ET DE LA CURIOSITÉ
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temps les deux procédés fondamentaux de la gra-
vure : la gravure en creux et la gravure en relief, et
ce sont ces deux formes que l’on voit évoluer, se
perfectionner et se compliquer, depuis les œuvres
encore inhabiles du xve siècle jusqu’aux raffine-
ments les plus subtils des maîtres modernes.
A côté de cette grande division de la gravure en
gravure en creux et en gravure en relief, il en est
une autre aussi fondamentale qui nous est donnée,
non plus par l’étude des procédés, mais par celle
de la fin poursuivie par l’artiste. La gravure peut,
en effet, servir, soit à reproduire une œuvre, soit à
exprimer de premier jet la pensée de l’artiste. Jus-
qu’à nos jours, la gravure de reproduction a été
de beaucoup la plus importante et l’œuvre d’un
Rembrandt est pour ainsi un cas exceptionnel.
Mais de nos jours, où les procédés dérivés de la
photographie ont diminué l’importance de la gra-
vure comme reproduction des œuvres d’art, il
semble qu’elle va trouver une vie nouvelle comme
moyen original de l’expression des artistes.
Voici quelles sont les principales divisions du
livre de M. Rosenthal : les origines, 20 pages;
la gravure en Italie jusqu’à la fin du xvna siècle,
Si pages; la gravure en Allemagne au xve et au
xvi° siècles, 41 pages ; Flandres et Pays-Bas jus-
qu’à la fin du xvii° siècles, 67 pages; la gravure en
France des origines à la fin du xviic siècle, 51 pa-
ges ; le xviii8 siècle, 88 pages ; la période contem-
poraine, 110 pages.
Par cette table des matières on verra quel est,
d’après M. Rosenthal, l’importance des diverses
écoles et des divers siècles. On remarquera la
place donnée au xvme siècle et à l’art moderne.
On n’avait pas encore jusqu'à ce jour embrassé
l’histoire de la gravure dans une vision aussi large
et aussi juste.
La méthode de M. Rosenthal est une méthode
rapide, singulièrement concise, où il parvient à
dire beaucoup en peu de mots, et son livre est ainsi
extrêmement nourri. Il fallait agir de cette ma-
nière dans une histoire de la gravure où tant de
manières diverses ont été employées, et où il
semble que les génies hors ligne, les Marc-An-
toine, les Rembrandt, les van Dyck, les Lucas de
Leyde, les Durer, les Claude Lorrain, les Tiepolo,
soient fort rares. On ne peut pas trop simplifier, et
il faut analyser tour à tour la manière grave et
savante avec laquelle Nanteuil, Edelinck, Gérard
Audran, Pierre brevet, ont dit la majesté du siècle
de Louis XIV ; la finesse et la souplesse des Bou-
cher et des Saint-Aubin disant la volupté du
xviii0 siècle; il faut passer des élégances anglaises à la
sévérité de l’école de David et au nervosisme de Goya;
et, enfin, il faut marquer l’extraordinaire variété
de notre époque où nous avons vu, à côté do la
rudesse allemande dont le burin semble frapper le
cuivre comme une épée, la finesse et l’exquise
poésie des Seymour Iiaden et d'3 Fantin-Latour.
Marcel Reymond.
La Fleur de la Science de Pourtraicture. Pa-
trons de broderie, façon arabicque et yta-
lique, par Francisque Pellegrin, 1530. Réim-
pression en fac-similé avec introduction par
M. Gaston Migeon. Paris, Schemit, 1908. Un vol.
in-8°, 42 planches av. 8 p. de texte.
Le livre de Pellegrin est un des plus rares parmi
les recueils d’ornements du xvie siècle ; on n’en
connaît que deux exemplaires, l’un à la Biblio-
thèque de l’Arsenal et l’autre à Dresde ; les feuil-
lets isolés, même, en sont à peu près introuvables,
et c’est pourtant l’un des plus admirables et des
plus intéressants albums que nous ait laissés la
Renaissance. Nous ne parlons pas seulement de
la beauté de l’impression, qui est extraordinaire ;
mais dans aucun on ne comprend même la façon
dont nos ai tistes français se sont inspirés des modes
italiennes et par quelles voies leur sont venues
ces modes ; des recueils du genre de celui-ci étaient
des « cahiers d’expressions » tout traités et ils
n’avaient qu’à y puiser pour composer le décor
charmant de leurs arabesques. C’est une bonne
idée que M. Migeon a eue de rendre ce recueil
accessible à tous les travailleurs, et il faut louer
aussi l’éditeur, M. Schemit, du soin dont témoigne
cette publication.
