L'ÊCUPSii
AV 18
l\ cloche, à la cantonnade.
Ding! diog ! — La souper des gens est sur tsibie. Ils vont man-
ger les morceaux exquis que le maître d'hôtel a laissés, par ha-
sard, de côté. Un vin excellent (caveau C, porte-bouteille 8) leur est
versé dans de larges hanaps. 0 bonheur I — Ding ! ding !
LE DÉPUTÉ.
Hélas 1 — Elus, élus, m'avez-vous abandonné?
LA FAIM
Imbécile 1... Dévore ta honte (dame, quand on afaim).
la honte, elle met une pâleur* vive..) etc.
LE DÉPULÉ
1 Non. Je veux mourir ici, sur ce sol que mes ancêtres ont cul-
î tivé, sans chercher à briller sur les bancs du Corps législatif.
I Etaient-ils dans le vrai, mes aïeux I ah ! oui, par exemple 1 (Il se
j couche,) Adieu, bois, vergers, ciel pavillon de l'homme, admira-
pendant lequel le condamné peut encore trouver
, quelque circonstance atténuante entraînant sa etL
| précautions prises, lavez-vous les mains du resta T "
seuls persisteront alors à piquer des tètes dans il J"""1'*
ceux-là, pas de remède. (»i«. l,„ „_,„_. ™».
son c
• pnis,,
Notre dessin, — un grand dessin de haute actua-
lité,— la Justice etla Vengeance poursuivant le Crime,.
— d'après Prudhon, par Grill, — ayant trait aux ré-
cents débats qui viennent de se dérouler devant la pre-
mière et la sixième chambre, a été refusé impitoyable-
ment par la Préfecture de police.
Pour obéir à cette mesure, Y Eclipse a été obligée
de publier, en tête du présent numéro, le crayon ci- j ble »ature' Salat> P°ur la dernière fois. (Il s'endort.)
dessus : La Clef des champs, par Pilotel. SUÈNE III
Samedi, paraîtra une seconde édition de ce numéro ;
(n° 29 bis), qui contiendra en première page, le
dessin ordinaire de Grill, que nos abonnés pourront
se procurer en nous envoyant dix centimes en timbres-
poste.
! tètes
> colonnes,
I LeS.Lb0"!h.8Z_lBS ?nê'reS' Msez les arm787C""e!
murs, émoussez
cordes, supprimez
Pour
rtviè.
poignards, anéantissez les pois™,T!S8!l,s
l'asphyxie, etc., etc.,-e^T'^'a
core moyan de se faire justice, - dussent-ils ,« ,"""»»■
d'insolation. se '»« à tout,
Jules Dïaiw
THB,
UNE CURIEUSE VENTE
THÉÂTRE Dfi L'ECLIPSE
LA CARPE ET LE DÉPUTÉ
Drame en un acte
PERSONNAGES
LES MEMES — UNE CARPE
La carpe sort la lête de l'eau mystérieusement. Elle tient au bec une
i couronne de glaïeuls et de nénuphars. D'un saut, elle est sur le rivage.
D'un second saut, elle vient se plantera la hauteur du crâne du député.
Elle dépose la couronne qu'elle porte sur le sincipufc dénudé de l'homme
j d'Etat, et murmure (oui, elle murmure) :
Moi, cas de longévité extraordinaire, carpe de deux cents ans,
; je la décerne, cette fraîche couronne, au nom des poissons de cet
étang, tes esclaves respectueux.
Reçois, jeune élève de la majorité, ce prix du silence parfait.
Le mutisme inintelligent trouve toujours sa récompense.
Dors, ô mon maître, et que tes songes soient aussi légers que...
les rapports établis depuis peu entre ta femme ot un gentleman
des environs.
(Elle dit, et bâillant quatre fois, retourne à sauts comptés dans l'onde
qui l'accueille «uec calme.
LES K03BAUX
A demain, le soleil et la lumière I
• (La toile tombe.)
Ernest d'Hervilly.
UN DÉPUTÉ, naturellement.
