ÏOOL
^ÉCLIPSE
celles d'un cheval de fiacre, au bois de Boulog.ie, lundi matin-
Le lieu de rendez-vous indiqué sur notre carte d'invitation
était le suivant : — Premier tas de sable au tournant de la r oute
de gauche, en face du Jardin.
Cette indication ne manquait pas d'un certain vague, mais
nous l'avons interprétée à notro honneur, et le premier tas de
sable en question apparut bientôt à nos regards anxieux.
Ce tas de sable, humide par endroits, (les dernières pluies
sans doute?) était littéralement couvert de chiens de toute
espèce, qui le gravissaient et le descendaient, s'interrogeant
à la queue leuleu.
Le président, que nous n'eûmes pas de peine à reconnaître,
car c'est le fameux loulou teint en jaune qu'on voit errer dans la
rue Montmartre, se tenait gravement assis au sommet de la
butte de sable.
A ses côtés, le bureau, qu'on venait de nommer un instant
avant notre arrivée, prenait déjà ses dispositions pour que la
séance commençât sans retard.
Ce bureau était composé : 1° du délégué de chez M. Corvi,
un épagneul borgne costumé en militaire, celui-là même qui
fait le déserteur dans le drame de ce nom; et, 2°, du caniche
hors d'âge que vous avez sans doute rencontré, place du Pont-
d'Austerlitz, faisant honnêtement descendre une sphère de
carton sur un plan incliné, sans avoir jamais eu pourtant la
fatuité de s'écrier, comme Galilée : eppur si muovel
Autour de ces trois personnages si dignes d'intérêt, assis eà
et là sur leur derrière, et tendant des oreilles souvent déchi-
rées, se groupaient les Refusés du jardin d'acclimatation. Ils
étaient nombreux.
Après une courte allocution prononcée par l'étrange loulou
jaune, la parole fut donnée à un être singulier, excessivement
crotté, et que dans les groupes on désignait sous le nom du
Fils de la rue.
Le Fils de la rut s'exprima on ces termes :
* — Né de parents pauvres, et qui n'avaient pas l'avantage
de se connaître dix minutes avant leur mariage, je suis le type
le plus pur de cette race urbaine que les savants classent sous
la rubrique : chiens des rues. Mon mérite est d'être phénoménal :
J'ai la croupe d'un caniche et la tête d'un terrier; mes pattes
sont celles de la levrette, et j'ai le poitrail d'un barbet. Comme
tons les produits des races croisées, je suis d'ute intelligence
rare. Je demande à être exposé 1
— Tu le seras ! répondit le Loulou jaune. — A un autre. Au
chien d'aveugle 1
— Moi, dit le nouvel orateur, un seul mot vous dira mes
titres. Je conduis un faux aveugle 1 Mais mon allure hésitante
et mes regards suppliants sont tels que tout le monde y est
pris et s'apitoie sur le sort de mon pauvre maître. C'est grâce
à mes talents que la ruse do mon patron n'est pas découverte.
Je demande à être exposé.
— Tu le seras, répondit encore le président jonquille.—A un
autre. A l'Anglaise !
Et l'Anglaise prit la parole comme il suit :
_Hylords et messieurs, je suis la chienne d'un voleur de
chiens. C'est moi qui attire les jeunes gens &é famille chez mon
maître. Je suis la Dalila de ces Samsons. En sortant de ma
niche, on les rapporte, moyennant une riche rançon, chez ceux
qui lés pleurent et les ont fait afficher. Je demande à être
exposée.
— Tu le seras, ma fille, répond le chien passé à la gomme
gutte.
— Honneur aux dames ! aboyèrent tous les assistants.
Et nous-même, humble témoin, nous donnâmes à plusieurs
reprises le signal des applaudissements.
Après la chienne tentatrice vinrent des chiens saltimban-
ques, des chiens savants, des chiens tourne-broches,des chiens
tourne-roues, dos chiens vagabonds des fortifications, des
chiens qui servent aux expériences de M. Claude Bernard, et
sortent des mains de l'illustre vivisecteur avec une patte, un
œil ou un poumon de moins. Leur requête fut accueillie par le
chien couleur de safran avec une grande bienveillance.
