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L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré — 7.1874

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https://doi.org/10.11588/diglit.6767#0115
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L'ÉOLIPSI

AVIS IMPORTANT. — î.„es souscrip-
teurs à l'Éclipsé dont l'abonnement ex-
pire le a 1 juillet, sont priés de le
renouveler sans retard., s'ils ne vsuleat
point sabir d'interruption dans la ré-
ception du journal.

m'ame anastasie

Nous extrayons du numéro 149 du Trombinoscope, qui vient de paraî-
tre, les passages suivants qui, par une coïncidence heureuse, commentent
le dessin original que' Gill avait crayemué sur le même sujet :

CENSURE (Anastasie), illustre engin liburticide français, née
à Paris sous le règne de Louis XIII. — Elle est fille naturelle
de Séraphine Inquisition, et compte de nos jours dans sa
nombreuse famille quelques autres personnages également très-
connus : Ernest Communiqué (voir le Trombinoscope n° 146),
Zoé Bonvouloir, vicomte Butor de St.-Arbitraire et
Agathe Estampille, ses cousine, tante et beau-frère, dont
nous esquisserons les traits un de ces jours.

Le pape Alexandre "VI, qui avait été un de ses premiers pères,
avait laissé un petit manuscrit intitulé : Guide du parfait ten-
séur, et à l'aide duquel Anastasie avait pu faire son éducation.
Voici quelques extraits de cet intéressant travail :

il. La censure est l'art de découvrir dans les œuvres littéraires ou
dramatiques les intentions malveillantes.

II. L'idéal est d'y découvrir ces intentions, même lorsque l'écrivain
ne les a pas eues.

III. Un censeur capable doit, à première vue, déterrer dans le mot
ophicléide une injure à la morale publique.

IV. Lu devise du censeur est : Coupons... coupons... il en restera
oujours... trop.

V. Le censeur doit être persuadé que ctiaque mot d'un ouvrage con-
tient une allusion perfide. Quand il parviendra à découvrir l'allu-
sion, il coupera la phrase. Quand il ne la découvrira pas, il la cou-
pera aussi, attendu q'be les allusions les mieux dissimulées sont les
plus dangereuses.

Quant aux dessins, elle a aussi ses quelques créatures qu'elle
entoure d'une tendre bienveillance ; elle prodique dès trésors
d'indulgence aux cocotteries indécentes, elle sourit avec bonté
aux charges réactionnaires ; mais le moindre coup de crayon
de Gill lui donne des attaques de nerfs. Elle retourne les cro-
quis du caricaturiste républicain avec des défiances infinies ;
elle cherche des allusions dans ses hachures, des profils séditieux
dans les contours de ses ombres, et dix fois sur sept elle accou
clie de cette solution : Je ne vois rien, donc il doit y avoir quel-
que chose : elle repousse le dessin.

Au physique, Anastasie Censure est une vieille pointue qui
se.distingue par deux qualités maîtresses chez les servantes dé-
vouées à l'arbitraire : une grande malveillance et un manque
absolu d'esprit. Ce qui exaspère surtout chez cette mauvaise
péfcore, qui s'imagine émarger encore au budget impérial, c'est
sa" stupidité. Elle persécute pour le plaisir de persécuter, mais
sans savoir pourquoi. Elle serait bien embarrassée s'il fallait
qu'elle justifiât les cascades de son crayon et de ses ciseaux. La
loi, d'ailleurs, lui permet de ne donner aucune raison à ses
refus ; heureusement pour elle. Sans cela, elle-ne se contente-
rait pas de faire mourir de faim les écrivains qui lui déplai-
raient,elle les ferait encore mourir de rire.

TOUCHAÏOUÏ.

i ■ I ' ■ i

a| propos de la dissolution

aintenAnt qu'il est permis de con-
sidérer la dissolution de l'Assemblée
de Versailles comme prochaine, on
peut comnvçncer à s'occuper de ce qui
doit nécessairement sepasser en France
entre le jour où elle aura été pronon-
cée et celui o% élections générales.
Cette période aura forcément assez
d'Influer C3 sur nos destinées pour que chacun ait à cœur de la
bijen préparer.

ÏCar enfin — et quoique la majorité des citoyens soient d'ac-
cord sur l'absolue nécessité de la dissolution — tous, évidem-
ment, ne la comprennent pas.de la même façon.

