LS CHARIVARI
elle savait maintenant, et toute la maison avec
elle, qu’il avait des embarras d’argent. Enfin, il
jeta la carte au leu avec humeur, et n’y pensa
plus... jusqu’au surlendemain.
Nouvelle carte-postale, en effet, quarante-huit
heures après :
« J'ai un billet de mille francs à payer demain :
il me manque trois cents francs. Je compte sur
votre honneur, sérieusement. »
La lutte était engagée à fond.
Le boursier se vit mis en surveillance : toute la
valetaille de la maison avait pris parti contre lui,
et les boutiquiers de la rue, quand il passait, dis-
simulaient mal leur envie de rire. C’est à peine s’il
osait sortir. Il s’obstinait cependant.
Son bourreau se payait une autre fois le plaisir
de lui écrire, toujours pour la modique somme de
dix centimes :
« Je vous ai vu sorLir hier de chez Chevet avec
une botte d’énormes aspergés. Il faut que la per-
sonne à qui elles étaient destinées ait un four à la
place de la bouche, pour avoir pu les manger! Eh
bien, Monsieur, pendant que vous payez à quelque
drôlesse une botte d’asperges qui, en cette saison,
doit coûter au moins cent francs, je viens de re-
fuser une paire de bottines à ma femme, une hon-
nête mère de famille, pourtant. »
Le coulissier maigrissait, mais ne payait pas,
quand cette carte-postale lui donna le coup de
grâce :
« On vous a vu à la dernière représentation de
Sigurd, à l’Opéra, avec votre dame, qui portait un
châle de crêpe de Chine, valant au plus bas mot
trois mille francs. L’ami qui m’a rapporté le fait
s’y connaît : il en vend. Eh bien, Monsieur, un
honnête homme ne paie pas des châles de trois
mille francs, même à sa femme légitime, dans la
situation où vous êtes vis-à-vis de moi. Je suis aux
abois, au seuil de la faillite et du suicide. Je vous
rends responsable de ma mort. »
Le boursier a fini par s’exécuter. Il a eu raison,
car les gens du quartier parlaient de lui faire un
mauvais parti. Mais comme celui-là sera radieux
quand la loi Roques de Filhol sera votée!
Et tous d’ailleurs, sauf l’Artiste Tronc, nous ap-
plaudirons dos deux mains et des deux pieds !
Seule, Mme Gibou sera aux regrets de perdre sa
récréation favorite : mais baste ! elle se rattrapera
en adoptant un chat de plus.
Paul Courty
--
THÉÂTRES
PALAIS-ROYAL : Le Baron de Carabasse.
Aimez-vous la politique? On se plaît à en mettre
partout.
Aussi plusieurs comptes rendus de la nouvelle
pièce du Palais Royal ont-ils prêté à M. Bergerat.
l’intention d’avoir voulu faire, dans le Baron de
Carabasse, campagne contre la libre-pensée, en
ridiculisant l’athéisme du sieur Réginet, voltairien
pratiquant.
Nous ne croyons pas, quant à nous, que la
bouffonnerie représentée l’autre soir ait eu de
telles visées.
Il est bien question d’un conflit survenu entre
ledit Réginet et Mme Réginet, son épouse, à pro-
pos du mariage religieux de leur fille. Mais les
dissentiments de ce couple bourgeois ont, par
ma foi, bien d’autres motifs, et celui-ci n’est
qu’accessoire.
Sans prendre parti, M. Bergerat a simplement
employé ce moyen d’action pour donner un pré-
texte à la poursuite drolatique du confiseur Thê-
rébin, passant sa première nuit de noces à courir
après sa femme.
Nous ajouterons qu’il y aurait imprudence sans
profit à faire intervenir dans une œuvre de simple
gaieté une des questions qui divisent le plus les
spectateurs.
Donc, comme je vous le disais, le confiseur
Thérébin, idiot à la vanille, épouse Mlle Réginet,
dont les parents sont séparés depuis trois ans. Il
faut que, pour la cérémonie, ils se rapprochent
momentanément, et c’est un élément de franc
rire pour le premier acte que la juxtaposition de
ces conjoints devenus des disjoints.
Daubray et Mathilde se regardant en chiens de
faïence sont irrésistibles de comique.
