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leur production; ce qu’avait fait pour commencer Fran-
çois Ier sans aboutir.
Je ne sais combien de censeurs ont parlé légèrement
des talents des maîtres de Fontainebleau, sans prendre
garde aux effets produits par leurs ouvrages, qui furent
un avancement sans pareil du goût, un développement
immense de la production. L’exceptionnelle éminence des
talents n’est pas toujours ce qui produit ce résultat. Assu-
rément le Titien dépasse le Primatice par ce côté. Cependant
l’empereur le protégea, se fit peindre dix fois par lui, ramassa
dans son atelier le pinceau qu’il avait laissé tomber, sans faire
autre chose qu’enrichir les musées de quelques toiles
superbes, et la chronique d’une anecdote. Ni ses provinces
héréditaires ni l’Allemagne n’en recueillirent rien. Dans
aucune résidence décorée par le maître une cour formée
au goût et à la politesse ne servit d’exemple à ces contrées.
Aucune manufacture, travaillant sur ces modèles, ne porta
par toute l’Europe la renommée de l’empereur, et la richesse
dans ses États. En France, le génie de Léonard n’avait
pas fait plus d’usage. Le roi n’en retira que l’honneur
d’orner d’un grand nom la Renaissance française, et la
possession de quelques chefs-d’œuvre.
Il voulait davantage. Il aimait en connaisseur les œuvres
d’art et les tableaux; mais il avait l’œil aussi au profit que
le royaume devait en recueillir, par la production qu’elles
inspirent. Il unissait en lui Charles Ier et Colbert, et, quant
à l’avantage qu’en retirait la vie de société, Louis XIV.
Quelque chose de l’éblouissement que ce dernier causa
en son temps aux princes allemands est comme annoncé
dans la réception que François Ier fit à l’empereur. Bien
autrement que dans le camp du Drap d’or, où l’on ne rivalisa
que de luxe, la France y étalait cette fois ses talents dans
l’art de s’en servir. Comme les alliances des princes et le
sort des empires étaient en jeu bien plus encore dans cette
leur production; ce qu’avait fait pour commencer Fran-
çois Ier sans aboutir.
Je ne sais combien de censeurs ont parlé légèrement
des talents des maîtres de Fontainebleau, sans prendre
garde aux effets produits par leurs ouvrages, qui furent
un avancement sans pareil du goût, un développement
immense de la production. L’exceptionnelle éminence des
talents n’est pas toujours ce qui produit ce résultat. Assu-
rément le Titien dépasse le Primatice par ce côté. Cependant
l’empereur le protégea, se fit peindre dix fois par lui, ramassa
dans son atelier le pinceau qu’il avait laissé tomber, sans faire
autre chose qu’enrichir les musées de quelques toiles
superbes, et la chronique d’une anecdote. Ni ses provinces
héréditaires ni l’Allemagne n’en recueillirent rien. Dans
aucune résidence décorée par le maître une cour formée
au goût et à la politesse ne servit d’exemple à ces contrées.
Aucune manufacture, travaillant sur ces modèles, ne porta
par toute l’Europe la renommée de l’empereur, et la richesse
dans ses États. En France, le génie de Léonard n’avait
pas fait plus d’usage. Le roi n’en retira que l’honneur
d’orner d’un grand nom la Renaissance française, et la
possession de quelques chefs-d’œuvre.
Il voulait davantage. Il aimait en connaisseur les œuvres
d’art et les tableaux; mais il avait l’œil aussi au profit que
le royaume devait en recueillir, par la production qu’elles
inspirent. Il unissait en lui Charles Ier et Colbert, et, quant
à l’avantage qu’en retirait la vie de société, Louis XIV.
Quelque chose de l’éblouissement que ce dernier causa
en son temps aux princes allemands est comme annoncé
dans la réception que François Ier fit à l’empereur. Bien
autrement que dans le camp du Drap d’or, où l’on ne rivalisa
que de luxe, la France y étalait cette fois ses talents dans
l’art de s’en servir. Comme les alliances des princes et le
sort des empires étaient en jeu bien plus encore dans cette