***

i \
Consultez, par exemple, sur ce sujet un bonapartiste, un
ordremoralier et un républicain, et demandez-leur à chacun
cimment ils entendent que la France soit gouvernée pendant
las trois mois qu'elle doit employer à préparer ces importantes
élections.

Vous verrez comme les trois systèmes se ressemblent.

t '''.'*

} L - , .... ./_, V

J'ai eu l'occasion de tenter l'épreuve il y a deux jours.

C'était sur l'impériale d'un wagon de la gare de l'ouest.

Le train partait pour Saint-Germain, et quelques-aris de mes
voisins, en se donnant réciproquement du feu pour allumer leur
cigare, entamèrent une conversation politique.

***

' Justement, la série était complète.

Il y -avait un lUBBfSf du peuple, costume Je Ira\ail, sac à

outils sous le bras, la pipe à la bouche, l'air goguenard, un vrai
type d'ouvrier parisien.

Puis un bon gros bonhomme bien replet, bien nourri, bien
rasé, 53 ans, l'air à son aise; quelque bon bourgeois retiré.

Enfin, un petit homme brun, jaune, sec, la lèvre pincée,
l'œil piétrifiant, une sorte de Corse râpé, quelque chose comme
un ex-sous-préfet à poigne de l'Empire, décavé par le Quatre-
Septembre. — Cependant j'avoue que J3 ne m'arrêtai guère à
lui supposer cette qualité, sachant très-bien qu'il n'y a plus de
fonctionnaires de l'Empire décavés depuis que M. de Broglie et
M. de Fourtou les ont tous recavés avec une sollicitude dont la
République portera peut-être encore longtemps les marques.

Bref, j'avais mes trois types très-accentués : le républicain,
l'ordremoralier et le chislehurstien.
Il ne me restait plus qu'à écouter.

L'ordremoralier, tàtorit le terrain. Eh! Psst!... psst!...
marchand de journaux !••• donnez-moi la Liberté (se rasseyant et
dépliant son journal). Qu'est-ce qu'ilsontfait à Versailles aujour-
d'hui?... (lisant). Eh! ah'.... le ministère ne se retire pas...

Le bonapartiste. — Il a bien raison,..

L'ouvrier, allumant sa pipe. — C'était pas la peine de le
f... lanquerpar terre, alors.

L'ordremoralier, d'un air capable. — Sans doute; mais
enfin, c'est la dissolution inévitable.

Le bonapartiste. - Oh! certainement, il n'y a plus que
ça à faire.

L'ouvrier. — Je crois bien... Voilà au moins un an que ça
devrait être fait depuis dix mois!...

Le bonapartiste, un peu rageur. — Ohl permettez... Il
n'y a pas tant de temps de perdu que cela... Il y a deux ans les
choses n'auraient pas été assez mûres...

L'ouvrier. — Quelles choses donc qui n'étaient pas assez
mûres ?

Le bonapartiste évite de répondre à cette question ; il pince
son nez déjà pointu.

L'ordremoralier. — Evidemment il faut qu'on nomme
une nouvelle Assemblée.

L'ouvrier, un peu soupçonneux. — Certainement !... Je suis
de votre avis ; mais il y a un cheveu pour moi là-dessus...
Qu'est-ce qui fera faire les élections ? C'est-y le Fourtou à lui
tout seul avec le de Broglie par derrière ?... Alors, zut !... il n'en
faut pas.

L'ordremoralier.— Cependant il faut bien que quelqu'un
les fasse ; et pour que tout se passe sans bruit et sans désordre...

L'ouvrier. — Ah! oui... on la connaît celle-là.. Pour
qu'il n'y ait pas de désordre dans la rue, on fera garder le lit
chez eux à tous les électeurs pendant les deux mois qui précé-
deront le vote afin qu'ils puissent bien s'entendre...

Le bonapartiste. — Eh bien! qu'est-ce que vous voulez
alors ?... Les clubs, la liberté de la presse ?

L'ouvrier. — Mais... un peu !... C'est bien le moins.

Le bonapartiste. — Eh bien ! moi, voilà comment je
comprends la période électorale : on met Paul de Cassagnac à
l'intérieur, Tarbé aux finances ; on supprime tous les journaux
excepté le Pays, l'Ordre et le Gaulois ; on colle des photographies
du prince impérial dans toutes les encoignures d'utilité publi-
que ; on insère tous les jours dans le Pays, devenu le grand offi-
ciel, que si l'empire est rétabli, l'Allemagne nous rend l'Alsace
et la Lorraine, plus le Rhin et sept milliards, et l'on fait voter
par là-dessus.

