SUPPLEMENT DE Ï7ÊCL1PSE.
VOYAGE AUTOUR DE LA CHAMBRE
Ce sont seulement des malins qui savent se faire
un chemin sans soleil. Tournons à gauche avec eux.
Quoi ! cette espèce de vieil échafaudage, qui '
tient plus de l'échelle que de l'escalier, est-ce l'en-
trée? C'est-elle-même.
Imaginez plusieurs planchers qui se superposent
avec des inclinaisons diverses et dans des sens op-
posés, ce qu'on appelle, dans l'argot des théâtres,
un praticable.
De distance en distance, des barres transversa-
les pour donner prise au pied, je devrais dire au
sabot, car c'était autrefois le chemin des chevaux
amenés au théâtre, soit pour les nécessités du
transport, soit pour celles de la figuration.
Au sommet delà montée, on trouve à sa gauche
les immenses bassins où s'approvisionnent tous les
L'entrée des artistes.
jets d'eau du parc ; de temps à autre, un garçon de
bureau y pêche à la ligne sous l'œil rêveur du fac-
tionnaire.
A droite, une baraque à double fond masque
l'ancienne entrée. Dans la partie visible, c'est une
cuisine ; dans le double-fond, c'est tout justement
le contraire.
Est-ce le hasard qui a fait mitoyens l'endroit où
les aliments voient leur triomphe et celui qui est
témoin de leur chute ?
Au contraire cet assemblage a-t-il été voulu?
Grave sujet de méditations.
Mais n'insistons pas.
D'ailleurs, nous allons bientôt retrouver par le
côté face cette partie de construction qui nous ap-
paraît pile.
Une petite porte qu'on pousse, et l'on se trouve
sur un étroit carré. D'un côté le télégraphe, de
l'autre la poste.
La poste.
Des petites cases, des petites cases et encore des
petites cases. 11 y en a comme cela 738 où s'empile
la correspondance quotidienne. Les lettres signées :
« Votre électeur pour la vie, » et commençant
par :
y Monsieur,
« Pardonnez-moi si fose, sans [être connu de
vous, solliciter, etc. »
' y figurent dans une proportion de 97 pour 100.
Les deux laboratoires.
Cela ne vous étonne pas. Moi non plus. Pour-
suivons.
Quelques marches à gravir. Et nous nous trou-
vons de plain-pied sur le plancher du,théàtre.
Des planches en dessous, des planches en dessus,
du bois blanc, des paravents, des châssis, c'est
étonnant comme cela sent le provisoire dès le pre-
mier pas.
Le devoir de tout député qui se respecte est de
donner d'abord un coup d'oeil à sa toilette.
A cet effet est installé sur un des bas-côtés des
coulisses un petit
en plein vent. Oh! c'est d'une simplicité angélique.
Quelques piles de serviettes, quatre cuvettes avec
leurs pots à eau et le savon à discrétion. Le petit
miroir carré, avec adjonction de' peigne qui com-
plète l'ensemble, réveille d'agréables souvenirs de
bain froid.
C'est là qu'on se passe la main dans les cheveux
avant de se produire.
Mais, sans sortir du lavabo," voici qu'à peine
entré
La question de cabinet
nous arrête; oui. la question de cabinet, la seule,
la vraie, celle qui se pose toutes les vingt-quatre
heures, — à l'homme d'ordre.
Eh! pourquoi l'éviterions-nous, puisque précisé-
ment nous voulons voir la Chambre par son <s petit
côté ».
Une double porte vitrée ; par derrière un grand
bruit d'eau qui murmure ; de chaque côté de l'huis
deux femmes étranges, inattendues, deux sphinx
accroupis sur leurs chaises.
Que font-elles là? Quel jardin des Hespérides
gardent ces deux dragons en bonnet?
Élancez-vous et vous le saurez. A peine avez-
yous paru que chacune d'elles a suivi avec anxiété
la direction de vos pas ; et, selon que le hasard ou
la volonté vous portait soit à droite, soit à gau-
che, l'une ou l'autre vous ouvrait son battant avec
empressement.