Un roquet vint ensuite et déclara avoir le talent — talent
fort prisé de son maître — de chasser les importuns en gla-
pissant pendant tout le temps de leur visite.
Un chien-cheval, de Bruxelles, un chien de l'espèce de ceux
traînant des voitures de laitières dans les rues, fut également
reçu avec égards par le président au poil citron.
Bref, un seul quadrupède fut repoussé à l'unanimité par le
jury des chiens refusés. Ce fut un chat de gouttière qui lit
passer sa carte au Loulou jaune. Sur celte carte étaient écrits
ces mots :
Monsieur Vi*ir,chat de lettres, chez le poêle A...
— A la porte! fut la réponse générale.
La dureté des refusés de la race canine envers ce chat infor-
tuné, transforma instantanément en vive indignation l'intérêt
affectueux que nous avait inspiré tout d'abord leur tentative.
Aussi, tout en déplorant l'exclusivisme dont les animaux,
dépravés par les hommes, fontpre'.ive à présent, nous reprîmes
tristement le chemin de ï'Eclipse.
ERNEST D'HERVILLY.
GAZETTE A LA MAIN
[Dimanche, 25 mai.
... Le ciel, d'un bleu superbe et doux, est pommelé, cà et là,
de jolis petits nuages gris-perle. Sous ma fenêtre, les merles
sifflent joyeusement dans les massifs du parc de Monceaux. Un
soleil, — comme nous n'en avons pas encore salué cette année,
— étale des losanges de lumière sur le velours émeraude des
pelouses et sur le sable d'or 4es allées...
Il fait beau, — il fait chaud, — il fait gai...
Tout est calme. Tout est souriant. Tout vit, se meut, agit,
fonctionne, — jusqu'aux tonneaux d'arrosement!...
Allons, décidément, il n'y a rien de changé en France...
Si ce n'est le Gouvernement !
Mais quoi! pensiez-vous donc que la nature allait prendre le
deuil pour une évolution du pouvoir ou un remaniement du
cabinet?
Oh! que nenni!
Le ciel ne reflète point les passions des hommes, et, pour
caresser nos yeux, la verdure ne se préoccupe ni de l'entête-
ment de celui-ci, ni de l'ingratitude de ceux-là.
Le soleil lui-même ne fait partie d'aucune coterie. Il n'est
ni centre-g.iiiche, ni centre-droit, —xi\ monarchiste, ni radical,
— ni invité de Chantilly, ni mandataire de la rue Grôlée II ne
tie rallie m à l'ordre du jour motivé, proposé par M Ernoul, ni
à l'ordre du jour pur et simple, réclamé par M. Dufaure, — et
jamais nous ne l'avons vu donner *a démission, parce que les
jardiuitrs demandaient de la pluie. _
Quant aux merles, qni saurait préciser leur opinion?...
Us sifflent...
Soit...
Mais quoi
Le discours de M. le duo de BrogliQ ou le ministère de M.
Casimir ïérier ?
Beaucoup de monde, hier soir, sur les boulevards intérieurs
et extérieurs. On s'arrachait les journaux. Des messieurs pé-
roraient. Quelques voix criaient :
— Vive le Président !
Lequel ?
Dans le Faubourg-du-Temple, je remarque un chiffonnier et
une chiffonnière au milieu d'un groupe. Le chiffonnier paraît
exaspéré. Il déclare s»ns ambages que ie C0Up d'Etat est une
canaille et qu'il faut lui casser la gueule.
Un sergent de ville survient...
Le groupe se disperse...
L'orateur se remet à sa bpsogno auprès d'un tas. Mais une
violente discussiià semble s'être élevée entre lui et sa compa-
gne. J'entends cette dernière qui bougonne:
— J'tavdis bien dit d'acheter d'ia rente ! Elle montera lundi,
pour sûr!
Le Derby.
, Sept heures du soir.
On n a pas remué un pavé. On n'a pas poueso une exclama-
où l'on couronnait des chevaux
Je reviens de ce domaine de M. d'Aumale.
Loin de moi l'intention de vous renseigner sur les détails
techniques de la réunion.
Chaque femme s'inquiétait surtout de savoir si M. Un Tel
était arrivé.
