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ÉTRENNES DE L'ÉGLIPSE
? Toute personne qui enverra dSB'ecéentteïtt en mandat ou en
timbres-poste au directeur du journal, 16, rue du Croissant, à
Paris, — le montant d'un abonnement d'an asa à ScSîpse,
jouira des primes ci-dessous énoncées, aux conditions suivantes :
1rs PRIME
Une superbe lanterne-magique accompagnée de douze verres
fournissant 48 sujets, reproduits d'après les charges de Gill les plus
célèbres. (Voir aux annonces.)
L'abonnement pour Paris, avec cette prime. . . . " . 12
L Pour les départements (la prime - expédiée franco, à do-
micile.................16
2° PRIME
Une excellente montre de Genève. (Voir aux anno?ices,)
L'abonnement pour Paris, avsc cette prime......30
Pour les départements. ............ 31
3e PRIME
Une boîte remplie de bâloiis de vanille, bonbons fondants, parfu-
més, savoureux, fabriqués spécialement pour les abonnés deVEclipse
par M. Berbey-Couturier, de Sain t-Seine-1'Abbaye (Gôte-d'Or).
L'Abonnement pour Paris, avec cette prime.....6
Pour les départements.............7
1° Avoir soin de bien indiquer celles des trois primes qu'on
choisit.
Tous nos abonnés peuvent jouir des primes ci-dessus, déduction
faite du prix de l'abonnement déjà payé.
A l'approche des étrennes, la réclame déborde impitoyablement
les journaux. Elle envahit quelque peu VEclipse aujourd'hui. Mais
nous rendrons — sous peu — avec usure à nos lecteurs le texte et
les dessins qu'elle leur enlève dans le présent numéro.
A TRAVERS LA SEIflAIISE
— Au contraire ! Voilà un mot dont on abuse, et on a tort.
Ainsi, l'autre jour, il était question d'un homme qui vient de
mourir et qui avait descendu nonchalamment le fleuve de la vie,
pensant peu, agissant encore moins et s'amusant beaucoup plus...
de toutes les façons. Chacun s'étonnait de l'avoir va s'en aller si
rapidement.
— Et pourtant, disait quelqu'un, on ne peut pas dire que chez lui
la lame ait usé le fourreau.
— Au contraire, répondit une dame.
11 y a huit JQura, trois maçons qui'grattaient la façade d'une,
maison furent précipités d'un quatrième étage ; ils étaient griève-
ment blessés. On fit -une collecte en leur faveur dans le quartier.
Les quêteurs se présentèrent chez un brave employé plus minu-^
lieux que charitable.
— Monsieur, lui direuf-ils, nous venons pour une souscription.
— Hum! fut-it répondu, une souscription...
— 11 s'agit -de manœuvres !
— Des manœuvres, s'écria l'autre en bondissant, des manœuvres"
à l'intérieur!
— Non, Monsieur, ils sont tombés à l'extérieur.
L'employé, ahuri, donna dix francs; mais il'Cherche encore.
On a conçu quelques inquiétudes sur l'Obélisque. Le haut du
monolithe posé par Lebas se fendille... La gloire de cet ingénieur
défunt est menacée.
En attendant, sa veine n'oublie pas les titres de son mari; voici
sa carte telle qu'elle a été libellée par elle-même:
Mme Vf LEBAS
DE L'OBÉLISQUE '
11 y a dans un coin de la Belgique, je crois à Staerbelt, un tribu-
nal, ami de la gaieté. Le président, les juges et le ministère public
sont abonnés à VEclipse et se livrent sans aucune réserve à la1 cul-
turc du calembour.
Les avocats abusent de cette propension à la rigolade ; ils sa-
vent qu'un mot bien trouvé fait plus de bien à un client malhon-
nête que le plus beau mouvement oratoire : un juge qui rit est
désarmé.
L'autre jour un de ces défenseurs de la veuve et de l'orphelin —
nécessairement attaqué par un collègue — parlait pour un-caissier
qui a des traditions.
Il avait mis trente mille francs dans sa poche, au lieu de leb dé-
poser dans sa caisse.
L'avocat prétendait que c'était une simple distraction, unp er-
reur, et,-disait-il en concluant, il est bien permis pour une fois de
se fourrer le doigt dans l'œil...
