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MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
Débutons parla simpleémaillerie, que le Limousin multiplia beaucoup dans nos contrées;
mais qui eut aussi d'autres centres de fabrication auxquels nous ne rendons communément
pasassez de justice, peut-être.
On a fait dans le temps (1842) beaucoup de bruit autour de la châsse de saint Calmine
(ou Carmery) qui avait disparu de La Guène (Corrèze) où elle rappelait un saint célèbre
du pays*. Je nepanégyriserai sûrement pas les aliénations de ce genre, surtout faites à
buis-clos par un vendeur aussi dépourvu d'autorisation que d'expérience. Il faut pourtant
convenir que la valeur artistique du monument fut alors un peu surfaite par certains æ-
AmA,' bien aises, peut-être, de glorifier le moyen âge aux dépens d'un curé de campagne
qui n'en savait pas plus long qu'une quantité de ses contemporains (même sous-préfets ou
préfets). Fallait-il en référer au Conseil d'État, qui ne s'y entendait guère mieux? Nos lec-
teurs en pourront jug'er au moins par une de ses faces dessinée chez le prince Soltykofpar
mon ancien collaborateur (Cf. p. 147).
Elle pourra causer quelque surprise à ceux qui auront lu (en février 1842) qu'on y voyait
K reproduite en miniature, la cathédrale de Laon^. Si cela veut dire que, faute d'abside et
de clocher, châsse et cathédrale présenteraient la figure d'une maison, soit; mais n'est-ce
pas ou un truisme divertissant, ou un trop fort appui pour le proverbe qui prémunit con-
tre les comparaisons, attendu qu'elles clochent toutes? Il eût été bien autrement vrai de
rappeler qu'une châsse prétend offrir ordinairement l'aspect d'un cercueil plus ou moins
grand et plus ou moins décoré b Gela est tout particulièrement reconnaissable lorsque l'em-
ploi de l'émail comme unique moyen de décoration, retranche à peu près les saillies de la
ciselure et simplifie les lignes architecturales pour éviter la complication des plans. Les écoles
d'émailleurs ayant eu leur floraison dans des contrées où l'art roman était accepté sans
rivaux, les lignes simples de la structure générale y avaient passé comme en règle. L'ate-
lier s'en accommodait d'autant mieux que l'exécution technique y trouvait moins d'obstacles
à ses procédés traditionnels.
Lorsque la ciselure s'en mêla, surtout avec des statuettes en ronde-bosse, ce fut une phase
nouvelle où les souvenirs grecs devaient être supplantés rapidement par la floraison du
germe introduit chez les Latins b Ces châsses, une fois flanquées d'arceaux profonds qui
servaient de niche à mainte fîgrnre (apôtres, etc.), firent bien moins songer à une bière
ornée * qu'à une église garnie de ses portails et de ses contre-forts latéraux.
Aussi, quoique l'abside ne s'y rencontre guère, le clocher paraît çà et là. On pouvait se
donner comme excuse que les églises portent un vocable de saint, et couvrent nécessaire-
1. M. l'abbé Texier, dans son Æssai... sur les éwMM'HeMrs...
& Limoges (p. 121, svv.; et 66, svv.), parle de cette châsse et
d'une autre conservée à Mausac en Auvergne. Ce lui est oc-
casion de s'étendre sur saint Calmine plus que je n'ai à le
l'aire pour une seule figure; et de citer les phrases de M. Di-
dron; en quoi il m'autorise d'autant à m'en abstenir, item,
il indique çà et là un symbolisme des couleurs dans l'émail-
ierie, où je n'ose pas le suivre. Une palette bornée à des
colorants métalliques fusibles, devait laisser peu de choix
aux gens du xn° siècle; et encore faut-il que l'artiste tâche
de plaire aux yeux. Je ne dis pas que ce doive Être avant
tout, mais c'est une exigence impérieuse qui dispose aux
transactions.
2. Les Grecs du moyen âge traduisent le mot copsa par
xs^a, xsty.TtTpM, 6ïM ; mais un cercueil est aussi une boîte,
un coffre. Les châsses grecques, et celles qui en suivent le
modèle en Occident, ne sont guère que des coffrets.
3. Je vais donner incessamment (p. 132, svv.) une châsse
qui me semble de travail grec sans contestation acceptable.
On n'a, du reste, qu'à recourir aux planches du îtfenotogMim
GræcorMm, t. !, p. 13, 181.
On y pourra voir aussi (t. 1, p. 33, 173, 210; et t. H,
p. 128, 142, 180, 193) que ces coffrets ont toute la forme d'une
petite tombe.
4. Les apôtres adossés avec Notre-Seigneur à un cercueil,
rappelaient du reste fort bien le jugement (et partant la ca-
nonisation), parce qu'il leur a été promis (Matth. x:x, 28)
qu'ils auraient part à la sentence dernière dont il ne sera
plus interjeté appel. C'était donc une sorte de garantie don-
née au culte que l'on rendait à ce saint.
