L'ÉCLIPSÉ
AVIS IMPORTANT. — Les souscrip-
teurs à l'Éclipsé dkmt l'aboiinerxieiit ex-
pire le 15 mal, sont priés de 1©
renouveler sans retard, s'ils ne veulent
point sulblr d'interruption dans la ré-
ception du j ournal.
NOUVELLES
PRIMES DE L'ÉCLIPSÉ
oc ,in»frt*f #** «»s "~
Toute personne qui enverra au directeur du journal le mon-
tant d'un abonnement d'un an, aura droit à une des primes
ci-dessous annoncées et aux conditions suivantes ;
1° almanach des travailleurs; illustré par Gill, texte
de E. Zola, J. Claretie, E. d'Hervilly, E- Siebecker, etc.
Offert gratuitement aux personnes qui le retireront au bu-
reau. — Ajouter 25 centimes au prix de l'abonnement pour le
recevoir franco de port dans les départements.
2° l'album des fleurs, fruits et légumes du jour,
dans lequel Alfred Le Petit a crayonné avec l'humour et l'esprit
de Granville trente-deux charges des hommes célèbres de notre
époque. Ces caricatures, fort réussies, accompagnées de qua-
trains spirituels, sont coloriées avec soin.
L'Album, pris au bureau, 1 fr.
Ajouter 1 fr. pour le recevoir franco à domicile.
EN VENTE AU BUREAU DE L'ÉCLIPSÉ :
Titre et table de l'année 1873 du journal l'Éclipsé. 0 f. 30 c.
(franco 40 c.)
Couverture de l'année 1873 du journal Y Éclipse. 0 f. 20 c,
(franco 30 c.)
LA COMMISSION DE PERMANENCE
e ne sais vraiment pas pourquoi les
journaux s'obstinent à publier les comptes
rendus des séances de la Commission de
permanence.
Ces comptes rendus-là, c'est comme les
sapeurs : quand on en a vu un, on les a
vus tous.
Un membre de la gauche interpelle M. de Broglie sur n'im-
porte quoi.
M. de Broglie ouvre la bouche.
On croit qu'il va répondre.
Il sourit.
Et le membre de la gauche, heureux d'avoir forcé le gouver-
nement à fournir cette explication catégorique, se rassied.
Un autre membre de la gauche se lève et pose uno seconde
question au ministre.
Le ministre rouvre la bouche.
On re-croit qu'il va re-répondre.
Il re-sourit.
*
* *
Au troisième membre de la gaucho qui émerge, un membre
de la droite s'écrie :
— Décidément c'est insupportable!... On ne peut pourtant
pas mettre ainsi le gouvernement sur la sellette pendant dix
minutes tous les vingt-cinq jours!... Ça interrompt le cassage
des mauvais maires.
Cette observation trouve naturellement un sympathique
écho.
Et,'comme il est toujours plus facile de lever une séance que
des doutes, on lève la séance.
*
»,
Je ne crois pas qu'en fouillant, même avec toute la vigueur
possible, dans les archives de la Commission de permanence,
on puisse m'opposer une seule de ses séances qui ne soit pas
taillée absolument sur le patron que je vi;;us do découper.
Aussi, je persiste à prétendre que les journaux pourraient,
sans inconvénient, renoncer à publier ces procès-verbaux mo-
notones.
*
* *
Il y a bien de temps en temps, il est vrai, un petit incident,
un cri du cœur d'un membre de la droite, qui vient animer le
paysage et rompre l'enfilade des sourires dédaigneux de M. de
Broglie.
Ainsi, par exemple, à la dernière séanee, M. Baragnon a eu
un de ces éclairs qui méritent assurément une mention spé-
ciale.
Comme M. de Mahy demandait avec une bien coupable
indiscrétion pourquoi le gouvernement s'était permis de sus-
pendre pour six mois le conseil municipal do la commune de
Calais, à Belle-Isle-en-Mor, M. Baragnon s'est écrié :
— Oh!... une si petite commune!
Comme justification, jo crois que l'on n'ira pas beaucoup plus
loin que cela !
Un gouvernement qui a pour le défendre les sourires de pitié
de M. de Broglie et les arguments irrésistibles de M. Baragnon,
peut affronter toutes les interpellations possibles et imaginables.
