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LA CHRONIQUE DES ARTS
**# M. Aimé Girardin, beau-frère du pein-
tre Louis Français, vient de léguer à la ville
de Plombières une somme de 110.000 francs
nette de tous frais et une importante collec-
tion de tableaux et d'objets d'art.
Français avait déjà légué à la ville sa mai-
son en vue d'un musée, avec cent soixante-huit
tableaux, des tapisseries, etc.
La Société Préhistorique de France,
d'accord avec la municipalité de Vannes, a
choisi cette ville pour y tenir, cetts année, la
deuxième session de son Congrès, du 21 au
26 août. Les trois premières journées, 21, 22
et 23 août, à Vannes, seront consacrées aux
communications et discussions scientifiques,
ainsi qu'à des visites archéologiques; les
trois autres journées, 24, 25 et 26 août, seront
employées à des excursions scientifiques, et
notamment àla visite des nombreux et remar-
quables monuments mégalithiques de la
contrée. Parmi les questions à l'ordre du jour
figurent: 1° le paléolithique en Bretagne;
2" signification des menhirs et des aligne-
ments; 3° étude des tumuli en général;
4° les gravures et les sculptures sur méga-
lithes ; 5° la céramique des dolmens.
Au Musée du Louvre
Le musée du Louvre vient d'admettre le principe
dos dépôts de collections privées au musée, dans
des circonstances d'intérêt exceptionnel, tels que
depuis si longtemps ils sont pratiqués à Londres :
nous avons annoncé ici dernièrement que la Flore
de Garpeaux provenant de la collection Crosnior
avait été prêtée par son acquéreur, M. Gulbon Kian.
M. Doistau, un des plus fervents amis du musée,
vient do consentir le prêt de son admirable collec-
tion d'ivoires, d'orfèvrerie et émaux champlevés
limousins du Moyen âge. Il y a ajouté un petit
tableau, La Vierge adorée par un domteur,
attribuée au « Maître de la Mort de Marie », et
une très charmante Vierge de l'Annonciation en
marbre, du xiv* siècle français.
Gotte collection, réunie dans une vitrine de la
salle des bronzes, à la Colonnade, no manquera
pas d'intéresser les amateurs et le public.
PETITES EXPOSITIONS
M. ANDERS ZORN — M. VUILLARD —
M. EUGÈNE BOCH — M. FRANK BOGGS —
MM. JAN ET TADE STYKA — M. SZENËS
Un réalisme vigoureux, franc, de la prose
assurément, mais une belle prose limpide où
l'on sent le regard clair et la froideur pas-
sionnée du Nord, voilà ce qui apparaît dans
l'exposition des œuvres de M. Zorn organisée
chez Durand Ruel. On aime à retrouver cet
artiste qui figura souvent à nos Salons, que
nous avions adopté comme s'il était nôtre et
dont le talent s'apparente à celui de M. Roll.
De la vigueur et pas de brutalité, un pinceau
incapable de mièvrerie, mais non d'élégance,
un sentiment extraordinairement sain, un
amour grave de la vie, une sorte de recueille-
ment jusque dans la joie, un métier large,
sans cuisinage ni ficelles, toutes ces qualités
de maître attirent et retiennent la sympathie.
De beaux portraits, le Toast, des études de
nu — une surtout, la Lucarne, — affirment la
haute valeur du peintre ; le graveur se montre
presque supérieur avec ses eaux-fortes, d'une
facture singulièrement large et hardie où do-
minent les hachures obliques et parallèles,
images délicates (Eosita Mauri) ou puissantes
(portrait de Renan). Quelques essais curieux
de sculpture sur bois attestent la souplesse
de cet esprit de premier ordre, chez lequel
apparaît si accessible à l'âme -française le
génie du Nord.
L'originalité de M. Vuillard, nul ne songe-
rait à la contester; les motifs qu'il développe
sont, évidemment aussi, les plus appropriés à
son talent et le rapprochement de ses œuvres
à la galerie Bernheim jeune montre qu'en ses
moindres études il porte sa marque. Il semble
pourtant que les négligences voulues et les
puérilités dont il s'embarrasse ne sont pas
nécessaires à l'affirmation de sa personnalité.