L’union civile de Thérébin une fois accomplie
dans ces conditions bizarres, Mme Réginet, qui
saisit ce prétexte pour faire pièce à son mari, dé-
clare que le fabricant de pralines ne jouira pas de
ses droits matrimoniaux, tant qu’il n’aura pas
reçu la bénédiction de l’église.
Et elle file, en compagnie de sa fille, sur Fontai-
nebleau.
Naturellement, Thérébin s'élance à sa poursuite.
Mais ce qui complique les choses, c’est que Régi-
net s’y élance aussi et qu’après lui il entraîne une
jeune poseuse, du nom de Gudule, avec laquelle
il se console depuis qu’il est séparé de sa légi-
time.
Tout le monde se retrouve à l’auberge de la
Gorne-d’Or en pleine nuit. Mme Réginet lie même
connaissance avec Gudule, qu’elle prend pour une
femme du monde.
Car il faut vous dire que ce scélérat de Réginet
s’est fait passer auprès de sa maîtresse pour le
baron de Carabasse, et que Gudule, en consé-
quence, se donne elle-même pour une baronne.
Vous devinez ce que l’entrechoquement de tout
ce monde-là peut produire.
Le second acte est étonnant d’ahurissement co-
mique et de tohu-bohu. Les quiproquos rebondis-
sent, la fantaisie fait rage. Le public se tient les
côtes.
Il y a là surtout un vieux chasseur gâteux qu’on
doit réveiller à quatre heures du matin pour aller
tirer un lapin sur lequel il s'acharne depuis plu-
sieurs mois, — un vieux chasseur troublé par ces
côte-à-côte tumultueux, dont chaque apparition
indiquée a soulevé des tempêtes de rire.
C’est qu’aussi ce brave Hyacinthe en a fait un
type inoubliable.
Au troisième acte, nous retrouvons Gudule la
poseuse dans un atelier de peintre. Là, l'action
traîne un peu en longueur. Il faudra pratiquer des
coupures indispensables, car il n’y a vraiment
plus de raisons suffisantes pour retarder un dé-
nouement immédiat.
Dénouement ingénieusement motivé d’ailleurs.
Le mariage de Thérébin se trouvant nul, parce que
Réginet, dans son effarement, a signé par mégarde
de son faux nom de baron de Carabasse.
Mlle Réginet, débarrassée de son marchand de
fondants, redevient libre et pourra épouser le
peintre qu’elle aime. Ce qui, je vous le confesse,
n’est plus pour le public que d’un assez médiocre
intérêt.
Au résumé, si la fin ne répond pas assez aux
promesses des deux premiers actes, si elle n’a
pas la furia du second, il n’en reste pas moins
une pièce bourrée de mots drôles et imprévus,
farcie de cocasseries baroques et audacieuses.
M. Bergerat, en effet, est un oseur aussi bien
dans la comédie que dans le drame. Il est de ceux
qui enlèvent le morceau, à leur risques et périls,
et on doit lui savoir gré d’avoir voulu nous tirer
des vieux poncifs.
Daubray, en baron de contrebande, roule comme
une boule qu’il est de tribulations en ébahisse-
ments.
Mme Mathilde réussit plus d’une fois à rappe-
ler l’immortelle mère Thierret, et Mlle Lavigne
continue à charmer la clientèle du Palais-Roval
par ses effets de contralto burlesque.
M. Raimond, en fiancé qui, comme M. Dupont,
ne peut pas parvenir à consommer l’agréable
sacrifice, procède tour à tour de Gil Pérès et de
Priston. C’est un éclectisme dont on ne saurait lui
savoir mauvais gré.
Pierre Véron.
P.-S. — Une interversion, du fait de l’imprime-
rie, a ajouté hier à notre compte-rendu de Geor-
gette un fragment de post-scriptum concernant la
pièce du Palais-Royal. Nos lecteurs, nous l’espé-
rons, n’ont pas dû s’y tromper, ces lignes conte-
nant quelques éloges et les éloges ne pouvant,
dans la circonstance, être applicables à M. Sardou
P. V.
CRÈME de NOIX. BOUTET, Cahors.
A base de Fine Champagne, couronnée par l’Académie.
CASSIS ET PRUNELLE. Lejay-Lagoute, A Dijon.
LA DUCHESSE BES EMES L ^CIlÈz^VOTHK TI K U
CHARBONNEL, Confiseur, 34, avenue de l’Opéra.
CHARBONNEL — Bonbon 1886 : Sapho.