Il est sûr d'en sortir victorieux.
Aussi, je ne crois pas trop me compromettre en sténogra-
phiant, par anticipation, la prochaine séance de la Commission
de permanence.
***
M. D. de la gauche. — Me sera-t-il permis de demander
à M. le ministre de l'Intérieur des explications sur la suppres-
sion du journal l'Écho républicain'.'
M. de Broglie. — Parfaitement.,. Depuis longtemps déjà,
une presse immonde attaque sans relâche les bases fondamen-
tales et sacrées... La suite comme dans la Patrie
M. D. de la gauche. — Cependant, monsieur le Président
du conseil me permettra de lui faire observer que la liberté de
la discussion...
M. de Broglie, interrompant. — Le gouvernement a dit ce
qu'U avait à dire. 11 ue lui reste plus qu'à sourire... Je souris.
M. D. de la gauche. — Pourtant, un journal est une pro-
priété, et l'Écho républicain...
M. Baragnon, avec force. — Oh ! un si petit journal.
La discussion est close.
M. M. de la gauche. — Je désirerais maintenant deman-
der à M. le ministre ce qu'il pense de la brusque mise en état
de siège de Landrigny par le commandant militaire.
M. de Broglie. — Volontiers. . Depuis longtemps déjà,
certaines localités, mues par do déplorables instincts, semblent
s'appliquer... La suite comme dans le Constitutionnel.
M. M. de la gauche. — Mais la justice...
M. de Broglie. — J'ai dit... il ne me. reste plus qu'à sou-
rire... Je souris.
M. M. de la gauche. — CepondaDt, la ville do Landri-
gny...
M. Baragnon, avec force. — Qhl... une si petite ville !...
La discussion est close.
M. V. de la gauche.
à monsieur le ministre...
J'ai une interpellation à adresser
M. de Broglie. — Pardon!... On prend à tâche de m'acca-
bler de questions... C'est un parti pris. Aussi facile qu'un mi-
nistre puisse avoir le sourire, il y a des limites au rictus hu-
main.
M. V. de la gauche. — Cependant, ce que j'ai à dire est
assez important. Bon nombre de nos collègues ont, dit-on, pro-
fité de leurs vacances pour attaquer le Septennat.
M. Baragnon. succombant à l'habitude. —■ Oh!... un si petit
Septennat!...
M. Baragnon, s'apercevant que la langue lui a fourché, essaie
de se reprendre, mais le mot n'en a pas moins jet ': un froid.
La séance est levée.
LÉON BIENVENU.
RÉFLEXIONS D'UN LUNATIQUE
On discute en ce moment la question de savoir si désormais
l'armée française chaussera le .soulier ou la botte. Espérons que
si la botte est adoptée, ce ne sera pas la botte à revers.
Les limonadiers du boulevard ont augmenté le prix do leurs
consommations —momentanément— disent-ils. J'ai grand'peyr
que ce ne soit jusqu'à la consommation des siècles.
Le brigand don Carlos que je chante en ces rimes,
Cherche dans son pays à répandre l'effroi ;
Il pense avoir bientôt commis assez de crimes
Pour mériter d'être fait roi.
L'autre soir, ayant le doigt quelque peu écorché, j'ai eu la
malheureuse idée de toucher au journal de M. de Cassagnac ;
de suite le bobo s'est envenimé. Maintenant j'ai le mal du Pays,
— ce qui m'attriste.
L'on a beau dire, Napoléon III, dans l'exil, avait, quelque
chose de grand :
Son nez.
Dès le mois de février, tout commence à pousser dans la na-
ture. Le 24 février 1848, ça a poussé tellement fort que Louis-
Philippe en fut renversé.
Les hirondelles sont revenues. Ceci nous annonce que le bon
Dieu vient d'ouvrir les magasins du Printemps, La maison
n'est pas au coin du quai.
Sur la réappariton du journal l'Uniuen :
Pour que le mot grossier règne en nos saturnàles,
Pour qu'on ne soit sevré du langage des halles
Et qu'on en ait toujours la dose qui convient,
Quand la mère Angot part, Louis Veuillot revient.
HIPPOLYTE BRIOLLET.
