XXXI.
LE COURIER
POLITIQUE et GALANT.
D u Lundi 15. Avril 1720.
IL y a eu depuis quelque tems , comme tout le
monde sait , un ssux&ressux continuel de haus-
se & de bailse dans les Adtions , en France , eny/w-
gleterre Sc a Amfterdam. Cela n’a point surpris ceux
qui sont au fait de ce Commerct. Mais les Missifli-
piens , qui y sont cncore neufs, ontbien de lapei-
ne a s’accoütumer a ces variations , qui font quel-
quefois baisser les Fonds , apres s’etre apparem-
ment imaginez qu’une Aktion ne devoit point ces-
ser d’augmenter en valeut , mais aller jusqu’a l’in-
fini. Dans le tems qu’effeftivement elles faisoient
chaque jour des progres invariables, l’avidite du
gain n’a pas toujours ete le seul motif qui y faisoit
prendre interct , comme on va le voir dans une
petite Avanture , que l'Amour & la Fortune ont fait
naitre.
Trois Amis qui, ckofe ajjez rare , n’at/oient point
cejse de l'etre , quoi-qu'ils fujsent Rivaux , pojfedoient
un bien affez 7nediocre dans le Languedoc. L'Objet de
leur paflion etoit une petite Perfonne fort jelie , mais en-
core plus ambitieuse ; & l'azjarice de fon Pere lafixant
dans ce gout , fes trois Amans cowvinrent inutilement
enfemble , que celui qui feroit agree , ne trouveroitpoint
d'obßacle de la part des deux autres : En vain proteße-
rent-ils que laselicite d’tm feul leur deviendroit commu-*
Tome III.
LE COURIER
POLITIQUE et GALANT.
D u Lundi 15. Avril 1720.
IL y a eu depuis quelque tems , comme tout le
monde sait , un ssux&ressux continuel de haus-
se & de bailse dans les Adtions , en France , eny/w-
gleterre Sc a Amfterdam. Cela n’a point surpris ceux
qui sont au fait de ce Commerct. Mais les Missifli-
piens , qui y sont cncore neufs, ontbien de lapei-
ne a s’accoütumer a ces variations , qui font quel-
quefois baisser les Fonds , apres s’etre apparem-
ment imaginez qu’une Aktion ne devoit point ces-
ser d’augmenter en valeut , mais aller jusqu’a l’in-
fini. Dans le tems qu’effeftivement elles faisoient
chaque jour des progres invariables, l’avidite du
gain n’a pas toujours ete le seul motif qui y faisoit
prendre interct , comme on va le voir dans une
petite Avanture , que l'Amour & la Fortune ont fait
naitre.
Trois Amis qui, ckofe ajjez rare , n’at/oient point
cejse de l'etre , quoi-qu'ils fujsent Rivaux , pojfedoient
un bien affez 7nediocre dans le Languedoc. L'Objet de
leur paflion etoit une petite Perfonne fort jelie , mais en-
core plus ambitieuse ; & l'azjarice de fon Pere lafixant
dans ce gout , fes trois Amans cowvinrent inutilement
enfemble , que celui qui feroit agree , ne trouveroitpoint
d'obßacle de la part des deux autres : En vain proteße-
rent-ils que laselicite d’tm feul leur deviendroit commu-*
Tome III.