L'ÉCLIPSÉ
PRIMES DE L'ÉCllPSE
1" prime : LA REVANCHE!
2" PRIME : AUram de la LUNE et de rÈCLIPS»
Cent dessins les plus célèbres de Gill, réduits au moyen d'un
procédé graphique tout nouveau, formant un album élégant
et portatif.
Les dessins ainsi reproduits sont d'une délicatesse et d'une
fidélité parfaite, et de plus on les a finement coloriés.
Le prix de l'Album, pris au bureau, est de 6 francs. (Ajouter
1 franc pour le recevoir franco dans les départements.)
L'idée qui fait bouillonner les cerveaux, l'espoir qui fait
oondir les cœurs ont pris, — sinon un corps, — un buste !...
La Revanche vit désormais, — dans le marbre et le stuc, —
celui-ci popularisant celui-là 1
Un artiste a pétri pour nous cette image de nos rêves.
h'Éclipse offre à ses abonnés la statuette de la Revanche.
Chacun voudra avoir cette figure sous les yeux.
La statuette de la Revanche, avec son piédestal, prise dans
nos bureaux : 6 francs ; emballée avec soin et prête à être ex-
pédiée : 7 francs.
Le port reste à la charge du destinataire.
aMOfiBi
J'AI REÇU VOTRE H0N0I1É DU.
PETIT COURRIER
Monsieur béchinet, à Etampes.
Vous me demandez, monsieur, quelle est, en somme, la
moralité delà nouvelle pièce de M. Dumas fils : la Femme de
Claude.
La voici :
Vous avez le droit — que dis-je, le droit ? — le devoir — de
tuer votre femme qui vous trompe ; mais seulement, si vous la
surprenez en train de vous chiper quelque chose dans votre
porte-monnaie.
A part ce cas, vous seriez repréhensible.
Bien mit ux!... Toujours d'après M.Dumas, tant que votre
femme ne vous prend rien, vous devez patiemment passer par-
dessus *- et même par-dessous — tout ce qu'elle veut bien
faire pour vous.
Exemple :
Un matin, elle part pour aller chercher le déjeuner; au. bout
de trois mois, elle revient pâle et éreintée.
Vous lui dites :
— Eh bien?... Et les côtelettes?...
Elle vous répond en haussant les épaules :
— Si tu savais comme tu me fais suer 1...
Vous ne devez pas insister, et votre devoir est de vous re-
mettre au travail, parce que, comme vous l'explique fort bien
M. Dumas, le scandale vous salirait.
Six mois après, votre femme repart.
Ne lui demandez pas où elle va. Il est inutils de la forcer à
faire un men- ODge.
Au bout de cinq semaines, elle revient.
Pendant son absence, vous apprenez qu'elle a été faire une
vie de polichinelle avec un de vos voisins de campagne, qu'elle
lui a filouté 200,000 francs dans sa poche pendant qu'il dor-
mait, qu'elle a étouffé son enfant, etc., etc..
N'allez pas lui faire de scène; ça salit.
Et dites lui d'un air aimable en l'aidant à ôter son water-
proof:
— Tiens !.. Tu n'as pas été longtemps !
Mais par exemple! la nuit suivante, cachez-vous derrière un
rideau de votre chambre avec un fusil à deux coups.
Et si vous voyez votre femme venir trifouiller dans votre
portefeuille et vous voler un billet de faveur pour l'Odéon !...
Oh alors!... cher monsieur Béchinet!... ce n'est plus une
femme... ce n'est plus ta femme!... c'est la femelle de Caïn,
c'est la guenon du pays de Nod... Tue-la !...
Voilà, cher monsieur Béchinet, la moralité de l'œuvre de
M. Dumas fils.
Si jamais pareille chose vous arrive, vous savez maintenant
ce que vous aurez à dire au tribunal pour votre défense :
N'allez pas faire la bêtise, après avoir tué madame Béchinet,
de vous écrier devant le président, pour vous excuser :
— Elle me trompait!...
Non... Cela ne produirait aucun effet sur les jurés.
Dites simplement :
— Elle me chipait mon sucre 1...
Et vous serez acquitté.
A propos... si vous êtes en deuil d'un de vos parents, met-
tez donc un habit jaune pendant trois mois, afin de ne pas
être pris pour un bonapartiste.