CHRONIQUE DU JOUR
Bussy-Kabutm, le tant spirituel cousin de la snirit,
Sévigné et le galant écrivain de la tant galante ffl,/•
amoureuse des Gaules, Bussy-Rabutin, dis-je est » • •
l’auteur d’une certaine Carie géographique de ’ la Cour '
se trouve un tableau, — fidèle comme un miroir —’ i°U
nationalités allemande, anglaise et française. ’ aes
On y rencontre, entre autres choses, que, pour sa femm
l’Allemand est un maître, l’Anglais, un valet; le FrannT
un compagnon.
On y rencontre pareillement, que, dans leur intérien
les Allemandes sont des ménagères; les Anglaises r
reines, et les Françaises, des dames. P ’ 4es
On y rencontre’ enfin, ce trait bien caractéristique i.
nos compatriotes : ^ ™
« L’Allemand n'oublie pas le mal qu’on lui a fait - n,,
glais oublie le bien qu'on lui a fait; le Français oublie I,
bien et le mal qu'il a fait et qu’on lui a fait. »
La dernière partie de cette maxime m’est revenue à
l'esprit, l’autre jour, en apprenant, par un journal que
dans un avenir prochain, l’Opéra-Comique menaçait dé
nous faire entendre Lohengrin !
Pour ma part, je ne connais Lohengrin que par Fanée*
dote suivante :
Lors de l’apparition de Wagner à Paris. Baudelaire crut
devoir aller lui porter l’assurance de sa considération
distinguée.
Pour régaler le visiteur, le m iëstro s’assit au piano et
se mit à jouer quelques fragments de son œuvre encore
inconnue chez nous.
Par malheur, il avait compté sans le petit chien de la
maison !
Liés les premières notes, celui-ci, — tranquille jusque là
sous le fauteuil du musicien, — lève la tète et pousse un
de ces bâillements longs et plaintifs, qui dégénèrent si vite
en hurlements chez ces animaux agacés.
Wagner conLinue sans prendre garde. Le chien redouble
ses aboiements. 11 se dresse et s’agite. 11 n’aboie plus : il
gronde !
Les gammes s’entre-croisenl; les chromatiques s’enla-
cent; les basses mugissent; les do sur-aigus grincent...
Le chien bondit, fou de douieur et de rage, saisit entre
ses dents la robe de chambre du maës'ro, la mordille, la
lacère et ne la lâche qu’à la lin finale du morceau...
Wagner était furieux :
— Vous voyez, dit-il à Baudelaire, que j’aurai toujours
à me plaindre des aboyeurs.
— Une voulez-vous? répondit le poète des Fleurs du mal:
ou n’est jamais trahi que par les chiens!
On pratique une singulière orthographe dans certains
théâtres de genre : tous les genres sont bons, hors le genre
ennuyeux.
Un de nos confrères, qui a commis une revue pour un
café-concert, recevait du directeur de celui-ci le « bulletin
de répétition » suivant, dans lequel on l’avertissait de la
présence dans la salle d’un membre de la fameuse Com-
mission d’Examen :
« Mon cher ami,
» Venez sans faute.
» Le sançœur y sera. »
Un mot féroce — et charmant — d’un critique que je ne
nommerai point.
Un matin, il voit entrer chez lui un romancier à la mode.
Celui-ci paraissait en proie à une violente agitation. Ii
brandissait avec colère une feuille parue la veille :
— Mon bon, regardez-moi un peu cet article où ion
éreinte mon dernier livre... Quelque chose de honteux,
d’ignoble!... Tenez, lisez, ce n’est pas même écrit : c’est
plein de fautes de français !
— Des fautes de français ? riposte l’autre avec calme. U
y a donc des citations ?
Deux momentanées des plus cossues en sont aux confi-
dences. La première soupire :
— J’ai un coupé, des diamants, un petit hôtel à Paris,
une villa à la campagne...
— Alors, lu es heureuse? „
— Certainement. Qu’est-ce que je puis désirer de plus.
Et, cependant, je ne suis pas gaie. J’ai, depuis quelque
temps, un hanneton qui me poursuit...
— Et lequel?
— Je voudrais devenir honnête femme!
— Ah ! ma chère, on voit bien que tu as tout ce qu’il te
faut : tu ne sais plus quoi demander.
Réflexion d’un spectateur devant les mandolinistes de
Speranza : . ,
— La mandoline?... Une singulière démangeaison !...
Elle chante quand on la gratte !
