N° 6. — 1921.
BUREAUX: 106, BOULEVARD SAINT-GERMAIN (6e)
31 mars.
CHRONIQUE DES ARTS
ET DE LA CURIOSITÉ
SUPPLÉMENT A LA GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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Prix de l’abonnement pour un an :
Paris et Départements : 30 fr. — Étranger : 35 fr.
Le Numéro : x franc
PROPOS DU JOUR
Une série de faits récents démontrent
avec évidence que la « beauté de
Paris », volontiers proclamée en des
discours ou des articles, est pour beau-,
coup un vain mot. L’intérêt particulier en fait
absolument fi, comme si le mauvais goût, le zèle
de détruire ne suffisaient pas à altérer les sites et
les monuments.
C’est un conseiller municipal qui lance le
projet saugrenu d’exhausser tous les immeubles
de la rue de Rivoli faisant face aux Tuileries et
au Louvre. C’est le conseil de préfecture qui se
voit obligé de poursuivre les commerçants de la
place Vendôme se refusant à supprimer des
enseignes abusives. C’est un comité « d’amis »
qui voulait modifier l’avenue des Champs-
Elysées dont la belle et sobre ordonnance l’offus-
quait probablement, à moins qu’il ne s’agît sim-
plement de faciliter aux voitures l’accès des
maisons riveraines. C’est la démolition des forti-
fications, qui peut susciter des craintes assez
vives au sujet de l’utilisation subséquente des
espaces récupérés. .Ce sont des destructions
opérées en certains points plantés d’arbres, l’im-
puissance constatée en présence des monuments
dégradés; etc.
Qu’une ville, un édifice même, ne puisse rester
éternellement ce qu’il a été'en ses premiers jours,
cela va de soi. Encore convient-il de respecter
ce qui peut l’être sans inconvénient aucun pour
les modernes habitants et leurs travaux. Quand il
ne s’agit ni de mesures d’hygiène, ni de quartiers
trop resserrés, ni de masures, nf de nécessités
commerciales ou industrielles, on peut, semble-
t-il, conserver avec quelque scrupule ce qui le
mérite par son caractère et sa beauté. C’est bien
le cas de la rue de Rivoli, de la place Vendôme,
de l’avenue des Champs-Elysées, aspects essen-
tiels de Paris, et non, certes, quartiers populaires
où le besoin se fasse sentir de modifications. Et
une chose surprend, c’est que ces points célèbres
de la capitale ne soient point complètement à
l’abri; il faut donc une fois de plus enregistrer la
carence de la loi en matière de protection des
sites.
L’histoire si caractéristique de l’hôtel Astoria
illustre ces déclarations officielles d’administra-
tions qui se disent désarmées. Mais les voit-on
demander des armes ? Nous ne le croyons pas.
En fait, elles ne sont peut-être pas si désarmées
que cela puisque à la place Vendôme on a pu faire
condamner les récalcitrants. 11 est bien probable
que si l’on voulait agir avec la fermeté néces-
saire, et sans se laisser intimider par des criailleries
intéressées, tout pourrait être sauvegardé.
Une autre chose qui surprend c’est l’inaction
du comité d’art et d’esthétique de la ville de
Paris. On se doute à peine de son existence et
l’on ne relève que bien peu de traces de son
activité. La commission du Vieux-Paris manifeste
autrement son zèle et on voudrait la voir mieux-
pourvue en fait de compétence et d’autorité
positive.
Mais de qui donc dépend la décision à l’égard
du surhaussement de la rue de Rivoli, protégée
cependant par d’anciennes dispositions légis-
latives, et à laquelle on a déjà partiellement
attenté ?
, On ne peut nier qu’à la place- Vendôme, il
n’y ait une question commerciale, encore qu’il
s’agisse de commerces de haut luxe pour lesquels
il ne semble pas qu’une publicité indiscrète soit
indispensable. La place est vouée désormais au
négoce; il faut donc subir ici certaines nécessités.
