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ASCENSION DU VÉSUVE
locuteur, il suffit d’une action infiniment petite, mais constante, pour
produire des phénomènes gigantesques à nos yeux.
— Pour moi, disait un autre, je ne saurais admettre votre fameuse
hypothèse du feu central. En vain vous me citez l’accroissement de tem-
pérature à mesure qu’on pénètre dans les couches profondes du globe,
la chaleur des eaux des puits artésiens, les sources thermales, etc. ; je
vous répondrai que ce sont là des phénomènes tout extérieurs, et qui ne
peuvent rien faire préjuger de ce qui se passe plus bas. Quoi! vous êtes
à peine descendus à un kilomètre, vous n’avez fait que gratter la surface,
et vous avez la prétention de savoir ce qu’il y a au centre! Votre feu
central n’est que la plus gratuite de toutes les hypothèses. Pour moi, je
ne vois dans les volcans que des effets locaux, dus à des causes toutes
locales. Vous connaissez sans doute la curieuse expérience faite par
Lemery. Mêlez une grande quantité de limaille de fer avec une propor-
tion encore plus grande de soufre, et avec assez d’eau pour amener le
mélange à l’état de pâte ferme; puis enterrez votre préparation dans le
sol, et pressez fortement. En peu d’heures le mélange s’échauffe et se
gonfle au point de soulever le sol; des vapeurs sulfureuses, et même
quelquefois des flammes, se font jour à travers les crevasses. Si le feu
est actif, il y aura explosion, et si les substances qui composent le
mélange incendiaire sont en quantités considérables, la chaleur et le feu
se maintiendront pendant fort longtemps. N’est-ce pas là l’image en
raccourci, mais parfaite, de ce que nous venons de voir là-haut? Aug-
mentez les proportions jusqu’à la taille d’une montagne, et, au lieu
d’avoir une expérience de laboratoire, vous aurez un véritable volcan.
— Votre idée n’est pas mauvaise, disait un troisième, et elle se rap-
proche beaucoup de la théorie émise par Davy. Selon le grand chimiste
anglais, il y aurait à une médiocre profondeur, au-dessous de la croûte
oxydée de notre planète, des amas énormes de ces métaux à l’état
simple, potassium, sodium, calcium, dont on connaît la violente affinité
pour l’oxygène. Faites arriver un courant d’eau sur ces métaux, et
aussitôt l’eau sera décomposée avec violence. De cette décomposition
chimique résultera une chaleur assez considérable pour fondre les roches
environnantes, et la pression des fluides élastiques suffira pour élever les
matières fondues jusque dans le cratère. Gay-Lussac, s’emparant à son
tour de cette théorie chimique, attribua les éruptions et la production des
gaz à l’action de l’eau sur les chlorures métalliques, et fit remarquer
que presque tous les volcans sont à proximité de la mer, et que vrai-
semblablement la mer pénètre jusqu’au foyer par de larges fissures. Ce
qui confirme cette dernière hypothèse, c’est que la vapeur et les gaz qui se
dégagent des volcans, vapeurs aqueuses, gaz hydrogène sulfuré, sel marin,
ASCENSION DU VÉSUVE
locuteur, il suffit d’une action infiniment petite, mais constante, pour
produire des phénomènes gigantesques à nos yeux.
— Pour moi, disait un autre, je ne saurais admettre votre fameuse
hypothèse du feu central. En vain vous me citez l’accroissement de tem-
pérature à mesure qu’on pénètre dans les couches profondes du globe,
la chaleur des eaux des puits artésiens, les sources thermales, etc. ; je
vous répondrai que ce sont là des phénomènes tout extérieurs, et qui ne
peuvent rien faire préjuger de ce qui se passe plus bas. Quoi! vous êtes
à peine descendus à un kilomètre, vous n’avez fait que gratter la surface,
et vous avez la prétention de savoir ce qu’il y a au centre! Votre feu
central n’est que la plus gratuite de toutes les hypothèses. Pour moi, je
ne vois dans les volcans que des effets locaux, dus à des causes toutes
locales. Vous connaissez sans doute la curieuse expérience faite par
Lemery. Mêlez une grande quantité de limaille de fer avec une propor-
tion encore plus grande de soufre, et avec assez d’eau pour amener le
mélange à l’état de pâte ferme; puis enterrez votre préparation dans le
sol, et pressez fortement. En peu d’heures le mélange s’échauffe et se
gonfle au point de soulever le sol; des vapeurs sulfureuses, et même
quelquefois des flammes, se font jour à travers les crevasses. Si le feu
est actif, il y aura explosion, et si les substances qui composent le
mélange incendiaire sont en quantités considérables, la chaleur et le feu
se maintiendront pendant fort longtemps. N’est-ce pas là l’image en
raccourci, mais parfaite, de ce que nous venons de voir là-haut? Aug-
mentez les proportions jusqu’à la taille d’une montagne, et, au lieu
d’avoir une expérience de laboratoire, vous aurez un véritable volcan.
— Votre idée n’est pas mauvaise, disait un troisième, et elle se rap-
proche beaucoup de la théorie émise par Davy. Selon le grand chimiste
anglais, il y aurait à une médiocre profondeur, au-dessous de la croûte
oxydée de notre planète, des amas énormes de ces métaux à l’état
simple, potassium, sodium, calcium, dont on connaît la violente affinité
pour l’oxygène. Faites arriver un courant d’eau sur ces métaux, et
aussitôt l’eau sera décomposée avec violence. De cette décomposition
chimique résultera une chaleur assez considérable pour fondre les roches
environnantes, et la pression des fluides élastiques suffira pour élever les
matières fondues jusque dans le cratère. Gay-Lussac, s’emparant à son
tour de cette théorie chimique, attribua les éruptions et la production des
gaz à l’action de l’eau sur les chlorures métalliques, et fit remarquer
que presque tous les volcans sont à proximité de la mer, et que vrai-
semblablement la mer pénètre jusqu’au foyer par de larges fissures. Ce
qui confirme cette dernière hypothèse, c’est que la vapeur et les gaz qui se
dégagent des volcans, vapeurs aqueuses, gaz hydrogène sulfuré, sel marin,