Chaque homme était principalement soucieux de découvrir
l'endroit ou stationnait la voiture de mademoiselle de N'importe-
Quoi.
Qu;md on s'était trouvé, on buvait du Champagne.
iJes gommeux, que j'ai tout lieu de croire attachés à nos
plus importantes maisons de rouennerie, se livraient à la fré-
nésie des paris.
L'un clamait d'une voix formidable :
— Je fais dix louis en prenant le favori contre le champ I
Un autre ripostait :
— J'ai déjà quarante louis dans les poules !
Des louis de vingt sovs, probablement!
Mademoiselle X... était en robe rouge, mademoiselle Y...,
en robe blunclie — et imulemoise le Z... en robe jaune. : atten-
tion délicate pour son protecteur.
Entre deux courses, mesdemoiselles Alice Regnault et De-
may ont fait — assez vivement — commerce d'amitié.
Quelqu'un me dit :
— Si seulement elles pouvaient s'entendre pour ne plus
jouer la comédie!
Vers cinq heures, tout le monde a repris le chemin de Paris
à travers un délicieux bain d* poussière.
Le président de Brosses, surpris par un orage à Monaco, s'é-
tonnait qu'une si grande pluie pût, tomber dans une si petite
principauté.
Tout à l'heure, en voyant défiler tout ce monde, avec de la
poussière sur les habits, sur les cheveux, sur le visage, dans
les yeux, dans la gorge, sur les équipages, sur les attelages,
je ne pouvais me défendre d'une stupéfaction analogue. .
Et je me demandais par quel prodige, une telle provision de
poussière étant emportée après chaque course, depuis tant
d'années, il pouvait encore en rester un seul grain sur la route
de Chantilly !
Chotel.
C'était un fort brave homme que ce directeur, — qui vient de
mourir, — des théâtres jumeaux de. Butignolles et de Mont-
martre.
On l'avait baptisé : Le bourru bienfaisant.
Le Bourru bienfaisant avait ses quarts d'heure de mauvaise
humeur, — et Isa artistes qui ne savaient pas saisir le bon mo-
ment, s'en allaient échaudes par quelque rebuffade.
Seul, son machiniste en chef, — appel0ns-le— Alphonse, ne
s'effrayait de rien. Quand Chotel l'avait traité de bête, d'imbécile,
il reparaissait au bout cinq minutes en disant :
— Monsieur le directeur, j'ai besoin d'un cordage pour le
cintre.
Le lendemain, Chotel recommençait à le mener durement; le
brave Alphonse baissait la tête, et reparaissait toujours au bout
de cinq minutes, en disant ;
— Monsieur le directeur, il faudrait remplacer la ferme du
deuxième plan.
Enfin, un beau jour, Chotel s'impatiente et l'apostrophe :
— Ah çà, Alphonse, je remarque que, toutes les fois que je
vous dis quelque dureté, vous ne me répondez qu'en me pré-
sentant une nouvelle no'e de frais !
— Que voulez-vous, monsieur le directeur, répond Alphonse,
— je suis très apathique de ma nature; — quand vous me
réveillez avec vos gros mots, je me rappelle tout de suite que
j'ai oublié de vous compter ceci et ce'a
Depuis ce jour, Alphonse était tranquille, et ses camarades
se disaient :
— Comment diable a-t-il fait, cet Alphonse, pour dompter
le Bourru bienfaisant!
Mademoiselle Y.... qui fait l'ornement de l'une de nos prin-
cipales scènes, ayant perdu un bracelet au bal des Artistes, à
l'Opéra, a fait promettre une récompense à qui le lui rappor-
terait. M. Victor X..., onzième d'agent de change, a été assez
heureux pour retrouver l'objet perdu.
— Eh bien ! s'informe-t-on, as-tu reçu la récompense pro-
mise ?
— Oui... mais elle avait dit récompense honnête.