André Laroche.
elle savait maintenant, et toute la maison avec
elle, qu’il avait des embarras d’argent. Enfin, il
jeta la carte au leu avec humeur, et n’y pensa
plus... jusqu’au surlendemain.
Nouvelle carte-postale, en effet, quarante-huit
heures après :
« J'ai un billet de mille francs à payer demain :
il me manque trois cents francs. Je compte sur
votre honneur, sérieusement. »
La lutte était engagée à fond.
Le boursier se vit mis en surveillance : toute la
valetaille de la maison avait pris parti contre lui,
et les boutiquiers de la rue, quand il passait, dis-
simulaient mal leur envie de rire. C’est à peine s’il
osait sortir. Il s’obstinait cependant.
Son bourreau se payait une autre fois le plaisir
de lui écrire, toujours pour la modique somme de
dix centimes :
« Je vous ai vu sorLir hier de chez Chevet avec
une botte d’énormes aspergés. Il faut que la per-
sonne à qui elles étaient destinées ait un four à la
place de la bouche, pour avoir pu les manger! Eh
bien, Monsieur, pendant que vous payez à quelque
drôlesse une botte d’asperges qui, en cette saison,
doit coûter au moins cent francs, je viens de re-
fuser une paire de bottines à ma femme, une hon-
nête mère de famille, pourtant. »
Le coulissier maigrissait, mais ne payait pas,
quand cette carte-postale lui donna le coup de
grâce :
« On vous a vu à la dernière représentation de
Sigurd, à l’Opéra, avec votre dame, qui portait un
châle de crêpe de Chine, valant au plus bas mot
trois mille francs. L’ami qui m’a rapporté le fait
s’y connaît : il en vend. Eh bien, Monsieur, un
honnête homme ne paie pas des châles de trois
mille francs, même à sa femme légitime, dans la
situation où vous êtes vis-à-vis de moi. Je suis aux
abois, au seuil de la faillite et du suicide. Je vous
rends responsable de ma mort. »
Le boursier a fini par s’exécuter. Il a eu raison,
car les gens du quartier parlaient de lui faire un
mauvais parti. Mais comme celui-là sera radieux
quand la loi Roques de Filhol sera votée!
Et tous d’ailleurs, sauf l’Artiste Tronc, nous ap-
plaudirons dos deux mains et des deux pieds !
Seule, Mme Gibou sera aux regrets de perdre sa
récréation favorite : mais baste ! elle se rattrapera
en adoptant un chat de plus.
Paul Courty
--
THÉÂTRES
PALAIS-ROYAL : Le Baron de Carabasse.
Aimez-vous la politique? On se plaît à en mettre
partout.
Aussi plusieurs comptes rendus de la nouvelle
pièce du Palais Royal ont-ils prêté à M. Bergerat.
l’intention d’avoir voulu faire, dans le Baron de
Carabasse, campagne contre la libre-pensée, en
ridiculisant l’athéisme du sieur Réginet, voltairien
pratiquant.
Nous ne croyons pas, quant à nous, que la
bouffonnerie représentée l’autre soir ait eu de
telles visées.
Il est bien question d’un conflit survenu entre
ledit Réginet et Mme Réginet, son épouse, à pro-
pos du mariage religieux de leur fille. Mais les
dissentiments de ce couple bourgeois ont, par
ma foi, bien d’autres motifs, et celui-ci n’est
qu’accessoire.
Sans prendre parti, M. Bergerat a simplement
employé ce moyen d’action pour donner un pré-
texte à la poursuite drolatique du confiseur Thê-
rébin, passant sa première nuit de noces à courir
après sa femme.
Nous ajouterons qu’il y aurait imprudence sans
profit à faire intervenir dans une œuvre de simple
gaieté une des questions qui divisent le plus les
spectateurs.
Donc, comme je vous le disais, le confiseur
Thérébin, idiot à la vanille, épouse Mlle Réginet,
dont les parents sont séparés depuis trois ans. Il
faut que, pour la cérémonie, ils se rapprochent
momentanément, et c’est un élément de franc
rire pour le premier acte que la juxtaposition de
ces conjoints devenus des disjoints.
Daubray et Mathilde se regardant en chiens de
faïence sont irrésistibles de comique.
L’union civile de Thérébin une fois accomplie
dans ces conditions bizarres, Mme Réginet, qui
saisit ce prétexte pour faire pièce à son mari, dé-
clare que le fabricant de pralines ne jouira pas de
ses droits matrimoniaux, tant qu’il n’aura pas
reçu la bénédiction de l’église.
