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MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE,
veut, mais très bien constatée, patronnée par de grands noms; et remise en vigueur, s'il en
eût été besoin, précisément dans la Haute-Bourgogne, moins de deux siècles avant l'époque
de nos sculpteurs, par S. Odon de Cluny*. Selon cette manière d'entendre plusieurs passages
des livres saints, nous aurions ici la sauterelle, animal bondissant et avide d'une liberté in-
quiète ; mais qui, ligure des nations païennes converties à la loi après s'être laissé égarer
par leurs vaines pensées et leurs désirs, nous est montrée disciplinée en quelque sorte, et
marchant sous la conduite d'un chef intelligent, contre l'ennemi le plus redoutable de tous
les animaux et de l'homme même. Cette façon d'entendre la sculpture de Yézelai aurait
l'avantage d'expliquer jusqu'aux moindres détails où l'on pouvait ne soupçonner que des
motifs d'ornementation complétant la scène par une sorte de paysage. Car ces arbustes, d'une
part, et cette végétation rampante, de l'autre, pourraient bien avoir été destinés à rappeler
dans son entier l'un des textes développés par 8. Grégoire lorsqu'il voit dans l'amandier
xii, 5) les belles prémices de vertus produites par la primitive Église, et dans le
/7%n*.s (mot dont je ne saurais donner une traduction bien concluante, mais qui a été pris pour
le un indice du peu de persistance de la Synagogue, qui céda la place aux fidèles venus
de la Gentilité.
Ainsi tout cela formerait un accessoire complémentaire à la leçon donnée par l'autre
chapiteau. On nous avait montré l'ancienne Loi conspirant avec la nouvelle à confirmer et à
consacrer l'Alliance entre le ciel et le terre par Jésus-Christ, et les livres des Juifs formant le
titre fondamental de notre noblesse ; on nous fait voir maintenant l'ancien peuple de Dieu
fermant les yeux aux clartés du flambeau dont il est le porteur, et un peuple nouveau com-
posé de toutes les nations succédant par substitution aux privilèges comme à la foi des fils
d'Abraham. Ce ne serait donc qu'une expression nouvelle de la doctrine si volontiers repro-
duite sous vingt formes diverses, surtout entre le dixième siècle et le treizième : l'Église rem-
plaçant la Synagogue, les Gentils enrichis par l'infidélité des Juifs, et le grand jour de l'Évan-
gile se levant aux dépens de l'ancien peuple sur les peuples longtemps fomèrd & A?
L'explication des vitraux de Bourges nous a donné bien des fois l'occasion de recon-
naître combien les hautes époques de l'art chrétien affectionnaient cette pensée, nous la ren-
contrerons souvent encore sur nos pas dans ces s'il plaît à Dieu, en continuant à
explorer ces âges si féconds en formes pleines de vie.
CHARLES CAHIER.
3 Od. cluniacens., MoraL ù: xxxi (Bibl. PP., t. xvn,
552). Cet ouvrage n'est qu'une abréviation duiivre de S. Gré-
goire-le Grand, faite pour répandre davantage !es enseigne-
ments de ce docteur. Or, non seulement un pareil travail
avait dû se répandre au moins dans les environs du monas-
tère qu'avait dirigé S. Odon, non seulement le grand nom de
Cluny garantissait une puissante inlluence à tout ce qui en
sortait, principalement à cette époque qui était celle de sa
gloire ; mais Vézelai tout particulièrement était en relations
fréquentes avec cette puissante abbaye : si bien que les clu-
nistes prétendirent plus d'une fois avoir juridiction sur l'église
où nous avons pris les chapiteaux qui nous occupent dans ce
Mémoire. Cf. Nie. L. Martin, C/u'OHÙpte de Fdrdaÿ, p. 39,
ù5, 51, 109, 152, etc.
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE,
veut, mais très bien constatée, patronnée par de grands noms; et remise en vigueur, s'il en
eût été besoin, précisément dans la Haute-Bourgogne, moins de deux siècles avant l'époque
de nos sculpteurs, par S. Odon de Cluny*. Selon cette manière d'entendre plusieurs passages
des livres saints, nous aurions ici la sauterelle, animal bondissant et avide d'une liberté in-
quiète ; mais qui, ligure des nations païennes converties à la loi après s'être laissé égarer
par leurs vaines pensées et leurs désirs, nous est montrée disciplinée en quelque sorte, et
marchant sous la conduite d'un chef intelligent, contre l'ennemi le plus redoutable de tous
les animaux et de l'homme même. Cette façon d'entendre la sculpture de Yézelai aurait
l'avantage d'expliquer jusqu'aux moindres détails où l'on pouvait ne soupçonner que des
motifs d'ornementation complétant la scène par une sorte de paysage. Car ces arbustes, d'une
part, et cette végétation rampante, de l'autre, pourraient bien avoir été destinés à rappeler
dans son entier l'un des textes développés par 8. Grégoire lorsqu'il voit dans l'amandier
xii, 5) les belles prémices de vertus produites par la primitive Église, et dans le
/7%n*.s (mot dont je ne saurais donner une traduction bien concluante, mais qui a été pris pour
le un indice du peu de persistance de la Synagogue, qui céda la place aux fidèles venus
de la Gentilité.
Ainsi tout cela formerait un accessoire complémentaire à la leçon donnée par l'autre
chapiteau. On nous avait montré l'ancienne Loi conspirant avec la nouvelle à confirmer et à
consacrer l'Alliance entre le ciel et le terre par Jésus-Christ, et les livres des Juifs formant le
titre fondamental de notre noblesse ; on nous fait voir maintenant l'ancien peuple de Dieu
fermant les yeux aux clartés du flambeau dont il est le porteur, et un peuple nouveau com-
posé de toutes les nations succédant par substitution aux privilèges comme à la foi des fils
d'Abraham. Ce ne serait donc qu'une expression nouvelle de la doctrine si volontiers repro-
duite sous vingt formes diverses, surtout entre le dixième siècle et le treizième : l'Église rem-
plaçant la Synagogue, les Gentils enrichis par l'infidélité des Juifs, et le grand jour de l'Évan-
gile se levant aux dépens de l'ancien peuple sur les peuples longtemps fomèrd & A?
L'explication des vitraux de Bourges nous a donné bien des fois l'occasion de recon-
naître combien les hautes époques de l'art chrétien affectionnaient cette pensée, nous la ren-
contrerons souvent encore sur nos pas dans ces s'il plaît à Dieu, en continuant à
explorer ces âges si féconds en formes pleines de vie.
CHARLES CAHIER.
3 Od. cluniacens., MoraL ù: xxxi (Bibl. PP., t. xvn,
552). Cet ouvrage n'est qu'une abréviation duiivre de S. Gré-
goire-le Grand, faite pour répandre davantage !es enseigne-
ments de ce docteur. Or, non seulement un pareil travail
avait dû se répandre au moins dans les environs du monas-
tère qu'avait dirigé S. Odon, non seulement le grand nom de
Cluny garantissait une puissante inlluence à tout ce qui en
sortait, principalement à cette époque qui était celle de sa
gloire ; mais Vézelai tout particulièrement était en relations
fréquentes avec cette puissante abbaye : si bien que les clu-
nistes prétendirent plus d'une fois avoir juridiction sur l'église
où nous avons pris les chapiteaux qui nous occupent dans ce
Mémoire. Cf. Nie. L. Martin, C/u'OHÙpte de Fdrdaÿ, p. 39,
ù5, 51, 109, 152, etc.