HAÏR
exactement au sens de ahatir» (MélGuiraud2 13). Or,
ahatir n’est pas, nous l’avons dit, de la même origine
que haïr, et adïgere (> *adïre] ne convient ni au plan
de la sémantique ni à celui de la phonétique. — Meier
RF 98,257 avait demandé de bien peser le pour et le
contre de l’étymon germanique. Sans qu’il puisse
être entièrement démontré, il nous semble, somme
toute, plus probable que les alternatives latines pro-
posées. — GIReichK 167 [résume la discussion
de l’étymon germ.]; MeierEtym 128; RF 98,253;
MélGuiraud2 13;FEW 16,179b.
REM.: Le FEW 3,248brassemble sub anord. ETIA
“harceler, irriter” la famille de l’afr. aatir, ahatir
“défier, s’attaquer à; etc.”. Cette même famille est
reprise sans renvoi sub *HATJAN comme groupe
«II.» (16,179a), avec proposition d’une base *HATT-
JAN et d’une influence secondaire de l’adj. aate “vif,
rapide” (< 1t. ADAPTUS; 16,180a). GreiveH 207ss.
réfute cette étymologie avec de bons arguments,
et rapproche aatir du 1t. ACTITÀRE (*ADAC-
TITARE “pousser, inciter continûment” < ad + ac-
titare). L’anord. etia ne lui inspire que quelques
lignes et lui paraît inacceptable surtout pour des
raisons sémantiques (ib. 212s.). C’est pourtant cet
étymon qui réapparaît, la même année14', dans le
FEW 152,90a, pour fournir de nouveau la base à
aatir, ahatir et famille, en réfutant également le rat-
tachement à *hatjan; v. -> aatir. — On trouve, en
afr., des attestations de aïr (< It.vulg. *ADIRARE
“irriter”, cf. FEW 24,142b) qui, pourvues d’un h-
initial, ne peuvent guère être distinguées de haïr,
si ce n’est pas par l’emploi syntaxique, cf. p.ex.
LancPrM VIII 38 il s’entrevienent par grant haïr
etc. —- Dans plusieurs éd. de textes afr., on trouve
une confusion entre dehé ait, juron exprimant la
haine, v. ci-dessous, et deshait “émotion, sentiment
pénible...”, dérivé de -> HAIT. Bien que la distinc-
tion entre les deux ait été faite il y a plus d’un
siècle (cf. G. Paris R 18,469ss.), les gloss, définissent
“malheur”, “chagrin”, etc., même si le juron est re-
connu comme tel. Voici, par ordre chronologique,
quelques exemples que nous avons relevés et où il
s’agit toujours d’un juron (entre parenthèses la déf.
du glossaire): mal dehé AiquinJ 1515 (“malheur”);
dehez ProtH 583; 3404; 4741; mal dahez ib. 3469;
deheez ib. 12037 (d. ait “curses on !” sub “misery,
unhappiness”); mal dehé ElieF 328 (“Unfreude”);
dehait BodelFablN VI 62 (“malheur”, traduit “au
diable”); dehez ChevBarAnS 354 (“Leid”); dehait
AnsCartA 4801; 5009; 7020; etc.; mal dehait ib.
6316; mal dehé ib. 11499 (“Unfreude”, avec ren-
411968; le travail de Greive n'a été publié qu’en
1970.
voi à AiolF 157 note et à R 18,471 !); dehez Moni-
otArrD XXII 71 (“malheur”), dehait BuevelS 427;
996; 4218 (“Unglück”, + ait = dehait “verflucht sei”) ;
mal dehé Bueve2S 10604 (“Unglück”); dahé ArtusS
5 47,19; dahezéb- 296,13; mau dahaizib. 122,29(“cha-
grin, découragement, maladie, malédiction, damna-
tion”); dehait GautLeuL2 I 34; mal dehé ib. 178; da-
hez ib. X 168 (“malédiction, malheur”); mal dehait
NoomenFabl 14,834; mau dahé ib. 18,358 (“souf-
io france”, mal d. ait “formule de malédiction”); de-
hait MontRayn 1,99; mal dehé ib. 3,239; mal dehaz
ib. 6,121 (“malheur”); mal dehait MaccabES 7410
(“malheur”); mal dehait GodinM 9804 (“malheur”);
mal dehait loinvW1 386b (“malheur”). Egalement
15 rattachés à HAIT, dehait lobB 1390 et dehet SSagMR
19,60 sont définis au gloss, adv. “avec plaisir, de
bon appétit” et “joy”; ces deux sont cependant aussi
des var. de dehé, v. ci-dessous. — Le FEW 16,178b
donne pour fr. haineur “ennemi” [p.-ê. préférer “ad-
20 versaire”] la datation «14. jh. - Stoer 1638». La
première att. se trouve dans ChOtheeF p. 110 [on
y lit hayneur] dans un texte qui, bien que se référant
à l’an 1395, n’est qu’un regeste de 1409, de sorte que
nous ne disposons point d’att. antérieure au I5es.;
25 à corr. — TristThomW D 207 donne une att. pour
enhaïr (Ne quidez qu’il ne vus enhacef où il vaut
mieux, comme l’éd. L 1478, interpréter en comme
pronom adverbial et lire .. .ne vus en hace. — Fran-
coit. aheter; aeter; etc. sont à rattacher à la famille
30 de -> AATIER. — Notons que les deux vers de Rob-
GrethEv cités par Stone 348b d’après le ms. Notting-
ham [Vbs enemis, fait il, amez, Vers vos haianz tuz
biens uverez] correspondent à AmDieuK 81-82 [Vos
enemys, fet-il, amez; Vers vus heyans bien overez}',
35 ces vers rendent Le 6,27 Sed vobis dico qui audi-
tis diligite inimicos vestros bene facite his qui vos
oderunt. — Dans FEW 16,178a est donnée pour l’att.
