IVOIRES SCULPTES. IX, LE SAINT-GRAAL.
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qui mettent sur la trace de cette légende M. San Marte (A. Schulz), qui est bien l'un des
hommes du métier, résumait la question, vers 1864, dans l'Encyclopédie d'Ersch et Gruber^.
Mais on peut puiser des indications très-suffisantes dansl'ÆlM<a?e publiée par M. G. A. Hein-
rich RMf Je puis donc bien me borner à extraire de tout cela les
données principales qui feront comprendre notre petit monument, sans avoir à m'embar-
quer plus que de raison dans les brouillards des traditions celtiques, ou de ce que l'on
appelle NAloù'c &.s-
Des coupes plus ou moins enchantées se voient dans les récits orientaux, et les rappro-
chera qui voudra de celles des Bretons, même avant le Christianisme. Le Graal du moyen
âge, des druides même, si l'on veut, parait avoir été plutôt un plat, et celui qu'on attribue
à Joseph d'Arimatbie devait être quelque chose comme une écuelle. Nulle merveille pour-
tant que l'on ait imaginé d'ajouter un couvercle au vase qui passait pour si précieux.
Quelle était la raison que l'on donnait pour tant de respect ? Selon quelques-uns, il avait
servi à la dernière Cène de Notre-Seigneur, et les Génois n'en tombaient point d'accord,
eux qui n'ont pas tout-à-lait renoncé à posséder le Aacro caûAo ; quoique depuis une époque
moins reculée, vu qu'ils ne prétendaient pas l'avoir avant les croisades. La Grande-Bretagne
n'est pas si accommodante ; elle veut être redevable du Saint-Graal aux premiers temps de
la prédication apostolique. Joseph d'Arimathie, emprisonné d'abord par les Juifs, aurait été
ensuite lancé sur la Méditerranée, avec sainte Madeleine, saint Lazare, etc., sur un bateau
désemparé, et serait venu aborder en Provence. De là, il aurait traversé la France et la
Manche pour aller évangéliser les Celtes transmarins. Baronius a cru devoir donner quel-
que place dans ses Annales à ce récit quelconque, d'après Gildas et autres Gallois peu an-
ciens h Mais le vénérable Bède ne parait pas en avoir entendu dire un mot, tout savant
consciencieux qu'il était. Ce grand homme n'en lait nulle mention, et la légende semble bien
être venue à la suite des querelles envenimées entre Celtes et Saxons, lorsque les premiers,
poussés à bout dans leur résistance, voulurent faire valoir leur titre de vieux chrétiens
contre l'Église des conquérants. Terrain et discipline chrétienne se dérobaient sous les
pieds de la race aborigène, opiniâtre autant que nulle autre au monde.
a Tout était juste alors ! o
L'imagination celtique trouva toute sorte de raisons, bonnes ou mauvaises, pour tenir la
gageure contre les missionnaires romains qui avaient évangélisé la population saxonne ou
danoise. Il fallait donc opposer aux papes quelque prédicateur qui valût à peu près les
Apôtres, pour épauler des observances défendues opiniâtrément par les Bretons insu-
laires contre leurs voisins cordialement détestés. Joseph d'Arimathie, avec sa pérégrination
1. IMd., p. 319-324; et 367, sv.
2. Section, t. 77, p. 136 à 137.
3. Paris, 1885, in-8.
Les Bollandistes aussi (AA. SS. Hart., t. II, p. 807-510) ne
sont pas à mépriser dans ce qu'ils en disent, quoiqu'ils ne
lissent alors qu'étendre leurs ailes sans accorder à leurs
travaux tout l'espace qu'ils ont pris souvent dès les volumes
du mois de mai.
M. d'Arbois de Jubainville en a dit quelque chose aussi
tout récemment (Renne crRigne (y/tMloire, etc., 29 août 1868,
n° 178), à propos des Romans & la laMe ronde: et s'il m'est
permis de donner ma fagon de penser en cela, je me mettrais
tout à fait de son côté.
On pourra consulter avec intérêt un article publié par la
Renne 6r%nn?u'gtte au mois de juin 1865, sur le roi AriAnr,
p. 314, svv.; et la notice qui précède le Roman du sain! Gruai,
publié par M. Francisque Michel. Cf. H. de la Villemarqué,
les Romans de la %oMe ronde, VII (Perceval). — F. L. Poli-
dori, La taooln ritonda, p. 459, sgg.; 4-72, sgg.; 426-436;
459, sgg.; etc.
4. Cf. R. Sala, not. ad J. Bona, Rernm Mfnryî'c., libr. I,
cap. vu, T. I; p. 106-108. — La Tanoia riionda, p. 125, sg.;
473, sgg.; etc., 459, sgg.