QUELQUES ROSEAUX, de la gauche sans doute.
UNE CARPE, joli cas de longévité extraordinaire.
LA CLOCHE DU CHATEAU, grande utilité.
LA HONTE, personnage muet.
LA FAIM, personnage bavard.
La scène représente le bord d'un étang, au fond d'un noble parc, sous
des ombrages séculaires. La brise du soir s'élève. Le crépuscule nait.
Tout annonce que la terre harassée demande la clôture.
Au lever du rideau, on voit le député en question, en grand uniforme,
ruais souillé de poussière, assis sur le gazon. Il se tient la lête dans
les .mains. A côté de lui reposent un bâton de voyage et un paquet mal
noué qui laisse sortir des brochures jaunes et bleues* par douzaines.
SCÈNE PREMIÈRE
la cloche, sonnant dans le lointain,
Ding, ding, ding... Madame est servie. Les domestiques on
mis leurs gants. La soupe (oh I pardon !) le potage fume sur la
table. Une odeur exquise emplit l'office. Le rôti a pris toute sa
couleur. On va lui percer le flanc, ran tan plan, tire lire, ding,
ding, ding !
la faim. (Elle chatouille l'estomac du député.)
Tout ça c'est très-joli, mais il faut secouer cela. Allons, du cou-
rage. Allons dîner.
LA HONTE,
(Elle plaque une rougeur vive sur le front du député )
IE UÉPUTE
Non 1 — La Chambre a fermé ses portes, et me voilà à celles de
mon château, et je n'ose rentrer.
— « Parle ! ne fat-ce qu'une fois, a dit ma femme, mais parle :
que ton nom soit inscrit au Moniteur.
Et j'ai attendu la dernière année, le dernier mois, la dernière
Bemaine, le dernier jour, la dernière heure, la dernière minute...
et je n'ai rien dit, rien, pas même : bon ! (à la dtoite.)
la honte, elle plaque une seconde rongent vive, etc.
LA FAIM
Allons donc, grand lâche! Trois jours'Bans mangerI Revenir à
pied, la nuit. Entrer par la petite porte du parc. Et n'oser affron-
ter le regard d'une faible femme.
LE DÉPUTÉ
Pas un mot! Etre resté muet pendant cinq aas ! cinq! Oh! oh!
oh I (Il verse quelques pleurs amers.)
la honte, elle plaque une troisième rougeur vive, etc.
LE DÉPUTÉ
Oh 1 La Honte. Les remords! Comme je les nourris ! Mon cœur
est devenu le restaurant des remords ! N'avoir pas su trouver un
cri, un bruit, un coup de couteau à papier ! Rien I rien I
Mon silence môme n'a pas été traité d'éloquent. Je me sens mou-
rir. Je meurs pour la France, mais l'héroïsme sans traitement
annuel n'a rien de folâtre. Oh ! que j'ai faim. Que je suis las,..
On ne m'y reprendra plus. Ah 1 mais non.
SCÈNE Iï
LES mêmes. — quelques roseaux
quelques roseaux, entre eux.
On a dit que l'homme était un roseau pensant, quelle injure !
Le député que voici est bien la preuve du contraire. Que vient-il
faire ici, cet'inutile, sur l'herbe molle, à l'heure pudique où, la
briae frémit entre nos bras. (Quels bras ?)
premier roseau, avec un souvenir classique.
Ohé, Midas! ohé, Midas !
deuxième roseau, avec un souvenir romantique.
Ohé, Bottom! ohé, BottomI
LE DÉPUTÉ
► Oh oui ! j'ai les oreilles de cet animal dost le fils sert dans le
train des équipages-, Que le Sénat avait raison de prescrire la
croyance à Vimmortalité de Vdne I
LA HONTE
(Elle plaque une quatrième routeur vive, etc.)