LE DRAME DE BARTAVELLE
.....- 0 ■ ■
~~ SîtfJM3HHOQA
ans la grande rue de la très-petite viUe
de Bartavelle, à peu près à égale dis-
tance de ses deux extrémités, et dans
l'avant-cour du sieur Vergasse, perru-
' quier, depuis un temps immémorial,
vivait, poussait, grandissait, verdissait,
fleurissait et fructifiait à merveille, en
toute liberté, un superbe marronnier d'Inde.
Personne de la ville n'y avait jamais fait attention, sauf les
galopins qui, à la fin de juillet, se glissaient dans l'avant-cour
du perruquier Vergasse pour ramasser les marrons et s'en faire
de charmants colliers.
Un gai matin d'avril, deux personnes venant de Paris et ar-
rivées, à Bartavelle, chacune de leur côté, pendant la nuit, et
pour la première fois, mirent le nez à la fenêtre de la chambre
où on les avait logées, l'une dans le bel hôtel de la Vierge et du
Commerce, situé en amont, l'autre da.ns l'humble auberge du
Lion Vert, sis en aval, dans la grande rue de la petite ville.
La première chose qu'aperçurent simultanément les deux
personnes arrivées pendant la nuit à Bartavelle, ce fut le beau
marronnier du sieur Vergasse.
Il faut ajouter, du reste, que la magnifique ramure du mar-
ronnier en question s'épandait alors, chargée de thyrses fleu-
ris, innombrables, jusqu'au milieu de la rue, parfumant l'at-
mosphère, ombrageant le pavé.
— Oh 1 oh! voilà un arbre qui se permet bien des choses !
s'écria l'une des deux personnes, celle qui était logée en amont,
dans le bel hôtel de la Vierge et du Commerce. Il f iudra surveil-
ler cela, reprit-elle, aprè3 avoir froncé le sourcil.
L'autre personne, celle qui logeait en aval, dans la modeste
auberge du Lion Vert, s'écria presque au même moment:
— Eh I eh ! voilà un arbre qui me fera pardonner bien des
laideurs à cette petite ville. Quel port ! quel feuillage ! quelles
belles fleurs ! Il est, sur ma parole, réjouissant à voir. Ce n'est
pas à Paris qu'on permettrait à un marronnier de se développer
de la sorte. M. AJphand aurait déjà lancé sur lui quatreou cinq
cents jardiniers armés de sécateurs et chargés de le tondre mi- ■
litairement,
Cela dit, les deux personnes arrivées pendant la nuit à Bar-
tavelle, et qui s'étaient montrées à leurs fenêtres respectives
dans le costume d'êtres prêts à se débarbouiller, rentrèrent
dans leur chambre, fermèrent leur fenêtre, et se livrèrent aux
soins de leur toilette.
*.**
Maintenant, disons tout.
La personne qui honorait de sa présenee l'hôtel de la Vierge
et du Commerce était un jeune ingénieur, tout frais sorti de l'é-
cole de la rue des Saints-Pères, et que le Destin, sous les traits
du ministre des travaux publics, envoyait entretenir et créer
des ponts et des chaussées dans lo département dont Bartavelle
est une des villes principales.
L'autre personne, l'habitant do l'humble Lion vert, était un
peintre obscur, lequel avait résolu de passer un an ou deux à
Bartavelle pour y faire tout ce qui concerne son art. Bartavelle
en effet est une des villes les plus curieuses du centre de la I
France. Elle renferme' des trésors, de pittoresque. Les rues irré-
gulières, mal pavées, étroites, serpentines, sont fécondes en ta- I
bleaux tout faits et qu'il n'y a plus qu'à copier.
Cela Mi reprenons le fil de notre récit.
Le soir de ce gai matin d'avrU où la grande rue de Bartavelle
fut contemplée pour la première fois par l'artiste et par l'ingé-
nieur, cet ingénieur et cet artiste mirent de nouveau le nez à la
fenêtre de leurs chambres et cela dans le costume d'êtres qui
vont aa plonger dans, leur lit.
Aux rayons de la lune claire, le marronnier du sieur Ver-
gasse, perruquier, étalait les splendeurs de son feuillage, et sur
le pavé désert de la grande rue, il projetait une ombre épaisse
que la lumière jaune des beçs de gaz était tout à fait impuis-
sante à vaincre.
