AVANT-PROPOS.
VI
s'apercevant qu'au besoin sa nature ne iui faisait guère faux-bond dans l'instant décisif,
et it s'encourageait d'autant à laisser venir gens et choses :
<t Et milii res, non me rebus submtttere conor ; H
quoique la lecture ou le souvenir des classiques anciens fût le moindre de ses soucis.
Dans ces conditions bien constatées pour un esprit observateur * après seize ou dix-sept
ans de relations quasi quotidiennes, je me savais garanti contre tout autre contrat intervenu
subrepticement, surtout pour long terme. Non pas que je fusse précisément désireux de
marcher jusqu'au cimetière la main dans la main avec mon associé : il était venu de son
plein g'ré me demander un coup d'épaule pour la publication des Vaû'HM.X' & et tout
en acceptant cette tâche sans le moindre épilogue, quoique j'eusse d'autres travaux sur le
chantier (comme on dit), je ne lui laissai pas ignorer plus tard que mes véritables penchants
étaient de vieille date vers l'histoire ecclésiastique toute pure où il y avait lieu de remplacer
utilement et solidement Fleury Mais le talent de mon confrère pour les arts du dessin et
son imagination active semblaient devoir être contenus dans une route largement tracée,
quoique constamment suivie, pour ne pas se perdre en divagations dépourvues de portée
durable. Lui-même sentait fort bien d'ailleurs que, malgré certaines sévérités fraternelles
en fait d'allures générales pour éviter les écarts de plan, je lui laissais une habituelle indé-
pendance qui était tout-à-fait de son gnût et qu'il n'eût pas conservée longtemps avec bien
d'autres. Je laisse à penser en outre s'il rêvait d'abandonner à l'oubli tant de dessins et de
bois ou métaux gravés qu'il accumulait depuis longtemps avec amour!
Tout ce que dessus, pour qui voudrait dire ou écrire (de mon vivant) chose plus ou moins
contraire. Moi mort, une riposte un peu verte pourra être moins à craindre ; si ce n'est que
d'autres encore assez bien informés y prennent leurs coudées plus franches, comme étant
désintéressés personnellement aux débats.
Maintenant, au volume que voici. Dans le tome précédent, je laissais voir que les provi-
sions monumentales ne manquaient pas pour une nouvelle campagme des con-
1. Ne sous le premier empire napoléonien et même à por-
tée de mousquet du ministère de la police, il m'aurait fallu
être bien buse pour ne pas acquérir dès l'enfance une certaine
habitude d'observation. Nous voyions sans cesse nos parents
interrompre brusquement une phrase, en causant avec les
meilleurs amis; et nos petites cervelles comprenaient, je ne
sais comme, qu'il ne fallait pas en demander le pourquoi.
Aussi m'est-il arrivé de ne m'enquérir qu'en 1815 ou 1816
sur des faits publics observes dans la rue en 1812, mais où
nous avions aperçu plus de mystères que le régime politique
d'alors ne permettait d'en sonder. Qui n'était pas enthou-
siaste, se sentait suspect Ipso /acto.
Que cette pression mystérieuse fût ragaillardissante pour
nos cœurs d'enfants et pour l'épanchement intime, je ne l'af-
firme pas du tout; mais esprit et regard s'y aiguisaient en
revanche. Donc, comme dit le proverbe : c A quelque chose,
malheur est bon. r
2. La réussite obtenue par l'abbé Rohrbacher et d'autres
depuis lors, malgré cent défauts incontestables, montre
assez que je ne poursuivais pas en cela une simple utopie;
bien que j'en eusse conçu le projet dès l'àge de vingt ans,
qui passe à bon droit pour époque des illusions dans la vie
de chaque homme. Mais je ne m'étais point dissimulé dès
1828, qu'il y fallait théologie, a patience et longueur de
temps. « Aussi fais-je mes compliments (de condoléance) à
ceux qui, en diverses régions et langues, prêtent à croire
que semblable sujet leur ait paru matière d'improvisation —
quelque pou méditée avant l'envoi aux compositeurs, sans
doute; —de fait improvisation relative, néanmoins, lors
même qu'elle couvre plusieurs volumes.