— Oui, répondit le facétieux président; mais il ne faut pas
fourrer Vavoir dans sa poche ,.,
Un auteur médiocre avait, été. sifflé dans le rôle d'Abeilard; il
était accoutumé à ces sortes de mésaventures. Cette fois, cepen-
dant, il trouva, le- public- inpiste. el il le dit tout haut sur la
scène.
Gris, tumulte et demande d'excuses,
alors qu'il
/ait eu des
nu de-
L'artiste refuse. Le directeur arrive et l'engage à donner satis-
faction à l'auditoire.
— On m'a sifflé injustement, répondit l'acteur furieux. J'ai plus
qu'il ne faut pour jouer le rôle ! Jamais.
igAn dernier grand enterrement — je ne-sais plus lequel, pendant
les discours, un assistant discutait dans un coin du cimetière, au
milieu d'un groupe, avec un célèbre médecin.
— Quelle imprudence! fit quelqu'un. S'attaquer au docteur sur
son propre terrain.
Georges Steïïme.
LE BOUDÎK MYSTÉRIEUX
Quoique l'histoire qui va suivre soit une histoire à base de char-
cuterie, n'ayez crainte, ô estomacs délicats : Je ne m'égarerai pas
dans des détails répugnants. Mon récit sera simple comme la vé-
rité, dont il est l'expression :
La petite ville de Parlabas était alimentée par trois charcutiers.
Cela suffisait'pour satisfaire tous les appétits, et la charcuterie était
heureuse.
L'un des trois, celui qui fait l'objet de ce récit, avait nom Oné-
siphore Brosselard. — Outre sa profession de charcutier, une jolie
clientèle et un beau nom, Onésiphore jouissait d'une santé floris-
sante et d'une bonne humeur remarquable, tout rataconné de graisse
et haut en couleur, avec quelque peu de dispositions apoplectiques.
Enfin, par une faveur insigne de la Providence, il avait perdu na-
guère une femme peu facile, qui avait abreuvé d'amertume son
cœur de charcutier. — C'était trop de bonheur accumulé sur une
seule tète.
Singulière particularité : 11 ne vendait pas de boudin-. — Il y a
des gens qui trouveront étrange qu'un charcutier, quel qu'il soit,
ne se livre pas à la manipulation du boudin. Mais qui sait? La pré-
paration de ce comestible exige peut-être dés aptitudes que la na-
ture avait refusées à mon charcutier. Je ne su]é pas assez versé
dans la matière pour traiter cette question, bien que j'aie vécu au-
trefois dans l'intimité d'un charcutier départemental. .
J'allais oublier de vous dire que, dans sa jeunessi
n'était encore que simple apprenti, le petit Onésiphore
rapports fréquents avec un professeur du collygg, .qui
sur lui à des expériences magnétiques. — Ci si i
puis longtemps; la science ne respecte rien. — j -s ■ ne.
Tout était donc pour le mieux, et, je le ré; i I >, il a . ; la petite
ville de Parlabas la charcuterie était hem'.ii-v, !'..^ii'-ni beau*
jour Onésiphore Brosselard, poussé par jv ne sais quel tnauvais
génie, décida que, lui aussi, forait du bo i [in comme ses con-
frères.
J'ai bien écrit poussé par un mauvais génie, el vous allez me dire
que j'abuse de ma plume, puisque tous les charcutiers ont le droit
de faire du boudin; dimsla charcuterie, n'est-ce pas, le boudin luit
pour tout le mo'nde. — Mais laissez marcher les péripéties.
Afin de donner à sa résolution toute l'importance d'un grand
événement, Onésiphore choisit le dimanche pour inaugurer la
vente de son premier boudin. — Chacun sait que dans les petites
villes le* dimanche est spécialement consacré aux grandes manifes-
tations. — Donc, un samedi, il saigna un cochon, prépara le sang
et les boyaux (pardon, lecteur, de ces affreux détails ! mais ils sont
nécessaires), et se mit au lit de bonne heure : son intention
étajt de se'lever'de grand matin, et de confectionner un boudin
qui n'en serait que plus frais pour être apprécié par les consomma-
teurs.
Fatalité!... Au lieu d'être sur pied à trois heures du matin, mon
charcutier no se réveille qu'à huit heures.
Pâle, défait, fatigué, i\ descend dans son laboratoire... U jette un
regard désolé sur le sang qui dormait dans un baquet. — De là,
son œil va errer sur les boyaux épars...