R. K.
William Morris, par Alfred Novës. London,
Macmillan. Un vol. in-18, 156 pages.
Voici, sans abus de lettres ni d’anecdotes, un
petit livre savant et vivant, où 1 auteur suivant
pas à pas la carrière de son héros, fait assister à
la naissance des œuvres qui ont valu à William
Morris la belle place qu’il occupe dans l'histoire
de son pays, comme artiste et comme poète.
William Morris fait partie avec Burne-Jones et
Rosetti de la « Préraphaélite Brotherhood ». Ar-
tiste, il est surtout un décorateur. Les meilleures
créations de ses mains sont des vitraux et des ta-
pisseries; il a aussi créé pour le public des objets
usuels dont la forme et le décor sont inspirés des
idées émises par Ruskin. Mais c’est principale-
ment comme écrivain que M. Noyés considère et
admire William Morris. Il étudie en détail tous ses
poèmes, depuis les prenvers, d’allure romantique,
jusqu’aux derniers, de forme épique. Il n’est fait
qu’une assez brève allusion aux travaux de socio-
logie de William Morris. Au regard de M. Noyés,
William Morris est, en toute chose et avant tout,
un poète.
Berthe Chiron.
NECROLOGIE
Le 3 janvier dernier est mort à Lyon, sa ville
natale, le peintre Joseph Trévoux. Notre colla-
borateur, M. Alphonse Germain l’a révélé à nrs
lecteurs l’an dernier dans la Gazette (février 1908).
Né en 1831, Trévoux avait reçu sa formation
artistique dans l’atelier de Louis Janrnot, alors
célèbre. Il y fut le condisciple de Paul Borel, avec
lequel il resta étroitement lié d’amitié. Il eut aussi
de très cordiaux rapports avec Ravier, Carrand et
Vernay. Naturiste enthousiaste, il s’était consacré
au paysage, et c’est surtout dans sa province et
les régions avoisinantes qu’il choisit ses motifs.
D’esprit très indépendant et très juvénile, il procéda
de bonne heure avec une facture libre, large et
verve me, dont s’effrayèrent ceux de ses confrères
qui veillaient aux portes du Salon local. Ses
tableaux, lorsqu’on les accepta, furent pendant
longtemps aussi mal placés que possible. Parmi
ses principales œuvres, signalons : trois Vues de
Vigneu, Les Communaux de Thuile, deux Vues
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temps les deux procédés fondamentaux de la gra-
vure : la gravure en creux et la gravure en relief, et
ce sont ces deux formes que l’on voit évoluer, se
perfectionner et se compliquer, depuis les œuvres
encore inhabiles du xve siècle jusqu’aux raffine-
ments les plus subtils des maîtres modernes.
A côté de cette grande division de la gravure en
gravure en creux et en gravure en relief, il en est
une autre aussi fondamentale qui nous est donnée,
non plus par l’étude des procédés, mais par celle
de la fin poursuivie par l’artiste. La gravure peut,
en effet, servir, soit à reproduire une œuvre, soit à
exprimer de premier jet la pensée de l’artiste. Jus-
qu’à nos jours, la gravure de reproduction a été
de beaucoup la plus importante et l’œuvre d’un
Rembrandt est pour ainsi un cas exceptionnel.
Mais de nos jours, où les procédés dérivés de la
photographie ont diminué l’importance de la gra-
vure comme reproduction des œuvres d’art, il
semble qu’elle va trouver une vie nouvelle comme
moyen original de l’expression des artistes.
Voici quelles sont les principales divisions du
livre de M. Rosenthal : les origines, 20 pages;
la gravure en Italie jusqu’à la fin du xvna siècle,
Si pages; la gravure en Allemagne au xve et au
xvi° siècles, 41 pages ; Flandres et Pays-Bas jus-
qu’à la fin du xvii° siècles, 67 pages; la gravure en
France des origines à la fin du xviic siècle, 51 pa-
ges ; le xviii8 siècle, 88 pages ; la période contem-
poraine, 110 pages.
Par cette table des matières on verra quel est,
d’après M. Rosenthal, l’importance des diverses
écoles et des divers siècles. On remarquera la
place donnée au xvme siècle et à l’art moderne.
On n’avait pas encore jusqu'à ce jour embrassé
l’histoire de la gravure dans une vision aussi large
et aussi juste.