J'ai l'honneur de vous présenter... etc., etc.
Monsieur Dumoulin à Metz.
Dans votre intérêt même, monsieur, permettez-moi de ne
pas répondre ici aux plaintes amères que vous m'adressez
contre les autorités allemandes qui vous gouvernent.
Cela pourrait attirer encore sur vous un redoublement de ri-
gueurs.
Vous ne devez pas douter de notre sympathie pour vos dou-
leurs et vous savez que nous sommes aussi impatients que vous
de les voir cesser.
Mais il faut de la résignation.
Certainement, les faits que voua nous racontez prouvent la
dureté des Prussiens, mais ils ne sont encore rien auprès de la
cruauté dont ces derniers usent envers nos malheureux frères
de Strasbourg.
Figurez-vous qu'ils viennent de rendre un arrêté qui force
tous les Alsaciens à dira :
Bûrgermeister au lieu de : Maire
Et Beigeordneter au lieu d'Adjoint.
Croyez-vous que vous avez encore le droit de vous plaindre?..
A propos... si vous êtes en deuil d'un de vos parents, met-
tez donc un pantalon vert pendant trois mois, afin de ne pas
tre pris pour un bonapartiste.
Kecevez, monsieur, etc ..
Mademoiselle balandoit, à Auch
Vous m'envoyez, mademoiselle, un volume de l'ouvrage que
vous venez de faire sur ce sujet d'actualité brûlante : De la dé-
population de la France.
Vous n'avez pas pensé, je le suppose, que j'allais m'amuser à
le lire.
De vous, mademoiselle, moins que de tout autre, un livre sur
un tel sujet ne peut m'intéresser.
Si vous aviez employé plus sérieusement le temps que vous
avez dù consacrer à écrire 400 pages pour déplorer qu'on ne fît
pas assez d'enfants en France, vous seriez mariée depuis le
dernier recensement et vous donneriez déjà des espérances à la
patrie.
Nous le regrettons bien ; mais l'Eclipsé ne poussera votre vo-
lume qu'après votre prochain envoi de dragées ... motivées.
A propos... si vous êtes en deuil d'un de vos parents, mettez
donc une robe bleue pendant trois mois, afin de ne point être
prise pour une bonapartiste.
Agréez, mademoiselle, etc, etc.
Monsieur villeroy à Vile Adam
Oui, monsieur, oui ; on vous a bien renseigné.
L'assemblée nationale, émue à juste titre, de la facilité ex-
cessive avec laquelle les citoyens pétitionnent, a pensé qu'il
fallait apporter un frein à cette déplorable toquade qui pousse
les gens à se plaindre quand ils ne sont pas contents.
Aussi, une commission s'occupe en ce moment de modifier le
règlement de l'assemblée en ce qui concerne les pétitions.
Nous ne connaissons pas encore le projet dans son entier ;
mais voici toujours deux paragraphes qui y sont insérés, à ce
que l'on noua assure :
« L'assemblée ne s'occupera que des pétitions ne portant
« qu'une seule signature, et rédigée sur timbre de deux francs.
« Ne seront considérées comme méritant le classement et
« l'examen, que les pétitions dont la ponctuation, les points
« sur les I et les barres au T seraient irréprochables.
On compte beaucoup à Versailles sur cette amélioration pour
être enfin délivré d'une masse de pétitions, dont les cinq-
sixièmes — la commission l'a constaté — ne sont dictées que
par le coupable désir d'être désagréable aux députés, en leur
faisant savoir que les électeurs ne se considèrent pas comme
parfaitement contents de Leurs élus.
A propos... si vous êtes en deuil d'un de vos parents, mettez
un gilet orange pendant trois mois, pour ne pas être pris pour
un bonapartiste.
Recevez, monsieur, etc.
Monsieur versac, à Limoges.
Ce que l'on vous a dit est très-exact :
Un ingénieur anglais, M Preen, vient de découvrir le moyen
d'envoyer, en même temps, de deux bureaux télégraphiques
opposés, deux dépêches par le même fil : l'une montant, l'au-
tre descendant.