Heureusement le train arrivait àAsnières où descendait le
bonapartiste ; car après une pareille profession de foi, la con-
versation menaçait de prendre un autre tour. Ella recommença
une fois le train en marche.

L'ouvrier, furieux. — Eh bien ! en voilà encore un coco
qu'a bien fait de ne pas parler plus tôt. J'aurais eu du plaisir
à l'égarer en passant d ais le tunnel des Batignolles ou sur le
poiit de la Seine. {Apercevant le bonapartiste qui donne son billet
àla sortie de la gare.) Ohé!... dis donc... là-bas!... Toussin'..,
mets donc ton mouchoir dans ta poche !. . On voit ton casse-
tête qui passe !... Tu sais... va pas trop près du bord de l'eau...
c'est malsain avec une g.....pareille!...

L'ordremoralier.— Calmez-vous, mon ami, ce monsieur
a été un peu loin, c'est vrai... Je vais vous dire, moi, comment
je comprendrais que l'on dirigeât la France pendant la période
électorale.

L'ouvrier, qui arepris son soi&ire gouailleur. — Ahl oui. .
voyons un peu ça.

L'ordremoralier. —Voilà...D'abord on supprime tous les
journaux, excepté la Patrie et le Constitutionnel ; ensuite on met
eu état de siège tous les dépattements qui n'y sont point en-
core et on renforce l'état de siège dans toutes les localités où il
existe déjà.

L'ouvrier, souriant. — Très-bie''. Je commence à com-
prendre... <

L'ordremoralier, encouragé.— À'ùn;, deux mois avant le
v"ote,jc fais courir lebruitpartoutque l'hydre révolutionnaire re-
lève la tête,que les pariagsux seliguont en secret ; que l'on a saisi
120,000 bombes Orsini chez M. Thiers et 300,000 litres de pétrole
double chez M. Dufaure. Une fois le pays bien terrifié, je fais
voter par lâ-dessus.

L'ouvrier, éclatant de rire. -- Ah ! ça, mais... vieille bête !
c'est tout à fait la même chose que le sytème du ratapoil qui
vient de descendre à Asniôres L.

L'ordremoralier, avec dignité. — Oui, môssieu... c'est la
mémo chose ; mais c'est tout le contraire...

L'ouvrier, de plus en plus gai. — Vieux sabot!... Ah ! c'est
comme ça que vous entendez consulter librement le pays en ne
lui laissant que la liberté de vous dire ce que vous voulez qu'il
vous réponde !...

L'ordremoralier, choqué. — Môssieu !...

L'ouvrier. — Ah! laissez-moi donc tranquille, vous me
faites mal, vieux dindon 1-.. fallait médire en partant que
vous étiez si bête que ça, je serais monté dans un autre com-
partiment !...

L'ordremoralier, pourpre. — Môssieu !...

Heureusement l'ordremoralier descendait à Nanterre et l'ou-
vrier allait jusqu'à Rueil.

Dans l'intervalle de ces deux gares je causai avec cet interlo-
cuteur un peu vif et peu rompu, i\ est vrai, aux usages parle-
mentaires, mais convaincu et honnête dans le fond.

J'appris bien vite quelle était sa manière à lui do préparer
les élections générales.

Il prétend dans son langage familier que, si l'on veut que les
élections soient sérieuses et respectées plus tard, il faudra, pen-
dant la période électorale, lever l'état de siège partout, donner
une liberté complète à la presse e; rendre aux citoyens la droit
de réunion.

Il affirme que s'il n'en était point ainsi, que si la plus grande
indépendance n'avait pas présidé à ces élections, le lendemain
même du résultat, tout le monde aurait le droit d'en contester
la légitimi'é.

Il vuit que dans une lutte d'où dspenàent nos destinées cha-
cun ait la parole pour éclairer ses concitoyens.

Et il va même jusqu'à comparer la France à un pauvrechien
volé et tenu en laisse qui ne pourra jamais retourner vers son
vrai maiire qu'il aime, tant que l'on ne fera que permettre à
celui-ci de l'appeler à lui sans enjoindre à l'autre de couper la
corde qui retient le chien attaché.

Je ne sa's pas si le système de mon voisin de wagon sera du
goût de M. de Fourtou.

