308 HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1870-71
CHAPITRE V
LA GUERRE EN PROVINCE.
Formation rudimentaire de l'armée de la Loire. — Le général de La Motterouge. — Combat d'Orléans (11 octobre). —
Retraite de notre armée. — Les Prussiens à Dreux et à Ablis. — La guerre à l'allemande. — Résistance héroïque de
ClnUeaudun (18 octobre). — Coup d'œil sur la province. — Documents complémentaires.
La France savait mourir et combattre. Nous ren-
contrerons, lorsque nous parlerons des provinces
du nord, un nom déjà glorieux à cette date du
mois d'octobre, le nom de Saint-Quentin. Nous al-
lons maintenant nous arrêter devant celui de Châ-
teaudun.
Mais Ghâteaudun ne devait résister qu'après la
prise d'Orléans. Orléans aussi vaut qu'on salue son
sacrifice. Cette première défaite même, ce combat
devant Orléans le 11 octobre, ne fut pas sans gloire
et il eut aussi ses martyrs.
Une dépêche arrivée de la province à Paris an-
nonçait que l'armée de la Loire harcelait déjà
l'ennemi. Les Allemands ne croyaient guère à
l'existence de cette armée; cependant à tout hasard,
un corps d'armée, composé de Bavarois et de
Prussiens, le général Von der Tann commandant
en chef et le prince Albrecht de Prusse comman-
dant la cavalerie, avait été chargé d'opérer sur la
Loire et d'occuper Orléans, où les chemins de fer
de Bretagne et du Midi ont leur point d'intersec-
tion ; et Ton sait que les Allemands tiennent avec
raison à occuper les têtes de ligne, et les regardent
comme de véritables points stratégiques. La cam-
pagne de Bohême, en 1866, nous avait déjà fait
connaître cette méthode employée avec succès par
leurs généraux. Le 6 octobre, Von der Tann ren-
contrait à Toury, non loin d'Étampes, l'avant-
garde de l'armée française. Le combat qui se livra
fut tout au moins indécis, et les Français, obligés
de se replier devant le nombre, n'en obtinrent pas
moins un léger avantage, enlevant un troupeau de
bétail à l'ennemi, qui revenait à Étampes, de-
mandant du renfort au Prince royal. Notre armée
de la Loire, que commandait alors, non plus le
général de Polhès, mais le général de La Motte-
rouge, était forte d'environ 20 à 25,000 hommes de
troupes rassemblées, groupées en hâte, régiments
de marche, mobiles, soldats de la légion étran-
gère, etc., et elle allait avoir à combattre 40,000 Al-
lemands (39,000 disent les documents prussiens :
d'autres documents(1) parlent, au contraire, de
45,000 hommes).
Le général de La Motterouge passait pour un bon
officier. Vigoureux, malgré ses soixante-huit ans,
on pouvait croire que l'ancien combattant de Gri-
mée, après s'être tout à fait distingué en Italie, re-
trouverait, devant l'invasion, quelque peu de l'é-
nergie passée. Mais il en était du général de La
Motterouge comme de la plupart des officiers gé-
néraux de l'armée impériale qui, vieillis, déshabi-
tués de la rudesse de la vie militaire, peu soucieux
d'ailleurs de se tenir au courant du mouvement
scientifique de leur temps, se laissent dépasser par
leurs adversaires avant de se laisser vaincre. Qu'ils
ressemblaient peu à ce maigre et souffrant maré-
chal Niel, qui mourut navré de l'état dans lequel
était tombée l'armée française, qui voulait la rele-
ver, la refaire, la rendre invincible, qui gagna à
cette œuvre l'impopularité des cercles militaires,
et que M. Rustow dans son livre magistral appelle
a un Bélisaire tombé au milieu des favoris byzan-
tins. »
Le général de La Motterouge, ancien adversaire
heureux de M. Glais-Bizoin dans les Côtes-du-
Nord, où il fut élu par 18,000 voix contre 12,000
données à son concurrent, a laissé dire que son an-
cien adversaire l'avait exposé, par ses ordres, à
une défaite. Il n'en est rien. Le général de La
Motterouge ne pouvait, il est vrai, songer à dé-
bloquer Paris, mais il pouvait défendre Or-
(1) Voyez ie Combat d'Orléans, par M. A. Doucher (Or-
léans, in-18).