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collection littéraire quatre volumes dignes de l'attention des
lecteurs délicats : Tigrane, de F. Fabre, ce minutieux récit
des querelles de sacristie, don!" le succès a été si complet dans
le journal le Temps; VEnsorcelée, l'œuvre la plus vraie etla plus
vigoureuse de Barbey d'Aurevilly; Brizacier, le chaat du cygne
d'Albert Glatigny ; les Stalactites, poésies de Théodore de Ban-
ville, dont quelques-unes sont une préparation vers un nou-
veau livre qui aura pour titre : Chansons sur des airs connus;
et Jeph Affagard, un de ces charmants petits poèmes qu'Ernest
d'Hervilly cisèle avec tant de goût.
--
M. le baron d'Etreillis (Ned. Peanon, rédacteur hippique
du Sport), vient de faire paraître chez J. Rothschild, éditeur
13, rue des Saints-Pères, un très intéressant volume illustré,'
sur les chevaux de pur sang en France, avec la description
de toutes les écuries de course françaises. (Prix : & fr.)
La question chevaline devant être diecutée devant la Cham-
bre, nous ne saurions trop recommander l'introduction du
livre; les éleveurs verront combien M. d'Etreillis y défend
leurs intérêts.
Ceux qui s'occupent de courses trouveront Je pedigree et une
remarque particulière sur chaque cheval.
A l'approche du Derby et du Grand-Prix, nous engageons
fortement les parieurs à lire les diverses appréciations sur
franc-Tireur, Boïard, Remède Saba, , et, en un mot, sur tous
les concurrents engagés dan3 ces divers prix.
Les portraits des propriétaires, entraîneurs, jockeys, ornent
ce livre, aussi utile qu'indispensable aux sportsinen et aux
éleveurs.
Voici les principaux articles publiés par la Gazette des Beiux-
Arts, dans sa livraison de mai ■ L'Art phénicien, par M. Er-
nest Renan, de l'Institut ; la Galerie de M. Rothan, par M.Paul
Mantz ; Auguste Jal, par M. Henri Delaborde, de l'Institut.
Cette livraison, exceptionnelle comme les deux précédentes,
contient, outre de nombreuses illustrations sur bois, neuf re-
marquables gravures hors texte parmi lesquelles nous citerons:
Portrait d'homme eau-forte de M. Le Rat, d'après Sébastien
ciel Piombo. — Sir George Yonge, eau-forte de M. Rajon.
d'après sir Josuah Reynolds. — La Dame au parasol, eau forte
de M. Rajon, d'après Lancret. — Le Champ de blé, eau-forte
de M. Lalanne, d'après J. Ruypdael.
La Bibliothèque Charpentier vient de publier une nouvelle
édition de Marcomir, le célèbre roman humoristique de M. Al-
fred Assolant. Cette édition est précédée d'une préface inédite.
Nous ne saurions trop engager nos lecteurs à lire cette Histoire
d'un étudiant, qui est un des romans les plus spirituels et les
plus amusants qui aient été publiés depuis de longues années.
Paris à l'eau-forte a publié plus de 60 eaux-fortes, tirées sur
chine et rapportées dans le texte, dans ses premières livrai-
sons, et la plupart sont fort remarquables. La 8° livraison
vieut de paraître et contient un portrait de Victor Hugo et un
autographe fac-similé du grand poète; le Chef d'orchestre, d'An-
dré Gill ; la Cavalerie mixte de larmée de Chanzry, de Guillaume
Regamey, et des sujets de fantaisie. La 9e livraison est con-
sacrée à des études pittoresques à l'eau-forte sur t le vieux
Paris. » Direction : rue Montmartre, 103. — Numéro spécimen,
1 franc contre timbres-poste (affr.)
En vente chez A. Ghio, 41, quai des Grands Augustins
Mes pages intimes, par Daniel Gavet, éditeur, prix : 6 fr.
Confusion politique, par le Dr Delasiauve, prix : 0.75 c.
Dtogéne, par Ivan Golovine, prix : 1 fr. 50 c.
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Paris. — Impruawie ». mirons «t G», 18, rat du CroisiMl,
^ÉCLIPSE
celles d'un cheval de fiacre, au bois de Boulog.ie, lundi matin-
Le lieu de rendez-vous indiqué sur notre carte d'invitation
était le suivant : — Premier tas de sable au tournant de la r oute
de gauche, en face du Jardin.