Mais ce que l'on ne vous a pas dit, c'est que les expériences
de ce système sont commencées depuis un mois, et qu'elles
ont toutes réussi, sauf dans un cas :
11 y a une dizaine de jours, au moment où l'appareil fonc-
tionnait, partent à la fois de deux points opposés les deux
i télégrammes suivants :
première dépêche
« Cher ami... Il est mort!... Navrante douleur 1. .
beuxièmé dépêche
« 11 vient de rendre l'âme I... Où est le mal?
Au milieu du fil, ces deux télégrammes se sont rencontrés,
et se sont fait une figure I...
Bref, l'entêtement s'en est mêlé, et aucune des deux n'a
voulu se ranger pour laisser passer l'autre.
Elles sont restées accrochées en chemin et y sont encore.
L'inventeur n'avait pas prévu ce cas-là.
Il est eu train de remanier son appareil ; mais on craint bien
qu'il ne puisse jamais servir pour transmettre dea dépêches
ayant un caractère politique.
Les passions sont trop surexcitées.
A propos, si vous êtes en deuil d'un de vos parents, mettez
donc un veston groseille pendant trois mois, afin de ne point
être pris pour un bonapartiste.
Recevez, monsieur, etc.
Monsieur calamels, à Niort.
Vous venez délire, me dites-vous, dans votre journal, quel'ex-
Prince Impérial a décidé qu'il ne prendrait pas le nom de Na-
poléon IV, et qu'il voyagerait sous celui de comte de Pierre-
fonds.
Vous me demandez ce que je pense de cette résolution.
Je pense que cela m'est bien égal et que si vous aviez pour
deuxliards de bon sens, ça devrait vous être bien égal aussi.
Mais je pense surtout que si le choix de ce nom de Pierre-
fonds n'est pas un malheureux hasard, c'est un bien mauvais
calcul.
A propos, si vous êtes en deuil d'un de vos parents, mettez
donc des chemises rouges pendant trois mois, afin de ne point
être pris pour un bonapartiste.
J'ai l'honneur, monsieur, etc.
LÉON BIENVENU.
RÉPÉTITION GÉNÉRALE
de
F-A-l-T : FAIT!
Tragédie-vaudeville lègitimo-orléaniste
Un reporter qui a couru les plus grands dangers m'envoie le
compte-rendu suivant d une soirée qui a eu iieu dernièrement
dans un château princier-
« — Mon cher ami, J al, asslsté à la répétition générale de
f-a-i-t : .fait ! Cette tragédie-vaudeville due à la collaboration
des partisans de la Branche et de la Branche cadette,
qui doit être jouée prochainement à Versailles, à ce qu'il
parait.
J'ai e i un mal énorme pour me faire inviter. L'honorable
questeur M. Baze, qui faisait les honneurs du château, a voulu
me faire enfermer dans la ^our du Nord, dès que je suis entré
dans le salon. Mais, comme on lui a assuré que je n'étais pas
journaliste, mais simplement un homme de lettres, il a bien
voulu me laisser la liberté, tout en maugréant.
Seulement, il n'a pas permis aux domestiques qui circulaient
dans la foule, portant des plateaux chargés de promesses de
décorations et de sinécures sucrées, de m'offrir quelque chose.
Du reste, il aurait fallu être diablement adroit pour attraper
un de ces bonbons, les députés de la droite et du centre droit
qui remplissaient le salon de famille, entouraient à chaque
instant ces domestiques et les dévalisaient. Après quoi, ils
allaient boire de grands verres d'eau bénite de cour au buffet.
Vers le coup de onze heures, les Sept sont entrés dans la
salle. Ils ont été fort applaudis. Les Sept, vous le savez, sont
les princes d'Orléans, comme a dit le duc de Nemours au géné-
ral Maudbuy.
Ces messieurs, qui ont l'air d'être muets et tristes comme
des carpes (est-ce à cause des sauts?) ont été s'asseoir au pre-
mier rang des fauteuils disposés devant le théâtre.
Car un théâtre improvisé s'élevait, j'aurais dû vous le dire
plus tôt, au fond de la salle. La scène en était masquée par un
rideau Touge semé de lys d'argent, de coqs d'or, et, ça et là,
de petites abeilles en ruolz.
M. Baze alors est arrivé près des Sept. Et avec la politesse
exquise qui le caractérise, il leur ft demandé s'ils étaient bien,
s'il leur fallait un petit banc, un coussin, etc.
C'est décidément un homme bien aimable que ce M. Baze.