de VengRagF 1558 [déb. 13es.] la déf. “en vouloir à
qn” (le gloss, définit “gleichgiltig [!] sein gegen jmd.
40 (in Liebessachen)”). Le contexte [la dame del Gaut
Destroit Que U Noirs Chevaliers haoit Por ce que
nel voloit amer] montre qu’il s’agit bien du sens de
base. — BenTroieC 13186 var. ms. Italie lem. 14es.
haïros est plutôt var. de aïros (v. ici sub AÏRER)
45 qu’à rapprocher de haïr.
En ce qui concerne les variantes graphiques, nous
employons dans cet article un procédé qui s’écarte
des habitudes du DEAF. Puisque les attestations de
haïr se trouvent, dans les textes afr., sous des formes
50 conjuguées qui reflètent la variation morphologique
de ce verbe, il ne semble pas inutile de donner, à
côté des infinitifs habituels, un choix représentatif
de ces formes. — Plusieurs éd. reconstruisent, sur
la base de formes comme heent, haoit, les infinitifs
45
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exactement au sens de ahatir» (MélGuiraud2 13). Or,
ahatir n’est pas, nous l’avons dit, de la même origine
que haïr, et adïgere (> *adïre] ne convient ni au plan
de la sémantique ni à celui de la phonétique. — Meier
RF 98,257 avait demandé de bien peser le pour et le
contre de l’étymon germanique. Sans qu’il puisse
être entièrement démontré, il nous semble, somme
toute, plus probable que les alternatives latines pro-
posées. — GIReichK 167 [résume la discussion
de l’étymon germ.]; MeierEtym 128; RF 98,253;
MélGuiraud2 13;FEW 16,179b.
REM.: Le FEW 3,248brassemble sub anord. ETIA
“harceler, irriter” la famille de l’afr. aatir, ahatir
“défier, s’attaquer à; etc.”. Cette même famille est
reprise sans renvoi sub *HATJAN comme groupe
«II.» (16,179a), avec proposition d’une base *HATT-
JAN et d’une influence secondaire de l’adj. aate “vif,
rapide” (< 1t. ADAPTUS; 16,180a). GreiveH 207ss.
réfute cette étymologie avec de bons arguments,
et rapproche aatir du 1t. ACTITÀRE (*ADAC-
TITARE “pousser, inciter continûment” < ad + ac-
titare). L’anord. etia ne lui inspire que quelques
lignes et lui paraît inacceptable surtout pour des
raisons sémantiques (ib. 212s.). C’est pourtant cet
étymon qui réapparaît, la même année14', dans le
FEW 152,90a, pour fournir de nouveau la base à
aatir, ahatir et famille, en réfutant également le rat-
tachement à *hatjan; v. -> aatir. — On trouve, en
afr., des attestations de aïr (< It.vulg. *ADIRARE
“irriter”, cf. FEW 24,142b) qui, pourvues d’un h-
initial, ne peuvent guère être distinguées de haïr,
si ce n’est pas par l’emploi syntaxique, cf. p.ex.