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s'apercevant qu'au besoin sa nature ne iui faisait guère faux-bond dans l'instant décisif,
et it s'encourageait d'autant à laisser venir gens et choses :
<t Et milii res, non me rebus submtttere conor ; H
quoique la lecture ou le souvenir des classiques anciens fût le moindre de ses soucis.
Dans ces conditions bien constatées pour un esprit observateur * après seize ou dix-sept
ans de relations quasi quotidiennes, je me savais garanti contre tout autre contrat intervenu
subrepticement, surtout pour long terme. Non pas que je fusse précisément désireux de
marcher jusqu'au cimetière la main dans la main avec mon associé : il était venu de son
plein g'ré me demander un coup d'épaule pour la publication des Vaû'HM.X' & et tout
en acceptant cette tâche sans le moindre épilogue, quoique j'eusse d'autres travaux sur le
chantier (comme on dit), je ne lui laissai pas ignorer plus tard que mes véritables penchants
étaient de vieille date vers l'histoire ecclésiastique toute pure où il y avait lieu de remplacer
utilement et solidement Fleury Mais le talent de mon confrère pour les arts du dessin et
son imagination active semblaient devoir être contenus dans une route largement tracée,
quoique constamment suivie, pour ne pas se perdre en divagations dépourvues de portée
durable. Lui-même sentait fort bien d'ailleurs que, malgré certaines sévérités fraternelles
en fait d'allures générales pour éviter les écarts de plan, je lui laissais une habituelle indé-
pendance qui était tout-à-fait de son gnût et qu'il n'eût pas conservée longtemps avec bien
d'autres. Je laisse à penser en outre s'il rêvait d'abandonner à l'oubli tant de dessins et de
bois ou métaux gravés qu'il accumulait depuis longtemps avec amour!
Tout ce que dessus, pour qui voudrait dire ou écrire (de mon vivant) chose plus ou moins
contraire. Moi mort, une riposte un peu verte pourra être moins à craindre ; si ce n'est que
d'autres encore assez bien informés y prennent leurs coudées plus franches, comme étant
désintéressés personnellement aux débats.
Maintenant, au volume que voici. Dans le tome précédent, je laissais voir que les provi-
sions monumentales ne manquaient pas pour une nouvelle campagme des con-
1. Ne sous le premier empire napoléonien et même à por-
tée de mousquet du ministère de la police, il m'aurait fallu
être bien buse pour ne pas acquérir dès l'enfance une certaine
habitude d'observation. Nous voyions sans cesse nos parents
interrompre brusquement une phrase, en causant avec les
meilleurs amis; et nos petites cervelles comprenaient, je ne
sais comme, qu'il ne fallait pas en demander le pourquoi.
Aussi m'est-il arrivé de ne m'enquérir qu'en 1815 ou 1816
sur des faits publics observes dans la rue en 1812, mais où
nous avions aperçu plus de mystères que le régime politique
d'alors ne permettait d'en sonder. Qui n'était pas enthou-
siaste, se sentait suspect Ipso /acto.
Que cette pression mystérieuse fût ragaillardissante pour
nos cœurs d'enfants et pour l'épanchement intime, je ne l'af-
firme pas du tout; mais esprit et regard s'y aiguisaient en
revanche. Donc, comme dit le proverbe : c A quelque chose,
malheur est bon. r
2. La réussite obtenue par l'abbé Rohrbacher et d'autres
depuis lors, malgré cent défauts incontestables, montre
assez que je ne poursuivais pas en cela une simple utopie;
bien que j'en eusse conçu le projet dès l'àge de vingt ans,
qui passe à bon droit pour époque des illusions dans la vie
de chaque homme. Mais je ne m'étais point dissimulé dès
1828, qu'il y fallait théologie, a patience et longueur de
temps. « Aussi fais-je mes compliments (de condoléance) à
ceux qui, en diverses régions et langues, prêtent à croire
que semblable sujet leur ait paru matière d'improvisation —
quelque pou méditée avant l'envoi aux compositeurs, sans
doute; —de fait improvisation relative, néanmoins, lors
même qu'elle couvre plusieurs volumes.