Le bel effet! dit avec enthousiasme le peintre. Comme ces
maisons d'architecture folle sont amusantes à peindre ! — Que
ce bel arbre est étonnant ! — Quelle tournure ! — Il est fâcheux
que le gaz éclaire cela d'une fa'çon si fausse.
De son côté, l'ingénieur soupira :
— Il est étonnant que l'artère principale d'une ville soit cou-
pée par un végétal de cette taille. La ligne des feux du gaz en
perd tout son bel effet. Ces maisons sont absurdes. Rien de ré-
gulier. Rien d'uniforme. Et il ajoute :
— Dès demain, je m'occuperai spécialement de ce marron-
nier malencontreux.
Pendant que l'ingénieur formait cet atroce projet, le peintre
se disait :
— Dès demain, je ferai une petite étude de ce marronnier et
des maisons qui l'entourent.
Que vous dirai-je ?
Moins de huit jours après leur arrivée à Bartavelle, l'ingé-
nieur et le peintre se disputèrent avec une violence inouïe, dans
la propre cour du perruquier Vergasse. La quereUe entre les
Beaux-Arts et les Ponts-et-Chaussées s'envenima.
Le malheureux perruquier, menacé d'umï part de procès-
verbaux sans nombre par les agents de l'ingénieur, s'il avait
l'audace de désobéir aux règlements sur la voirie, et menacé
d'autre part, par l'artiste, d'une mort lente et cruelle, s'il avait
la faiblesse de céder aux injonctions de l'ingénieur des ponts-et-
chaussées, le malheureux Vergasse, hélas ! ne savait auquel
entendre.
Il fut,témoin de la gande dispute de l'artiste et de l'ingé-
nieur; IV s'arracha les cheveux de désespoir d'en être la
cause.
Voilà cent ans, de père en fils, disait le malheureux Vergasse,
voilà cent ans que ce marronnier pousse, grandit, verdit, fruc-
tifie, et personne n'a jamais trouvé cela mal. Que faire?
Que faire? — Obéir. — Obéir à qui? — Obéir à celui qui est
le dépositaire de la Toute-Puissauce à notre époque, obéir à
l'Ingénieur, enfin ! ....., ,
Vergasse se soumjt. — Mais avant de faire ouper son arbre,
f
AVIS IMPORTANT. — Les souscrip-
teurs à l'Éclipsé dkmt l'aboiinerxieiit ex-
pire le 15 mal, sont priés de 1©
renouveler sans retard, s'ils ne veulent
point sulblr d'interruption dans la ré-
ception du j ournal.
NOUVELLES
PRIMES DE L'ÉCLIPSÉ
oc ,in»frt*f #** «»s "~
Toute personne qui enverra au directeur du journal le mon-
tant d'un abonnement d'un an, aura droit à une des primes
ci-dessous annoncées et aux conditions suivantes ;
1° almanach des travailleurs; illustré par Gill, texte
de E. Zola, J. Claretie, E. d'Hervilly, E- Siebecker, etc.
Offert gratuitement aux personnes qui le retireront au bu-
reau. — Ajouter 25 centimes au prix de l'abonnement pour le
recevoir franco de port dans les départements.
2° l'album des fleurs, fruits et légumes du jour,
dans lequel Alfred Le Petit a crayonné avec l'humour et l'esprit
de Granville trente-deux charges des hommes célèbres de notre
époque. Ces caricatures, fort réussies, accompagnées de qua-
trains spirituels, sont coloriées avec soin.
L'Album, pris au bureau, 1 fr.
Ajouter 1 fr. pour le recevoir franco à domicile.
EN VENTE AU BUREAU DE L'ÉCLIPSÉ :
Titre et table de l'année 1873 du journal l'Éclipsé. 0 f. 30 c.
(franco 40 c.)
Couverture de l'année 1873 du journal Y Éclipse. 0 f. 20 c,
(franco 30 c.)
LA COMMISSION DE PERMANENCE
e ne sais vraiment pas pourquoi les
journaux s'obstinent à publier les comptes
rendus des séances de la Commission de
permanence.
Ces comptes rendus-là, c'est comme les
sapeurs : quand on en a vu un, on les a
vus tous.
Un membre de la gauche interpelle M. de Broglie sur n'im-
porte quoi.
M. de Broglie ouvre la bouche.
On croit qu'il va répondre.
Il sourit.