La méthode de M. Rosenthal est une méthode
rapide, singulièrement concise, où il parvient à
dire beaucoup en peu de mots, et son livre est ainsi
extrêmement nourri. Il fallait agir de cette ma-
nière dans une histoire de la gravure où tant de
manières diverses ont été employées, et où il
semble que les génies hors ligne, les Marc-An-
toine, les Rembrandt, les van Dyck, les Lucas de
Leyde, les Durer, les Claude Lorrain, les Tiepolo,
soient fort rares. On ne peut pas trop simplifier, et
il faut analyser tour à tour la manière grave et
savante avec laquelle Nanteuil, Edelinck, Gérard
Audran, Pierre brevet, ont dit la majesté du siècle
de Louis XIV ; la finesse et la souplesse des Bou-
cher et des Saint-Aubin disant la volupté du
xviii0 siècle; il faut passer des élégances anglaises à la
sévérité de l’école de David et au nervosisme de Goya;
et, enfin, il faut marquer l’extraordinaire variété
de notre époque où nous avons vu, à côté do la
rudesse allemande dont le burin semble frapper le
cuivre comme une épée, la finesse et l’exquise
poésie des Seymour Iiaden et d'3 Fantin-Latour.
Marcel Reymond.
La Fleur de la Science de Pourtraicture. Pa-
trons de broderie, façon arabicque et yta-
lique, par Francisque Pellegrin, 1530. Réim-
pression en fac-similé avec introduction par
M. Gaston Migeon. Paris, Schemit, 1908. Un vol.
in-8°, 42 planches av. 8 p. de texte.
Le livre de Pellegrin est un des plus rares parmi
les recueils d’ornements du xvie siècle ; on n’en
connaît que deux exemplaires, l’un à la Biblio-
thèque de l’Arsenal et l’autre à Dresde ; les feuil-
lets isolés, même, en sont à peu près introuvables,
et c’est pourtant l’un des plus admirables et des
plus intéressants albums que nous ait laissés la
Renaissance. Nous ne parlons pas seulement de
la beauté de l’impression, qui est extraordinaire ;
mais dans aucun on ne comprend même la façon
dont nos ai tistes français se sont inspirés des modes
italiennes et par quelles voies leur sont venues
ces modes ; des recueils du genre de celui-ci étaient
des « cahiers d’expressions » tout traités et ils
n’avaient qu’à y puiser pour composer le décor
charmant de leurs arabesques. C’est une bonne
idée que M. Migeon a eue de rendre ce recueil
accessible à tous les travailleurs, et il faut louer
aussi l’éditeur, M. Schemit, du soin dont témoigne
cette publication.
R. K.
William Morris, par Alfred Novës. London,
Macmillan. Un vol. in-18, 156 pages.
Voici, sans abus de lettres ni d’anecdotes, un
petit livre savant et vivant, où 1 auteur suivant
pas à pas la carrière de son héros, fait assister à
la naissance des œuvres qui ont valu à William
Morris la belle place qu’il occupe dans l'histoire
de son pays, comme artiste et comme poète.
William Morris fait partie avec Burne-Jones et
Rosetti de la « Préraphaélite Brotherhood ». Ar-
tiste, il est surtout un décorateur. Les meilleures
créations de ses mains sont des vitraux et des ta-
pisseries; il a aussi créé pour le public des objets
usuels dont la forme et le décor sont inspirés des
idées émises par Ruskin. Mais c’est principale-
ment comme écrivain que M. Noyés considère et
admire William Morris. Il étudie en détail tous ses
poèmes, depuis les prenvers, d’allure romantique,
jusqu’aux derniers, de forme épique. Il n’est fait
qu’une assez brève allusion aux travaux de socio-
logie de William Morris. Au regard de M. Noyés,
William Morris est, en toute chose et avant tout,
un poète.
Berthe Chiron.
NECROLOGIE
Le 3 janvier dernier est mort à Lyon, sa ville
natale, le peintre Joseph Trévoux. Notre colla-
borateur, M. Alphonse Germain l’a révélé à nrs
lecteurs l’an dernier dans la Gazette (février 1908).
Né en 1831, Trévoux avait reçu sa formation
artistique dans l’atelier de Louis Janrnot, alors
célèbre. Il y fut le condisciple de Paul Borel, avec
lequel il resta étroitement lié d’amitié. Il eut aussi
de très cordiaux rapports avec Ravier, Carrand et
Vernay. Naturiste enthousiaste, il s’était consacré
au paysage, et c’est surtout dans sa province et
les régions avoisinantes qu’il choisit ses motifs.
D’esprit très indépendant et très juvénile, il procéda
de bonne heure avec une facture libre, large et
verve me, dont s’effrayèrent ceux de ses confrères
qui veillaient aux portes du Salon local. Ses
tableaux, lorsqu’on les accepta, furent pendant
longtemps aussi mal placés que possible. Parmi
ses principales œuvres, signalons : trois Vues de
Vigneu, Les Communaux de Thuile, deux Vues