CHAPITRE V
LA GUERRE EN PROVINCE.
Formation rudimentaire de l'armée de la Loire. — Le général de La Motterouge. — Combat d'Orléans (11 octobre). —
Retraite de notre armée. — Les Prussiens à Dreux et à Ablis. — La guerre à l'allemande. — Résistance héroïque de
ClnUeaudun (18 octobre). — Coup d'œil sur la province. — Documents complémentaires.
La France savait mourir et combattre. Nous ren-
contrerons, lorsque nous parlerons des provinces
du nord, un nom déjà glorieux à cette date du
mois d'octobre, le nom de Saint-Quentin. Nous al-
lons maintenant nous arrêter devant celui de Châ-
teaudun.
Mais Ghâteaudun ne devait résister qu'après la
prise d'Orléans. Orléans aussi vaut qu'on salue son
sacrifice. Cette première défaite même, ce combat
devant Orléans le 11 octobre, ne fut pas sans gloire
et il eut aussi ses martyrs.
Une dépêche arrivée de la province à Paris an-
nonçait que l'armée de la Loire harcelait déjà
l'ennemi. Les Allemands ne croyaient guère à
l'existence de cette armée; cependant à tout hasard,
un corps d'armée, composé de Bavarois et de
Prussiens, le général Von der Tann commandant
en chef et le prince Albrecht de Prusse comman-
dant la cavalerie, avait été chargé d'opérer sur la
Loire et d'occuper Orléans, où les chemins de fer
de Bretagne et du Midi ont leur point d'intersec-
tion ; et Ton sait que les Allemands tiennent avec
raison à occuper les têtes de ligne, et les regardent
comme de véritables points stratégiques. La cam-
pagne de Bohême, en 1866, nous avait déjà fait
connaître cette méthode employée avec succès par
leurs généraux. Le 6 octobre, Von der Tann ren-
contrait à Toury, non loin d'Étampes, l'avant-
garde de l'armée française. Le combat qui se livra
fut tout au moins indécis, et les Français, obligés
de se replier devant le nombre, n'en obtinrent pas
moins un léger avantage, enlevant un troupeau de
bétail à l'ennemi, qui revenait à Étampes, de-
mandant du renfort au Prince royal. Notre armée
de la Loire, que commandait alors, non plus le
général de Polhès, mais le général de La Motte-
rouge, était forte d'environ 20 à 25,000 hommes de
troupes rassemblées, groupées en hâte, régiments
de marche, mobiles, soldats de la légion étran-
gère, etc., et elle allait avoir à combattre 40,000 Al-
lemands (39,000 disent les documents prussiens :
d'autres documents(1) parlent, au contraire, de
45,000 hommes).
Le général de La Motterouge passait pour un bon
officier. Vigoureux, malgré ses soixante-huit ans,
on pouvait croire que l'ancien combattant de Gri-
mée, après s'être tout à fait distingué en Italie, re-
trouverait, devant l'invasion, quelque peu de l'é-
nergie passée. Mais il en était du général de La
Motterouge comme de la plupart des officiers gé-
néraux de l'armée impériale qui, vieillis, déshabi-
tués de la rudesse de la vie militaire, peu soucieux
d'ailleurs de se tenir au courant du mouvement
scientifique de leur temps, se laissent dépasser par
leurs adversaires avant de se laisser vaincre. Qu'ils
ressemblaient peu à ce maigre et souffrant maré-
chal Niel, qui mourut navré de l'état dans lequel
était tombée l'armée française, qui voulait la rele-
ver, la refaire, la rendre invincible, qui gagna à
cette œuvre l'impopularité des cercles militaires,
et que M. Rustow dans son livre magistral appelle
a un Bélisaire tombé au milieu des favoris byzan-
tins. »
Le général de La Motterouge, ancien adversaire
heureux de M. Glais-Bizoin dans les Côtes-du-
Nord, où il fut élu par 18,000 voix contre 12,000
données à son concurrent, a laissé dire que son an-
cien adversaire l'avait exposé, par ses ordres, à
une défaite. Il n'en est rien. Le général de La
Motterouge ne pouvait, il est vrai, songer à dé-
bloquer Paris, mais il pouvait défendre Or-
(1) Voyez ie Combat d'Orléans, par M. A. Doucher (Or-
léans, in-18).