Et le membre de la gauche, heureux d'avoir forcé le gouver-
nement à fournir cette explication catégorique, se rassied.
Un autre membre de la gauche se lève et pose uno seconde
question au ministre.
Le ministre rouvre la bouche.
On re-croit qu'il va re-répondre.
Il re-sourit.
*
* *
Au troisième membre de la gaucho qui émerge, un membre
de la droite s'écrie :
— Décidément c'est insupportable!... On ne peut pourtant
pas mettre ainsi le gouvernement sur la sellette pendant dix
minutes tous les vingt-cinq jours!... Ça interrompt le cassage
des mauvais maires.
Cette observation trouve naturellement un sympathique
écho.
Et,'comme il est toujours plus facile de lever une séance que
des doutes, on lève la séance.
*
»,
Je ne crois pas qu'en fouillant, même avec toute la vigueur
possible, dans les archives de la Commission de permanence,
on puisse m'opposer une seule de ses séances qui ne soit pas
taillée absolument sur le patron que je vi;;us do découper.
Aussi, je persiste à prétendre que les journaux pourraient,
sans inconvénient, renoncer à publier ces procès-verbaux mo-
notones.
*
* *
Il y a bien de temps en temps, il est vrai, un petit incident,
un cri du cœur d'un membre de la droite, qui vient animer le
paysage et rompre l'enfilade des sourires dédaigneux de M. de
Broglie.
Ainsi, par exemple, à la dernière séanee, M. Baragnon a eu
un de ces éclairs qui méritent assurément une mention spé-
ciale.
Comme M. de Mahy demandait avec une bien coupable
indiscrétion pourquoi le gouvernement s'était permis de sus-
pendre pour six mois le conseil municipal do la commune de
Calais, à Belle-Isle-en-Mor, M. Baragnon s'est écrié :
— Oh!... une si petite commune!
Comme justification, jo crois que l'on n'ira pas beaucoup plus
loin que cela !
Un gouvernement qui a pour le défendre les sourires de pitié
de M. de Broglie et les arguments irrésistibles de M. Baragnon,
peut affronter toutes les interpellations possibles et imaginables.
Il est sûr d'en sortir victorieux.
Aussi, je ne crois pas trop me compromettre en sténogra-
phiant, par anticipation, la prochaine séance de la Commission
de permanence.
***
M. D. de la gauche. — Me sera-t-il permis de demander
à M. le ministre de l'Intérieur des explications sur la suppres-
sion du journal l'Écho républicain'.'
M. de Broglie. — Parfaitement.,. Depuis longtemps déjà,
une presse immonde attaque sans relâche les bases fondamen-
tales et sacrées... La suite comme dans la Patrie
M. D. de la gauche. — Cependant, monsieur le Président
du conseil me permettra de lui faire observer que la liberté de
la discussion...
M. de Broglie, interrompant. — Le gouvernement a dit ce
qu'U avait à dire. 11 ue lui reste plus qu'à sourire... Je souris.
M. D. de la gauche. — Pourtant, un journal est une pro-
priété, et l'Écho républicain...
M. Baragnon, avec force. — Oh ! un si petit journal.
La discussion est close.
M. M. de la gauche. — Je désirerais maintenant deman-
der à M. le ministre ce qu'il pense de la brusque mise en état
de siège de Landrigny par le commandant militaire.
M. de Broglie. — Volontiers. . Depuis longtemps déjà,
certaines localités, mues par do déplorables instincts, semblent
s'appliquer... La suite comme dans le Constitutionnel.
M. M. de la gauche. — Mais la justice...
M. de Broglie. — J'ai dit... il ne me. reste plus qu'à sou-
rire... Je souris.
M. M. de la gauche. — CepondaDt, la ville do Landri-
gny...
M. Baragnon, avec force. — Qhl... une si petite ville !...
La discussion est close.
M. V. de la gauche.
à monsieur le ministre...
J'ai une interpellation à adresser
M. de Broglie. — Pardon!... On prend à tâche de m'acca-
bler de questions... C'est un parti pris. Aussi facile qu'un mi-
nistre puisse avoir le sourire, il y a des limites au rictus hu-
main.
M. V. de la gauche. — Cependant, ce que j'ai à dire est
assez important. Bon nombre de nos collègues ont, dit-on, pro-
fité de leurs vacances pour attaquer le Septennat.
