Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

La caricature: revue morale, judiciaire, littéraire, artistique, fashionable et scénique — 1830 (Nr. 1-9)

DOI Heft:
Numéro 7
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.13563#0050
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LA CARICATURE.

58

Sî_____

CARICATURES

MORALES, RELIGIEUSES, POLITIQUES, LITTÉRAIRES, SCÉNIQUES,, etc.

Ï.E PETIT MERCIER.

Gloire h toi, rci du mouvement! souverain du temps et maître de
l’espace!.... Salut, être courageux, créature composée de salpêtre et de
gaz carbonique... qui donnes des enfans à la Franco pendant tes nuits
laborieuses et qui remultiplies, pendant le jour, ton individu, pour le
service, la gloire et le plaisir de tes concitoyens!..Salut, toi qui as résolu
le problème de suffire, à la fois, à une femme aimable, à ton ménage, au
Constitutionnel, à ton Bureau, à la Garde nationale, à l’Opéra, à Dieu ,
à tout... et qui tires parti de tout, transformant en écus le Constitution-
nel, ton Bureau, l’Opéra, la Garde nationale, ta femme et Dieu !... Salut,
prince des cumulards, irréprochable cumulard , cumulard intéressant,
honte des oisifs! image vivante de l’utile dulci'....

Pardonnez-moi cette incroyable hyperbole; mais encore un mot, et
vous la chanterez à la gloire de l’homme en qui je veux célébrer l’uti-
lité même!.

Levé tous les jours à cinq heures, il a franchi, comme un oiseau , l’es-
pace qui sépare la rue de la Barilleric de la rue Montmartre; et, qu’il
vente, tonne, pleuve ou neige, il est au Constitutionnel, attendant la
charge de journaux dont il a soumissionné la distribution! Il reçoit ce
pain politique avec avidité, le prend, le porte ; et, à neuf heures , il est
au sein de son ménage, débitant un calembourg à sa femme, lui déro-
bant un gros baiser, dégustant une tasse de café ou grondant ses enfans !
Puis , à dix heures moins un quart, il apparaît rue Garancière, à la Mai-
rie !....

Là, posé sur un fauteuil, comme un perroquet vert sur son bâton,
jusqu’à quatre heures, il écrivasse, chaulfé par la ville de Paris, inscri-
vant, sans leur donner une larme ou un sourire, les décès et les naissan-
ces du 5e arrondissement!.... Le bonheur, le malheur de tout un quar-
tier passe par le hec de sa plume, comme l’esprit de M. Jay, la polémique
de M. Etienne et l’encre de M. Chaignieau étaient naguère sur ses épau-
les... Rien ne lui pèse ! Il va toujours chanteroHnant, prend son patriotisme
tout fait dans le journal, ne contredit personne, crie ou applaudit avec
tout le monde, et vit en hirondelle !...

A deux pas de Saint-Sulpice, il peut, en cas d’une cérémonie impor-
tante , laisser sa place au garçon de bureau , et aller chanter un requiem,
h ce lutrin dont il est, le dimanche et les jours de fête, le plus bel or-
nement, la voix la plus imposante, où il tord avec énergie sa large bouche
en faisant tonner un joyeux : — Amen !... Il est chantre !...

Libéré à quatre heures de son service officiel, il apparaît pour répan-
dre là joie et la gaieté au sein de la boutique la plus célèbre qui soit en la
Cité. Sa femme est mercière. Il n’a pas le temps d’être jaloux; car c’est
plutôt un homme d’action que de sentiment. Aussi, dès qu’il arrive, il
agace les demoiselles de comptoir, dont les yeux vifs attirent force
chalands... Il se gaudit au sein des parures, des fichus, de la mousseline
façonnées par ces habiles ouvrières; ou, plus souvent encore, avant de
dîner, il copie unepage du journal ou porte chez l’huissier quelque effet
en retard....

A six heures il est fidèle à son poste, et se trouve planté, soit à l’Opéra,
soit aux Italiens, prêt à se formuler en soldat, en Arabe, en prisonnier,
en sauvage, en paysan, en officier, en ombre, en patte de chameau, en lion,
en diable, en génie, en Africain, en esclave, en grand seigneur,... toujours
expert à faire de la joie, de la douleur, de la pitié, de l’étonnement, à
pousser des cris, à se taire, à chasser, à se battre, à représenter Rome
ou l’Egypte, mais toujours mercier au fond du cœur....

