Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

La chronique des arts et de la curiosité — 1895

DOI Heft:
Nr. 28 (24 Août)
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.19743#0288
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
•278

LA CHRONIQUE DES ARTS

la pénurie de documents sur les artistes de ce
temps. Leur vie, le plus souvent, est très obscure
et leur œuvre disparu ou ignoré. Aussi est-il
naturel d'attacher une grande importance à tout
document, si minime ou si incomplet soit-il, qui
peut nous renseigner sur leur biographie ou sur
leurs travaux.

Nous avons eu la bonne fortune d'en trouver un
qui est loin d'être négligeable, d'abord au point
de vue parement artistique, ensuite parce qu'il
nous révèle un sculpteur d'une famille célèbre,
les Jacquet dits Grenoble. Ce dessin est, en effet,
la seule œuvre qui puisse lui être actuellement
attribuée en toute certitude ; nous le reproduisons
ici. Il faisait partie d'une collection conservée à la
Bibliothèque de l'Université et formée au xvn°
siècle par un abbé qui l'avait léguée à la Sorbonne

dessin de p. jacquet dit grenoble

de Richelieu. Notre dessin se trouvait là tout à
fait par hasard : il servait uniquement à boucher
un tron dans un album composé de pièces et de
morceaux, d'estampes assez précieuses et de très
vulgaires images de sainteté. C'est là que nous
l'avons retrouvé en étudiant ces collections sous
la direction de M. Lernonnier, professeur d'his-
toire de l'art à la Sorbonne.

Ce dessin, qui mesure vingt-cinq centimètres
de hauteur sur quinze de largeur, est exécuté à
la plume, relevé de teintes légères de bistre et
même de quelques vigueurs de rouge et de noir
indiquant les marbres de couleur. C'est, fort pro-
bablement, un projet de tombeau appliqué à une
muraille, type très fréquent au xvie et au xvn°
siècle, ce que Gaignères, le grand collection-
neur des monuments de ce genre, appelle dans ses
suscriptions « un épitaphe ».

Dans la partie supérieure, une niche ovale est
destinée évidemment à recevoir un buste ; une
console qui devait le supporter est indiquée assez
sommairement; la niche est vide, elle est entou-
rée d'une bordure de marbre rouge et flanquée
de deux petites tètes d'anges empennées vues de

profil. Au-dessous, un panneau carré réservé
à l'inscription. Le tout est circonscrit d'un enca-
drement où domine une bande de marbre noir.
Au-dessus de l'ovale, un fronton cintré dans le-
quel deux génies assis couronnent une tête de
mort; de chaque côté, et sur le cintre, une casso-
lette fumante. Au bas du cadre, un cartouche
destiné aux armoiries couronné d'un cimier em-
penné et accoté de deux A7olutes en marbre noir,
mais vide comme la niche. Enfin, de chaque côté,
une femme de profil, debout sur une console,
drapée à l'antique, en manière de cariatide, et
tenant une torche renversée.

Le collectionneur qui avait conservé ce dessin
n'y avait vu qu'un croquis ornemental et l'avait
rangé au milieu des culs-de-lampe et des ex-libris ;
les marges môme en avaient été rognées d'assez
près, mutilation d'autant plus regrettable que le
dessin accompagnait certainement, suivant l'ha-
bitude du temps, un contrat passé peut-être de-
vant notaires, comme ceux que nous avons con-
servés de Germain Pilon (1). Le texte de l'acte
commençait sans doute au bas du dessin, et nous
voyons encore tout près du bord quelques bouts
de lettres. IL se continuait par derrière, et nous
n'avons que la fin des reçus de l'artiste avec sa
signature. Encore le commencement et la fin des
lignes manquent-ils. Nous y entrevoyons pour-
tant d'abord la trace d'un premier paiement de 30
livres, un acompte sans doute :

..... somme de trente livres pour ..... la

besoigne..... sera faicte.

P. Grenoble.

Et au-dessous, de la même main, mais un peu
plus tard sans doute et avec une autre encre :

..... la somme de soixante et dix huit livres

faisant..... de la somme de cent huit livres

dont je me tient..... esme jour de Mars mil

six sant dix huit.

P. Greno...

Il résulte donc de ces quelques lignes que cet
ouvrage a été payé en deux fois au sculpteur
P. Grenoble la somme de 108 livres, prix assez
modique, même pour un ouvrage de médiocre
importance. Ce projet de tombeau est, en effet,
d'un type assez courant, tel par exemple que celui
du sculpteur Barthélémy Tremblay à Saint-Eus-
tache, exécuté par son gendre Germain Gissey et
que Michel Lasne a reproduit pour encadrer le
portrait de l'artiste, dessiné dans l'ovale où se
trouvait le buste.

Nous ne savons absolument rien de la personne
à laquelle il était destiné, ni par les bribes d'écri-
ture qui nous restent ni par le dessin lui-même.
Celui-ci a quelque air d'une sorte de passe-partout
applicable à toutes les fins. Nous voyons pourtant
qu'il s'agit bien d'un projet destiné à l'exécution,
puisque nous avons les reçus de l'artiste qui l'a
exécuté. Voilà tout. Dans de telles conditions, il
est bien difficile d'identifier ce tombeau d'une
façon certaine, soit avec les monuments qui nous
sont demeurés, soit avec ceux dont nous avons des
dessins ou des descriptions anciennes.

(4 suivre.) P. Vitry.

(1) Cf. Gourajod, Germain Pilon et le tombeau de Bc-
rague par-devant notaires (L'Art, 1878)-;— H. Havard,
Germain Pilon et le tombeau de Joseph Foulon.
(Nouvelles Archives de l'Art français. 1886).
 
Annotationen