PHRASES PERDUES
i
On Vient d'interdire aux amateurs de vues à vol d'oison l'entrée
de la colonne Vendôme, De Sorte que l'escalier de la glorieuse
sarbacane, inaugurée le 15 août 1810 — sera passé avant dix ans
— si la mesure est maintenue — à l'état légendaire,,, comme
l'escalier de l'obélisque. Le but de cette prohibition est de sup-
primer une des trente-deux manières usitées pour se faire passer
le goût du pain... Et, partant, de diminuer un peu le total des
suicides annuels. Ce dernier calcul paraît juste, au premier coup
d'oeil. Au second, le troupeau des « peut-être » apparaît soudain
au détour de la pensée. Au troisième, on déclare l'opération radi-
calement fausse. — Voulez-vous que, tout de suite et sans nous
préoccuper autrement des deux autres, nous jetions sur cette
question le troisième coup d'œil? — Coup d'œil d'oie, sans au-
cun doute, puisqu'il voit les choses au rebours du premier, le-
quel était d'aigle — incontestablement, "
II
Je mets en fait que les trois quarts des morts volontaires me-
nées à bonne fin — mettez mauvaise, si vous voulez — dans les
circonstances qni nous occupent, ont été le résultat immédiat
d'une pensée dont la germination, la croissance, le développe-
ment et l'éclosion se sont effectués presque instantanément sur la
plate-forme même : suicides spontanés ; j'allais dire d'inspira-
tion. Des gens qui, a une seconde donnée, ont trouvé drôle d'en-
voyer un csup de chapeau aux hirondelles de l'Etat-major, en
s'écriant : a. Ave, LuUtia, moriturus te salutat!* les culbutes accom-
plies,— on peut les compter ; qui pourra jamais supputer le
chiffre des reculades? Et pourtant, combien de désespérés sont
arrivés au pied du fut avec la farme volonté d'en finir qui, le
faîte atteint, n'ont plus songé qu'à dénombrer les tuyaux de che-
minée épars sur les toitures des maisons dues à l'êquerre de j
Mansard ? — Ah ! c'est qu'y faut une rude force de caractère pour j
porter verticalement et à cerveau tendu, une idée aussi lourde j
que celle de la mort — à une hauteur de 43 mètres ! Essayez, ]
pour voir,
III
« Frère, tu veux mourir? soit! Mais à quoi bon te déranger de j
« chez toi? N'as-tu pas sous la main un rasoir, un lacet, un aspic, j
« un pistolet, une goutte d'acide prussique ou un boisseau de j
« charbon? Pourquoi t'imposer d'abord l'obligation de franchir j
a la distance plus ou, moins longue qui sépare ton domicile élu \
a dn cylindre de bronze; puis — surcroît de fatigue — l'ascen- S
« sion qui te mènera du plancher des vaches aux augustes talons
« de Napoléon Ior?—Pourquoi?maïs c'est tout simplement que tu
« n'est pas fâché — dans le fond — de t'accorder un petit sursis,
a Allons, frère, prends ton chapeau, marche à la mort de ton
« pied le plus boiteux; tu as tout le temps nécessaire, ô déses-
a péré : — il est quatre heures; nous dînons à six; ton couvert
a sera mis... Ne te fais pas attendre! » — On peut, en effet, ad-
mettre à priori, que choisir entre tant d'autres plus à portée, ce
mode d'assassinat personnel est — neuf fois sur dix — un signe
certain de défaillance et d'hésitation. Or, il est bien rare que les
réflexions de la route n'achèvent pas d'amollir les plus fermes
courages.
IV
On annonce, en effet, pour un temps prochain, non mm v
prochaine, une- vente singulière, et que je crois umo™ h ^
genre. C'est celle d'une collection de cachets anciens Pt ™ î" *%
ornés de devises, BUS et modernes
Le hasard m'a précisément fait conserver dans mes f,w
certain nombre de lettres de confrères plus ou moins il f
L'annonce de cette vente m'a donné l'idée de relevert?i
enveloppes, celles des devises qui se sont conservées inl?
c'est le résultat de cette recherche que je consigne plus k *
_ Ab Jove principium, Victor Hugo a pour devise trois moi. « ■
indiquent à eux seuls sa manière de travailler : """"qui
FAIRE ET REFAIRE.