Il a tort de dire, par exemple : « — Le public, qu'est-ce que c'est
que ceia ? Je m'en bats l'œil » mais c'est évidemment un homme
distingué.
M. do Chambord s'était fait excuser. Il n'assistait pas à la
répétition. On a dit du mal de lui dans les groupes. M. Bisac-
cia-Larochefoucauld l'appelait même un vieil entêté. Ce qui a
beaucoup froissé M. Dupanloup. Il a cru voir là une allusion à
son propre caractère. L'affaire n'a pas eu de suites.
A onze heures et demie, les trois coups sacramentels ont
été frappés, et la toile s'est levée au milieu des acclamatisns
unanimes.
Le théâtre représentait l'atelier d'un raccommodeur de faïence
et de porcelaines. Au fond de l'atelier, sous un parapluie ma-
gnifique et servant de dais, on voyait un trône tout neuf.
Sur la table était posée une tête coupée. Elle rappelait celle
du guillotiné parlant. Mes voisins m'ont dit que c'était plutôt
celle de Louis XVI. A côté de la tête, il y avait un corps de
supplicié. J'ai demandé si c'était celui de Piégelai.le boucher
exécuté à Rome il y a quelques jours. On m'a assuré que
non.
Et j'ai appris que c'était le tronc d'un autre criminel, con-
damné à mort par le tribunal révolutionnaire, après la défection
de Dumouriez. :i>nt^
Au lendemin, en pleurant, quelques députés le nommaient
Philippe Égalité.
Pendant que je recevais ces explications, le raccommodeur de
faïences et de porcelaines est entré en scène, la main sur Ie
cœur. Il était vêtu d'une blouse, mais il avait des bas ae soie
et des talons rouges à ses souliers.
En trois phrases bien senties, il nous a appris qu'il allait
faire le bonheur du peuple. Puis il a allumé un fourneau et mis
dessus une casserole, dans laquelle il a glissé des morceaux
d'une composition agglutinative qu'il a appelée — de l'esprit de
fusion. Puis il s'est mis à chanter :
Plus de fusillade 1
Soupe au lard partout !
La France est malade
Sans un roi. Debout!
Relevons le trône
Par la fusion,
Ce la Meuse au Rhône:
Pa« d'élection ! (bis)
M. Baze a vivement applaudi ce couplet.
Le couplet chanté, le raccommodeur de faïences et de porce-
laines, un grand maigre à barbiche et à moustaches, avec une
tête pointue, a pris un pinceau. 11 l'a trempé dans la casserole.
Puis il a peinturluré d'extrait de fusion le col de la tête sans
corps, et le cou du tronc sans tête. Enfin il a juxtaposé la
tête sur les épaules, en disant :
— « N'salgnons plus ! »
Des cris de joie sans nombre ont accueilli ce bon mot.
Quand la colle a été refroidie, le raccommodeur de faïence, a
soulevé délicatement le corps, et l'a mis sur ses jambes. La tête
était parfaitement collée. Elle souriait au public. Enfin le corps
s'est mis à marcher et a été s'asseoir sur le trône.
Nouveaux transports dans l'assistance.
A ce moment, le raccommodeur mettant la main sur son
cœur pour la deuxième fois, s'est écrié:
F-a-i-t fait!
Bien fait
Parfait !
Jugez de l'effet !
Si quelqu'un, par hasard, réclame
Nous saurons lui dire, entre nous:
« Mieux vaut avoir un corps «ans âme,
k Qu'un corps sans tète, voyez vous, s (bis)
Car on lésait, même en Hanôrre,
Sans attendre du pape un bref,
On doit l'obole au tronc du pauvre :
Notre obole, à nous, c'est son thef.
Enfin messieurs, foule gentille,
Ça ne sort pas de la famille.
Jugez de l'effet ?
Bienfait
Parfait.
F-a-i-t fait !
Des tonnerres de bravos ont suivi ce petit air de circons-'
tance dont les paroles, fourmillante d'allusions, ont réellement
dilaté tous les cœurs.
A minuit, on a servi de la guimauve pour les académicie03
orléanistes, qui avaient troublé à plusieurs reprises cette bn*
lanto soirée par une toux tirée du fond des profondeurs de leur
catarrhe.