Un examen d’ensemble permettrait certainement
de les réduire au minimum, sans inconvénient
pour les commerçants eux-mêmes ; la belle
ordonnance, la noblesse et la sobriété de la
place ne sont pas, qu’ils en soient convaincus,
sans ajouter au prestige de leurs maisons.
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PROPOS DU JOUR
Une série de faits récents démontrent
avec évidence que la « beauté de
Paris », volontiers proclamée en des
discours ou des articles, est pour beau-,
coup un vain mot. L’intérêt particulier en fait
absolument fi, comme si le mauvais goût, le zèle
de détruire ne suffisaient pas à altérer les sites et
les monuments.
C’est un conseiller municipal qui lance le
projet saugrenu d’exhausser tous les immeubles
de la rue de Rivoli faisant face aux Tuileries et
au Louvre. C’est le conseil de préfecture qui se
voit obligé de poursuivre les commerçants de la
place Vendôme se refusant à supprimer des
enseignes abusives. C’est un comité « d’amis »
qui voulait modifier l’avenue des Champs-
Elysées dont la belle et sobre ordonnance l’offus-
quait probablement, à moins qu’il ne s’agît sim-
plement de faciliter aux voitures l’accès des
maisons riveraines. C’est la démolition des forti-
fications, qui peut susciter des craintes assez
vives au sujet de l’utilisation subséquente des
espaces récupérés. .Ce sont des destructions
opérées en certains points plantés d’arbres, l’im-
puissance constatée en présence des monuments
dégradés; etc.
Qu’une ville, un édifice même, ne puisse rester
éternellement ce qu’il a été'en ses premiers jours,
cela va de soi. Encore convient-il de respecter
ce qui peut l’être sans inconvénient aucun pour
les modernes habitants et leurs travaux. Quand il
ne s’agit ni de mesures d’hygiène, ni de quartiers
trop resserrés, ni de masures, nf de nécessités
commerciales ou industrielles, on peut, semble-
t-il, conserver avec quelque scrupule ce qui le
mérite par son caractère et sa beauté. C’est bien
le cas de la rue de Rivoli, de la place Vendôme,
de l’avenue des Champs-Elysées, aspects essen-
tiels de Paris, et non, certes, quartiers populaires
où le besoin se fasse sentir de modifications. Et
une chose surprend, c’est que ces points célèbres
de la capitale ne soient point complètement à
l’abri; il faut donc une fois de plus enregistrer la
carence de la loi en matière de protection des
sites.
L’histoire si caractéristique de l’hôtel Astoria
illustre ces déclarations officielles d’administra-
tions qui se disent désarmées. Mais les voit-on
demander des armes ? Nous ne le croyons pas.
En fait, elles ne sont peut-être pas si désarmées
que cela puisque à la place Vendôme on a pu faire
condamner les récalcitrants. 11 est bien probable
que si l’on voulait agir avec la fermeté néces-
saire, et sans se laisser intimider par des criailleries
intéressées, tout pourrait être sauvegardé.
Une autre chose qui surprend c’est l’inaction
du comité d’art et d’esthétique de la ville de
Paris. On se doute à peine de son existence et
l’on ne relève que bien peu de traces de son
activité. La commission du Vieux-Paris manifeste
autrement son zèle et on voudrait la voir mieux-
pourvue en fait de compétence et d’autorité
positive.
Mais de qui donc dépend la décision à l’égard
du surhaussement de la rue de Rivoli, protégée
cependant par d’anciennes dispositions légis-
latives, et à laquelle on a déjà partiellement
attenté ?
, On ne peut nier qu’à la place- Vendôme, il
n’y ait une question commerciale, encore qu’il
s’agisse de commerces de haut luxe pour lesquels
il ne semble pas qu’une publicité indiscrète soit
indispensable. La place est vouée désormais au
négoce; il faut donc subir ici certaines nécessités.
Un examen d’ensemble permettrait certainement
de les réduire au minimum, sans inconvénient
pour les commerçants eux-mêmes ; la belle
ordonnance, la noblesse et la sobriété de la
place ne sont pas, qu’ils en soient convaincus,
sans ajouter au prestige de leurs maisons.