Mais j'avoue que sa comparaison du chien captif ne m'a pas
déplu, malgré sa trivialité.

Elle deviendrait, hélas ! d'une exactitude frappante si les élec-
tions générales devaient avoir lieu sous le patronage de l'état
de siège et autres mesures compressives du même calibre.

#

* *

Ne serait-il pas grotesque et triste à la fois de voir les ordre-
moraliers tenant la France enchaînée et bâillonnée, crier à la
République :

— Appelez-là... si elle va vers vous, c'est que c'est vous qu'elle
préfère!...

Puis, assurant encore le collier, raccourcissant les cordes et
resserrant les nœuds, ajouter d'un air vainqueur :

— Vous voyez bien qu'elle reste ds notre côté!... qu'avez-
vous à réclamer ?

LÉON BIENVENU.

la chaudière infernale

moralite

a semaine passée, j'ai vu la Géhenne.

C'était dans une fête, aux environs de Paris.
Je passais la revue des baraques.

Tout à coup, sur le seuil de l'une d'elles, un
porte-voix me hurle dans l'oreille :

— xV la chaudière ! venez voir la chaudière!
Quelle chaudière?
Le porte-voix reprit :

— Venez voir la grande chaudière infernale!
Je m'enquis du prix..

Le porte-voix continua :

— Deux sous aux premières loges ! un sou les secondes !
J'entrai.

Je me plaçai, seul, aux premières loges.

Aux secondes loges, il y avait un vieillard à barbe longue,
aux cheveux traînant sur les épaules.

Nous attendîmes le bon plaisir de l'impressario de la loge,
assis sur les bancs bien peu rembourrés.

Bientôt une sorte de rideau us* qui voilait le théâtre se leva
sans bruit, et je vis l'intérieur d'une gratte égayée de quelques
squelette?.

Au milieu, sur le devant de la scène, fumait et parfois flam-
boyait une chaudière.

Derrière cette chaudière, se tenait le prince des ténèbres, en
tenue de croquemitaine, avec sa fourche, ses cornes, son ergot,
ses grandes dents, et sa queue en tire-bouchon.

Une voix qui venait d'en haut tonna :

— Le diable va commencer à travailler !
Immédiatement parut sur le théâtre un petit personnage

armé d'une seringue.
La voix d'en haut dit :

— T'as vendu de la sciure de bois pour du quinquina et delà
mie de pain pour de la casse ; l'heure de la juste récompense
est venue. A là chaudière I — A la chaudière, le bouillon est
émollient !...

Et la petite figurine fut jetée dans la chaudière, une flamme
en sortit. Le diable frétilla de la queue.

Le vieillard assis aux secondes esquissa un sourire,

Al'apo'hicjire voué au feu éternel succéda un petit bonhomme
en toque et en robe, tout de noir vêtu.

Le diable remua laqueue déplaisir.

La voix d'en haut, fort enrouée d'ailleurs, s'écria :

— T'as condamné des innocents qui ne savaient pas distin-
guer leur droite do leur gauche ; t'as fait des orphelins à la
veuve que tu devais protéger. Mauvais juge, à la chaudière !

Et le juge fut précipité dans la chaudière, une flamme en
sortit.Le diable hocha vigoureusement de la queue.

Le vieillard des secondes battit des mains.

Puis parut un marchand de grains, un vil accapareur : à la
chaudière ! — Puis se montra un avocat véreux : à la chau-
dière ! — Puis un moine bedonnant, le nez rouge, à l'œil égril-
lard, à l'oreille grasse, s'avança à son tour: à la chaudière!

A chaque criminel envoyé au feu du sombre royaume, le
diable agitait sa queue avec délices, et le bonhomme assis aux
secondes tapait des pieds, gloussait de plaisir, hurlait de bon-
heur !

Il accompagnait de trépignements et d'exclamations joyeuses
le boniment satirique, parfois profond, dont le porte-voix faisait
précéder chaque condamnation.

L'enirée en scène d'une petite dame que le diable dépouilla
de son faux chignon, de ses fausses hanches, de ses faux mollets
et de sa fausse gorge, réjouit extrêmement le bon vieillard des
secoades.

Ce vieux fils d'Ève était vengé.

Après la femme, vint un médecin, puis un prêtre, prêchant
la charité et ne la pratiquant pas, puis un cocher, puis un mar-
chand avare, puis un journaliste.
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