Et elle file, en compagnie de sa fille, sur Fontai-
nebleau.
Naturellement, Thérébin s'élance à sa poursuite.
Mais ce qui complique les choses, c’est que Régi-
net s’y élance aussi et qu’après lui il entraîne une
jeune poseuse, du nom de Gudule, avec laquelle
il se console depuis qu’il est séparé de sa légi-
time.
Tout le monde se retrouve à l’auberge de la
Gorne-d’Or en pleine nuit. Mme Réginet lie même
connaissance avec Gudule, qu’elle prend pour une
femme du monde.
Car il faut vous dire que ce scélérat de Réginet
s’est fait passer auprès de sa maîtresse pour le
baron de Carabasse, et que Gudule, en consé-
quence, se donne elle-même pour une baronne.
Vous devinez ce que l’entrechoquement de tout
ce monde-là peut produire.
Le second acte est étonnant d’ahurissement co-
mique et de tohu-bohu. Les quiproquos rebondis-
sent, la fantaisie fait rage. Le public se tient les
côtes.
Il y a là surtout un vieux chasseur gâteux qu’on
doit réveiller à quatre heures du matin pour aller
tirer un lapin sur lequel il s'acharne depuis plu-
sieurs mois, — un vieux chasseur troublé par ces
côte-à-côte tumultueux, dont chaque apparition
indiquée a soulevé des tempêtes de rire.
C’est qu’aussi ce brave Hyacinthe en a fait un
type inoubliable.
Au troisième acte, nous retrouvons Gudule la
poseuse dans un atelier de peintre. Là, l'action
traîne un peu en longueur. Il faudra pratiquer des
coupures indispensables, car il n’y a vraiment
plus de raisons suffisantes pour retarder un dé-
nouement immédiat.
Dénouement ingénieusement motivé d’ailleurs.
Le mariage de Thérébin se trouvant nul, parce que
Réginet, dans son effarement, a signé par mégarde
de son faux nom de baron de Carabasse.
Mlle Réginet, débarrassée de son marchand de
fondants, redevient libre et pourra épouser le
peintre qu’elle aime. Ce qui, je vous le confesse,
n’est plus pour le public que d’un assez médiocre
intérêt.
Au résumé, si la fin ne répond pas assez aux
promesses des deux premiers actes, si elle n’a
pas la furia du second, il n’en reste pas moins
une pièce bourrée de mots drôles et imprévus,
farcie de cocasseries baroques et audacieuses.
M. Bergerat, en effet, est un oseur aussi bien
dans la comédie que dans le drame. Il est de ceux
qui enlèvent le morceau, à leur risques et périls,
et on doit lui savoir gré d’avoir voulu nous tirer
des vieux poncifs.
Daubray, en baron de contrebande, roule comme
une boule qu’il est de tribulations en ébahisse-
ments.
Mme Mathilde réussit plus d’une fois à rappe-
ler l’immortelle mère Thierret, et Mlle Lavigne
continue à charmer la clientèle du Palais-Roval
par ses effets de contralto burlesque.
M. Raimond, en fiancé qui, comme M. Dupont,
ne peut pas parvenir à consommer l’agréable
sacrifice, procède tour à tour de Gil Pérès et de
Priston. C’est un éclectisme dont on ne saurait lui
savoir mauvais gré.
Pierre Véron.
P.-S. — Une interversion, du fait de l’imprime-
rie, a ajouté hier à notre compte-rendu de Geor-
gette un fragment de post-scriptum concernant la
pièce du Palais-Royal. Nos lecteurs, nous l’espé-
rons, n’ont pas dû s’y tromper, ces lignes conte-
nant quelques éloges et les éloges ne pouvant,
dans la circonstance, être applicables à M. Sardou
P. V.
CRÈME de NOIX. BOUTET, Cahors.
A base de Fine Champagne, couronnée par l’Académie.
CASSIS ET PRUNELLE. Lejay-Lagoute, A Dijon.
LA DUCHESSE BES EMES L ^CIlÈz^VOTHK TI K U
CHARBONNEL, Confiseur, 34, avenue de l’Opéra.
CHARBONNEL — Bonbon 1886 : Sapho.