Puis M. Baze, priépïar les Sept, s'est mis au piano, et n°u3
PRIMES DE L'ÉCllPSE
1" prime : LA REVANCHE!
2" PRIME : AUram de la LUNE et de rÈCLIPS»
Cent dessins les plus célèbres de Gill, réduits au moyen d'un
procédé graphique tout nouveau, formant un album élégant
et portatif.
Les dessins ainsi reproduits sont d'une délicatesse et d'une
fidélité parfaite, et de plus on les a finement coloriés.
Le prix de l'Album, pris au bureau, est de 6 francs. (Ajouter
1 franc pour le recevoir franco dans les départements.)
L'idée qui fait bouillonner les cerveaux, l'espoir qui fait
oondir les cœurs ont pris, — sinon un corps, — un buste !...
La Revanche vit désormais, — dans le marbre et le stuc, —
celui-ci popularisant celui-là 1
Un artiste a pétri pour nous cette image de nos rêves.
h'Éclipse offre à ses abonnés la statuette de la Revanche.
Chacun voudra avoir cette figure sous les yeux.
La statuette de la Revanche, avec son piédestal, prise dans
nos bureaux : 6 francs ; emballée avec soin et prête à être ex-
pédiée : 7 francs.
Le port reste à la charge du destinataire.
aMOfiBi
J'AI REÇU VOTRE H0N0I1É DU.
PETIT COURRIER
Monsieur béchinet, à Etampes.
Vous me demandez, monsieur, quelle est, en somme, la
moralité delà nouvelle pièce de M. Dumas fils : la Femme de
Claude.
La voici :
Vous avez le droit — que dis-je, le droit ? — le devoir — de
tuer votre femme qui vous trompe ; mais seulement, si vous la
surprenez en train de vous chiper quelque chose dans votre
porte-monnaie.
A part ce cas, vous seriez repréhensible.
Bien mit ux!... Toujours d'après M.Dumas, tant que votre
femme ne vous prend rien, vous devez patiemment passer par-
dessus *- et même par-dessous — tout ce qu'elle veut bien
faire pour vous.
Exemple :
Un matin, elle part pour aller chercher le déjeuner; au. bout
de trois mois, elle revient pâle et éreintée.
Vous lui dites :
— Eh bien?... Et les côtelettes?...
Elle vous répond en haussant les épaules :
— Si tu savais comme tu me fais suer 1...
Vous ne devez pas insister, et votre devoir est de vous re-
mettre au travail, parce que, comme vous l'explique fort bien
M. Dumas, le scandale vous salirait.
Six mois après, votre femme repart.
Ne lui demandez pas où elle va. Il est inutils de la forcer à
faire un men- ODge.
Au bout de cinq semaines, elle revient.
Pendant son absence, vous apprenez qu'elle a été faire une
vie de polichinelle avec un de vos voisins de campagne, qu'elle
lui a filouté 200,000 francs dans sa poche pendant qu'il dor-
mait, qu'elle a étouffé son enfant, etc., etc..
N'allez pas lui faire de scène; ça salit.
Et dites lui d'un air aimable en l'aidant à ôter son water-
proof:
— Tiens !.. Tu n'as pas été longtemps !
Mais par exemple! la nuit suivante, cachez-vous derrière un
rideau de votre chambre avec un fusil à deux coups.
Et si vous voyez votre femme venir trifouiller dans votre
portefeuille et vous voler un billet de faveur pour l'Odéon !...
Oh alors!... cher monsieur Béchinet!... ce n'est plus une
femme... ce n'est plus ta femme!... c'est la femelle de Caïn,
c'est la guenon du pays de Nod... Tue-la !...
Voilà, cher monsieur Béchinet, la moralité de l'œuvre de
M. Dumas fils.
Si jamais pareille chose vous arrive, vous savez maintenant
ce que vous aurez à dire au tribunal pour votre défense :
N'allez pas faire la bêtise, après avoir tué madame Béchinet,
de vous écrier devant le président, pour vous excuser :
— Elle me trompait!...
Non... Cela ne produirait aucun effet sur les jurés.
Dites simplement :
— Elle me chipait mon sucre 1...
Et vous serez acquitté.
A propos... si vous êtes en deuil d'un de vos parents, met-
tez donc un habit jaune pendant trois mois, afin de ne pas
être pris pour un bonapartiste.
