent par un côté à ses études
sur nature, mais les unes, qui affirment une
réelle signification morale, les autres, qui pren-
nent, tout au moins, un certain intérêt spécial
de psychologie et d'histoire, il faudrait voir dans
l'atelier du peintre la suite d'esquisses qui ont
précédé ces premiers tableaux. On y verrait le
tâtonnement de la pensée de l'auteur pour arri-
ver à la représentation sous des formes con-
crètes, à côté de figures de la vie actuelle, de
sentiments ou d'idées qui s'y rattachent. Ce mé-
lange de l'abstraction et de la réalité, cette ten-
tative de conceptions allégoriques adaptées à la
vie moderne est une préoccupation qui a hanté
tous les grands idéalistes, depuis les décora-
teurs de nos édifices jusqu'aux graveurs de nos
médailles. C'était ce que Ingres avait résolu,
d'une façon très simple et très impressionnante,
dans son Chefubini; c'était aussi ce que Cour-
bet lui-même avait cherché à sa manière dans
ce qu'il avait appelé, dix ans plus tôt, l'Allégo-
rie réelle. Si romantique qu'il fût resté, M. Fan-
tin, subissant l'influence de son milieu, n'osa
point, dans son premier tableau, s'aventurer
dans ces associations d'êtres concrets et de
figures irréelles. Après maintes combinaisons
dans un genre d'apothéoses qui rappelait par
trop les couronnements, sur la scène, aux anni-
versaires de nos grands classiques, M. Fantin,
s'appuyant étroitement sur le souvenir des Hol-
landais, des vaillants portraitistes de gildes et
de corporations, à l'instar de Rembrandt, de
Van de Hclsl, et surtout de Franz Hais dont il
avait vu, à Paris, une copie par le peintre belge
Dubois, qui l'avait particulièrement frappé,
conçut ce premier tableau, avec des élémenls
exclusivement réels, en groupant autour du por-
trait de Delacroix quelques-uns de ses princi-
paux disciples ou admirateurs, dont certains, à
la vérité, tels que Baudelaire et Champfleury,
furent très étonnés de se trouver ensemble

Le Toast, du Salon de 1865, qui réunissait
autour d'une table les camarades habituels de
M. Fantin et le peintre lui-même, montrant la
figure de la Vérité, s'aventurait un instant clans
des prétentions encore plus allégoriques et
même de signification combative. Mais l'artiste
fut si mécontent de ces tendances de l'œuvre
qu'il la détruisit.

Ce genre de compositions groupées, perdant
bientôt ce caractère d'hommage, de consécra-
tion auquel il cherchera bientôt une autre
forme, se limita désormais à un rôle plus étroit
et plus sûr de représentation de personnages
contemporains, sympathiquement réunis en rai-
son d'une communauté de goûts ou de travaux.
C'est l'esprit dans lequel ont été entrepris les
trois autres ouvrages de ce genre qui se répar-
tissent entre les années 1870, 1872 et 1885 :
l'Atelier aux Batignolles, Coin de table et Au-
tour du piano.

Le premier de ces ouvrages a fait connaître
tardivement M. Fantin au Luxembourg, où il a
contribué à lui donner, près du public, la place
qu'il mérite dans fart de son temps. 11 réunit,
autour de Manet, occupé à peindre, à côté de
quelques amis dont quelques-uns se retrouvent
partout, tels que M. E. Maître ou M. Zacharie
Astruc, les principaux fondateurs du groupe des
impressionnistes, Cl. Monet, A. Renoir et leur
défenseur Zola. Il subsiste donc encore, à cette
date, dans la pensée de l'artiste un reste de
souci de commémoration. La gravité de la
scène, la belle tenue, le style de cette vraie
toile de musée contribuent sans doute à lui don-
ner encore cet accent un peu solennel.

Ici, maintenant, c'est autour d'une table à

demi desservie, lisant des vers, causant, fumant,
un groupe de littérateurs assemblés dans un
but plus manifestement pittoresque, bien que
toujours avec la préoccupation de s'adresser à
des modèles qui aient une signification intelli-
gente. Il y avait bien pourtant quelque arbitraire
quant au choix des personnages; car ce ne fut
pas sans difficultés que la toile fut terminée, et
la trace des protestations est marquée à droite
par une grande touffe d'hortensias qui occupe
la place d'un absent volontaire. C'est ensuite,
autour d'Emmanuel Chabrier, assis au piano,
les figures attentives de musiciens, de critiques
ou d'amateurs, le petit cercle wagnérien dans
lequel M. Fantin aime à s'imprégner d'émana-
tions musicales.

En 1864, la même année que l'Hommage à
Delacroix, M. Fantin-Latour exposait une
Scène du Tannhàuser; en 1866, apparaît sa pre-
mière nature morte. Dès les débuts de sa car-
rière artistique, il construisait donc les quatre
murs de sa maison; il n'en devait plus sortir.
Toute sa vie, en effet, se limitera entre ces
formes déterminées de sa conception de la vie
et du rêve; il y satisfera pleinement ses besoins,
en apparence contradictoires, d'observation et
d'imagination. Cependant ces deux modes de sa
pensée ne se développent pas d'une façon
parallèle; c'est ainsi que, si dans la première
partie de sa carrière, animé de scrupules exa-
gérés, il n'ose s'aventurer que timidement loin
des apparences précises de la vie, dans la
deuxième partie, au contraire, sûr de lui, en
possession de ses moyens, ayant conquis sa
pleine indépendance, il se laisse plus volontiers
entraîner dans l'Éden fortuné des songes roman-
tiques.