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qui mettent sur la trace de cette légende M. San Marte (A. Schulz), qui est bien l'un des
hommes du métier, résumait la question, vers 1864, dans l'Encyclopédie d'Ersch et Gruber^.
Mais on peut puiser des indications très-suffisantes dansl'ÆlM<a?e publiée par M. G. A. Hein-
rich RMf Je puis donc bien me borner à extraire de tout cela les
données principales qui feront comprendre notre petit monument, sans avoir à m'embar-
quer plus que de raison dans les brouillards des traditions celtiques, ou de ce que l'on
appelle NAloù'c &.s-
Des coupes plus ou moins enchantées se voient dans les récits orientaux, et les rappro-
chera qui voudra de celles des Bretons, même avant le Christianisme. Le Graal du moyen
âge, des druides même, si l'on veut, parait avoir été plutôt un plat, et celui qu'on attribue
à Joseph d'Arimatbie devait être quelque chose comme une écuelle. Nulle merveille pour-
tant que l'on ait imaginé d'ajouter un couvercle au vase qui passait pour si précieux.
Quelle était la raison que l'on donnait pour tant de respect ? Selon quelques-uns, il avait
servi à la dernière Cène de Notre-Seigneur, et les Génois n'en tombaient point d'accord,
eux qui n'ont pas tout-à-lait renoncé à posséder le Aacro caûAo ; quoique depuis une époque
moins reculée, vu qu'ils ne prétendaient pas l'avoir avant les croisades. La Grande-Bretagne
n'est pas si accommodante ; elle veut être redevable du Saint-Graal aux premiers temps de
la prédication apostolique. Joseph d'Arimathie, emprisonné d'abord par les Juifs, aurait été
ensuite lancé sur la Méditerranée, avec sainte Madeleine, saint Lazare, etc., sur un bateau
désemparé, et serait venu aborder en Provence. De là, il aurait traversé la France et la
Manche pour aller évangéliser les Celtes transmarins. Baronius a cru devoir donner quel-
que place dans ses Annales à ce récit quelconque, d'après Gildas et autres Gallois peu an-
ciens h Mais le vénérable Bède ne parait pas en avoir entendu dire un mot, tout savant
consciencieux qu'il était. Ce grand homme n'en lait nulle mention, et la légende semble bien
être venue à la suite des querelles envenimées entre Celtes et Saxons, lorsque les premiers,
poussés à bout dans leur résistance, voulurent faire valoir leur titre de vieux chrétiens
contre l'Église des conquérants. Terrain et discipline chrétienne se dérobaient sous les
pieds de la race aborigène, opiniâtre autant que nulle autre au monde.
a Tout était juste alors ! o
L'imagination celtique trouva toute sorte de raisons, bonnes ou mauvaises, pour tenir la
gageure contre les missionnaires romains qui avaient évangélisé la population saxonne ou
danoise. Il fallait donc opposer aux papes quelque prédicateur qui valût à peu près les
Apôtres, pour épauler des observances défendues opiniâtrément par les Bretons insu-
laires contre leurs voisins cordialement détestés. Joseph d'Arimathie, avec sa pérégrination
1. IMd., p. 319-324; et 367, sv.
2. Section, t. 77, p. 136 à 137.
3. Paris, 1885, in-8.
Les Bollandistes aussi (AA. SS. Hart., t. II, p. 807-510) ne
sont pas à mépriser dans ce qu'ils en disent, quoiqu'ils ne
lissent alors qu'étendre leurs ailes sans accorder à leurs
travaux tout l'espace qu'ils ont pris souvent dès les volumes
du mois de mai.
M. d'Arbois de Jubainville en a dit quelque chose aussi
tout récemment (Renne crRigne (y/tMloire, etc., 29 août 1868,
n° 178), à propos des Romans & la laMe ronde: et s'il m'est
permis de donner ma fagon de penser en cela, je me mettrais
tout à fait de son côté.
On pourra consulter avec intérêt un article publié par la
Renne 6r%nn?u'gtte au mois de juin 1865, sur le roi AriAnr,
p. 314, svv.; et la notice qui précède le Roman du sain! Gruai,
publié par M. Francisque Michel. Cf. H. de la Villemarqué,
les Romans de la %oMe ronde, VII (Perceval). — F. L. Poli-
dori, La taooln ritonda, p. 459, sgg.; 4-72, sgg.; 426-436;
459, sgg.; etc.
4. Cf. R. Sala, not. ad J. Bona, Rernm Mfnryî'c., libr. I,
cap. vu, T. I; p. 106-108. — La Tanoia riionda, p. 125, sg.;
473, sgg.; etc., 459, sgg.