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La chronique des arts et de la curiosité — 1907

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Nr. 10 (9 Mars)
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LA CHRONIQUE DES ARTS

fond de paysage exquis où l’on croît reconnaître ta
ville de Pérouse. Si l’attribution à Fiorenzo est
exacte, le petit panneau de New-York doit appar-
tenir à sa dernière manière, celle de VAdoration
des Mages de Pérouse, que Vasari croya’it être du
Pérugin. Disons, à ce propos, que M. S. Weber,
dans la consciencieuse monographie qu’il a publiée
sur Fiorenzo (Strasbourg, Iieitz, éd. 1904), donneà cet
artiste les trois petits tableaux du Louvre (1415),
qui sont exposés sous le nom de Pesellino ; cette
attribution avait déjà été proposé par M. Venturi
{L'Arte, 1901, p. 346.)

Salomon Reinach.

CORRESPONDANCE DE BERLIN

EXPOSITION DE PANNEAUX DÉCORATIFS
DE M. GUSTAVE KL1MT

Pour ta première fois on expose à Berlin, cl ez
Relier et Reiner, les trois panneaux décoratifs de
M. Gustave Klimt : Médecine, Philosophie, Juris-
prudence. Cette œuvre, qui fut commencée il y a
une dizaine d’années, a toute une histoire. Com-
mandée à M. Klimt par l'Université de Vienne,
dont elle devait décorer ïaula, elle suscita, de la
part de la majorité des professeurs, une violente
protestation auprès du ministre, M. Wilhelm von
Hærtel, qui pris parti pour le peintre, puis, de la
part d’une minorité plus avancée en matière d'art,
une contre-protestation non moins violente ; enfin
une interpellation au Parlement. L’Université refusa
les trois panneaux ; et, s’il faut en croire la presse
vienuoise, le public donna raison à l’Université,
en condamnant, même assez bruyamment, l’œuvre
d’un peintre fort original et déjà célèbie.

On se rappelle l’évolution du talent de M. Gustave
Klimt, qui, d’abord disciple très sage de l’école
académique, se convertit subitement aux théories
artistiques les plus modernes, et fonda en 1899,
avec quelques amis, la Sécession de Vienne, sur le
modèle de celle de Berlin et avec un programme
analogue. Ses décorations du Reichenbergtheater,
à Vienne, exécutées, il est vrai, en collaboration
avec son frère Ernst et avec Franz Matsch, sont
d’une tenue toute classique et peu inquiétante. Un
peu plus tard, le peintre semble choisir, dans la
mythologie grecque, des sujets se prêtant au double
développement pittoresque et philosophique : Le
Char de Thespis, Le Théâtre de Taormina ; Le
Culte cle Dionysos, dans l’escalier du Hofburg-
theater. Entin il en arrive à concevoir et à exécuter
les trois compositions symboliques tant discutées.

On peut considérer ces trois panneaux au point
de vue de l'idée et du symbole. C’est ce qu’ont fait,
je pense, les professeurs de l’Université et la plu-
part des critiques viennois. Et c'est ce qui expli-
que la violence de leurs sarcasmes. Les uns ren-
voient l’auteur au jugement des aliénistes, d’au-
tres le comparent, comme réclamier, à Barnum et
Bailey. 11 faut reconnaître que le symbole est peu
clair, déconcertant et même ironique : on pourrait
croire que le peintre a voulu marquer, parfois,
son peu de respect pour les sciences, ses modèles...

Mieux vaut peut-être négliger les détails un peu
puérils du symbole et s’attacher à la construction
décorative. Les trois panneaux sont symétriques
et complémentaires. Symétriques, en ce que cha-

cun d’eux présente, à la parlie inférieure, une
figure réelle, très en relief et très éclairée, au-des-
sus de laquelle s’amoncellent, estompées, des
figures de rêve. Complémentaires, par les couleurs
qui y dominent : le rouge dans la Médecine, le
vert dans la Philosophie, le noir et l’or dans la
Jurisprudence.

Pans le premier de ces panneaux, la ligure réelle
est la déesse Hygie, tête grave, tranquille, impas-
sible, draperie rouge; autour des bras s’enlace un
serpent d’or dont la tête vient reposer dans un
vase de cristal. De la déesse, jusqu’au sommet du
tableau, monte verticalement la chaîne des souf-
frants, femmes, vieillards, nouveau-nés ; parmi eux
s’allonge la Mort, squelette blanc voilé de bleu.
Mais de ce groupe pitoyable se détache, à gauche,
un torse d’homme vigoureux et énergique; son bras
tendu écarte du règne de la mort et de la souffrance-
et soutient, sur une nuée de tissu bleu et vert, une
jeune femme animée d’une vie surnaturelle, qui
embrasse un nouveau-né.

Dans la Philosophie, l’irréelle colonne humaine
occupe la gauche du panneau. Des enfants insou-
ciants, elle descend aux jeunes gens pleins de
confiance dans leur pensée, jusqu’aux vieillards
désabusés qui cachent dans leurs mains la tristesse^
de leur visage. En bas, violemment éclairée, une
tête de femme aux yeux verts et pénétrants, aux
traits énergiques, exprimant l’effort : c’est l’esprit
humain qui cherche et découvre. A droite, dans un,
ciel nocturne semé d’étoiles d’or et sillonné de
reflets verts, un visage de basalte, mystérieux et
muet : c’est le sphinx qui garde, sans la révéler
jamais, l’énigme de l’univers.

La Jurisprudence, qui devait, sans doute,
prendre place entre les deux autres panneaux, est
une composition centrale à deux étages. En bas,
au premier plan, le criminel, figure nue d'une réa-
lité magnifique, se débat faiblement contre le gigan-
tesque polype, aux cent yeux et aux cent bras,
qui l’enlace, l’exténue, lui suce le sang et la cer-
velle. Autour de lui trois femmes fantastiques
figurent les Érynnîes: l'une, terrible, fixe des yeux,
sa victime ; la seconde, fatiguée de la faction ac-
complie, semble au moment de s’assoupir ; la troi-
sième, debout, la tête appuyée de côté sur ses
mains jointes, dort profondément (cf. Eschyle).
Leurs chevelures, qui vont du blond pâle au cendré-
en passant par le blond ardent, jetlent trois taches
sans éclat sur le fond sombre du panneau. A la
partie supérieure, dressés devint un mur symbo-
lique, trois petits personnages représentent la Jus-
tice, la Loi et la Vérité. Dans le mur sont encas-
trés, en mosaïque, les portraits des jurisconsultes-
célèbres.

Si l’on néglige quelques détails, c’est partout la-
même composition, la même technique, on pour-
rait dire la même pensée : le contraste du réel eti
du rêve, exprimé un peu grossièrement par la
forme et par la couleur. Les figures réelles sont
toujours la meilleure partie du tableau ; les figures-
symboliques, parfois d’un bol effet décoratif, sont!
souvent confuses et monotones. Toutefois, il fau-
drait, pour en pouvoir juger, avoir vu ces compo-
sitions en place, à bonne hauteur et bien éclairées.-
Quelque Université américaine, moins scolastique
que celle de Vienne dans sa conception des sciences,
et plus large dans sa conception de l’art, nous en.
donnera bientôt le loisir.

Maurice Pernot.
 
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