Lamartine, mystique :
SPIRA SPERA
Dumas, qui le croirait? a pour devise
du plus profond septicisme :
«tout lasse, tout passh, tout casse.«
Et cependant qui moins que ce travailleur infatigable devrait
Tout lasse ?»Qui moins que l'écrivain illustre depuia bjen
tôt près d'un demi-siècle peut dire : « tout passe ? » Qui moins que
ce jeune et vigoureux vieillard peut s'apercevoir que « tout casse, »
[« RAISON M'OBLIGE. »
Ecrivait Balzac. Il eût bien,mieux fait, le pauvre grandhomme
qui poursuivit par un labeur de géant la fortune sans l'atteindre
de dire avec Frédéric Soulié :
i cet aphorisme empreint
i dire :
« S AGITER SAKS AVANCER, »
Charles Nodier disait aussi :
«. RAISON LE VEUT. »
La devise d'Alphonse Karr est bien amère et bien juste :
« JE NE CRAINS QUE CEUX QUE j'AIME. d
Non moins fière est celle de Souvestre .-
ESPOIR NI CRAINTE
Eugène Sue, dont le caractère n'était pas toujours des plus
amènes, avait pour emblème un hérisson avec ces mots :
JE MEXIQUE QUE POUR ME DÉFENDRE
Chacun son emblème. Celui de frère Veuillot est une croiaavec
ces mots latins :
MIHI QUOQUE SPEM DEDISTI
Celui d'A. Lefranc, le gai collaborateur de Labiche, est un
lézard avec ces mots : sol, otium et libertas,
Trélat a sur son cachet des roseaux battus par la tempête, avec
cette devise :
toujours agités, jamais abattus
Non moins fière, mais plus orgueilleuse est celle de Charles
Joliet :
« JE MARCHE SEUL. »
Quelquefois, d'un mot la devise indique le goût dominant de
Son propriétaire :
« des ailes. »
dit Mïchelet.
AUTEUIL
Signe Gavaraî qui vécut et mourut pour et par sa maison de
campagne.
truth (Vérité)
S'écrie le prince de nos critiques actueiS, Sainte-Beuve,
ÊTRE UTILE
Dit à son tour Millaud, le créateur du journal à un sou.
On le voit, c'est une manie toute littéraire que celle des de-
vises; chacun veut avoir la sienne qui dise ce que l'on voudrait
être plutôt que ce que l'on se trouve être en réalité.
E. A. Spoll,
INTERMEDE
Le monument — fait de gloire et d'airain — une fois interdit,
on ne songera plus qu'aux agents ou aux engins de mort ordi-
naires — d'autant plus redoutables, qu'il suffit, pour les mettre
en œuvre, d'une minute d'énergie, — Loin de murer la colonne
-Vendôme , j'aimerais mieux l'exhausser. Superposez-lui, par j tout et à larges flots le sucre et le miel,
exemple, celle de la Bastille, et vous aurez — en doublant le ■ Le moment solennel des promesses est arrivé,
chemin à parcourir pour atteindre à la mort — doublé le temps une bénédiction. On n'a qu'à demander.
Douze de nos principaux théâtres sont fermés, y compris celui
de la guerre, qui, après avoir annoncé une grande pièce m,lia'
avec trucs et instruments nouveaux ,ajugé à propos deretar
sa réouverture; un treizième, le Corps législatif, vient a a!û
une des meilleures pièces de son répertoire, celle as9ur
que messieurs les députés jouent avec le plus d'entrain : ne ■
Nous n'entendrons plus les calembourgs de nos honor
M. de Tiilancourt épanchera sa verve en famille, et les J0Brfl
sérieux qu'il faisait vivre si largement mourront faute bons
En attendant' la grande pièce, un intermède des plus joy
se joue sur un air connu. ^
Il est question des réengagements, Les faces les plus a"S
dessinent les plus aimables sourires; les bouches répanden
«**■* .