Ciel! à leur place un lioudin gras, ferme et noir,'s arrondis-
sait en spirales cornme un rouleau de cordages sur le pont d'un
navire?.. L'Qui donc avait fait ce boudin1? et avec quoi TavaiL-on
fait? — Le sang était toujours là. solitaire et tranquille dans son
baquet. Quant à lui, il était bien sûr d'avoir dormi toute la nuit. Il
est vrai qu'il avait un garçon; mais ce siipundic ne couchait pas
chez lui.
Qui donc avait fait le boudin? Et avec quoi l'avait-on fait?.....
Mystère ! mystère ! I mystère ! ! ! .
Frémissant, il fait griller un morceau de l'étrange charcuterie...
11 en gô'ùte... Par la reine des Andouilles ! c'était plus que du bou-
din; c'était un nectar I et Louis XIV, lui-même, ce goinfre cou-
ronné, aurait commis des platitudes pour en manger.
Que dire de plus? Le boudin fut vendu, dévoré, apprécié; il n'y
en eut pas pour tout le monde. — Du haut en bas, dans la ville,
on disait : « Comme M-. Brosselard est pâle, aujourd'hui!,., mais
que son boudin est bon! mon Dieu! qu'il est donc bon !» — Et
les adjectifs qualificatifs éclataient en hyperboliques fusées.
Les deux autres charcutiers n'y comprenaient rien.'-— M. Bros-
selard non plus.
Le lendemain, celui-ci confectionna, lui-même, cette fois, du
nouveau boudin,avec son sang de cochon... Déception! pure dé-
ception I Le fruit de son travail se trouva n'être qu'ua vulgaire
boudin, le boudin populaire que tout le mondé connaît.
Mais, le dimanche suivant, ie mystérieux boudin se retrouva,
réalité palpable, sur la table du charcutier stupéfait, pendant que
le sang de cpçhpn (pardon, n'est-ce pas?) de cochon reposait,
comme son prédécesseur de huit jours, tranquille et solitaire dans
son baquet. ~- Et, comme huit jours avant, Brosselard Onési-
phore était pâle... défait... fatigué...
La ville entière se jota sur ce boudin avec une avidité ter-
rible;
Tous les dimanches le même fait, inouï, se répéta ; si bien que
les habitants en vinrent à ne plus vouloir s'enboudiner d'autre
boudin que du succulent boudin, du boudin mystérieux que Bros-
selard Onésiphore élaborait dans la nuit du samedi au di-
Grande était la consternation chez les deux autres charcutiers.
Leurs boutiques étaient désertées; sur le comptoir te boudin, na-
vré, s'en allait moisissant.
D'ordinaire, les charcutière ne naissent pas observateurs ;
ceux-ci le devintetit par nécessité; et le résultat de leurs-obser-
vations fut qun les bonnes couleurs rouges et la belle humeur de
leur confréie Brosselard s'en allaient a mesure que grandissait
le succàs de son boudin.
Par mes uotveux et secs boyaux! ami leeteur, sous le toit de
cet homme il devait se passer des choses inouïes. — Telle était
aussi la coifuction de* charcutiers, et l'un d'eux résolut de se dé-
vouer pour pénétrer l'horrible mystère.
Un samedi soir, il se glissa dans la demeure de Brosselard,
avec la ruse d'un indien et la subtilité d'un charcutier. — Caché
derrière un rideau, il vit tout,
Il vit d'aboi d l'homme *e coucher, s'endarmir, puis rouflor
comme un mortel quinaire. Vers le milieu de la nuit, le dormeur
cesse de ronfler, . Le voilà qui se lève..., Que va-t-il ae passer,
mon Dieu !
Tout à coup . Mais à quoi bon abuser d'une situation pleine
d'horreur! Oné^shore Brosselard, le charcutier... était somnam-
bule : plongé dans un sommeil magnétique, le malheureux se
levait, tirait du sang de ses propres veines, faisait du boudin avec
ce sang dé chàrvutier et des boyaux de cochon, se recouchait
toujours emloimi, et ne se réveillait que le matin, pâle... défait...
fatigué...
Trois mois après, il était mort... le boudin l'avait tué.
A. Humbert.
ŒIL DE DAME
Oui..., mais alors, pourquoi, dans l'angle interne, cette virgule
bleuâtre, mais si nettement creusée?...
<
Le regard de Jehovah, c'est la Bible qui l'atteste et nous l'ap-
prend, « sonde les reins e* les coeurs. »
Diable! cela frise l'indiscrétion, entre nous.