J'ai l'honneur de vous présenter... etc., etc.
Monsieur Dumoulin à Metz.
Dans votre intérêt même, monsieur, permettez-moi de ne
pas répondre ici aux plaintes amères que vous m'adressez
contre les autorités allemandes qui vous gouvernent.
Cela pourrait attirer encore sur vous un redoublement de ri-
gueurs.
Vous ne devez pas douter de notre sympathie pour vos dou-
leurs et vous savez que nous sommes aussi impatients que vous
de les voir cesser.
Mais il faut de la résignation.
Certainement, les faits que voua nous racontez prouvent la
dureté des Prussiens, mais ils ne sont encore rien auprès de la
cruauté dont ces derniers usent envers nos malheureux frères
de Strasbourg.
Figurez-vous qu'ils viennent de rendre un arrêté qui force
tous les Alsaciens à dira :
Bûrgermeister au lieu de : Maire
Et Beigeordneter au lieu d'Adjoint.
Croyez-vous que vous avez encore le droit de vous plaindre?..
A propos... si vous êtes en deuil d'un de vos parents, met-
tez donc un pantalon vert pendant trois mois, afin de ne pas
tre pris pour un bonapartiste.
Kecevez, monsieur, etc ..
Mademoiselle balandoit, à Auch
Vous m'envoyez, mademoiselle, un volume de l'ouvrage que
vous venez de faire sur ce sujet d'actualité brûlante : De la dé-
population de la France.
Vous n'avez pas pensé, je le suppose, que j'allais m'amuser à
le lire.
De vous, mademoiselle, moins que de tout autre, un livre sur
un tel sujet ne peut m'intéresser.
Si vous aviez employé plus sérieusement le temps que vous
avez dù consacrer à écrire 400 pages pour déplorer qu'on ne fît
pas assez d'enfants en France, vous seriez mariée depuis le
dernier recensement et vous donneriez déjà des espérances à la
patrie.
Nous le regrettons bien ; mais l'Eclipsé ne poussera votre vo-
lume qu'après votre prochain envoi de dragées ... motivées.
A propos... si vous êtes en deuil d'un de vos parents, mettez
donc une robe bleue pendant trois mois, afin de ne point être
prise pour une bonapartiste.
Agréez, mademoiselle, etc, etc.
Monsieur villeroy à Vile Adam
Oui, monsieur, oui ; on vous a bien renseigné.
L'assemblée nationale, émue à juste titre, de la facilité ex-
cessive avec laquelle les citoyens pétitionnent, a pensé qu'il
fallait apporter un frein à cette déplorable toquade qui pousse
les gens à se plaindre quand ils ne sont pas contents.
Aussi, une commission s'occupe en ce moment de modifier le
règlement de l'assemblée en ce qui concerne les pétitions.
Nous ne connaissons pas encore le projet dans son entier ;
mais voici toujours deux paragraphes qui y sont insérés, à ce
que l'on noua assure :
« L'assemblée ne s'occupera que des pétitions ne portant
« qu'une seule signature, et rédigée sur timbre de deux francs.
« Ne seront considérées comme méritant le classement et
« l'examen, que les pétitions dont la ponctuation, les points
« sur les I et les barres au T seraient irréprochables.
On compte beaucoup à Versailles sur cette amélioration pour
être enfin délivré d'une masse de pétitions, dont les cinq-
sixièmes — la commission l'a constaté — ne sont dictées que
par le coupable désir d'être désagréable aux députés, en leur
faisant savoir que les électeurs ne se considèrent pas comme
parfaitement contents de Leurs élus.
A propos... si vous êtes en deuil d'un de vos parents, mettez
un gilet orange pendant trois mois, pour ne pas être pris pour
un bonapartiste.
Recevez, monsieur, etc.
Monsieur versac, à Limoges.
Ce que l'on vous a dit est très-exact :
Un ingénieur anglais, M Preen, vient de découvrir le moyen
d'envoyer, en même temps, de deux bureaux télégraphiques
opposés, deux dépêches par le même fil : l'une montant, l'au-
tre descendant.