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l\ cloche, à la cantonnade.
Ding! diog ! — La souper des gens est sur tsibie. Ils vont man-
ger les morceaux exquis que le maître d'hôtel a laissés, par ha-
sard, de côté. Un vin excellent (caveau C, porte-bouteille 8) leur est
versé dans de larges hanaps. 0 bonheur I — Ding ! ding !
LE DÉPUTÉ.
Hélas 1 — Elus, élus, m'avez-vous abandonné?
LA FAIM
Imbécile 1... Dévore ta honte (dame, quand on afaim).
la honte, elle met une pâleur* vive..) etc.
LE DÉPULÉ
1 Non. Je veux mourir ici, sur ce sol que mes ancêtres ont cul-
î tivé, sans chercher à briller sur les bancs du Corps législatif.
I Etaient-ils dans le vrai, mes aïeux I ah ! oui, par exemple 1 (Il se
j couche,) Adieu, bois, vergers, ciel pavillon de l'homme, admira-
pendant lequel le condamné peut encore trouver
, quelque circonstance atténuante entraînant sa etL
| précautions prises, lavez-vous les mains du resta T "
seuls persisteront alors à piquer des tètes dans il J"""1'*
ceux-là, pas de remède. (»i«. l,„ „_,„_. ™».
son c
• pnis,,
Notre dessin, — un grand dessin de haute actua-
lité,— la Justice etla Vengeance poursuivant le Crime,.
— d'après Prudhon, par Grill, — ayant trait aux ré-
cents débats qui viennent de se dérouler devant la pre-
mière et la sixième chambre, a été refusé impitoyable-
ment par la Préfecture de police.
Pour obéir à cette mesure, Y Eclipse a été obligée
de publier, en tête du présent numéro, le crayon ci- j ble »ature' Salat> P°ur la dernière fois. (Il s'endort.)
dessus : La Clef des champs, par Pilotel. SUÈNE III
Samedi, paraîtra une seconde édition de ce numéro ;
(n° 29 bis), qui contiendra en première page, le
dessin ordinaire de Grill, que nos abonnés pourront
se procurer en nous envoyant dix centimes en timbres-
poste.
! tètes
> colonnes,
I LeS.Lb0"!h.8Z_lBS ?nê'reS' Msez les arm787C""e!
murs, émoussez
cordes, supprimez
Pour
rtviè.
poignards, anéantissez les pois™,T!S8!l,s
l'asphyxie, etc., etc.,-e^T'^'a
core moyan de se faire justice, - dussent-ils ,« ,"""»»■
d'insolation. se '»« à tout,
Jules Dïaiw
THB,
UNE CURIEUSE VENTE
THÉÂTRE Dfi L'ECLIPSE
LA CARPE ET LE DÉPUTÉ
Drame en un acte
PERSONNAGES
LES MEMES — UNE CARPE
La carpe sort la lête de l'eau mystérieusement. Elle tient au bec une
i couronne de glaïeuls et de nénuphars. D'un saut, elle est sur le rivage.
D'un second saut, elle vient se plantera la hauteur du crâne du député.
Elle dépose la couronne qu'elle porte sur le sincipufc dénudé de l'homme
j d'Etat, et murmure (oui, elle murmure) :
Moi, cas de longévité extraordinaire, carpe de deux cents ans,
; je la décerne, cette fraîche couronne, au nom des poissons de cet
étang, tes esclaves respectueux.
Reçois, jeune élève de la majorité, ce prix du silence parfait.
Le mutisme inintelligent trouve toujours sa récompense.
Dors, ô mon maître, et que tes songes soient aussi légers que...
les rapports établis depuis peu entre ta femme ot un gentleman
des environs.
(Elle dit, et bâillant quatre fois, retourne à sauts comptés dans l'onde
qui l'accueille «uec calme.
LES K03BAUX
A demain, le soleil et la lumière I
• (La toile tombe.)
Ernest d'Hervilly.
UN DÉPUTÉ, naturellement.
