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Le charivari — 12.1843

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Août (No. 213-243)
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https://doi.org/10.11588/diglit.17364#0903
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LE CMAElïARï:

les Turcs supprimeront "leurs sérails ; tous les monar-
ques, guidés par une étoile, viendront nous adorer, et
je serai proclamé Omniarque du globe.

Donc les passions étant l'attraction, nous légitimons
les passions. Ça vous va-t-il?

— Parfaitement.

— Vous êies déjà à demi phalanstériné. Je poursuis.

Il n'y a pas autant de passions qu'on le pense généra-
lement; nous en avons fixé le nombre à dix à peu près,
que nous divisons en scnsilives et animiques. Les pre-
mières correspondent aux cinq sens ; les autres ne cor-
respondent à rien du tout, et elles sont supérieures aux
premières. Elles tendent aux groupes et se partagent
ainsi : amour, amitié, famille, ambition.

Maintenant, comme on peut avoir de l'attraction pour
plusieurs choses et aimer le changement, nous avons
inventé une passion nouvelle. Aimez-vous le change-
ment ?

—Mon cœur inconstant et volage
N'a jamais bien su se fixer,
Et je pense, comme le sage,
Qu'il est amusant de changer.

— Alors vous avez la Papillonne, du mot latin papil-
lonnare, c'est-à-dire courir de fleurs en fleurs, de pas-

. sions en passions. Vous est-il arrivé d'avoir eu plusieurs
maîtresses à la fois ?

—Avoir comme don Juan mille et puis trois maîtresses,
C'est un remède sûr pour chasser nos tristesses.

— Bravo ! vous avez la Composite, du mot latin com-
ponere, réunir. Aimez-vous les luttes, les intrigues, les
cabales?

—Je hais l'intrigue,
Je fuis la brigue ;
Dans la grandeur
Point de bonheur.

— Tant mieux. Je vois que vous n'avez pas la Caba-
liste, d'un mot latin que je ne connais pas. Ces trois
passions jouent, pour ainsi dire, sur les cinq sensitives
et les quatre animiques. Elles modulent sur ces touches
simples. C'est ce qui fait qu'on les a appelées modula-
trices. Comme elles sont le plus grand levier du méca-
nisme social, on les a dit aussi mécanisantes.

— C'est bien le mot !

— J'espère que vous n'en faites pas un en ce moment.
Après ça, je vous le permets, vous avez h\Papillonne.
C'est du reste notre défaut à la Démocratie pacifique ;
nous avons tous cette maudite Papillonne, Cantagrel a
la Composite, et Victor Considérant la Cabalisle. Moi,
j'ai tout; je suis l'unité, je personnifie l'attraction; je
forme-à moi seul un groupe ; on sera obligé de me créer
une série. Avez-vous bien compris ce que je viens de
vous dire.

— Parfaitement.

— Revenez demain, nous continuerons. Il faut que je
vous explique la série, le groupe et le phalanstère.

— Pourquoi ne pas nous débarrasser de cela tout de
suite ? Je sens que si vous parliez encore cinq minutes
seulement, je serais entièrement cantagrélisé.

— C'est impossible, voici l'heure de m'entretenir avec
l'Esprit. Dans cinq minutes je serai ravi au septième
ciel, et je recevrai de la bouche de la sagesse suprême
les grandes vérités que je suis chargé de transmettre à
l'univers. L'ange viendra bientôt me prendre sur ses
ailes.

— Alors je me sauve !.....A demain.

OU IL EST QUESTION

d'une distribution «le prix, d'une
éloquence et d'un ministre
qui en ont fort peu.

La distribution des prix du concours général vient d'a-
voir lieu suivant l'usage antique, solennel et grotesque.
C'est toujours, au lieu d'une touchante et imposante céré-
monie, une espèce de pendant de la réception du Mala-
de imaginaire. Rien ne manque à la contrefaçon : mas-
siers, perruques, bonnets, robes de docteurs et haran-
gues latines, sauf que le latin des Créerons de la rue des
Grès est aussi apocryphe mais beaucoup moins amusant
que les saignare, pur gare, clysterium donare de M. Dia-
foirus.

La jeune Université continue de s'affubler des burles-
ques oripeaux de la vieille Sorbonne. A la voir ainsi ri-
diculement déguisée, il y a de quoi faire battre un
cœur de jésuite.

Autrefois seulement des représentans des quatre Fa-
cultés assistaient à ces sortes de solennités, tandis qu'a-
vant-hier nous avons remarqué sur l'estrade M. Hébert,
M. deRambuteau,M. Sébastiani, qui ne représentent au-
cune espèce de facultés.