Cette indication ne manquait pas d'un certain vague, mais
nous l'avons interprétée à notro honneur, et le premier tas de
sable en question apparut bientôt à nos regards anxieux.
Ce tas de sable, humide par endroits, (les dernières pluies
sans doute?) était littéralement couvert de chiens de toute
espèce, qui le gravissaient et le descendaient, s'interrogeant
à la queue leuleu.
Le président, que nous n'eûmes pas de peine à reconnaître,
car c'est le fameux loulou teint en jaune qu'on voit errer dans la
rue Montmartre, se tenait gravement assis au sommet de la
butte de sable.
A ses côtés, le bureau, qu'on venait de nommer un instant
avant notre arrivée, prenait déjà ses dispositions pour que la
séance commençât sans retard.
Ce bureau était composé : 1° du délégué de chez M. Corvi,
un épagneul borgne costumé en militaire, celui-là même qui
fait le déserteur dans le drame de ce nom; et, 2°, du caniche
hors d'âge que vous avez sans doute rencontré, place du Pont-
d'Austerlitz, faisant honnêtement descendre une sphère de
carton sur un plan incliné, sans avoir jamais eu pourtant la
fatuité de s'écrier, comme Galilée : eppur si muovel
Autour de ces trois personnages si dignes d'intérêt, assis eà
et là sur leur derrière, et tendant des oreilles souvent déchi-
rées, se groupaient les Refusés du jardin d'acclimatation. Ils
étaient nombreux.
Après une courte allocution prononcée par l'étrange loulou
jaune, la parole fut donnée à un être singulier, excessivement
crotté, et que dans les groupes on désignait sous le nom du
Fils de la rue.
Le Fils de la rut s'exprima on ces termes :
* — Né de parents pauvres, et qui n'avaient pas l'avantage
de se connaître dix minutes avant leur mariage, je suis le type
le plus pur de cette race urbaine que les savants classent sous
la rubrique : chiens des rues. Mon mérite est d'être phénoménal :
J'ai la croupe d'un caniche et la tête d'un terrier; mes pattes
sont celles de la levrette, et j'ai le poitrail d'un barbet. Comme
tons les produits des races croisées, je suis d'ute intelligence
rare. Je demande à être exposé 1
— Tu le seras ! répondit le Loulou jaune. — A un autre. Au
chien d'aveugle 1
— Moi, dit le nouvel orateur, un seul mot vous dira mes
titres. Je conduis un faux aveugle 1 Mais mon allure hésitante
et mes regards suppliants sont tels que tout le monde y est
pris et s'apitoie sur le sort de mon pauvre maître. C'est grâce
à mes talents que la ruse do mon patron n'est pas découverte.
Je demande à être exposé.
— Tu le seras, répondit encore le président jonquille.—A un
autre. A l'Anglaise !
Et l'Anglaise prit la parole comme il suit :
_Hylords et messieurs, je suis la chienne d'un voleur de
chiens. C'est moi qui attire les jeunes gens &é famille chez mon
maître. Je suis la Dalila de ces Samsons. En sortant de ma
niche, on les rapporte, moyennant une riche rançon, chez ceux
qui lés pleurent et les ont fait afficher. Je demande à être
exposée.
— Tu le seras, ma fille, répond le chien passé à la gomme
gutte.
— Honneur aux dames ! aboyèrent tous les assistants.
Et nous-même, humble témoin, nous donnâmes à plusieurs
reprises le signal des applaudissements.
Après la chienne tentatrice vinrent des chiens saltimban-
ques, des chiens savants, des chiens tourne-broches,des chiens
tourne-roues, dos chiens vagabonds des fortifications, des
chiens qui servent aux expériences de M. Claude Bernard, et
sortent des mains de l'illustre vivisecteur avec une patte, un
œil ou un poumon de moins. Leur requête fut accueillie par le
chien couleur de safran avec une grande bienveillance.
Un roquet vint ensuite et déclara avoir le talent — talent
fort prisé de son maître — de chasser les importuns en gla-
pissant pendant tout le temps de leur visite.
Un chien-cheval, de Bruxelles, un chien de l'espèce de ceux
traînant des voitures de laitières dans les rues, fut également
reçu avec égards par le président au poil citron.