Mais ce que l'on ne vous a pas dit, c'est que les expériences
de ce système sont commencées depuis un mois, et qu'elles
ont toutes réussi, sauf dans un cas :
11 y a une dizaine de jours, au moment où l'appareil fonc-
tionnait, partent à la fois de deux points opposés les deux
i télégrammes suivants :
première dépêche
« Cher ami... Il est mort!... Navrante douleur 1. .
beuxièmé dépêche
« 11 vient de rendre l'âme I... Où est le mal?
Au milieu du fil, ces deux télégrammes se sont rencontrés,
et se sont fait une figure I...
Bref, l'entêtement s'en est mêlé, et aucune des deux n'a
voulu se ranger pour laisser passer l'autre.
Elles sont restées accrochées en chemin et y sont encore.
L'inventeur n'avait pas prévu ce cas-là.
Il est eu train de remanier son appareil ; mais on craint bien
qu'il ne puisse jamais servir pour transmettre dea dépêches
ayant un caractère politique.
Les passions sont trop surexcitées.
A propos, si vous êtes en deuil d'un de vos parents, mettez
donc un veston groseille pendant trois mois, afin de ne point
être pris pour un bonapartiste.
Recevez, monsieur, etc.
Monsieur calamels, à Niort.
Vous venez délire, me dites-vous, dans votre journal, quel'ex-
Prince Impérial a décidé qu'il ne prendrait pas le nom de Na-
poléon IV, et qu'il voyagerait sous celui de comte de Pierre-
fonds.
Vous me demandez ce que je pense de cette résolution.
Je pense que cela m'est bien égal et que si vous aviez pour
deuxliards de bon sens, ça devrait vous être bien égal aussi.
Mais je pense surtout que si le choix de ce nom de Pierre-
fonds n'est pas un malheureux hasard, c'est un bien mauvais
calcul.
A propos, si vous êtes en deuil d'un de vos parents, mettez
donc des chemises rouges pendant trois mois, afin de ne point
être pris pour un bonapartiste.
J'ai l'honneur, monsieur, etc.
LÉON BIENVENU.
RÉPÉTITION GÉNÉRALE
de
F-A-l-T : FAIT!
Tragédie-vaudeville lègitimo-orléaniste
Un reporter qui a couru les plus grands dangers m'envoie le
compte-rendu suivant d une soirée qui a eu iieu dernièrement
dans un château princier-
« — Mon cher ami, J al, asslsté à la répétition générale de
f-a-i-t : .fait ! Cette tragédie-vaudeville due à la collaboration
des partisans de la Branche et de la Branche cadette,
qui doit être jouée prochainement à Versailles, à ce qu'il
parait.
J'ai e i un mal énorme pour me faire inviter. L'honorable
questeur M. Baze, qui faisait les honneurs du château, a voulu
me faire enfermer dans la ^our du Nord, dès que je suis entré
dans le salon. Mais, comme on lui a assuré que je n'étais pas
journaliste, mais simplement un homme de lettres, il a bien
voulu me laisser la liberté, tout en maugréant.
Seulement, il n'a pas permis aux domestiques qui circulaient
dans la foule, portant des plateaux chargés de promesses de
décorations et de sinécures sucrées, de m'offrir quelque chose.
Du reste, il aurait fallu être diablement adroit pour attraper
un de ces bonbons, les députés de la droite et du centre droit
qui remplissaient le salon de famille, entouraient à chaque
instant ces domestiques et les dévalisaient. Après quoi, ils
allaient boire de grands verres d'eau bénite de cour au buffet.
Vers le coup de onze heures, les Sept sont entrés dans la
salle. Ils ont été fort applaudis. Les Sept, vous le savez, sont
les princes d'Orléans, comme a dit le duc de Nemours au géné-
ral Maudbuy.
Ces messieurs, qui ont l'air d'être muets et tristes comme
des carpes (est-ce à cause des sauts?) ont été s'asseoir au pre-
mier rang des fauteuils disposés devant le théâtre.
Car un théâtre improvisé s'élevait, j'aurais dû vous le dire
plus tôt, au fond de la salle. La scène en était masquée par un
rideau Touge semé de lys d'argent, de coqs d'or, et, ça et là,
de petites abeilles en ruolz.
M. Baze alors est arrivé près des Sept. Et avec la politesse
exquise qui le caractérise, il leur ft demandé s'ils étaient bien,
s'il leur fallait un petit banc, un coussin, etc.
C'est décidément un homme bien aimable que ce M. Baze.