M. Baragnon. succombant à l'habitude. —■ Oh!... un si petit
Septennat!...
M. Baragnon, s'apercevant que la langue lui a fourché, essaie
de se reprendre, mais le mot n'en a pas moins jet ': un froid.
La séance est levée.
LÉON BIENVENU.
RÉFLEXIONS D'UN LUNATIQUE
On discute en ce moment la question de savoir si désormais
l'armée française chaussera le .soulier ou la botte. Espérons que
si la botte est adoptée, ce ne sera pas la botte à revers.
Les limonadiers du boulevard ont augmenté le prix do leurs
consommations —momentanément— disent-ils. J'ai grand'peyr
que ce ne soit jusqu'à la consommation des siècles.
Le brigand don Carlos que je chante en ces rimes,
Cherche dans son pays à répandre l'effroi ;
Il pense avoir bientôt commis assez de crimes
Pour mériter d'être fait roi.
L'autre soir, ayant le doigt quelque peu écorché, j'ai eu la
malheureuse idée de toucher au journal de M. de Cassagnac ;
de suite le bobo s'est envenimé. Maintenant j'ai le mal du Pays,
— ce qui m'attriste.
L'on a beau dire, Napoléon III, dans l'exil, avait, quelque
chose de grand :
Son nez.
Dès le mois de février, tout commence à pousser dans la na-
ture. Le 24 février 1848, ça a poussé tellement fort que Louis-
Philippe en fut renversé.
Les hirondelles sont revenues. Ceci nous annonce que le bon
Dieu vient d'ouvrir les magasins du Printemps, La maison
n'est pas au coin du quai.
Sur la réappariton du journal l'Uniuen :
Pour que le mot grossier règne en nos saturnàles,
Pour qu'on ne soit sevré du langage des halles
Et qu'on en ait toujours la dose qui convient,
Quand la mère Angot part, Louis Veuillot revient.
HIPPOLYTE BRIOLLET.
LE DRAME DE BARTAVELLE
.....- 0 ■ ■
~~ SîtfJM3HHOQA
ans la grande rue de la très-petite viUe
de Bartavelle, à peu près à égale dis-
tance de ses deux extrémités, et dans
l'avant-cour du sieur Vergasse, perru-
' quier, depuis un temps immémorial,
vivait, poussait, grandissait, verdissait,
fleurissait et fructifiait à merveille, en
toute liberté, un superbe marronnier d'Inde.
Personne de la ville n'y avait jamais fait attention, sauf les
galopins qui, à la fin de juillet, se glissaient dans l'avant-cour
du perruquier Vergasse pour ramasser les marrons et s'en faire
de charmants colliers.
Un gai matin d'avril, deux personnes venant de Paris et ar-
rivées, à Bartavelle, chacune de leur côté, pendant la nuit, et
pour la première fois, mirent le nez à la fenêtre de la chambre
où on les avait logées, l'une dans le bel hôtel de la Vierge et du
Commerce, situé en amont, l'autre da.ns l'humble auberge du
Lion Vert, sis en aval, dans la grande rue de la petite ville.
La première chose qu'aperçurent simultanément les deux
personnes arrivées pendant la nuit à Bartavelle, ce fut le beau
marronnier du sieur Vergasse.
Il faut ajouter, du reste, que la magnifique ramure du mar-
ronnier en question s'épandait alors, chargée de thyrses fleu-
ris, innombrables, jusqu'au milieu de la rue, parfumant l'at-
mosphère, ombrageant le pavé.
— Oh 1 oh! voilà un arbre qui se permet bien des choses !
s'écria l'une des deux personnes, celle qui était logée en amont,
dans le bel hôtel de la Vierge et du Commerce. Il f iudra surveil-
ler cela, reprit-elle, aprè3 avoir froncé le sourcil.