MÉLANGES D'ARCHÉOLOGIE.
Débutons parla simpleémaillerie, que le Limousin multiplia beaucoup dans nos contrées;
mais qui eut aussi d'autres centres de fabrication auxquels nous ne rendons communément
pasassez de justice, peut-être.
On a fait dans le temps (1842) beaucoup de bruit autour de la châsse de saint Calmine
(ou Carmery) qui avait disparu de La Guène (Corrèze) où elle rappelait un saint célèbre
du pays*. Je nepanégyriserai sûrement pas les aliénations de ce genre, surtout faites à
buis-clos par un vendeur aussi dépourvu d'autorisation que d'expérience. Il faut pourtant
convenir que la valeur artistique du monument fut alors un peu surfaite par certains æ-
AmA,' bien aises, peut-être, de glorifier le moyen âge aux dépens d'un curé de campagne
qui n'en savait pas plus long qu'une quantité de ses contemporains (même sous-préfets ou
préfets). Fallait-il en référer au Conseil d'État, qui ne s'y entendait guère mieux? Nos lec-
teurs en pourront jug'er au moins par une de ses faces dessinée chez le prince Soltykofpar
mon ancien collaborateur (Cf. p. 147).
Elle pourra causer quelque surprise à ceux qui auront lu (en février 1842) qu'on y voyait
K reproduite en miniature, la cathédrale de Laon^. Si cela veut dire que, faute d'abside et
de clocher, châsse et cathédrale présenteraient la figure d'une maison, soit; mais n'est-ce
pas ou un truisme divertissant, ou un trop fort appui pour le proverbe qui prémunit con-
tre les comparaisons, attendu qu'elles clochent toutes? Il eût été bien autrement vrai de
rappeler qu'une châsse prétend offrir ordinairement l'aspect d'un cercueil plus ou moins
grand et plus ou moins décoré b Gela est tout particulièrement reconnaissable lorsque l'em-
ploi de l'émail comme unique moyen de décoration, retranche à peu près les saillies de la
ciselure et simplifie les lignes architecturales pour éviter la complication des plans. Les écoles
d'émailleurs ayant eu leur floraison dans des contrées où l'art roman était accepté sans
rivaux, les lignes simples de la structure générale y avaient passé comme en règle. L'ate-
lier s'en accommodait d'autant mieux que l'exécution technique y trouvait moins d'obstacles
à ses procédés traditionnels.
Lorsque la ciselure s'en mêla, surtout avec des statuettes en ronde-bosse, ce fut une phase
nouvelle où les souvenirs grecs devaient être supplantés rapidement par la floraison du
germe introduit chez les Latins b Ces châsses, une fois flanquées d'arceaux profonds qui
servaient de niche à mainte fîgrnre (apôtres, etc.), firent bien moins songer à une bière
ornée * qu'à une église garnie de ses portails et de ses contre-forts latéraux.
Aussi, quoique l'abside ne s'y rencontre guère, le clocher paraît çà et là. On pouvait se
donner comme excuse que les églises portent un vocable de saint, et couvrent nécessaire-
1. M. l'abbé Texier, dans son Æssai... sur les éwMM'HeMrs...
& Limoges (p. 121, svv.; et 66, svv.), parle de cette châsse et
d'une autre conservée à Mausac en Auvergne. Ce lui est oc-
casion de s'étendre sur saint Calmine plus que je n'ai à le
l'aire pour une seule figure; et de citer les phrases de M. Di-
dron; en quoi il m'autorise d'autant à m'en abstenir, item,
il indique çà et là un symbolisme des couleurs dans l'émail-
ierie, où je n'ose pas le suivre. Une palette bornée à des
colorants métalliques fusibles, devait laisser peu de choix
aux gens du xn° siècle; et encore faut-il que l'artiste tâche
de plaire aux yeux. Je ne dis pas que ce doive Être avant
tout, mais c'est une exigence impérieuse qui dispose aux
transactions.
2. Les Grecs du moyen âge traduisent le mot copsa par
xs^a, xsty.TtTpM, 6ïM ; mais un cercueil est aussi une boîte,
un coffre. Les châsses grecques, et celles qui en suivent le
modèle en Occident, ne sont guère que des coffrets.
3. Je vais donner incessamment (p. 132, svv.) une châsse
qui me semble de travail grec sans contestation acceptable.
On n'a, du reste, qu'à recourir aux planches du îtfenotogMim
GræcorMm, t. !, p. 13, 181.
On y pourra voir aussi (t. 1, p. 33, 173, 210; et t. H,
p. 128, 142, 180, 193) que ces coffrets ont toute la forme d'une
petite tombe.
4. Les apôtres adossés avec Notre-Seigneur à un cercueil,
rappelaient du reste fort bien le jugement (et partant la ca-
nonisation), parce qu'il leur a été promis (Matth. x:x, 28)
qu'ils auraient part à la sentence dernière dont il ne sera
plus interjeté appel. C'était donc une sorte de garantie don-
née au culte que l'on rendait à ce saint.