Ainsi, loin de défendre les abords de leur empire,
elles en favorisent l'accès. Leur œil de lynx a de-
viné vos désirs présents, leur main tendue pré-
vient ceux à venir. La porte se referme. Un lam-
beau de projet de loi ou d'amendement vous est
resté dans les mains.
« Pourvu que l'amendement ne soit pas de moi !
non, c'est celui d'un adversaire politique. »0 jouis>
sance !
Et ces deux ouvreuses restent à leur poste,
graves, stoïques, depuis le matin jusqu'au soir !
Ne serait-ce pas un piquant tableau que celui
de la Chambre envisagée à leur point de vue! Que
de notes précieuses pour le physiologiste! Qui
mieux qu'elles pourrait dire le secret de telles ou
telles attitudes, pourquoi celui-ci s'est montré si
mou, celui-là au contraire si ferme dans la discus-
sion?
Halte-là, ma lectrice rougit. Cependant le sujet
méritait d'être effleuré. En quel lieu le sage aime-
rait-il davantage à se rappeler que les grands de
La question ce ca1 ioet.
la terre n'échappent pas aux petites infirma '
1 espèce humaine? Hélas! nous sommes,6
mortels, t("is...
Et la garde qui veille aux portes de Versailles
N'eu défend pas nos rois!
Les extrêmes se touchent.
En deux pas nous franchissons le seuil de
La Buvette.
La buvette occupe sur un large espace preS
tout le fond de l'ancien théâtre. Elle n'est séparé
crue par un décor fermé permanent,- de ceuxcm'on
appelle en style de coulisses un « salon riche » _j
la toile peinte au revers de laquelle vient s'auW
l'estrade présidentielle.
Le « salon riche » est affecté à MM. les se-
crétaires-rédacteurs. En dehors des heures de
séance, il est donc à peu près complètement aban-
donné^
Le seul jour extérieur qu'il reçoive lui vient par
de vraies fenêtres de théâtre, des fenêtres où les
vitres sont remplacées par un tissu métallique •
mais c'est nn si faible jour qu'on n'y distingue sa
canne de son chapeau qu'avec le secours des
lampes.
Avec son modeste coutil à raies ronges et sa
longue table à rafraîchissements., la buvette ne li-
gure pas mal une tente préparée pour une réunion
d'orphéonistes.
Mais de quel œil les orphéonistes les moins alté-
rés verraient-ils ces pauvres carafes d'eau de gro-
seille et d'orgeat qui fout, avec des petits pains d'un
sou, le plus bel ornement du buffet !
Je recommande à nos réalistes le galbe des ca-
rafes. On y cherche instinctivement le quartier de
citron qui couronne leurs congénères de l'allée
des-Champs-Élysées, Quelques verres gagnés à la
dernière foire, — celle de Belleville peut-être! —
complètent l'aspect de ces rafraîchissements Je
l'âge d'or.
Nouveaux petits casiers bourrés de papiers anx
enveloppes de toutes nuances. A la poste chaque
Les cristaux de la buvette,
député a trouvé dans sa case ses lettres ; il troW»
ici les brochures qui lui sont adressées.
Les (petites armoires.
Ne manquons pas de noter que la buvette et o
les lieux circonvoisins sont tapissés de petites ^
tes oblongues en bois blanc dûment pressée
unes contre les autres.
C'est dans ces boites, pourvues de P,ancheS','
MM. les députés suspendent leurs effets ou
sent leurs papiers. . |a
Fraternité forcée ! Trois députés usent ^
même botte. Leurs noms accolés par trois sur
que porte trahissent le secret de leurcopmage-
il» «*
■ RjJEJIi p
, .susi-Htt*'
Tais*
,.,„. j. la Repu»*
...MM.SS»»"*
les fumeurs.