Ce n'est qu'au bout de treize ans, en 1877,
qu'il reprend la tradition de ses inspirations
wagnériennes. A partir de ce moment, ses
études, ses portraits, ses compositions grou-
pées, sont constamment accompagnés de sujets
mythiques ou allégoriques, pour céder, à la fin,
presque exclusivement la place à ces derniers.
Et — curieux spectacle que nous offre une
œuvre unique — de même qu'au début, l'ima-
gination, disciplinée, fortement contenue, perce
à travers l'examen attentif de la vie, donnant je
ne sais quelle poésie profonde et mystérieuse à
ces figures concrètes qui se meuvent dans la
réalité, de même toutes les lentes acquisitions
de l'observation et de l'étude maintiennent ces
images vaporeuses de féerie dans la vraisem-
blance et dans la vie.

Ces compositions, d'ordre purement imagi-
nalif, bien que liées entre elles par les liens
d'une étroite parenté, se rapportent à des con-
ceptions un peu diverses. Ce sont tout d'abord
des sujets empruntés aux œuvres des célèbres
musiciens contemporains. Vivement ému, dès
l'origine, par les grandes créations chevale-
resques ou mythologiques de Wagner, son ima-
gination s'exalta avec un nouvel enthousiasme,
lorsqu'il entendit pour la première fois, à Bay-
reuth, la tétralogie de l'Anneau de Niebelung.
C'est une date décisive dans sa vie. Dès lors
apparaissent dans son œuvre, soit en peinture,
soit en pastel, soit surtout en lithographie, car
le pinceau est trop lent aujourd'hui à sa main
impatiente, ces tendres et vibrantes improvisa-
tions qui fixent à chaque instant sur la toile ou
sur le papier les rêves continus de son cerveau.
C'est le Tannhàuser, assis, dans son costume
romantique, avec l'air fatal d'un Hamlet, de
Delacroix, en face de Vénus, essayant ses séduc-
tions; ou Wotan, vêtu de son manteau de voya-
geur, près de qui s'élève, de l'abîme, la blanche
silhouette d'Erda; enfin les filles du Rhin, cjui
enlre-croisent leurs mouvements onduleux au-
tour du rocher qui garde l'or sacré. C'est encore
cet inoubliable finale de Rheingold, où, sous le
coup de marteau du dieu Donner, un brillant
arc-en-ciel conduit les couples divins de Wotan
et de Frika, de Froh et de l'adorable Fréïa,
source de l'éternelle jeunesse, jusqu'au burg
altier, tandis que se lamentent au loin, dans une

plainte infiniment douce et triste, les filles du
fleuve qui ont laissé voler leur trésor.

Et Berlioz, et Brahms, et Schumann, et même
Rossini, car M. Fantin n'est point un esprit
exclusif, peuplent son imagination des fantômes
charmeurs de leurs créations graves, tendres,
mystérieuses ou tragiques. A la vérité, ce ne
sont pas des traductions littérales de ces maî-
tres. M. Fantin .s'est gardé de ses dangereuses
transpositions; ce sont, uniquement, pour lui,
de grands thèmes généraux qui revêtent, sous
une symbolique nouvelle, les éternelles pas-
sions de l'humanité.

(^4 suivre.) Léonce Benedite.

Échos

Le monument de Pasteur à Lille. — La

ville de Lille a inauguré, le 9avril, un monument

! à la gloire de Pasteur.

Le monument, dû au ciseau d'un artiste lillois,
M. A. Cordonnier, grand prix de Rome, se com-
pose d'un socle de pierre de Soignes sur lequel
la statue de Pasteur, en bronze, le représente,
les yeux fixés sur une éprouvette qu'il tient de
la main droite.

Sur le devant du monument, une ouvrière, aux
bras demi-nus, tend, d'un geste de reconnais-

! sance, son jeune bébé au grand savant.

A droite, une autre femme assise tient sur les
genoux un enfant nu qui vient d'être arraché à
la mort par l'inoculation et qui sourit à sa mère,
tandis qu'elle fixe sur lui un regard à la fois ra-

I dieux et attendri.

A gauche, un garçon brasseur en costume de
travail, assis près d'une rondelle de bière, élève
les yeux vers Pasteur, dont les travaux sur la
fermentation de la bière ont rendu des services
considérables à l'industrie de la brasserie.
Toutes ces statues, de grandeur naturelle, sont
en bronze.

Des bas-reliefs entourent le socle représen-
tant Pasteur dans ses divers travaux.

-O-

La collection Pauvert de la Chapelle.

— Le cabinet des médailles de la Bibliothèque
nationale va s'enrichir bientôt de cette collec-
tion, la plus précieuse des collections privées
de pierres archaïques.

Le nombre de ses pièces est d'environ cent
cinquante, mais chacune d'elles est d'une valeur
inestimable; aussi c'est dans une vitrine spé-
) ciale qu'elles seront exposées au cabinet des
j médailles.

M. Babelon, conservateur de ce département
de la Bibliothèque nationale, qui était allé au
congrès des Sociétés savantes à Toulouse, ren-
trera par Sainte-Foy-la-Grande, où se trouve la
collection Pauvert de la Chapelle, et il la rap-
portera lui-même à Paris.

Pour avoir une idée de la valeur des pierres
gravées grecques, étrusques et romaines, si gé-
j néreusement offertes à l'État par M. Pauvert de
j la Chapelle, il suffit de se rappeler qu'on avait
! toujours estimé celte collection beaucoup plus
j précieuse que la célèbre collection Tyskiewicz,
j la plus belle après elle, qui fut vendue l'année
! dernière à Paris, que se disputèrent les repré-
sentants du Brilish Muséum et du tzar, etdont un
lot de pièces de choix fut adjugé plus de cent mille
francs.

La collection Pauvert de la Chapelle confir-
mera pour longtemps la prééminence de notre
cabinet des médailles sur les musées similaires
j de l'étranger.
 
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