Le mien, mpn humble regard, plus réservé, quoique fort peu
céleste, se contentaii, avec un certain plaisir, calme d'ailleurs,
d'errer çà et là,, comme un papillon bleu (je suis blond d'épiderme
en épiderme à fleur de peau).
Or, la peau 4OT* 1' s'agit était veloutée comme une fleur sur sa
tige, le matin.
Ceci, lectrices attentives', se passait, dans la voiture publique,
ces jours derniers, entre deux et trois heures de l'après-midi.
Et c'était un — œil de dame — que ma prunelle perçante et
suffisamment instruite (<#i de lynx, chanterait Léonie) examinait
silencieusement.
Elle en dégustait, elle en savourait les beautés délicates et va-
riées en gourmet véritable, ouavec le désintéressement de l'artiste,
comme vous voudrez, mais sans se laisser troubler, tenter, sé-
duire.
Sans ivrognerie, enfin !
Cet œil de dame — un ange, une femme inconnue, comme
dans la I<awrilfi,— me parut magnifique immédiatement.
Ni trop grand, ni trop mignon. De proportions exquises, et bien
à sa place.
Ce n'était pas le bel œil d'une atonie de regard* étrange, des
déesses de marbre blanc, regard où est fixée à jamais l'impassi-
bilité sereine de la vie immortelle.
On n'y lisait pas davantage le sourire imperceptible, mystérieux
et railleur des sphynx de granit rose. * .
Enfin, l'allure étonnée et bestialement douce de -l'œil sculptural
des Rindous, n'était réellement appelé par l'œil dé la dame.
C'était un œil superbe, bien vivant de la vie commune, de la
vie de Paris, de la vie sans responsabilité, de la femme riche dès
le berceau.
D. était large et d'une pureté incroyable.
Pas de filets rouges, témoins constants de l'agitation incessante
du sang. Les tracas déménage, hideux, avaient laissé ce bel œil
intact.
Comme uhefine porcelaine du Japon d'un bleu ineffable ment léger,
le blanc de cet œil exquis entourait l'iris, d'un brun chaud, et le
larmier, de temps eh temps, apparaissait à l'angle du nez, tendre
ainsi que l'onglet d'un pétale de camélia rose.
Des nobles paupières lisses tombaient chastement, avec une
grâce indescriptible, _sur ce joyau vivant, et les cils soyeux, fins,
longs, s'étalaient, frange adorable, au bas de ces paupières" char-
mantes.
Le sourcil, planté haut, s'arrondissait mince et suave, et domi-
nait avec élégance l'ensemble ravissant de cet œil de dame.
Une teinte ambrée, unie, s'étendait au-dessus et au-dessous
des paupières flexibles, et faisait ressortir encore les charmes
inouïs de la prunelle loyalement ouverte, et fixée sang embarras
sur les figures curieuses.
Oui, c'était un divin œil de dame, où rien n'était provoquant,
où rien n'était voluptueux, où rien même n'était spirituel, mais
qui, si l'on s'y fût plongé longtemps avec ardeur, aurait pu faire
naître dans le cœur un feu inextinguible.
Calme, chaste, pur, loyal, je l'ai dit, tel s'ouvrait largement
l'œil de dame, sous mon regarej. de savant pervers,.
L'âge de cet œil, je yeux l'ignorer.
A quel corps enivrant appartenait-il? Je' ne sais pas.
Je ne l'ai pas examiné, je n'ai pas voulu le voir.
Oubliait cette femme? d'où revenait cette femme? Que m'im-
porte.
Les .élèves de l'École polytechnique ont résolu tant de problè-
mes, depuis tant d'années , qu'il est doux d'en rencontrer un par
hasard, dont personne ne donnera jamais la solution.
Œil de dame, tes secrets' t'appartiennent. Garde-les pieuse-
ment.
Celui qui connaît tout, (même les œuvres-de G-aboriau!) est le
confident des pensées qui voltigent derrière cet œil impénétra-
ble. "
N'empiétons pas sur les droits du maître.
Et je me contentais d'admirer, muet, l'œil-de-dame,.accrochant
mes plus douces rêveries aux cils recourbés des paupières tran-
quilles.
• É'ange, l'enfant, la femme, tout ee qu'il ya de bon, de con-
fiant, de dévoué, d'immaculé^ de doux, de saint,, se lisait claire-
-
"m.