A minuit, il redevient bon mari, homme, tendre père, il se glisse
dans le lit conjugal, l’imagination encore tendue par les formes déce-
vantes des nymphes de l’Opéra, faisant ainsi tourner au profit de l’amour
conjugal les dépravations du monde et les voluptueux ronds de jambe de
la Taglioni !... Enfin, s’il dort?.., il dort vite, dépêchant son sommeil
comme il dépêche sa vie....,

Comme il est bel homme, il a obtenu la place lucrative de tambour-
major de sa Légion. Alors, les dimanches, il est, selon les vœux de l’é-
glise ou du général Lafayette, ou chantre divin, rossignol lithurgique,
ou modèle des grâces, une sorte d’Apollon militaire, réglant la marche
des tambours , et se balançant en tête de la Garde nationale , comme une
préface de Victor Hugo devant un volume de poésies !....

N’est-ce pas le mouvement fait homme, l’espace incarné, le cumul en
chair et en os, le protée de la civilisation ? C’est un homme qui résume
tout: histoire, littérature, politique, gouvernement, religion, art mili-
taire !... C’est une encyclopédie vivante, et un Atlas grotesque; il porte le
matin le Constitutionnel; pendant le jour, il stipule la vie et la mort; le
soir, il représente le monde entier! 11 est sans cesse en marche comme la
société ! En lui tout est jambe !_Il cumule Dieu et le diable , le gouver-

nement et l’opposition ; et, de ses huit industries , de ses épaules , de son
gosier, de ses mains , de ses mollets, de sa femme et de son commerce,
il retire, comme d’autant de fermes, des enfans, douze mille francs et le
plus laborieux bonheur qui ait récréé cœur d’homme !... O mon voisin !...
tu es, sans t’en douter, un symbole dont ta femme a seule la clef!... Va,
cours, poursuis ta carrière.Te reposeras-tu jamais ?... Mort, ton cha-

grin serait d’être couché sans espoir de mouvement.... Sois tranquille, tu
trouveras encore de l’emploi parmi les ombres, et tu reviendras peut-
être dans les romans nouveaux, soit comme esprit, soit comme génie !,.,
Gloire à toi, roi du mouvement! [Bis.)

Alfree Coudreux.

FANTAISIES.

Ii A MORT DE MA TANTE.

Italie ! ne te lèveras^tu donc jamais en masse pour exterminer et
les tedeschi et surtout les sots livres que tant de sots ont voulu faire en
ton honneur !... Comment,tu n’as pas de poète , desatirique, devengeur
assez audacieux pour immoler, sous une poignante moquerie, ceux qui
vont tepolluant sans cesse, toi et tes ravissantes figures, ton ciel chaud,
tes monumens fauves, tes ardens paysages, tes montagnes bleues et tes
belles vallées inondées de lumière et d’amour !

Ah ! si je vais visiter jamais ce pays de poésie et depassion, de paresse et
de soleil, je serai comme un prêtre amoureux qui, prudemment, ne pu-
blie pas ses conquêtes, jouissant, dans l’ombre et le silence , des trésors
complaisamment offerts à sa vue discrète.,..

Quoi ! cette terre n’a pas un seul vallon secret, une petite grotte ,

— grande comme une pantoufle, — brune, étroite et moussue, où puisse
aborder un voyageur en s’écriant : —«J’arrive ici le premier!... »

Non, le vulgaire a si bien piétiné, tâté, sali, foulé cette vieille débauchée,
—jencore dans les langes du despotisme, et qui, au mot de : —Liberté !.
élève sa tête, comme un enfant curieux de voir au-delà de son berceau ;

— il a si bien fatigué ce carrefour depuis long-temps effondré par les
altlermen et les touristes du monde entier, —que je n’y connais pas un
seul point vierge dont la description puisse imprimer une piquante ver-
deur à ce passage, où je voudrais placer la mort te ma tante en forme
de vignette capricieusement dessinée au bas d’un livre, pour y remplacer
le mot — fin !... Car, après tout, la mort est la fin de bien des livres !...

Eh bien, elle mourut — à un endroit que j’ai toujours admiré dans une

des estampes du voyage de l’abbé de Saint-Non. C’est à l’extrémité

de la baie de Naples. (Voyez la planche xxix. ) Ah! quel ciel!... —Par
le corps du Christ ! l’artiste, le graveur et le typographe l’ont miracu-
leusement bien rendu !.... — Ces nuages me réchauffent!.... Il y a du

feu sur ce froid papier!_—Tout le monde se dira comme moi : —

« Voilà bien comme je me figure que doive être l’Italie !.. » —Est-il pos-
sible de mourir sous les caresses de cette brise?.. —en respirant cet air
embaumé, cette haleine pleine de vie, —en voyant scintiller les facettes
lumineuses de ces flots diaphanes qui se succèdent sur le rivage comme
des mots d’amour!...

A l’aspect de cette,estampe, je devine qu’il est midi ! J’entends au
Bildbeschreibung
Für diese Seite sind hier keine Informationen vorhanden.

Spalte temporär ausblenden
 
Annotationen