L'autre personne, celle qui logeait en aval, dans la modeste
auberge du Lion Vert, s'écria presque au même moment:
— Eh I eh ! voilà un arbre qui me fera pardonner bien des
laideurs à cette petite ville. Quel port ! quel feuillage ! quelles
belles fleurs ! Il est, sur ma parole, réjouissant à voir. Ce n'est
pas à Paris qu'on permettrait à un marronnier de se développer
de la sorte. M. AJphand aurait déjà lancé sur lui quatreou cinq
cents jardiniers armés de sécateurs et chargés de le tondre mi- ■
litairement,
Cela dit, les deux personnes arrivées pendant la nuit à Bar-
tavelle, et qui s'étaient montrées à leurs fenêtres respectives
dans le costume d'êtres prêts à se débarbouiller, rentrèrent
dans leur chambre, fermèrent leur fenêtre, et se livrèrent aux
soins de leur toilette.
*.**
Maintenant, disons tout.
La personne qui honorait de sa présenee l'hôtel de la Vierge
et du Commerce était un jeune ingénieur, tout frais sorti de l'é-
cole de la rue des Saints-Pères, et que le Destin, sous les traits
du ministre des travaux publics, envoyait entretenir et créer
des ponts et des chaussées dans lo département dont Bartavelle
est une des villes principales.
L'autre personne, l'habitant do l'humble Lion vert, était un
peintre obscur, lequel avait résolu de passer un an ou deux à
Bartavelle pour y faire tout ce qui concerne son art. Bartavelle
en effet est une des villes les plus curieuses du centre de la I
France. Elle renferme' des trésors, de pittoresque. Les rues irré-
gulières, mal pavées, étroites, serpentines, sont fécondes en ta- I
bleaux tout faits et qu'il n'y a plus qu'à copier.
Cela Mi reprenons le fil de notre récit.
Le soir de ce gai matin d'avrU où la grande rue de Bartavelle
fut contemplée pour la première fois par l'artiste et par l'ingé-
nieur, cet ingénieur et cet artiste mirent de nouveau le nez à la
fenêtre de leurs chambres et cela dans le costume d'êtres qui
vont aa plonger dans, leur lit.
Aux rayons de la lune claire, le marronnier du sieur Ver-
gasse, perruquier, étalait les splendeurs de son feuillage, et sur
le pavé désert de la grande rue, il projetait une ombre épaisse
que la lumière jaune des beçs de gaz était tout à fait impuis-
sante à vaincre.
Le bel effet! dit avec enthousiasme le peintre. Comme ces
maisons d'architecture folle sont amusantes à peindre ! — Que
ce bel arbre est étonnant ! — Quelle tournure ! — Il est fâcheux
que le gaz éclaire cela d'une fa'çon si fausse.
De son côté, l'ingénieur soupira :
— Il est étonnant que l'artère principale d'une ville soit cou-
pée par un végétal de cette taille. La ligne des feux du gaz en
perd tout son bel effet. Ces maisons sont absurdes. Rien de ré-
gulier. Rien d'uniforme. Et il ajoute :
— Dès demain, je m'occuperai spécialement de ce marron-
nier malencontreux.
Pendant que l'ingénieur formait cet atroce projet, le peintre
se disait :
— Dès demain, je ferai une petite étude de ce marronnier et
des maisons qui l'entourent.
Que vous dirai-je ?
Moins de huit jours après leur arrivée à Bartavelle, l'ingé-
nieur et le peintre se disputèrent avec une violence inouïe, dans
la propre cour du perruquier Vergasse. La quereUe entre les
Beaux-Arts et les Ponts-et-Chaussées s'envenima.
Le malheureux perruquier, menacé d'umï part de procès-
verbaux sans nombre par les agents de l'ingénieur, s'il avait
l'audace de désobéir aux règlements sur la voirie, et menacé
d'autre part, par l'artiste, d'une mort lente et cruelle, s'il avait
la faiblesse de céder aux injonctions de l'ingénieur des ponts-et-
chaussées, le malheureux Vergasse, hélas ! ne savait auquel
entendre.
Il fut,témoin de la gande dispute de l'artiste et de l'ingé-
nieur; IV s'arracha les cheveux de désespoir d'en être la
cause.
Voilà cent ans, de père en fils, disait le malheureux Vergasse,
voilà cent ans que ce marronnier pousse, grandit, verdit, fruc-
tifie, et personne n'a jamais trouvé cela mal. Que faire?
Que faire? — Obéir. — Obéir à qui? — Obéir à celui qui est
le dépositaire de la Toute-Puissauce à notre époque, obéir à
l'Ingénieur, enfin ! ....., ,
Vergasse se soumjt. — Mais avant de faire ouper son arbre,
f