I
ÉTRENNES DE L'ÉGLIPSE
? Toute personne qui enverra dSB'ecéentteïtt en mandat ou en
timbres-poste au directeur du journal, 16, rue du Croissant, à
Paris, — le montant d'un abonnement d'an asa à ScSîpse,
jouira des primes ci-dessous énoncées, aux conditions suivantes :
1rs PRIME
Une superbe lanterne-magique accompagnée de douze verres
fournissant 48 sujets, reproduits d'après les charges de Gill les plus
célèbres. (Voir aux annonces.)
L'abonnement pour Paris, avec cette prime. . . . " . 12
L Pour les départements (la prime - expédiée franco, à do-
micile.................16
2° PRIME
Une excellente montre de Genève. (Voir aux anno?ices,)
L'abonnement pour Paris, avsc cette prime......30
Pour les départements. ............ 31
3e PRIME
Une boîte remplie de bâloiis de vanille, bonbons fondants, parfu-
més, savoureux, fabriqués spécialement pour les abonnés deVEclipse
par M. Berbey-Couturier, de Sain t-Seine-1'Abbaye (Gôte-d'Or).
L'Abonnement pour Paris, avec cette prime.....6
Pour les départements.............7
1° Avoir soin de bien indiquer celles des trois primes qu'on
choisit.
Tous nos abonnés peuvent jouir des primes ci-dessus, déduction
faite du prix de l'abonnement déjà payé.
A l'approche des étrennes, la réclame déborde impitoyablement
les journaux. Elle envahit quelque peu VEclipse aujourd'hui. Mais
nous rendrons — sous peu — avec usure à nos lecteurs le texte et
les dessins qu'elle leur enlève dans le présent numéro.
A TRAVERS LA SEIflAIISE
— Au contraire ! Voilà un mot dont on abuse, et on a tort.
Ainsi, l'autre jour, il était question d'un homme qui vient de
mourir et qui avait descendu nonchalamment le fleuve de la vie,
pensant peu, agissant encore moins et s'amusant beaucoup plus...
de toutes les façons. Chacun s'étonnait de l'avoir va s'en aller si
rapidement.
— Et pourtant, disait quelqu'un, on ne peut pas dire que chez lui
la lame ait usé le fourreau.
— Au contraire, répondit une dame.
11 y a huit JQura, trois maçons qui'grattaient la façade d'une,
maison furent précipités d'un quatrième étage ; ils étaient griève-
ment blessés. On fit -une collecte en leur faveur dans le quartier.
Les quêteurs se présentèrent chez un brave employé plus minu-^
lieux que charitable.
— Monsieur, lui direuf-ils, nous venons pour une souscription.
— Hum! fut-it répondu, une souscription...
— 11 s'agit -de manœuvres !
— Des manœuvres, s'écria l'autre en bondissant, des manœuvres"
à l'intérieur!
— Non, Monsieur, ils sont tombés à l'extérieur.
L'employé, ahuri, donna dix francs; mais il'Cherche encore.
On a conçu quelques inquiétudes sur l'Obélisque. Le haut du
monolithe posé par Lebas se fendille... La gloire de cet ingénieur
défunt est menacée.
En attendant, sa veine n'oublie pas les titres de son mari; voici
sa carte telle qu'elle a été libellée par elle-même:
Mme Vf LEBAS
DE L'OBÉLISQUE '
11 y a dans un coin de la Belgique, je crois à Staerbelt, un tribu-
nal, ami de la gaieté. Le président, les juges et le ministère public
sont abonnés à VEclipse et se livrent sans aucune réserve à la1 cul-
turc du calembour.
Les avocats abusent de cette propension à la rigolade ; ils sa-
vent qu'un mot bien trouvé fait plus de bien à un client malhon-
nête que le plus beau mouvement oratoire : un juge qui rit est
désarmé.
L'autre jour un de ces défenseurs de la veuve et de l'orphelin —
nécessairement attaqué par un collègue — parlait pour un-caissier
qui a des traditions.
Il avait mis trente mille francs dans sa poche, au lieu de leb dé-
poser dans sa caisse.
L'avocat prétendait que c'était une simple distraction, unp er-
reur, et,-disait-il en concluant, il est bien permis pour une fois de
se fourrer le doigt dans l'œil...
