368 Abrège' de laVie
le garçon qui broyoit les couleurs aux peintres. Comme il
giag£. fe mit à prendre fa palette &. les pinceaux, ils le voulurent
empêcher de travailler, de crainte qu'il ne gâtât l'ouvrage ,
mais Cangiage au premier coup de pinceau diffipa leur crain-
te èc le fît reconnoître pour l'auteur.
Sa réputation naiflante s'accrut avec fon mérite , toutes
les Eglifes, tous les palais de Gènes , s'emprefïérent à le
faire valoir. Le Cangiage s'étoit fait une fi grande prati-
que qu'il peignoit fouvent fans faire de defldn , ce que les
Italiens appellent fatto alla prima : fes frefques s'exécu-
toient fur le lieu fans cartons, pour aller même encore plus
vite il peignoit des deux mains, aufîi nous a-t-il lailîe beau-
coup d'ouvrages & furtout de defïeins qu'on peut dire êrre
en plus grand nombre que ceux qu'on rallèmbleroit de
vingt peintres difFérens , il les jettoit dans un coin de
fa chambre, & fa femme en allumoit ordinairement fon
feu.
Cangiage ayant perdu fa femme peu d'années après fon
mariage, donna le loin de fes enfans à fa belle fœur, dont
il devint épris par la refTemblance qu'elle avoit avec la
défunte. Cette pafîion l'aveugla à un point qu'il fe flatta
d'obtenir du Pape la permifîîon de l'époufer. Il fît dans
cette vue le voyage de Rome & préfenta deux tableaux
de fa main au Pape j mais Grégoire XIII. loin de favorifer
fon défîr,lui en montra toute l'horreur, )e détourna de fon
defTein , & l'obligea fitôt qu'il feroit de retour à Gènes de
congédier fa belle fœur. Son cœur exécuta avec peine un
ordre fi rigoureux.
Il continua fes travaux & il alla peindre dans la v'IIe
de Multedo proche Gènes dans le Couvent de fa'nt Bar-
thelemi des Arméniens plufieurs morceaux qui peuvent fe
foutenir contre toutes fortes de peintures 5 fon confef-
feur qui étoit de cet Ordre eft peint dans un de ces ta-
bleaux.
Philippe II. inftruit de fes talens le demanda pour tra-
vailler à l'Efcurjal ^ l'envie de faire réùfïïr fon mariage par
le moyen de ce Monarque , le fit confentir à aller en Ef>
pagne. Il fut accueilli à fon arrivée par ce Prince qui fou-
vent le venoit voir travailler ,& qui le combla de bienfaits s
çe
le garçon qui broyoit les couleurs aux peintres. Comme il
giag£. fe mit à prendre fa palette &. les pinceaux, ils le voulurent
empêcher de travailler, de crainte qu'il ne gâtât l'ouvrage ,
mais Cangiage au premier coup de pinceau diffipa leur crain-
te èc le fît reconnoître pour l'auteur.
Sa réputation naiflante s'accrut avec fon mérite , toutes
les Eglifes, tous les palais de Gènes , s'emprefïérent à le
faire valoir. Le Cangiage s'étoit fait une fi grande prati-
que qu'il peignoit fouvent fans faire de defldn , ce que les
Italiens appellent fatto alla prima : fes frefques s'exécu-
toient fur le lieu fans cartons, pour aller même encore plus
vite il peignoit des deux mains, aufîi nous a-t-il lailîe beau-
coup d'ouvrages & furtout de defïeins qu'on peut dire êrre
en plus grand nombre que ceux qu'on rallèmbleroit de
vingt peintres difFérens , il les jettoit dans un coin de
fa chambre, & fa femme en allumoit ordinairement fon
feu.
Cangiage ayant perdu fa femme peu d'années après fon
mariage, donna le loin de fes enfans à fa belle fœur, dont
il devint épris par la refTemblance qu'elle avoit avec la
défunte. Cette pafîion l'aveugla à un point qu'il fe flatta
d'obtenir du Pape la permifîîon de l'époufer. Il fît dans
cette vue le voyage de Rome & préfenta deux tableaux
de fa main au Pape j mais Grégoire XIII. loin de favorifer
fon défîr,lui en montra toute l'horreur, )e détourna de fon
defTein , & l'obligea fitôt qu'il feroit de retour à Gènes de
congédier fa belle fœur. Son cœur exécuta avec peine un
ordre fi rigoureux.
Il continua fes travaux & il alla peindre dans la v'IIe
de Multedo proche Gènes dans le Couvent de fa'nt Bar-
thelemi des Arméniens plufieurs morceaux qui peuvent fe
foutenir contre toutes fortes de peintures 5 fon confef-
feur qui étoit de cet Ordre eft peint dans un de ces ta-
bleaux.
Philippe II. inftruit de fes talens le demanda pour tra-
vailler à l'Efcurjal ^ l'envie de faire réùfïïr fon mariage par
le moyen de ce Monarque , le fit confentir à aller en Ef>
pagne. Il fut accueilli à fon arrivée par ce Prince qui fou-
vent le venoit voir travailler ,& qui le combla de bienfaits s
çe