Le courier politique et galant (1720)

Batiment , die demanda pardon a notre Heroine
de la. loger dans une maison demeuble'e ; effe<ftive-
ment eile entra dans une petite chambre , oü il n’y
avoit qu’un mechant grabat ; eile s’en consola faci-
lement dans l’csperance que ce petit inconvenient
seroit re'pare' le lendemain. A peine fut-il jour qu’unc
servante grossiere & brutale vint lui detnander st ei-
le vouloit de'jeuner , eile re'pondit qu’on lui feroit
plaisir de lui apporter du The'. Oui da, repliqua
l’autre , c’est bien du The' , qu’il faut a des gens
comme vous. Je m’en vais vous donner du ris a
l’eau , comme j’en apporte a tous 110s gens ; pour
Zaire court eile comprit qu’elle e'toit a l’Höpitaldes
foux , & qu’elle y avoit e'te' mene'e par la diredri-
ce , que son indigneepoux avoit suborne'e ; elleresta
deux ans dans ce triste endroit presquetoujours ma-
lade. Toute sa constance ne l’avoit pu emp£cher
de tomber dans une profonde me'lancolie > & peut-
etre y auroit-elle fini sa malheureuse vie , st par
hazard eile n’y avoit trouve quelqu’un de sa con-
noissance , ä qui dans un moment de'robbe' a la vi-
gilance de ceux , qui l’oblervoient, eile expliquatou-
tes les circonstances de ses malheurs ; il trouva les
xnoyens de lui donner dequoi e'crire, & des qucles
anciens amis de son Pere furent instruits de cette
noire trahison ; ils la firent mettre en liberte. Elle
vit encore d’unemaniereretiree, d’une petite pension,
sans avoir jamais songe' d’intenter proces ä son per-
fide e'poux , & sans l’avoirimportune' pour en avoir
dequoi vivre plus a son aize.
Je n’accompagnerai pas cette Histoire des re'sse-
xions qu’elle merite j les Lefteurs seront bien-aises
de les faire eux-memes ;jeme contenteraidelesasleu-
rerque je la tiensdegens tres-dignes de foi, & que
j’ai toutes les raisons npaginables de la croire vrai’e.
Se vend a AMSTERDAM, chez du Vit-
L ARD & CHANGUION,&N.Vl OLLET
Et d la, Jlaye, chez A. d i Rqsissart.