LancPrM VIII 38 il s’entrevienent par grant haïr
etc. —- Dans plusieurs éd. de textes afr., on trouve
une confusion entre dehé ait, juron exprimant la
haine, v. ci-dessous, et deshait “émotion, sentiment
pénible...”, dérivé de -> HAIT. Bien que la distinc-
tion entre les deux ait été faite il y a plus d’un
siècle (cf. G. Paris R 18,469ss.), les gloss, définissent
“malheur”, “chagrin”, etc., même si le juron est re-
connu comme tel. Voici, par ordre chronologique,
quelques exemples que nous avons relevés et où il
s’agit toujours d’un juron (entre parenthèses la déf.
du glossaire): mal dehé AiquinJ 1515 (“malheur”);
dehez ProtH 583; 3404; 4741; mal dahez ib. 3469;
deheez ib. 12037 (d. ait “curses on !” sub “misery,
unhappiness”); mal dehé ElieF 328 (“Unfreude”);
dehait BodelFablN VI 62 (“malheur”, traduit “au
diable”); dehez ChevBarAnS 354 (“Leid”); dehait
AnsCartA 4801; 5009; 7020; etc.; mal dehait ib.
6316; mal dehé ib. 11499 (“Unfreude”, avec ren-
411968; le travail de Greive n'a été publié qu’en
1970.
voi à AiolF 157 note et à R 18,471 !); dehez Moni-
otArrD XXII 71 (“malheur”), dehait BuevelS 427;
996; 4218 (“Unglück”, + ait = dehait “verflucht sei”) ;
mal dehé Bueve2S 10604 (“Unglück”); dahé ArtusS
5 47,19; dahezéb- 296,13; mau dahaizib. 122,29(“cha-
grin, découragement, maladie, malédiction, damna-
tion”); dehait GautLeuL2 I 34; mal dehé ib. 178; da-
hez ib. X 168 (“malédiction, malheur”); mal dehait
NoomenFabl 14,834; mau dahé ib. 18,358 (“souf-
io france”, mal d. ait “formule de malédiction”); de-
hait MontRayn 1,99; mal dehé ib. 3,239; mal dehaz
ib. 6,121 (“malheur”); mal dehait MaccabES 7410
(“malheur”); mal dehait GodinM 9804 (“malheur”);
mal dehait loinvW1 386b (“malheur”). Egalement
15 rattachés à HAIT, dehait lobB 1390 et dehet SSagMR
19,60 sont définis au gloss, adv. “avec plaisir, de
bon appétit” et “joy”; ces deux sont cependant aussi
des var. de dehé, v. ci-dessous. — Le FEW 16,178b
donne pour fr. haineur “ennemi” [p.-ê. préférer “ad-
20 versaire”] la datation «14. jh. - Stoer 1638». La
première att. se trouve dans ChOtheeF p. 110 [on
y lit hayneur] dans un texte qui, bien que se référant
à l’an 1395, n’est qu’un regeste de 1409, de sorte que
nous ne disposons point d’att. antérieure au I5es.;
25 à corr. — TristThomW D 207 donne une att. pour
enhaïr (Ne quidez qu’il ne vus enhacef où il vaut
mieux, comme l’éd. L 1478, interpréter en comme
pronom adverbial et lire .. .ne vus en hace. — Fran-
coit. aheter; aeter; etc. sont à rattacher à la famille
30 de -> AATIER. — Notons que les deux vers de Rob-
GrethEv cités par Stone 348b d’après le ms. Notting-
ham [Vbs enemis, fait il, amez, Vers vos haianz tuz
biens uverez] correspondent à AmDieuK 81-82 [Vos
enemys, fet-il, amez; Vers vus heyans bien overez}',
35 ces vers rendent Le 6,27 Sed vobis dico qui audi-
tis diligite inimicos vestros bene facite his qui vos
oderunt. — Dans FEW 16,178a est donnée pour l’att.
de VengRagF 1558 [déb. 13es.] la déf. “en vouloir à
qn” (le gloss, définit “gleichgiltig [!] sein gegen jmd.
40 (in Liebessachen)”). Le contexte [la dame del Gaut
Destroit Que U Noirs Chevaliers haoit Por ce que
nel voloit amer] montre qu’il s’agit bien du sens de
base. — BenTroieC 13186 var. ms. Italie lem. 14es.
haïros est plutôt var. de aïros (v. ici sub AÏRER)
45 qu’à rapprocher de haïr.
En ce qui concerne les variantes graphiques, nous
employons dans cet article un procédé qui s’écarte
des habitudes du DEAF. Puisque les attestations de
haïr se trouvent, dans les textes afr., sous des formes
50 conjuguées qui reflètent la variation morphologique
de ce verbe, il ne semble pas inutile de donner, à
côté des infinitifs habituels, un choix représentatif
de ces formes. — Plusieurs éd. reconstruisent, sur
la base de formes comme heent, haoit, les infinitifs
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