QUELQUES ROSEAUX, de la gauche sans doute.
UNE CARPE, joli cas de longévité extraordinaire.
LA CLOCHE DU CHATEAU, grande utilité.
LA HONTE, personnage muet.
LA FAIM, personnage bavard.
La scène représente le bord d'un étang, au fond d'un noble parc, sous
des ombrages séculaires. La brise du soir s'élève. Le crépuscule nait.
Tout annonce que la terre harassée demande la clôture.
Au lever du rideau, on voit le député en question, en grand uniforme,
ruais souillé de poussière, assis sur le gazon. Il se tient la lête dans
les .mains. A côté de lui reposent un bâton de voyage et un paquet mal
noué qui laisse sortir des brochures jaunes et bleues* par douzaines.
SCÈNE PREMIÈRE
la cloche, sonnant dans le lointain,
Ding, ding, ding... Madame est servie. Les domestiques on
mis leurs gants. La soupe (oh I pardon !) le potage fume sur la
table. Une odeur exquise emplit l'office. Le rôti a pris toute sa
couleur. On va lui percer le flanc, ran tan plan, tire lire, ding,
ding, ding !
la faim. (Elle chatouille l'estomac du député.)
Tout ça c'est très-joli, mais il faut secouer cela. Allons, du cou-
rage. Allons dîner.
LA HONTE,
(Elle plaque une rougeur vive sur le front du député )
IE UÉPUTE
Non 1 — La Chambre a fermé ses portes, et me voilà à celles de
mon château, et je n'ose rentrer.
— « Parle ! ne fat-ce qu'une fois, a dit ma femme, mais parle :
que ton nom soit inscrit au Moniteur.
Et j'ai attendu la dernière année, le dernier mois, la dernière
Bemaine, le dernier jour, la dernière heure, la dernière minute...
et je n'ai rien dit, rien, pas même : bon ! (à la dtoite.)
la honte, elle plaque une seconde rongent vive, etc.
LA FAIM
Allons donc, grand lâche! Trois jours'Bans mangerI Revenir à
pied, la nuit. Entrer par la petite porte du parc. Et n'oser affron-
ter le regard d'une faible femme.
LE DÉPUTÉ
Pas un mot! Etre resté muet pendant cinq aas ! cinq! Oh! oh!
oh I (Il verse quelques pleurs amers.)
la honte, elle plaque une troisième rougeur vive, etc.
LE DÉPUTÉ
Oh 1 La Honte. Les remords! Comme je les nourris ! Mon cœur
est devenu le restaurant des remords ! N'avoir pas su trouver un
cri, un bruit, un coup de couteau à papier ! Rien I rien I
Mon silence môme n'a pas été traité d'éloquent. Je me sens mou-
rir. Je meurs pour la France, mais l'héroïsme sans traitement
annuel n'a rien de folâtre. Oh ! que j'ai faim. Que je suis las,..
On ne m'y reprendra plus. Ah 1 mais non.
SCÈNE Iï
LES mêmes. — quelques roseaux
quelques roseaux, entre eux.
On a dit que l'homme était un roseau pensant, quelle injure !
Le député que voici est bien la preuve du contraire. Que vient-il
faire ici, cet'inutile, sur l'herbe molle, à l'heure pudique où, la
briae frémit entre nos bras. (Quels bras ?)
premier roseau, avec un souvenir classique.
Ohé, Midas! ohé, Midas !
deuxième roseau, avec un souvenir romantique.
Ohé, Bottom! ohé, BottomI
LE DÉPUTÉ
► Oh oui ! j'ai les oreilles de cet animal dost le fils sert dans le
train des équipages-, Que le Sénat avait raison de prescrire la
croyance à Vimmortalité de Vdne I
LA HONTE
(Elle plaque une quatrième routeur vive, etc.)