CHRONIQUE DU JOUR
Bussy-Kabutm, le tant spirituel cousin de la snirit,
Sévigné et le galant écrivain de la tant galante ffl,/•
amoureuse des Gaules, Bussy-Rabutin, dis-je est » • •
l’auteur d’une certaine Carie géographique de ’ la Cour '
se trouve un tableau, — fidèle comme un miroir —’ i°U
nationalités allemande, anglaise et française. ’ aes
On y rencontre, entre autres choses, que, pour sa femm
l’Allemand est un maître, l’Anglais, un valet; le FrannT
un compagnon.
On y rencontre pareillement, que, dans leur intérien
les Allemandes sont des ménagères; les Anglaises r
reines, et les Françaises, des dames. P ’ 4es
On y rencontre’ enfin, ce trait bien caractéristique i.
nos compatriotes : ^ ™
« L’Allemand n'oublie pas le mal qu’on lui a fait - n,,
glais oublie le bien qu'on lui a fait; le Français oublie I,
bien et le mal qu'il a fait et qu’on lui a fait. »
La dernière partie de cette maxime m’est revenue à
l'esprit, l’autre jour, en apprenant, par un journal que
dans un avenir prochain, l’Opéra-Comique menaçait dé
nous faire entendre Lohengrin !
Pour ma part, je ne connais Lohengrin que par Fanée*
dote suivante :
Lors de l’apparition de Wagner à Paris. Baudelaire crut
devoir aller lui porter l’assurance de sa considération
distinguée.
Pour régaler le visiteur, le m iëstro s’assit au piano et
se mit à jouer quelques fragments de son œuvre encore
inconnue chez nous.
Par malheur, il avait compté sans le petit chien de la
maison !
Liés les premières notes, celui-ci, — tranquille jusque là
sous le fauteuil du musicien, — lève la tète et pousse un
de ces bâillements longs et plaintifs, qui dégénèrent si vite
en hurlements chez ces animaux agacés.
Wagner conLinue sans prendre garde. Le chien redouble
ses aboiements. 11 se dresse et s’agite. 11 n’aboie plus : il
gronde !
Les gammes s’entre-croisenl; les chromatiques s’enla-
cent; les basses mugissent; les do sur-aigus grincent...
Le chien bondit, fou de douieur et de rage, saisit entre
ses dents la robe de chambre du maës'ro, la mordille, la
lacère et ne la lâche qu’à la lin finale du morceau...
Wagner était furieux :
— Vous voyez, dit-il à Baudelaire, que j’aurai toujours
à me plaindre des aboyeurs.
— Une voulez-vous? répondit le poète des Fleurs du mal:
ou n’est jamais trahi que par les chiens!
On pratique une singulière orthographe dans certains
théâtres de genre : tous les genres sont bons, hors le genre
ennuyeux.
Un de nos confrères, qui a commis une revue pour un
café-concert, recevait du directeur de celui-ci le « bulletin
de répétition » suivant, dans lequel on l’avertissait de la
présence dans la salle d’un membre de la fameuse Com-
mission d’Examen :
« Mon cher ami,
» Venez sans faute.
» Le sançœur y sera. »
Un mot féroce — et charmant — d’un critique que je ne
nommerai point.
Un matin, il voit entrer chez lui un romancier à la mode.
Celui-ci paraissait en proie à une violente agitation. Ii
brandissait avec colère une feuille parue la veille :
— Mon bon, regardez-moi un peu cet article où ion
éreinte mon dernier livre... Quelque chose de honteux,
d’ignoble!... Tenez, lisez, ce n’est pas même écrit : c’est
plein de fautes de français !
— Des fautes de français ? riposte l’autre avec calme. U
y a donc des citations ?
Deux momentanées des plus cossues en sont aux confi-
dences. La première soupire :
— J’ai un coupé, des diamants, un petit hôtel à Paris,
une villa à la campagne...
— Alors, lu es heureuse? „
— Certainement. Qu’est-ce que je puis désirer de plus.
Et, cependant, je ne suis pas gaie. J’ai, depuis quelque
temps, un hanneton qui me poursuit...
— Et lequel?
— Je voudrais devenir honnête femme!
— Ah ! ma chère, on voit bien que tu as tout ce qu’il te
faut : tu ne sais plus quoi demander.
Réflexion d’un spectateur devant les mandolinistes de
Speranza : . ,
— La mandoline?... Une singulière démangeaison !...
Elle chante quand on la gratte !
André Laroche.