Il a tort de dire, par exemple : « — Le public, qu'est-ce que c'est
que ceia ? Je m'en bats l'œil » mais c'est évidemment un homme
distingué.
M. do Chambord s'était fait excuser. Il n'assistait pas à la
répétition. On a dit du mal de lui dans les groupes. M. Bisac-
cia-Larochefoucauld l'appelait même un vieil entêté. Ce qui a
beaucoup froissé M. Dupanloup. Il a cru voir là une allusion à
son propre caractère. L'affaire n'a pas eu de suites.
A onze heures et demie, les trois coups sacramentels ont
été frappés, et la toile s'est levée au milieu des acclamatisns
unanimes.
Le théâtre représentait l'atelier d'un raccommodeur de faïence
et de porcelaines. Au fond de l'atelier, sous un parapluie ma-
gnifique et servant de dais, on voyait un trône tout neuf.
Sur la table était posée une tête coupée. Elle rappelait celle
du guillotiné parlant. Mes voisins m'ont dit que c'était plutôt
celle de Louis XVI. A côté de la tête, il y avait un corps de
supplicié. J'ai demandé si c'était celui de Piégelai.le boucher
exécuté à Rome il y a quelques jours. On m'a assuré que
non.
Et j'ai appris que c'était le tronc d'un autre criminel, con-
damné à mort par le tribunal révolutionnaire, après la défection
de Dumouriez. :i>nt^
Au lendemin, en pleurant, quelques députés le nommaient
Philippe Égalité.
Pendant que je recevais ces explications, le raccommodeur de
faïences et de porcelaines est entré en scène, la main sur Ie
cœur. Il était vêtu d'une blouse, mais il avait des bas ae soie
et des talons rouges à ses souliers.
En trois phrases bien senties, il nous a appris qu'il allait
faire le bonheur du peuple. Puis il a allumé un fourneau et mis
dessus une casserole, dans laquelle il a glissé des morceaux
d'une composition agglutinative qu'il a appelée — de l'esprit de
fusion. Puis il s'est mis à chanter :
Plus de fusillade 1
Soupe au lard partout !
La France est malade
Sans un roi. Debout!
Relevons le trône
Par la fusion,
Ce la Meuse au Rhône:
Pa« d'élection ! (bis)
M. Baze a vivement applaudi ce couplet.
Le couplet chanté, le raccommodeur de faïences et de porce-
laines, un grand maigre à barbiche et à moustaches, avec une
tête pointue, a pris un pinceau. 11 l'a trempé dans la casserole.
Puis il a peinturluré d'extrait de fusion le col de la tête sans
corps, et le cou du tronc sans tête. Enfin il a juxtaposé la
tête sur les épaules, en disant :
— « N'salgnons plus ! »
Des cris de joie sans nombre ont accueilli ce bon mot.
Quand la colle a été refroidie, le raccommodeur de faïence, a
soulevé délicatement le corps, et l'a mis sur ses jambes. La tête
était parfaitement collée. Elle souriait au public. Enfin le corps
s'est mis à marcher et a été s'asseoir sur le trône.
Nouveaux transports dans l'assistance.
A ce moment, le raccommodeur mettant la main sur son
cœur pour la deuxième fois, s'est écrié:
F-a-i-t fait!
Bien fait
Parfait !
Jugez de l'effet !
Si quelqu'un, par hasard, réclame
Nous saurons lui dire, entre nous:
« Mieux vaut avoir un corps «ans âme,
k Qu'un corps sans tète, voyez vous, s (bis)
Car on lésait, même en Hanôrre,
Sans attendre du pape un bref,
On doit l'obole au tronc du pauvre :
Notre obole, à nous, c'est son thef.
Enfin messieurs, foule gentille,
Ça ne sort pas de la famille.
Jugez de l'effet ?
Bienfait
Parfait.
F-a-i-t fait !
Des tonnerres de bravos ont suivi ce petit air de circons-'
tance dont les paroles, fourmillante d'allusions, ont réellement
dilaté tous les cœurs.
A minuit, on a servi de la guimauve pour les académicie03
orléanistes, qui avaient troublé à plusieurs reprises cette bn*
lanto soirée par une toux tirée du fond des profondeurs de leur
catarrhe.
Puis M. Baze, priépïar les Sept, s'est mis au piano, et n°u3