PHRASES PERDUES
i
On Vient d'interdire aux amateurs de vues à vol d'oison l'entrée
de la colonne Vendôme, De Sorte que l'escalier de la glorieuse
sarbacane, inaugurée le 15 août 1810 — sera passé avant dix ans
— si la mesure est maintenue — à l'état légendaire,,, comme
l'escalier de l'obélisque. Le but de cette prohibition est de sup-
primer une des trente-deux manières usitées pour se faire passer
le goût du pain... Et, partant, de diminuer un peu le total des
suicides annuels. Ce dernier calcul paraît juste, au premier coup
d'oeil. Au second, le troupeau des « peut-être » apparaît soudain
au détour de la pensée. Au troisième, on déclare l'opération radi-
calement fausse. — Voulez-vous que, tout de suite et sans nous
préoccuper autrement des deux autres, nous jetions sur cette
question le troisième coup d'œil? — Coup d'œil d'oie, sans au-
cun doute, puisqu'il voit les choses au rebours du premier, le-
quel était d'aigle — incontestablement, "
II
Je mets en fait que les trois quarts des morts volontaires me-
nées à bonne fin — mettez mauvaise, si vous voulez — dans les
circonstances qni nous occupent, ont été le résultat immédiat
d'une pensée dont la germination, la croissance, le développe-
ment et l'éclosion se sont effectués presque instantanément sur la
plate-forme même : suicides spontanés ; j'allais dire d'inspira-
tion. Des gens qui, a une seconde donnée, ont trouvé drôle d'en-
voyer un csup de chapeau aux hirondelles de l'Etat-major, en
s'écriant : a. Ave, LuUtia, moriturus te salutat!* les culbutes accom-
plies,— on peut les compter ; qui pourra jamais supputer le
chiffre des reculades? Et pourtant, combien de désespérés sont
arrivés au pied du fut avec la farme volonté d'en finir qui, le
faîte atteint, n'ont plus songé qu'à dénombrer les tuyaux de che-
minée épars sur les toitures des maisons dues à l'êquerre de j
Mansard ? — Ah ! c'est qu'y faut une rude force de caractère pour j
porter verticalement et à cerveau tendu, une idée aussi lourde j
que celle de la mort — à une hauteur de 43 mètres ! Essayez, ]
pour voir,
III
« Frère, tu veux mourir? soit! Mais à quoi bon te déranger de j
« chez toi? N'as-tu pas sous la main un rasoir, un lacet, un aspic, j
« un pistolet, une goutte d'acide prussique ou un boisseau de j
« charbon? Pourquoi t'imposer d'abord l'obligation de franchir j
a la distance plus ou, moins longue qui sépare ton domicile élu \
a dn cylindre de bronze; puis — surcroît de fatigue — l'ascen- S
« sion qui te mènera du plancher des vaches aux augustes talons
« de Napoléon Ior?—Pourquoi?maïs c'est tout simplement que tu
« n'est pas fâché — dans le fond — de t'accorder un petit sursis,
a Allons, frère, prends ton chapeau, marche à la mort de ton
« pied le plus boiteux; tu as tout le temps nécessaire, ô déses-
a péré : — il est quatre heures; nous dînons à six; ton couvert
a sera mis... Ne te fais pas attendre! » — On peut, en effet, ad-
mettre à priori, que choisir entre tant d'autres plus à portée, ce
mode d'assassinat personnel est — neuf fois sur dix — un signe
certain de défaillance et d'hésitation. Or, il est bien rare que les
réflexions de la route n'achèvent pas d'amollir les plus fermes
courages.
IV
On annonce, en effet, pour un temps prochain, non mm v
prochaine, une- vente singulière, et que je crois umo™ h ^
genre. C'est celle d'une collection de cachets anciens Pt ™ î" *%
ornés de devises, BUS et modernes
Le hasard m'a précisément fait conserver dans mes f,w
certain nombre de lettres de confrères plus ou moins il f
L'annonce de cette vente m'a donné l'idée de relevert?i
enveloppes, celles des devises qui se sont conservées inl?
c'est le résultat de cette recherche que je consigne plus k *
_ Ab Jove principium, Victor Hugo a pour devise trois moi. « ■
indiquent à eux seuls sa manière de travailler : """"qui
FAIRE ET REFAIRE.