Cette fois le discours soi-disant latin a été prononcé
par le professeur de rhétorique du collège Charlemagne,

M. Caboche (ornatissimus Cabochus). Nous nous dispo- \ Rome, et, en vertu des lois de septembre ie .ne w.,;

un vrai plaisir de contresigner, moi-même, votre traduc-
tion à la barre de la cour des pairs. J'ajouterai qu'il est
assurément très logique d'offrir à votre admiration les
Brutus, les Décius, les Caton, etc., à une époque où ta
moindre parole tant soit peu libre, adressée à un prince
entraîne la destitution et l'anathême officiel.(Voir le mai-
du Mans.)

Enfin, jeunes élèves, soyez assurés qu'un gouverne-
ment éclairé vous suivra hors de cette enceinte, et qu'il
saura récompenser les efforts que vous avez faits pour
acquérir une instruction solide et supérieure. Certes si
vous doutiez encore qu'aujourd'hui les fonctions les plus
élevées appartiennent de préférence aux plus hautes ca-
pacités littéraires etintellecluelles,je vous dirais : iVôye:
M. Soult, ministre, et M. Bugeaud, maréchal de Fran
ce. »

Nota. Ce discours n'est suivi d'aucune acclamation
du moins en français ; on croit seulement entendre M
Caboche pousser un cri de vivat VMismanus !

sions à consulter sur le mérite de cette latinité M. Mon
talivet, juge tout à fait compétent en sa qualité de chef
de cuisine, lorsque nous avons lu les fines et piquaules
réflexions du National d'aujourd'hui. Nous ne pouvons
que renvoyer nos lecteurs à notre spirituel confrère,
qui n'a pas laissé au Charivari le moindre carillon à
glaner dans le champ des denique tandem, des enim vc-
ro, des prorsus et des itaque domini Cabochi.

Une chose curieuse à observer était la contenance de
M. de Rambuteau pendant que se débitait la harangue
cicéronienne de contrebande ; il s'épuisait évidemment
en vains efforts afin de se donner un air d'intelligence et
de faire croire qu'il entendait le latin comme le français ;
— prétention qui du reste n'avait rien d'exorbitant. Di-
sons aussi que nous avons remarqué avec quelque peine
l'air hautain et superbe avec lequel les élèves de Septième
se posaient vis à vis de M. de Rambuteau. Sans doute
ces bambins sont bien supérieurs, sous le rapport des
connaissances littéraires, au premier magistrat de la cité
parisienne, mais iUeût été plus généreux peut-être de ne
pas abuser ainsi de leur supériorité.

Nous arrivons au discours français prononcé par M.
Villemain, dit le grand maître de l'Université. Nous cro-
yons devoir lui donner place dans les colonnes du Cha-
rivari, d'autant mieux que ce discours ne nous semble
pas avoir été reproduit très exactement par nos graves
confrères. Au surplus ce n'est pas étonnant, l'éloquence
de M. Villemain, de même que ses opinions, est toujours
susceptible de variantes.

Jeunes élèves,

Vous avez encore le bonheur d'être dans l'âge de la
candeur et de l'ingénuité. Il est du devoir de ceux qui
sont chargés de vous diriger de chercher à entretenir et
à développer en vous ces précieuses qualités, c'est pour-
quoi j'éprouve en commençant le besoin de vous donner
un exemple de flagornerie et d'adulation. Je veux que
mes premières paroles montent au nez des princes de la
dynastie d'Orléans comme un encens de courtisan. Vous
me direz qu'il faut au moins en pareil cas chercher une
transition ingénieuse:et adroite, eh bien ! je l'ai trouvée
cette transition, et la voici ; « Dans ce moment où vous
attendez le prix encore inconnu de vos efforts,, c'est-à-
dire où vous êtes dans la perplexité de savoir si votre
nom sera proclamé, s'il vous sera donné de jouir de ce
triomphe si doux pour vous et pour vos familles, je suis
certain que votre principale préoccupation est do songer
au.....duc de Nemours.

Oui, sans aucun doute, vous vous associez aux mouve-
mens d'affectueux respects dont vos condisciples de Caen,
d'Angers, de Nantes environnent ce prince qui vous a
précédé dans cette enceinte, qui en est sorti pour la
tranchée d'Anvers et la brèche de Constantine, et
qui.... etc., etc. etc.

