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LES DERNIÈRES ANNÉES

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faire au Conseil des ministres, et lorsque M. Antonin
Proust vint lire sa liste, M. Grévy, le président de
la République, prétendit mettre son veto en disant:
« Ah! Manet, non. » Mais Gambetta, avec l'autorité
qui lui appartenait, répondit: « 11 est bien entendu,
Monsieur le Président, que chaque ministre garde
le droit de désigner les titulaires, dans la Légion
d'honneur, des croix attribuées à son ministère, et
que le président de la République ne fait que contre-
signer. » M. Grévy dut se rendre à cette sorte de
rebuffade, et ces ministres qui désapprouvaient, eux
aussi, la mesure, n'osèrent hasarder d'observations.
Manet éprouva une grande satisfaction des récom-
penses qui lui étaient enfin décernées et qui, banales
en elles-mêmes, acquéraient des circonstances une
valeur exceptionnelle. Cet homme, que depuis si
longtemps le public, la presse et la caricature fou-
laient aux pieds et traînaient dans la boue, que les
peintres en renom, chargés de décorations et d'hon-
neurs, affectaient de tenir à distance, entrait enfin
dans le cercle des privilégiés et des artistes mis à
un rang honoré. La séparation qu'on avait prétendu
maintenir d'avec lui s'était abaissée. Et puis! cette
médaille donnée par les jeunes, après tant de refus
et d'expulsions de la part des autres, montrait qu'il
avait été pris des deux parts comme l'initiateur
d'un art sur lequel on s'était divisé et combattu. La
 
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