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Cetavisrfexm'ime encore que faiuteyi
Autojrsahe trousé dans lelûtt b
Celui-eiueeachepas.dans la co
«» Proie, presque toutes les nui
«Wruitfeotaj :
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VOYAGE AUTOUR DE LA CHAMBRE
Ce sont seulement des malins qui savent se faire
un chemin sans soleil. Tournons à gauche avec eux.
Quoi ! cette espèce de vieil échafaudage, qui '
tient plus de l'échelle que de l'escalier, est-ce l'en-
trée? C'est-elle-même.
Imaginez plusieurs planchers qui se superposent
avec des inclinaisons diverses et dans des sens op-
posés, ce qu'on appelle, dans l'argot des théâtres,
un praticable.
De distance en distance, des barres transversa-
les pour donner prise au pied, je devrais dire au
sabot, car c'était autrefois le chemin des chevaux
amenés au théâtre, soit pour les nécessités du
transport, soit pour celles de la figuration.
Au sommet delà montée, on trouve à sa gauche
les immenses bassins où s'approvisionnent tous les
L'entrée des artistes.
jets d'eau du parc ; de temps à autre, un garçon de
bureau y pêche à la ligne sous l'œil rêveur du fac-
tionnaire.
A droite, une baraque à double fond masque
l'ancienne entrée. Dans la partie visible, c'est une
cuisine ; dans le double-fond, c'est tout justement
le contraire.
Est-ce le hasard qui a fait mitoyens l'endroit où
les aliments voient leur triomphe et celui qui est
témoin de leur chute ?
Au contraire cet assemblage a-t-il été voulu?
Grave sujet de méditations.
Mais n'insistons pas.
D'ailleurs, nous allons bientôt retrouver par le
côté face cette partie de construction qui nous ap-
paraît pile.
Une petite porte qu'on pousse, et l'on se trouve
sur un étroit carré. D'un côté le télégraphe, de
l'autre la poste.
La poste.
Des petites cases, des petites cases et encore des
petites cases. 11 y en a comme cela 738 où s'empile
la correspondance quotidienne. Les lettres signées :
« Votre électeur pour la vie, » et commençant
par :
y Monsieur,
« Pardonnez-moi si fose, sans [être connu de
vous, solliciter, etc. »
' y figurent dans une proportion de 97 pour 100.
Les deux laboratoires.
Cela ne vous étonne pas. Moi non plus. Pour-
suivons.
Quelques marches à gravir. Et nous nous trou-
vons de plain-pied sur le plancher du,théàtre.
Des planches en dessous, des planches en dessus,
du bois blanc, des paravents, des châssis, c'est
étonnant comme cela sent le provisoire dès le pre-
mier pas.
Le devoir de tout député qui se respecte est de
donner d'abord un coup d'oeil à sa toilette.
A cet effet est installé sur un des bas-côtés des
coulisses un petit
en plein vent. Oh! c'est d'une simplicité angélique.
Quelques piles de serviettes, quatre cuvettes avec
leurs pots à eau et le savon à discrétion. Le petit
miroir carré, avec adjonction de' peigne qui com-
plète l'ensemble, réveille d'agréables souvenirs de
bain froid.
C'est là qu'on se passe la main dans les cheveux
avant de se produire.
Mais, sans sortir du lavabo," voici qu'à peine
entré
La question de cabinet
nous arrête; oui. la question de cabinet, la seule,
la vraie, celle qui se pose toutes les vingt-quatre
heures, — à l'homme d'ordre.
Eh! pourquoi l'éviterions-nous, puisque précisé-
ment nous voulons voir la Chambre par son <s petit
côté ».
Une double porte vitrée ; par derrière un grand
bruit d'eau qui murmure ; de chaque côté de l'huis
deux femmes étranges, inattendues, deux sphinx
accroupis sur leurs chaises.
Que font-elles là? Quel jardin des Hespérides
gardent ces deux dragons en bonnet?
Élancez-vous et vous le saurez. A peine avez-
yous paru que chacune d'elles a suivi avec anxiété
la direction de vos pas ; et, selon que le hasard ou
la volonté vous portait soit à droite, soit à gau-
che, l'une ou l'autre vous ouvrait son battant avec
empressement.