Bref, un seul quadrupède fut repoussé à l'unanimité par le
jury des chiens refusés. Ce fut un chat de gouttière qui lit
passer sa carte au Loulou jaune. Sur celte carte étaient écrits
ces mots :
Monsieur Vi*ir,chat de lettres, chez le poêle A...
— A la porte! fut la réponse générale.
La dureté des refusés de la race canine envers ce chat infor-
tuné, transforma instantanément en vive indignation l'intérêt
affectueux que nous avait inspiré tout d'abord leur tentative.
Aussi, tout en déplorant l'exclusivisme dont les animaux,
dépravés par les hommes, fontpre'.ive à présent, nous reprîmes
tristement le chemin de ï'Eclipse.
ERNEST D'HERVILLY.
GAZETTE A LA MAIN
[Dimanche, 25 mai.
... Le ciel, d'un bleu superbe et doux, est pommelé, cà et là,
de jolis petits nuages gris-perle. Sous ma fenêtre, les merles
sifflent joyeusement dans les massifs du parc de Monceaux. Un
soleil, — comme nous n'en avons pas encore salué cette année,
— étale des losanges de lumière sur le velours émeraude des
pelouses et sur le sable d'or 4es allées...
Il fait beau, — il fait chaud, — il fait gai...
Tout est calme. Tout est souriant. Tout vit, se meut, agit,
fonctionne, — jusqu'aux tonneaux d'arrosement!...
Allons, décidément, il n'y a rien de changé en France...
Si ce n'est le Gouvernement !
Mais quoi! pensiez-vous donc que la nature allait prendre le
deuil pour une évolution du pouvoir ou un remaniement du
cabinet?
Oh! que nenni!
Le ciel ne reflète point les passions des hommes, et, pour
caresser nos yeux, la verdure ne se préoccupe ni de l'entête-
ment de celui-ci, ni de l'ingratitude de ceux-là.
Le soleil lui-même ne fait partie d'aucune coterie. Il n'est
ni centre-g.iiiche, ni centre-droit, —xi\ monarchiste, ni radical,
— ni invité de Chantilly, ni mandataire de la rue Grôlée II ne
tie rallie m à l'ordre du jour motivé, proposé par M Ernoul, ni
à l'ordre du jour pur et simple, réclamé par M. Dufaure, — et
jamais nous ne l'avons vu donner *a démission, parce que les
jardiuitrs demandaient de la pluie. _
Quant aux merles, qni saurait préciser leur opinion?...
Us sifflent...
Soit...
Mais quoi
Le discours de M. le duo de BrogliQ ou le ministère de M.
Casimir ïérier ?
Beaucoup de monde, hier soir, sur les boulevards intérieurs
et extérieurs. On s'arrachait les journaux. Des messieurs pé-
roraient. Quelques voix criaient :
— Vive le Président !
Lequel ?
Dans le Faubourg-du-Temple, je remarque un chiffonnier et
une chiffonnière au milieu d'un groupe. Le chiffonnier paraît
exaspéré. Il déclare s»ns ambages que ie C0Up d'Etat est une
canaille et qu'il faut lui casser la gueule.
Un sergent de ville survient...
Le groupe se disperse...
L'orateur se remet à sa bpsogno auprès d'un tas. Mais une
violente discussiià semble s'être élevée entre lui et sa compa-
gne. J'entends cette dernière qui bougonne:
— J'tavdis bien dit d'acheter d'ia rente ! Elle montera lundi,
pour sûr!
Le Derby.
, Sept heures du soir.
On n a pas remué un pavé. On n'a pas poueso une exclama-
où l'on couronnait des chevaux
Je reviens de ce domaine de M. d'Aumale.
Loin de moi l'intention de vous renseigner sur les détails
techniques de la réunion.
Chaque femme s'inquiétait surtout de savoir si M. Un Tel
était arrivé.
Chaque homme était principalement soucieux de découvrir
l'endroit ou stationnait la voiture de mademoiselle de N'importe-
Quoi.
Qu;md on s'était trouvé, on buvait du Champagne.
iJes gommeux, que j'ai tout lieu de croire attachés à nos
plus importantes maisons de rouennerie, se livraient à la fré-
nésie des paris.