11 a un sens très fin clos valeurs, mais pour-
quoi se satisfait-il si aisément? Il a été gâté
par un succès trop rapide. Ces notations in-
complètes, parfois bâclées, ne sont pas tout
ce qu'il peut donner et il aurait tort, entraîné
par un engouement momentané, de ne pas
avoir envers lui-môme les exigences et les
scrupules par lesquels on conquiert, par delà
une mode éphémère, un succès durable.
M. Eugène Boch craint, par des repentirs,
des retouches, d'alourdir et de compliquer
inutilement l'effet de ses études. Il tire, d'ail-
leurs, un parti fort habile du métier sommaire
auquel il s'est astreint et ne donne pas l'im-
pression de travailler vite, bien qu'il se con-
tente d'indications très générales. Il a le sens
des valeurs et parvient, avec des procédés
presque rudimentaires, à fixer des nuances
fugitives, lumières du soir ou lever du jour.
Chez Lui apparaît, ainsi que chez d'autres nova-
teurs de l'heure présente, le retour à un sen-
timent classique et comme un besoin d'orga-
niser l'architecture du paysage.
Les tableaux et aquarelles que M. Frank
Boggs réunit chez Berne-Bellecour donneraient
un plaisir dont on ne songerait pas à se dé-
fendre si le souvenir de Jongkind n'y était
trop directement, trop étroitement évoqué. Ce
sont des pastiches, très sérieux, très réussis,
plus solides que ceux de M. Ten Cate, mais
enfin ce sont des pastiches.
L'art de M. Jan Styka, c'est le triomphe de
l'à peu près. L'arthte a des qualités faciles et
il en abuse, sans aucun ménagement, satisfait
d'avoir fait naître un prestige que h: moindre
analyse vient détruire. Sujets historiques,
religieux, têtes de caractère, portraits, il est
partout également à son aise et également
imparfait. Son fils, M. Tade Styka, qui expose
près de lui et qui paraît né le pinceau à la
LA CHRONIQUE DES ARTS
**# M. Aimé Girardin, beau-frère du pein-
tre Louis Français, vient de léguer à la ville
de Plombières une somme de 110.000 francs
nette de tous frais et une importante collec-
tion de tableaux et d'objets d'art.
Français avait déjà légué à la ville sa mai-
son en vue d'un musée, avec cent soixante-huit
tableaux, des tapisseries, etc.
La Société Préhistorique de France,
d'accord avec la municipalité de Vannes, a
choisi cette ville pour y tenir, cetts année, la
deuxième session de son Congrès, du 21 au
26 août. Les trois premières journées, 21, 22
et 23 août, à Vannes, seront consacrées aux
communications et discussions scientifiques,
ainsi qu'à des visites archéologiques; les
trois autres journées, 24, 25 et 26 août, seront
employées à des excursions scientifiques, et
notamment àla visite des nombreux et remar-
quables monuments mégalithiques de la
contrée. Parmi les questions à l'ordre du jour
figurent: 1° le paléolithique en Bretagne;
2" signification des menhirs et des aligne-
ments; 3° étude des tumuli en général;
4° les gravures et les sculptures sur méga-
lithes ; 5° la céramique des dolmens.
Au Musée du Louvre
Le musée du Louvre vient d'admettre le principe
dos dépôts de collections privées au musée, dans
des circonstances d'intérêt exceptionnel, tels que
depuis si longtemps ils sont pratiqués à Londres :
nous avons annoncé ici dernièrement que la Flore
de Garpeaux provenant de la collection Crosnior
avait été prêtée par son acquéreur, M. Gulbon Kian.
M. Doistau, un des plus fervents amis du musée,
vient do consentir le prêt de son admirable collec-
tion d'ivoires, d'orfèvrerie et émaux champlevés
limousins du Moyen âge. Il y a ajouté un petit
tableau, La Vierge adorée par un domteur,
attribuée au « Maître de la Mort de Marie », et
une très charmante Vierge de l'Annonciation en
marbre, du xiv* siècle français.