— Oui, répondit le facétieux président; mais il ne faut pas
fourrer Vavoir dans sa poche ,.,
Un auteur médiocre avait, été. sifflé dans le rôle d'Abeilard; il
était accoutumé à ces sortes de mésaventures. Cette fois, cepen-
dant, il trouva, le- public- inpiste. el il le dit tout haut sur la
scène.
Gris, tumulte et demande d'excuses,
alors qu'il
/ait eu des
nu de-
L'artiste refuse. Le directeur arrive et l'engage à donner satis-
faction à l'auditoire.
— On m'a sifflé injustement, répondit l'acteur furieux. J'ai plus
qu'il ne faut pour jouer le rôle ! Jamais.
igAn dernier grand enterrement — je ne-sais plus lequel, pendant
les discours, un assistant discutait dans un coin du cimetière, au
milieu d'un groupe, avec un célèbre médecin.
— Quelle imprudence! fit quelqu'un. S'attaquer au docteur sur
son propre terrain.
Georges Steïïme.
LE BOUDÎK MYSTÉRIEUX
Quoique l'histoire qui va suivre soit une histoire à base de char-
cuterie, n'ayez crainte, ô estomacs délicats : Je ne m'égarerai pas
dans des détails répugnants. Mon récit sera simple comme la vé-
rité, dont il est l'expression :
La petite ville de Parlabas était alimentée par trois charcutiers.
Cela suffisait'pour satisfaire tous les appétits, et la charcuterie était
heureuse.
L'un des trois, celui qui fait l'objet de ce récit, avait nom Oné-
siphore Brosselard. — Outre sa profession de charcutier, une jolie
clientèle et un beau nom, Onésiphore jouissait d'une santé floris-
sante et d'une bonne humeur remarquable, tout rataconné de graisse
et haut en couleur, avec quelque peu de dispositions apoplectiques.
Enfin, par une faveur insigne de la Providence, il avait perdu na-
guère une femme peu facile, qui avait abreuvé d'amertume son
cœur de charcutier. — C'était trop de bonheur accumulé sur une
seule tète.
Singulière particularité : 11 ne vendait pas de boudin-. — Il y a
des gens qui trouveront étrange qu'un charcutier, quel qu'il soit,
ne se livre pas à la manipulation du boudin. Mais qui sait? La pré-
paration de ce comestible exige peut-être dés aptitudes que la na-
ture avait refusées à mon charcutier. Je ne su]é pas assez versé
dans la matière pour traiter cette question, bien que j'aie vécu au-
trefois dans l'intimité d'un charcutier départemental. .
J'allais oublier de vous dire que, dans sa jeunessi
n'était encore que simple apprenti, le petit Onésiphore
rapports fréquents avec un professeur du collygg, .qui
sur lui à des expériences magnétiques. — Ci si i
puis longtemps; la science ne respecte rien. — j -s ■ ne.
Tout était donc pour le mieux, et, je le ré; i I >, il a . ; la petite
ville de Parlabas la charcuterie était hem'.ii-v, !'..^ii'-ni beau*
jour Onésiphore Brosselard, poussé par jv ne sais quel tnauvais
génie, décida que, lui aussi, forait du bo i [in comme ses con-
frères.
J'ai bien écrit poussé par un mauvais génie, el vous allez me dire
que j'abuse de ma plume, puisque tous les charcutiers ont le droit
de faire du boudin; dimsla charcuterie, n'est-ce pas, le boudin luit
pour tout le mo'nde. — Mais laissez marcher les péripéties.
Afin de donner à sa résolution toute l'importance d'un grand
événement, Onésiphore choisit le dimanche pour inaugurer la
vente de son premier boudin. — Chacun sait que dans les petites
villes le* dimanche est spécialement consacré aux grandes manifes-
tations. — Donc, un samedi, il saigna un cochon, prépara le sang
et les boyaux (pardon, lecteur, de ces affreux détails ! mais ils sont
nécessaires), et se mit au lit de bonne heure : son intention
étajt de se'lever'de grand matin, et de confectionner un boudin
qui n'en serait que plus frais pour être apprécié par les consomma-
teurs.
Fatalité!... Au lieu d'être sur pied à trois heures du matin, mon
charcutier no se réveille qu'à huit heures.
Pâle, défait, fatigué, i\ descend dans son laboratoire... U jette un
regard désolé sur le sang qui dormait dans un baquet. — De là,
son œil va errer sur les boyaux épars...