L'un clamait d'une voix formidable :
— Je fais dix louis en prenant le favori contre le champ I
Un autre ripostait :
— J'ai déjà quarante louis dans les poules !
Des louis de vingt sovs, probablement!
Mademoiselle X... était en robe rouge, mademoiselle Y...,
en robe blunclie — et imulemoise le Z... en robe jaune. : atten-
tion délicate pour son protecteur.
Entre deux courses, mesdemoiselles Alice Regnault et De-
may ont fait — assez vivement — commerce d'amitié.
Quelqu'un me dit :
— Si seulement elles pouvaient s'entendre pour ne plus
jouer la comédie!
Vers cinq heures, tout le monde a repris le chemin de Paris
à travers un délicieux bain d* poussière.
Le président de Brosses, surpris par un orage à Monaco, s'é-
tonnait qu'une si grande pluie pût, tomber dans une si petite
principauté.
Tout à l'heure, en voyant défiler tout ce monde, avec de la
poussière sur les habits, sur les cheveux, sur le visage, dans
les yeux, dans la gorge, sur les équipages, sur les attelages,
je ne pouvais me défendre d'une stupéfaction analogue. .
Et je me demandais par quel prodige, une telle provision de
poussière étant emportée après chaque course, depuis tant
d'années, il pouvait encore en rester un seul grain sur la route
de Chantilly !
Chotel.
C'était un fort brave homme que ce directeur, — qui vient de
mourir, — des théâtres jumeaux de. Butignolles et de Mont-
martre.
On l'avait baptisé : Le bourru bienfaisant.
Le Bourru bienfaisant avait ses quarts d'heure de mauvaise
humeur, — et Isa artistes qui ne savaient pas saisir le bon mo-
ment, s'en allaient échaudes par quelque rebuffade.
Seul, son machiniste en chef, — appel0ns-le— Alphonse, ne
s'effrayait de rien. Quand Chotel l'avait traité de bête, d'imbécile,
il reparaissait au bout cinq minutes en disant :
— Monsieur le directeur, j'ai besoin d'un cordage pour le
cintre.
Le lendemain, Chotel recommençait à le mener durement; le
brave Alphonse baissait la tête, et reparaissait toujours au bout
de cinq minutes, en disant ;
— Monsieur le directeur, il faudrait remplacer la ferme du
deuxième plan.
Enfin, un beau jour, Chotel s'impatiente et l'apostrophe :
— Ah çà, Alphonse, je remarque que, toutes les fois que je
vous dis quelque dureté, vous ne me répondez qu'en me pré-
sentant une nouvelle no'e de frais !
— Que voulez-vous, monsieur le directeur, répond Alphonse,
— je suis très apathique de ma nature; — quand vous me
réveillez avec vos gros mots, je me rappelle tout de suite que
j'ai oublié de vous compter ceci et ce'a
Depuis ce jour, Alphonse était tranquille, et ses camarades
se disaient :
— Comment diable a-t-il fait, cet Alphonse, pour dompter
le Bourru bienfaisant!
Mademoiselle Y.... qui fait l'ornement de l'une de nos prin-
cipales scènes, ayant perdu un bracelet au bal des Artistes, à
l'Opéra, a fait promettre une récompense à qui le lui rappor-
terait. M. Victor X..., onzième d'agent de change, a été assez
heureux pour retrouver l'objet perdu.
— Eh bien ! s'informe-t-on, as-tu reçu la récompense pro-
mise ?
— Oui... mais elle avait dit récompense honnête.
STAR.
Concert des Champs-Elysées, tous les soirs, à 8 heures.
Le mardi et le vendredi, concert extraordinaire.
Vient de paraître : Le Salon pour rire, Par Cham.
Cette spirituelle parodie est appelée au même succès que
ses devancières.
Les personnes qui désirent recevoir l'Album franco sont
priées d'envoyer un franc cinquante centimes aux bureaux du
Charivari, 20, rue Rossini.
Adresser les demandes, sans délai, si l'on ne veut pas, vu
lallluence, éprouver de retard dans la réception.
