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MAISONS DE PARIS ET DES ENVIRONS.

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toire — y compris le temps présent — qu’on veuille
considérer la Maison, par son plan elle répond au mode
d’existence que le climat et la civilisation imposent, par
son aspect elle fait entrevoir le sentiment d’art qui do-
mine, tandis que par son ensemble elle fait mille révéla-
tions sur le goût public, sur les usages elles mœurs du
foyer domestique, et elle offre des échappées de vue sans
nombre sur le caractère des relations sociales.
Ce ne serait pas non plus étendre la vérité outre me-
sure que de prétendre que l’on n’est réellement maître
d’une idée qu’à la condition d’en posséder l’histoire. Et
comme l’histoire de l’architecture privée ne se comprend
guère sans être étudiée de concert avec celle de la fa-
mille, c’est par cette double et parallèle histoire de la
famille et de sa demeure que nous aurions aimé à com-
mencer l’étude que nous publions aujourd’hui, si l’his-
toire de l’architecture privée faisait partie de son pro-
gramme; mais c’est l’architecture privée contemporaine
qui réclame tous nos soins. Avant d’étudier séparément
les branches qui la composent, il est à propos d’exami-
ner une question qui domine toute la matière :
Quels sont les caractères d’art qui conviennent à l’ar-
chitecture domestique ? quel doit en être le style ? Quelle
peut être l’influence légitime du propriétaire sur ces ca-
ractères et sur ce stvle?
Ces interrogations ont plus de portée qu’on ne le
penserait de prime abord.
Quelques personnes sont d’avis que l’architecte qui a
satisfait aux obligations contractées envers son client en
sauvegardant soigneusement ses intérêts pécuniaires et
en se conformant à son goût ou à sa fantaisie pour la
distribution et la décoration de sa maison, n’a plus
d’autre devoir à remplir, que sa tâche est pleinement
accomplie, et que dès ce moment il peut se reposer, la
conscience tranquille. D’autres conçoivent autrement les
obligations de la profession : elles pensent qu’elle impose
dans toutes les circonstances des devoirs envers l’art
aussi bien qu’envers le client, et qu’il n’est pas toujours
permis de sacrifier les lois du beau en se pliant au goût
incertain d’un propriétaire capricieux.
Il règne, comme on voit, quelque dissidence, et j’ajou-
terai, quelque confusion dans les idées sur ce que peuvent
et doivent être le rôle de l’art et le devoir de l’architecte
en matière d’architecture privée. Quelques-uns, dans leur
enthousiasme d’artiste, iraient jusqu’à subordonner les
convenances de l’habitant à celles de la maison; d’autres
plus soucieux des intérêts du client, sacrifieraient sans
trop de difficulté la maison, en tant qu’œuvre d’art, à
l’habitant.
De quel côté est la raison ? Quel principe de conduite
adopter? Gomment faire la part de chacun : la part du
client, qui est un intérêt privé, et la part de l’art, qui
est un intérêt public ?
Pour y voir plus clair, concentrons et simplifions.
Puisque le respect de l’art est d’un intérêt public, la
question peut être ramenée à ces termes : /lu point de
vue de l’art, quels sont les droits du public sur une pro-
priété privée?
La réponse se présente de soi. De droits légaux, c’est-
à-dire, de droits reconnus par nos lois, en dehors des

obligations de l’édilité, le public n’en a pas. De droits mo-
raux, il en possède; mais c’est à la conscience seule du
propriétaire ou de l’artiste d’en déterminer l’étendue.
Réaliser le beau, c’est dans l’ordre de l’art une vertu,
comme de pratiquer la charité dans l’ordre moral, ou de
promulguer la vérité dans l’ordre scientifique. Mais la
part que chacun fait ou doit faire dans sa vie à la pra-
tique de la vertu, est une question étrangère aux légis-
lations humaines ; le respect ou le mépris, c’est-à-dire la
sanction de la conscience publique, voilà, en dehors des
jugements formulés par la religion, la récompense ou le
châtiment de l’artiste, du savant, de l’homme riche ou
puissant, suivant qu’il a défendu ou abandonné les inté-
rêts du beau, du vrai ou du bien, dont la sauvegarde lui
appartenait. Le public a un vague sentiment qu’il n’est
pas plus permis à l’artiste de vulgariser le spectacle de la
laideur, qu’il n’est loisible au savant d’enseigner l’erreur,
ou au prêtredeprêcherle vice. L’art, en effet, a sa moralité.
Mais à côté des droits de l’art, il y a d’autres droits à
considérer : ceux du propriétaire. Et ces deux natures de
droits, au lieu de se soutenir réciproquement, se combat-
tent quelquefois. Aussi, dans la pratique architecturale,
c’est le plus souvent une transaction, accomplie instinc-
tivement, qui intervient entre les droits de l’art et ceux
du client ; seulement, la transaction penche tantôt du côté
du client, c’est-à-dire de l’intérêt privé, et tantôt du côté
de l’art, c’est-à-dire du public, de la société.
Quelques courtes observations, en jetant un peu de
lumière sur le terrain où s’accomplit souvent à l’aveugle
cette transaction instinctive, pourront contribuer à y
substituer des combinaisons réfléchies. Le jour dahs l’es-
prit et la concience de l’homme vaut toujours mieux que
l’ombre, favorable seulement au doute et au sophisme,
c’est-à-dire à l’hésitation et à l’erreur.
Il y a le domaine public et le domaine privé, en art
comme en droit. L’Eglise et le Théâtre, le Palais Légis-
latif et le Palais de Justice, la Bourse et la Colonne com-
mémorative, sont des monuments publics ; l’Hôtel, la Mai-
son à loyer, la Villa, sont des constructions privées. Cette
distinction est élémentaire; la répéter, c’est dire un lieu
commun. Soit. Je conviens que c’est rappeler une vérité
banale, c’est-à-dire une de ces vérités essentielles qu’on
a entendues si souvent que d’ordinaire on ne leur accorde
pas une longue attention. Arrêtons-nous y cependant.
Le monument public, le monument qui s’adresse à
tous, qui appartient à la nation, qui a été payé sur le fonds
commun, ne doit-il pas, en bonne justice, satisfaire au
sentiment général, national, de la beauté? « Ceux qui
furent à la peine ne doivent-ils pas être aussi au profit et à
l’honneur? » La réciprocité, l’équité, ne commandent-
elles pas cela? Enfin, la beauté, telle que tous la con-
çoivent, ne doit-elle pas rayonner sur la face de nos édi-
fices publics, comme rayonnent la gloire sur notre armée,
la sainteté sur notre religion, la loyauté sur tous les
actes de la vie nationale? Et que serait une gloire que
tous n’acclameraient pas? une sainteté que bon nombre
contesteraient dans leur conscience? une loyauté niée par
une partie notable du pays?
La beauté d’un monument public doit être une éma-
nation éclatante et directe du génie vivant de tous,
 
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