Gotte collection, réunie dans une vitrine de la
salle des bronzes, à la Colonnade, no manquera
pas d'intéresser les amateurs et le public.
PETITES EXPOSITIONS
M. ANDERS ZORN — M. VUILLARD —
M. EUGÈNE BOCH — M. FRANK BOGGS —
MM. JAN ET TADE STYKA — M. SZENËS
Un réalisme vigoureux, franc, de la prose
assurément, mais une belle prose limpide où
l'on sent le regard clair et la froideur pas-
sionnée du Nord, voilà ce qui apparaît dans
l'exposition des œuvres de M. Zorn organisée
chez Durand Ruel. On aime à retrouver cet
artiste qui figura souvent à nos Salons, que
nous avions adopté comme s'il était nôtre et
dont le talent s'apparente à celui de M. Roll.
De la vigueur et pas de brutalité, un pinceau
incapable de mièvrerie, mais non d'élégance,
un sentiment extraordinairement sain, un
amour grave de la vie, une sorte de recueille-
ment jusque dans la joie, un métier large,
sans cuisinage ni ficelles, toutes ces qualités
de maître attirent et retiennent la sympathie.
De beaux portraits, le Toast, des études de
nu — une surtout, la Lucarne, — affirment la
haute valeur du peintre ; le graveur se montre
presque supérieur avec ses eaux-fortes, d'une
facture singulièrement large et hardie où do-
minent les hachures obliques et parallèles,
images délicates (Eosita Mauri) ou puissantes
(portrait de Renan). Quelques essais curieux
de sculpture sur bois attestent la souplesse
de cet esprit de premier ordre, chez lequel
apparaît si accessible à l'âme -française le
génie du Nord.
L'originalité de M. Vuillard, nul ne songe-
rait à la contester; les motifs qu'il développe
sont, évidemment aussi, les plus appropriés à
son talent et le rapprochement de ses œuvres
à la galerie Bernheim jeune montre qu'en ses
moindres études il porte sa marque. Il semble
pourtant que les négligences voulues et les
puérilités dont il s'embarrasse ne sont pas
nécessaires à l'affirmation de sa personnalité.
11 a un sens très fin clos valeurs, mais pour-
quoi se satisfait-il si aisément? Il a été gâté
par un succès trop rapide. Ces notations in-
complètes, parfois bâclées, ne sont pas tout
ce qu'il peut donner et il aurait tort, entraîné
par un engouement momentané, de ne pas
avoir envers lui-môme les exigences et les
scrupules par lesquels on conquiert, par delà
une mode éphémère, un succès durable.
M. Eugène Boch craint, par des repentirs,
des retouches, d'alourdir et de compliquer
inutilement l'effet de ses études. Il tire, d'ail-
leurs, un parti fort habile du métier sommaire
auquel il s'est astreint et ne donne pas l'im-
pression de travailler vite, bien qu'il se con-
tente d'indications très générales. Il a le sens
des valeurs et parvient, avec des procédés
presque rudimentaires, à fixer des nuances
fugitives, lumières du soir ou lever du jour.
Chez Lui apparaît, ainsi que chez d'autres nova-
teurs de l'heure présente, le retour à un sen-
timent classique et comme un besoin d'orga-
niser l'architecture du paysage.
Les tableaux et aquarelles que M. Frank
Boggs réunit chez Berne-Bellecour donneraient
un plaisir dont on ne songerait pas à se dé-
fendre si le souvenir de Jongkind n'y était
trop directement, trop étroitement évoqué. Ce
sont des pastiches, très sérieux, très réussis,
plus solides que ceux de M. Ten Cate, mais
enfin ce sont des pastiches.
L'art de M. Jan Styka, c'est le triomphe de
l'à peu près. L'arthte a des qualités faciles et
il en abuse, sans aucun ménagement, satisfait
d'avoir fait naître un prestige que h: moindre
analyse vient détruire. Sujets historiques,
religieux, têtes de caractère, portraits, il est
partout également à son aise et également
imparfait. Son fils, M. Tade Styka, qui expose
près de lui et qui paraît né le pinceau à la