DES PLUS PAMEUX PEINTRES. 369
ce bon accueil l'enhardit à s'ouvrir de fon projet à quel- ——~
ques courtifans qui le détournèrent d'en parler au Roy. Ils Cangiagi.
lui repréfentérent ce Prince trop religieux pour s'entremet-
tre à faire réiiffir une telle union. Le chagrin qu'il en eut
le fit tomber malade & un abcès qui fe forma dans fa poi-
trine le fit périr à l'Efcurial en 1585. à l'âge de cinquan-
te-huit ans. Il lanTa imparfaite la grande voûte de l'Efcu-
rial , & le Roy qui l'avoit comblé de biens & d'honneurs $
le regretta beaucoup. Ce peintre étoit fi maître de fa main
qu'il a changé trois fois de manière. La première étoit gi-
gantefque &: peu naturelle 5 dans la féconde il confultoic
la nature, il faifoit des defTeins & des cartons pour arrêter
fa penfée avant que de peindre 5 la dernière tenant unique-
ment de la pratique fut plus expéditive, mais très manié-
rée : c'étoit une fougue de pinceau nécefiaire pour foutenir
fa nombreufe famille 5 il a même fculpté plufieurs figures
de marbre.
Cangiage excelloit dans les racourcis, il étoit afiez cor-
rect & très - fécond > fes idées n'étoient pas plutôt for-
mées qu'elles étoient exécutées • heureux s'il eût pofiedé
les grâces la légèreté , un beau choix & le vrai de la na-
ture.
Ses principaux élèves ont été Moratio Cambiafi fon fils %
qui a fuivi toute fa manière , Lazare Tavarone qui a été fon
meilleur élève, ôc Gio Battifta Pagi qui a eu quelque renom
dans la peinture.
Gio Battifta Paai, noble Génois, naquit en cette ville en —
ï 5 56. Parmi les exercices & les études de fa première jeu- G 1 o
nefie il employoit fes heures de récréation à modéler ou à Battista
defiiner des figures & des païfages. Son pere qui remarqua Pagi.
ce goût décidé, voulut l'en détourner par l'étude des ma-
thématiques : il en vint enfuite aux menaces, enfin il fe
rendit aux prières de fa femme. Pagi ne fçavoit pas enco-
re mélanger les couleurs, lorfqu'il fut introduit par un ami
dans un endroit où un peintre peignoit un portrait qui ne
reficmbloit point 5 fi l'on veut, dit-il, me donner des cou-
leurs j'en viendrai à bout, Se il le fit au grand étonne-
ment des fpe&ateurs : plufieurs tableaux fortirent alors de
A a a
ce bon accueil l'enhardit à s'ouvrir de fon projet à quel- ——~
ques courtifans qui le détournèrent d'en parler au Roy. Ils Cangiagi.
lui repréfentérent ce Prince trop religieux pour s'entremet-
tre à faire réiiffir une telle union. Le chagrin qu'il en eut
le fit tomber malade & un abcès qui fe forma dans fa poi-
trine le fit périr à l'Efcurial en 1585. à l'âge de cinquan-
te-huit ans. Il lanTa imparfaite la grande voûte de l'Efcu-
rial , & le Roy qui l'avoit comblé de biens & d'honneurs $
le regretta beaucoup. Ce peintre étoit fi maître de fa main
qu'il a changé trois fois de manière. La première étoit gi-
gantefque &: peu naturelle 5 dans la féconde il confultoic
la nature, il faifoit des defTeins & des cartons pour arrêter
fa penfée avant que de peindre 5 la dernière tenant unique-
ment de la pratique fut plus expéditive, mais très manié-
rée : c'étoit une fougue de pinceau nécefiaire pour foutenir
fa nombreufe famille 5 il a même fculpté plufieurs figures
de marbre.
Cangiage excelloit dans les racourcis, il étoit afiez cor-
rect & très - fécond > fes idées n'étoient pas plutôt for-
mées qu'elles étoient exécutées • heureux s'il eût pofiedé
les grâces la légèreté , un beau choix & le vrai de la na-
ture.
Ses principaux élèves ont été Moratio Cambiafi fon fils %
qui a fuivi toute fa manière , Lazare Tavarone qui a été fon
meilleur élève, ôc Gio Battifta Pagi qui a eu quelque renom
dans la peinture.
Gio Battifta Paai, noble Génois, naquit en cette ville en —
ï 5 56. Parmi les exercices & les études de fa première jeu- G 1 o
nefie il employoit fes heures de récréation à modéler ou à Battista
defiiner des figures & des païfages. Son pere qui remarqua Pagi.
ce goût décidé, voulut l'en détourner par l'étude des ma-
thématiques : il en vint enfuite aux menaces, enfin il fe
rendit aux prières de fa femme. Pagi ne fçavoit pas enco-
re mélanger les couleurs, lorfqu'il fut introduit par un ami
dans un endroit où un peintre peignoit un portrait qui ne
reficmbloit point 5 fi l'on veut, dit-il, me donner des cou-
leurs j'en viendrai à bout, Se il le fit au grand étonne-
ment des fpe&ateurs : plufieurs tableaux fortirent alors de
A a a