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HISTOIRE DE FRANCE
TINTAMARRESQUE
Texte de TOtCHATOUT. —Illustrations de G. LAFOSSE
L'éditeur A. Lemerre, passag-e Choiseul, vient d'ajouter à sa1
collection littéraire quatre volumes dignes de l'attention des
lecteurs délicats : Tigrane, de F. Fabre, ce minutieux récit
des querelles de sacristie, don!" le succès a été si complet dans
le journal le Temps; VEnsorcelée, l'œuvre la plus vraie etla plus
vigoureuse de Barbey d'Aurevilly; Brizacier, le chaat du cygne
d'Albert Glatigny ; les Stalactites, poésies de Théodore de Ban-
ville, dont quelques-unes sont une préparation vers un nou-
veau livre qui aura pour titre : Chansons sur des airs connus;
et Jeph Affagard, un de ces charmants petits poèmes qu'Ernest
d'Hervilly cisèle avec tant de goût.
--
M. le baron d'Etreillis (Ned. Peanon, rédacteur hippique
du Sport), vient de faire paraître chez J. Rothschild, éditeur
13, rue des Saints-Pères, un très intéressant volume illustré,'
sur les chevaux de pur sang en France, avec la description
de toutes les écuries de course françaises. (Prix : & fr.)
La question chevaline devant être diecutée devant la Cham-
bre, nous ne saurions trop recommander l'introduction du
livre; les éleveurs verront combien M. d'Etreillis y défend
leurs intérêts.
Ceux qui s'occupent de courses trouveront Je pedigree et une
remarque particulière sur chaque cheval.
A l'approche du Derby et du Grand-Prix, nous engageons
fortement les parieurs à lire les diverses appréciations sur
franc-Tireur, Boïard, Remède Saba, , et, en un mot, sur tous
les concurrents engagés dan3 ces divers prix.
Les portraits des propriétaires, entraîneurs, jockeys, ornent
ce livre, aussi utile qu'indispensable aux sportsinen et aux
éleveurs.
Voici les principaux articles publiés par la Gazette des Beiux-
Arts, dans sa livraison de mai ■ L'Art phénicien, par M. Er-
nest Renan, de l'Institut ; la Galerie de M. Rothan, par M.Paul
Mantz ; Auguste Jal, par M. Henri Delaborde, de l'Institut.
Cette livraison, exceptionnelle comme les deux précédentes,
contient, outre de nombreuses illustrations sur bois, neuf re-
marquables gravures hors texte parmi lesquelles nous citerons:
Portrait d'homme eau-forte de M. Le Rat, d'après Sébastien
ciel Piombo. — Sir George Yonge, eau-forte de M. Rajon.
d'après sir Josuah Reynolds. — La Dame au parasol, eau forte
de M. Rajon, d'après Lancret. — Le Champ de blé, eau-forte
de M. Lalanne, d'après J. Ruypdael.
La Bibliothèque Charpentier vient de publier une nouvelle
édition de Marcomir, le célèbre roman humoristique de M. Al-
fred Assolant. Cette édition est précédée d'une préface inédite.
Nous ne saurions trop engager nos lecteurs à lire cette Histoire
d'un étudiant, qui est un des romans les plus spirituels et les
plus amusants qui aient été publiés depuis de longues années.
Paris à l'eau-forte a publié plus de 60 eaux-fortes, tirées sur
chine et rapportées dans le texte, dans ses premières livrai-
sons, et la plupart sont fort remarquables. La 8° livraison
vieut de paraître et contient un portrait de Victor Hugo et un
autographe fac-similé du grand poète; le Chef d'orchestre, d'An-
dré Gill ; la Cavalerie mixte de larmée de Chanzry, de Guillaume
Regamey, et des sujets de fantaisie. La 9e livraison est con-
sacrée à des études pittoresques à l'eau-forte sur t le vieux
Paris. » Direction : rue Montmartre, 103. — Numéro spécimen,
1 franc contre timbres-poste (affr.)
En vente chez A. Ghio, 41, quai des Grands Augustins
Mes pages intimes, par Daniel Gavet, éditeur, prix : 6 fr.
Confusion politique, par le Dr Delasiauve, prix : 0.75 c.
Dtogéne, par Ivan Golovine, prix : 1 fr. 50 c.
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