Ainsi, loin de défendre les abords de leur empire,
elles en favorisent l'accès. Leur œil de lynx a de-
viné vos désirs présents, leur main tendue pré-
vient ceux à venir. La porte se referme. Un lam-
beau de projet de loi ou d'amendement vous est
resté dans les mains.
« Pourvu que l'amendement ne soit pas de moi !
non, c'est celui d'un adversaire politique. »0 jouis>
sance !
Et ces deux ouvreuses restent à leur poste,
graves, stoïques, depuis le matin jusqu'au soir !
Ne serait-ce pas un piquant tableau que celui
de la Chambre envisagée à leur point de vue! Que
de notes précieuses pour le physiologiste! Qui
mieux qu'elles pourrait dire le secret de telles ou
telles attitudes, pourquoi celui-ci s'est montré si
mou, celui-là au contraire si ferme dans la discus-
sion?
Halte-là, ma lectrice rougit. Cependant le sujet
méritait d'être effleuré. En quel lieu le sage aime-
rait-il davantage à se rappeler que les grands de
La question ce ca1 ioet.
la terre n'échappent pas aux petites infirma '
1 espèce humaine? Hélas! nous sommes,6
mortels, t("is...
Et la garde qui veille aux portes de Versailles
N'eu défend pas nos rois!
Les extrêmes se touchent.
En deux pas nous franchissons le seuil de
La Buvette.
La buvette occupe sur un large espace preS
tout le fond de l'ancien théâtre. Elle n'est séparé
crue par un décor fermé permanent,- de ceuxcm'on
appelle en style de coulisses un « salon riche » _j
la toile peinte au revers de laquelle vient s'auW
l'estrade présidentielle.
Le « salon riche » est affecté à MM. les se-
crétaires-rédacteurs. En dehors des heures de
séance, il est donc à peu près complètement aban-
donné^
Le seul jour extérieur qu'il reçoive lui vient par
de vraies fenêtres de théâtre, des fenêtres où les
vitres sont remplacées par un tissu métallique •
mais c'est nn si faible jour qu'on n'y distingue sa
canne de son chapeau qu'avec le secours des
lampes.
Avec son modeste coutil à raies ronges et sa
longue table à rafraîchissements., la buvette ne li-
gure pas mal une tente préparée pour une réunion
d'orphéonistes.
Mais de quel œil les orphéonistes les moins alté-
rés verraient-ils ces pauvres carafes d'eau de gro-
seille et d'orgeat qui fout, avec des petits pains d'un
sou, le plus bel ornement du buffet !
Je recommande à nos réalistes le galbe des ca-
rafes. On y cherche instinctivement le quartier de
citron qui couronne leurs congénères de l'allée
des-Champs-Élysées, Quelques verres gagnés à la
dernière foire, — celle de Belleville peut-être! —
complètent l'aspect de ces rafraîchissements Je
l'âge d'or.
Nouveaux petits casiers bourrés de papiers anx
enveloppes de toutes nuances. A la poste chaque
Les cristaux de la buvette,
député a trouvé dans sa case ses lettres ; il troW»
ici les brochures qui lui sont adressées.
Les (petites armoires.
Ne manquons pas de noter que la buvette et o
les lieux circonvoisins sont tapissés de petites ^
tes oblongues en bois blanc dûment pressée
unes contre les autres.
C'est dans ces boites, pourvues de P,ancheS','
MM. les députés suspendent leurs effets ou
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même botte. Leurs noms accolés par trois sur
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«» Proie, presque toutes les nui
«Wruitfeotaj :
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Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Voyage autour de la chambre
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
Truebner 2
Objektbeschreibung
Kommentar
Text und Inhalt intensiv
Maß-/Formatangaben
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Werktitel/Werkverzeichnis
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Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
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Publikation
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Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
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Thema/Bildinhalt
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Public Domain Mark 1.0
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L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 5.1872, Supplement zu Nr. 197, S. 150_2
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CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg