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La chronique des arts et de la curiosité — 1870

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Nr. 27 (3 Juillet)
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https://doi.org/10.11588/diglit.26662#0111
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9* Année.

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N° 27

3 Juillet 1870.

LA CHRONIQUE

TOLIT1QJJE

DES ARTS ET DE LA CURIOSITÉ

Paraissant tous les Dimanches

ABONNEMENTS :

Paris, un an. 15 fr.

— six mois. 8 fr.

UN NUMÉRO : 2 0 CENT.

RED AC T ION : Rue Vivienne, 55 } Paris

Comptes rendus & annonces de ventes publiques de tableaux Nv

dessins, estampes ,, bronzes, ivoires, médailles, livres rares, autographes
émaux, porcelaines, armes, objets de curiosité; &c., &c.

Nouvelles des galeries publiques, des ateliers. — Correspondances étrangères
Bibliographie des livres, articles de revues & estampes
publiées en France & à l’Etranger. — Revue des arts industriels
Expositions de Province & de l’Etranger-

Paraissant tous les Dimanches
ABONNEMENTS

DÉPARTEMENTS; un an
— six moi

Etranger, le p

ADMINISTRA TION : Rue

L’EXPOSITION D’ÉVENTAILS

DE LONDRES.

Il y a quelques jours, le musée de South-
Kensington a ouvert l’exposition d’éventails
si impatiemment attendue par le public an-
glais, et cette exhibition a pleinement jus-
tifié toutes les espérances qu’elle avait fait
concevoir.

Son but principal était la création d’un
nouveau débouché pour les ouvrières an-
glaises. Chez nos voisins, personne ne l’i-
gnore, la condition des femmes est digne
d’une sollicitude toute particulière. De
beaucoup supérieures en nombre aux
hommes, elles se voient réduites à quelques
rares carrières, généralement peu lucratives.

A plusieurs reprises déjà, et dans la limite
de ses forces, le musée de South-Kensing-
ton a cherché à soulager leurs souffrances;
il a d’abord établi pour elles une école de
gravure sur bois, aujourd’hui fermée (par
suite de l’opposition de la corporation des
graveurs) ; il leur a ouvert à deux battants
les portes de sa Fraining School ; en ce mo-
ment même il en occupe un assez grand
nombre à exécuter des mosaïques pour la
décoration de ses nouvelles annexes. Par
l’exposition d’éventails enfin, il veut relever
une branche si négligée en Angleterre, et
réduite à la production à bon marché ; il
veut faciliter aux artistes et aux ouvrières
indigènes les moyens de concourir avec leurs
rivales du continent.

L’exposition leur offrira de bons modèles,
en même temps qu’elle éveillera le goût du
public; des primes considérables stimule-
ront leur émulation. Nous remarquons par-
mi ces dernières un prix de 1,000 francs,
destiné par la reine au meilleur éventail
exposé en 1871 par une jeune artiste âgée
de moins de vingt-cinq ans. Puis vient le
prix de la Société des Arts (21 guinées).
Lady Cornelia Guest et la baronne Meyer
de Rothschild ont aussi mis à la disposition
du comité un prix de 250 francs. Le Dépar-
tement de l’Art et de la Science se propose
de distribuer 1,250 francs pour les éven-
tails exécutés dans les écoles de dessin
(femmes). Bref, pour assurer à l’industrie
qui nous occupe cette considération su-
prême à laquelle nos voisins d’outre-Manche
attachent un si haut prix, la princesse Louise
donnera l’exemple en exposant l’année pro-
chaine un éventail fait de sa royale main.

Pour nous, étranger à toutes ces considé-
ration locales, nous avons surtout été séduit
par l’intérêt artistique de cette collection
unique, et, grâce à la rare complaisance de
M. Owen, surintendant du Musée, et de
M. Samuel Redgrave, auteur de l’excellent
catalogue de l’exposition, nous avons pu en
apprécier les principaux monuments, quel-

que pressé que nous fussions d’ailleurs par
le temps.

Quatre cent treize éventails remplissent
la longue galerie des aquarelles, au premier
étage du Musée. Amateurs et marchands de
l’Europe tout entière se sont empressés de
dégarnir leurs vitrines au profit de cette
exposition ; dans la liste des contribuions,
nous remarquons une trentaine de noms
pour la France seule. Vous attachez-vous
aux nationalités, voici des éventails de
l’Inde, du Japon, de l’Espagne, de l’Italie,
de l’Allemagne-, en voici quarante de la
Chine ; en voici deux cent trente de la
France, anciens, modernes, les uns portés
par Mme de Sévigné, Mme de Pompadour ou
Marie - Antoinette les autres sortis tout
frais de chez Fayet, Vanier ou Alexandre.
En voici un signé : le prince de Reuss ; en
voici un autre signé : Mathilde, tout court.

Au contraire, si vous vous attachez aux
styles, vous trouverez des éventails italiens
à sujets sévères, tragiques, à bâtons en ivoire
d’une simplicité, d’une nudité extrême.
Quelque pédant y dessinera Saint-Pierre de
Rome ou un calendrier. Philippe de Cham-
paigne ne dédaignera pas d’en orner un
autre (à la comtesse de Dudley) d’une grande
composition historique ; les Septante pré-
sentant leur version à Ptolèmèe-Philadelphe.
Puis ce seront de riches montures en nacre,
en ébène, en filigrane, en écaille, avec
incrustations : ceux-ci couverts de laques,
ceux-là ajourés ou bien enrichis de sculp-
tures en relief, traitées avec la merveilleuse
patience des Chinois, ou avec la libre fan-
taisie du xviiT siècle. Ici ce sont des orne-
ments en argent massif, ou en or à plusieurs
tons ; ailleurs des paillettes scintillant comme
desvétoiles.

Nos amis les Japonais ouvrent la marche,
et, par une singulière ironie, leurs éventails
— cadeaux du Taïcoun — sont d’une telle
nudité, qu’il faut leur supposer quelque
vertu mystérieuse pour leur attribuer du
prix. Sur d’autres, les vêtements des person-
nages sont soigneusement brodés, et les
visages sont peints sur ivoire rapporté. Quel-
ques-uns nous offrent des échantillons fort
curieux de la gravure à Peau-forte japonaise,
des vues de Jeddo et de ses environs, mal-
heureusement plutôt traitées comme des
cartes géographiques que comme des motifs
de décoration. Ne vous contentez donc pas
d’étudier les productions des Japonais dans
ce genre à l’Exposition seule ; mais descendez
au Musée proprement dit, et considérez les
dessins et peintures pour éventails acquis
l’an dernier (nos 342-69 et suivants) : ils
sont charmants.

Les Chinois prennent les choses plus au
sérieux, et ils ornent leurs éventails d’émail
bleu et vert (collection de Lady Wyatt),
d’un effet superbe. Vous n’y verrez pas non
plus sans intérêt des gravures sur bois du

commencement du xvm0 siècle, aux con-
tours fins, contrastant singulièrement avec
la manière actuelle, si large et si nourrie.
Puis ce sont des éventails indiens à plumes
de paon, en bois de sandal, chargés de
broderies diverses, et riches de la richesse
exubérante de Madras ou de Bombay. Les
éventails espagnols nous montrent le luxe
du style jésuite; mais le dessin des figures
est généralement assez grossier.

Néanmoins la palme du triomphe dans cet
art revient de droit aux artistes français.
Cette grâce inséparable de l’éventail léger
(qui, au besoin, peut être un sceptre), les
contemporains de Watteau ont su le mieux
la comprendre. Que d’œuvres ravissantes,
que de noms illustres d’artistes et de pos-
sesseurs se pressent dans les vitrines consa-
crées aux productions de notre école du
siècle dernier ! Que de modèles de gaieté,
de décoration, d’esprit ! comme ces scènes
champêtres remplissent bien le cadre qui
leur est assigné! On voudrait s’arrêter là et
ne pas aller plus loin. Et pourtant, parmi
les productions de notre temps il y a bien
des créations séduisantes aussi : des Pierrots
dansants de,Gavarni, une scène cavalière et
romanesque de Roqueplan, ou une frise
très-amusante d’Eugène Lamy, dont les
groupes se détachent excellemment sur fond
d’or.