Ciel! à leur place un lioudin gras, ferme et noir,'s arrondis-
sait en spirales cornme un rouleau de cordages sur le pont d'un
navire?.. L'Qui donc avait fait ce boudin1? et avec quoi TavaiL-on
fait? — Le sang était toujours là. solitaire et tranquille dans son
baquet. Quant à lui, il était bien sûr d'avoir dormi toute la nuit. Il
est vrai qu'il avait un garçon; mais ce siipundic ne couchait pas
chez lui.
Qui donc avait fait le boudin? Et avec quoi l'avait-on fait?.....
Mystère ! mystère ! I mystère ! ! ! .
Frémissant, il fait griller un morceau de l'étrange charcuterie...
11 en gô'ùte... Par la reine des Andouilles ! c'était plus que du bou-
din; c'était un nectar I et Louis XIV, lui-même, ce goinfre cou-
ronné, aurait commis des platitudes pour en manger.
Que dire de plus? Le boudin fut vendu, dévoré, apprécié; il n'y
en eut pas pour tout le monde. — Du haut en bas, dans la ville,
on disait : « Comme M-. Brosselard est pâle, aujourd'hui!,., mais
que son boudin est bon! mon Dieu! qu'il est donc bon !» — Et
les adjectifs qualificatifs éclataient en hyperboliques fusées.
Les deux autres charcutiers n'y comprenaient rien.'-— M. Bros-
selard non plus.
Le lendemain, celui-ci confectionna, lui-même, cette fois, du
nouveau boudin,avec son sang de cochon... Déception! pure dé-
ception I Le fruit de son travail se trouva n'être qu'ua vulgaire
boudin, le boudin populaire que tout le mondé connaît.
Mais, le dimanche suivant, ie mystérieux boudin se retrouva,
réalité palpable, sur la table du charcutier stupéfait, pendant que
le sang de cpçhpn (pardon, n'est-ce pas?) de cochon reposait,
comme son prédécesseur de huit jours, tranquille et solitaire dans
son baquet. ~- Et, comme huit jours avant, Brosselard Onési-
phore était pâle... défait... fatigué...
La ville entière se jota sur ce boudin avec une avidité ter-
rible;
Tous les dimanches le même fait, inouï, se répéta ; si bien que
les habitants en vinrent à ne plus vouloir s'enboudiner d'autre
boudin que du succulent boudin, du boudin mystérieux que Bros-
selard Onésiphore élaborait dans la nuit du samedi au di-
Grande était la consternation chez les deux autres charcutiers.
Leurs boutiques étaient désertées; sur le comptoir te boudin, na-
vré, s'en allait moisissant.
D'ordinaire, les charcutière ne naissent pas observateurs ;
ceux-ci le devintetit par nécessité; et le résultat de leurs-obser-
vations fut qun les bonnes couleurs rouges et la belle humeur de
leur confréie Brosselard s'en allaient a mesure que grandissait
le succàs de son boudin.
Par mes uotveux et secs boyaux! ami leeteur, sous le toit de
cet homme il devait se passer des choses inouïes. — Telle était
aussi la coifuction de* charcutiers, et l'un d'eux résolut de se dé-
vouer pour pénétrer l'horrible mystère.
Un samedi soir, il se glissa dans la demeure de Brosselard,
avec la ruse d'un indien et la subtilité d'un charcutier. — Caché
derrière un rideau, il vit tout,
Il vit d'aboi d l'homme *e coucher, s'endarmir, puis rouflor
comme un mortel quinaire. Vers le milieu de la nuit, le dormeur
cesse de ronfler, . Le voilà qui se lève..., Que va-t-il ae passer,
mon Dieu !
Tout à coup . Mais à quoi bon abuser d'une situation pleine
d'horreur! Oné^shore Brosselard, le charcutier... était somnam-
bule : plongé dans un sommeil magnétique, le malheureux se
levait, tirait du sang de ses propres veines, faisait du boudin avec
ce sang dé chàrvutier et des boyaux de cochon, se recouchait
toujours emloimi, et ne se réveillait que le matin, pâle... défait...
fatigué...
Trois mois après, il était mort... le boudin l'avait tué.
A. Humbert.
ŒIL DE DAME
Oui..., mais alors, pourquoi, dans l'angle interne, cette virgule
bleuâtre, mais si nettement creusée?...
<
Le regard de Jehovah, c'est la Bible qui l'atteste et nous l'ap-
prend, « sonde les reins e* les coeurs. »
Diable! cela frise l'indiscrétion, entre nous.