Lamartine, mystique :
SPIRA SPERA
Dumas, qui le croirait? a pour devise
du plus profond septicisme :
«tout lasse, tout passh, tout casse.«
Et cependant qui moins que ce travailleur infatigable devrait
Tout lasse ?»Qui moins que l'écrivain illustre depuia bjen
tôt près d'un demi-siècle peut dire : « tout passe ? » Qui moins que
ce jeune et vigoureux vieillard peut s'apercevoir que « tout casse, »
[« RAISON M'OBLIGE. »
Ecrivait Balzac. Il eût bien,mieux fait, le pauvre grandhomme
qui poursuivit par un labeur de géant la fortune sans l'atteindre
de dire avec Frédéric Soulié :
i cet aphorisme empreint
i dire :
« S AGITER SAKS AVANCER, »
Charles Nodier disait aussi :
«. RAISON LE VEUT. »
La devise d'Alphonse Karr est bien amère et bien juste :
« JE NE CRAINS QUE CEUX QUE j'AIME. d
Non moins fière est celle de Souvestre .-
ESPOIR NI CRAINTE
Eugène Sue, dont le caractère n'était pas toujours des plus
amènes, avait pour emblème un hérisson avec ces mots :
JE MEXIQUE QUE POUR ME DÉFENDRE
Chacun son emblème. Celui de frère Veuillot est une croiaavec
ces mots latins :
MIHI QUOQUE SPEM DEDISTI
Celui d'A. Lefranc, le gai collaborateur de Labiche, est un
lézard avec ces mots : sol, otium et libertas,
Trélat a sur son cachet des roseaux battus par la tempête, avec
cette devise :
toujours agités, jamais abattus
Non moins fière, mais plus orgueilleuse est celle de Charles
Joliet :
« JE MARCHE SEUL. »
Quelquefois, d'un mot la devise indique le goût dominant de
Son propriétaire :
« des ailes. »
dit Mïchelet.
AUTEUIL
Signe Gavaraî qui vécut et mourut pour et par sa maison de
campagne.
truth (Vérité)
S'écrie le prince de nos critiques actueiS, Sainte-Beuve,
ÊTRE UTILE
Dit à son tour Millaud, le créateur du journal à un sou.
On le voit, c'est une manie toute littéraire que celle des de-
vises; chacun veut avoir la sienne qui dise ce que l'on voudrait
être plutôt que ce que l'on se trouve être en réalité.
E. A. Spoll,
INTERMEDE
Le monument — fait de gloire et d'airain — une fois interdit,
on ne songera plus qu'aux agents ou aux engins de mort ordi-
naires — d'autant plus redoutables, qu'il suffit, pour les mettre
en œuvre, d'une minute d'énergie, — Loin de murer la colonne
-Vendôme , j'aimerais mieux l'exhausser. Superposez-lui, par j tout et à larges flots le sucre et le miel,
exemple, celle de la Bastille, et vous aurez — en doublant le ■ Le moment solennel des promesses est arrivé,
chemin à parcourir pour atteindre à la mort — doublé le temps une bénédiction. On n'a qu'à demander.
Douze de nos principaux théâtres sont fermés, y compris celui
de la guerre, qui, après avoir annoncé une grande pièce m,lia'
avec trucs et instruments nouveaux ,ajugé à propos deretar
sa réouverture; un treizième, le Corps législatif, vient a a!û
une des meilleures pièces de son répertoire, celle as9ur
que messieurs les députés jouent avec le plus d'entrain : ne ■
Nous n'entendrons plus les calembourgs de nos honor
M. de Tiilancourt épanchera sa verve en famille, et les J0Brfl
sérieux qu'il faisait vivre si largement mourront faute bons
En attendant' la grande pièce, un intermède des plus joy
se joue sur un air connu. ^
Il est question des réengagements, Les faces les plus a"S
dessinent les plus aimables sourires; les bouches répanden
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