Nous n’avonseuqu’un but en écrivant ces
lignes rapides : signaler succinctement' aux
lecteurs de la Chronique l’existence d’une
exhibition si curieuse à tant de titres. A un
écrivain plus compétent que nous de l’ap-
précier minutieusement et d’en tracer un
tableau complet dans la Gazette, avec illus-
trations à l’appui : l’Exposition le mérite.

E. M.

SÉBASTIEN SERLIO

ET LES DE ROYERS DE LA VALFENIÈRE
PAR M. LÉON CHARVET.

Depuis quelques années, les archéologues
et les érudits, imitant ce qu’on a fait dès le
commencement de ce siècle pour l’histoire
générale, ont entrepris de refaire l’histoire de
l’art. Les biographies d’artistes sont particuliè-
rement l’objet de recherches intéressantes;
chaque jour voit apparaître un travail nou-
veau. On peut donc espérer que dans une
époque rapprochée les erreurs et les oublis
à l’égard des artistes des siècles passés au-
ront été en grande partie réparés.

Un architecte de Lyon, M. Charvet, pro-
fesseur à l’École des Beaux-Arts, a entrepris
la série des biographies des architectes nés
dans cette ville ou s’y rattachant d’une ma-
nière quelconque. Deux ont déjà paru sépa-
rément : Sébastien Serlio et Les de Royers de

la Valfenière 1 ; d’autres sont annoncées :
Philibert de l’Orme, Étienne Martellange,
Gérard Désargues.

Voici comment Serlio se rattache à Lyon.
Cet Italien, arrivé en France avec la foule
d’artistes de ce pays que François Ier y
attira, après avoir fait exécuter à Fontaine-
bleau divers travaux que M. Charvet signale
et détermine d’une manière précise, parta-
gea la disgrâce de tous ses compatriotes lors
de l’avénement de Henri II et de l’arrivée
de P. de l’Orme à la surintendance.

Serlio, fort âgé à cette époque, se retira
à Lyon , y fit un des livres de son œuvre,
l’y édita et eut à y dresser divers projets, et
notamment celui d’une loge au change qu’il
était question d’y construire à cette épo-
que.

Le travail de M. Charvet, qui ne comprend
pas moins de 115 pages (in-8° Jésus) est
accompagné d’un excellent portrait de Ser-
lio, gravé par Dubouchet, de divers bois,
et suivi d’une bibliographie générale de
l’œuvre de l’artiste. Cette nomenclature, qui
atteint 36 numéros et décrit les nombreuses
éditions italiennes, françaises, allemandes
et espagnoles du vieil architecte, sera exces-
sivement précieuse pour les amateurs des
beaux livres, qui pourront ainsi s’édifier sur
les valeurs relatives des diverses éditions.
C’est un document de plus dans la biblio-
graphie des ouvrages d’architecture, qui est
encore fort incomplète.

M. Charvet apporte une série de docu-
ments totalement inédits sur les de Royers
de la Valfenière, famille d’architectes qui a
habité Avignon aux xvie et xvne siècles.

Le plus habile d’entre eux est François,
deuxième du nom, qui a construit le mo-
nastère des dames de Saint-Pierre, actuelle-
ment palais des beaux-arts à Lyon, et l’évê-
ché de Carpentras, actuellement palais de
justice.

M. Charvet s’est trop étendu sur le pre-
mier de ces édifices et paraît avoir profité
de cette occasion pour faire une description
complète du monastère au point de vue
matériel; ainsi l’accessoire emporte le fond,
et François II de la Valfenière est un peu
effacé.

Cependant, si l’unité du livre y perd quel-
que chose, l’intérêt n’en devient que plus
grand. Entrepreneurs et artistes qui ont
contribué à la décoration du monastère et
de l’église, régime intérieur des religieuses,
leur costume, blason et chronologie des
abbesses , forment pour le lecteur le ta-
bleau complet d’une de ces abbayes de filles
nobles dont le souvenir est perdu. C’est
alors qu’on comprend mieux les difficultés
du programme que l’architecte du xvne siè-
cle eut à résoudre, et qu’on s’explique pour-

1. En vente chez Giairon-Mondet, libraire à Lyon,
et chez J.-B. Dumoulin, libraire à Paris.
 
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