Le mien, mpn humble regard, plus réservé, quoique fort peu
céleste, se contentaii, avec un certain plaisir, calme d'ailleurs,
d'errer çà et là,, comme un papillon bleu (je suis blond d'épiderme
en épiderme à fleur de peau).
Or, la peau 4OT* 1' s'agit était veloutée comme une fleur sur sa
tige, le matin.
Ceci, lectrices attentives', se passait, dans la voiture publique,
ces jours derniers, entre deux et trois heures de l'après-midi.
Et c'était un — œil de dame — que ma prunelle perçante et
suffisamment instruite (<#i de lynx, chanterait Léonie) examinait
silencieusement.
Elle en dégustait, elle en savourait les beautés délicates et va-
riées en gourmet véritable, ouavec le désintéressement de l'artiste,
comme vous voudrez, mais sans se laisser troubler, tenter, sé-
duire.
Sans ivrognerie, enfin !
Cet œil de dame — un ange, une femme inconnue, comme
dans la I<awrilfi,— me parut magnifique immédiatement.
Ni trop grand, ni trop mignon. De proportions exquises, et bien
à sa place.
Ce n'était pas le bel œil d'une atonie de regard* étrange, des
déesses de marbre blanc, regard où est fixée à jamais l'impassi-
bilité sereine de la vie immortelle.
On n'y lisait pas davantage le sourire imperceptible, mystérieux
et railleur des sphynx de granit rose. * .
Enfin, l'allure étonnée et bestialement douce de -l'œil sculptural
des Rindous, n'était réellement appelé par l'œil dé la dame.
C'était un œil superbe, bien vivant de la vie commune, de la
vie de Paris, de la vie sans responsabilité, de la femme riche dès
le berceau.
D. était large et d'une pureté incroyable.
Pas de filets rouges, témoins constants de l'agitation incessante
du sang. Les tracas déménage, hideux, avaient laissé ce bel œil
intact.
Comme uhefine porcelaine du Japon d'un bleu ineffable ment léger,
le blanc de cet œil exquis entourait l'iris, d'un brun chaud, et le
larmier, de temps eh temps, apparaissait à l'angle du nez, tendre
ainsi que l'onglet d'un pétale de camélia rose.
Des nobles paupières lisses tombaient chastement, avec une
grâce indescriptible, _sur ce joyau vivant, et les cils soyeux, fins,
longs, s'étalaient, frange adorable, au bas de ces paupières" char-
mantes.
Le sourcil, planté haut, s'arrondissait mince et suave, et domi-
nait avec élégance l'ensemble ravissant de cet œil de dame.
Une teinte ambrée, unie, s'étendait au-dessus et au-dessous
des paupières flexibles, et faisait ressortir encore les charmes
inouïs de la prunelle loyalement ouverte, et fixée sang embarras
sur les figures curieuses.
Oui, c'était un divin œil de dame, où rien n'était provoquant,
où rien n'était voluptueux, où rien même n'était spirituel, mais
qui, si l'on s'y fût plongé longtemps avec ardeur, aurait pu faire
naître dans le cœur un feu inextinguible.
Calme, chaste, pur, loyal, je l'ai dit, tel s'ouvrait largement
l'œil de dame, sous mon regarej. de savant pervers,.
L'âge de cet œil, je yeux l'ignorer.
A quel corps enivrant appartenait-il? Je' ne sais pas.
Je ne l'ai pas examiné, je n'ai pas voulu le voir.
Oubliait cette femme? d'où revenait cette femme? Que m'im-
porte.
Les .élèves de l'École polytechnique ont résolu tant de problè-
mes, depuis tant d'années , qu'il est doux d'en rencontrer un par
hasard, dont personne ne donnera jamais la solution.
Œil de dame, tes secrets' t'appartiennent. Garde-les pieuse-
ment.
Celui qui connaît tout, (même les œuvres-de G-aboriau!) est le
confident des pensées qui voltigent derrière cet œil impénétra-
ble. "
N'empiétons pas sur les droits du maître.
Et je me contentais d'admirer, muet, l'œil-de-dame,.accrochant
mes plus douces rêveries aux cils recourbés des paupières tran-
quilles.
• É'ange, l'enfant, la femme, tout ee qu'il ya de bon, de con-
fiant, de dévoué, d'immaculé^ de doux, de saint,, se lisait claire-
-
"m.
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