Jeunes élèves, vous seriez inexcusables de ne pas tra-
vailler avec une infatigable ardeur à acquérir une ins-
truction supérieure, attendu qu'à cette époque vous a-
vez toute espèce d'encouragement. Le premier et le plus
puissant est dans la forme politique de notre gouver-
nement. En effet, vous ne sauriez ignorer que cette for-
me exclut formellement les capacités de toute interven-
tion dans les affaires politiques ; que le poète, le litté-
rateur, le savant le plus illustre, s'il n'est pourvu en
même temps d'un certain avoir immobilier, est con-
damné à rester à la porte du sanctuaire électoral et
représentatif, tandis que cette porte s'ouvre à deux bat-
tans devant les fabricans de noir animal, les marchands
de briquets phosphoriques, etc. Quels puissans encoura-
gemens pour les arts, les sciences et les lettres!

La condition, le devoir de l'Lniversité est d'élever les
hommes pour notre siècle, pou» nos institutions, mais
en même temps de les entourer, de les munir des plus
hautes et des plus salutaires leçons de morale et de pa-
triotisme. La preuve, c'est qu'on 3 choisi, pour être à
la tête de cet enseignement moral et patriotique, moi qui
n'ai changé qu'environ trois cent soixante-quinze mille
fois d'opinion dans ma vie, et qui si fait, en 18'V nies

UNE RECEPTION

URÉE PAR LES CHEVEUX.

Le maire de Nantes se préparaît à recevoir dignement
le futur régent. Depuis le jour où les journaux avaient
annoncé son départ de Paris, il se faisait raser malin et
soir, et se couchait en grande toilette, de peur d'être sur-
pris par le prince dans un négligé peu présentable.

En cet élat, il rêvait aux moyens de faire à l'Altesse
une réception telle qu'il en fût parlé, non-seulement à
Nantes et auxenvirons, mais encore dans toute l'Europe
et jusqu'aux îles Marquises.

Or ceci n'était pas précisément facile. Dans toutes les
villes que traversait. le duc de Nemours l'enthousiasme
allait toujours en augmentant, au dire du Journal des
Débals ; lès villages rivalisaient avec les cités ; les simples
bourgs se mettaient sur le pied des villages, si bien que le
maire de Nantes, qui no lisait pas d'autre journal que
les Débats, ne savait plus sur quel pied danser, et se
creusait les talons et la cervelle pour y trouver quel-
que idée ingénieuse. Voilà quels peuvent être les funestes
résultats de la lecture immodérée et trop naïve de la
feuille-Berlin.

Ici on avait construit des arcs de triomphe ; là on avait
élevé une pyramide des productions du crû pour rafraî-
chir l'Altesse voyageuse. Nantes se trouvait entre deux
écueils : se conformer servilement aux traditions des vil-
les voisines, ou se laisser surpasser en manifestations mo-
narchiques et bien pensantes par quelque misérable
bourgade de province. L'un était aussi ignominieux que
l'autre. « Ah ! s'écria le maire, plutôt me précipiter dans
la Loire à la tête de tous mes administrés ! Plutôt aller
m'embarquer comme mousse à Paimbœuf que desouffrir
une telle tache sur le blason de la bonne ville de Nan-
tes ! s

Cette idée de blason lui rappela que Nantes avait des
armoiries, ce qui lui donnait le droit d'exhiber au besoin
des domestiques à la livrée de la ville.

Premier avantage de Nantes sur de chétifs hameaux qui
n'avaient d'autre prérogative que de rimer, de temps
immémorial, avec troupeaux, et d'habiller, dans les
grandes occasions, le portier de la mairie en tambour
pour représenter la livrée municipale.

Il ne fallut pas au maire de Nantes plus d'une heure
de réflexion pour tirer parti de sa découverte : « P"'s"
que nous avons une livrée, pensa-l-il, nous en ferons
hommage au prince ; nous le comblerons de laquais, ce
qui lui rappellera le souvenir de la cour, où la valetaille

preuves de patriotisme en baisant iratoireme es bot- ne manque pas

tes de l'empereur de Russie et di roi de r a ■ - ! Aussitôt il se leva, sonna son secrétaire et lui enjoi-

naient d'envahir et de saccager ic sol f sttçais. < gnit de choisir douze Hercules parmiles commissionnaire

Pour nous, l'enseignement, c'est la
trie vivante; c'est en mènv temps ne
tradition plus lointaine, cp.e de Vanl ■ e ins-
titutrice de nos grands é:rivains, la ,iune de
la civilisation modenc. Oui, jeu àchez de
vous pénétrer des leçons d'indépendance et d'austérité
que vous offre rétwie des républiques de Sparte et de

es

du port. Les douze Hercules lui furent présentés le son'
même, couverts de la livrée nantaise. On avait eu soin
de les faire laver et débarbouiller; ils portaient des
gants. C'était un coup d'œil magnifique. Le maire les
passa en revue et se récria d'admiration.
Mais il fit tout à coup une découverte malheureuse.

(La suite à la ie page.)
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