VÊUL I P S h
AVIS IMPORTANT. — *«o« souscrip-
teurs à l*Éolix>se d-ait r&toonxierML©3st ex-
pire le 3 1 août, sont priés de le
renouveler sans retard., s'ils ne veulent
point sixbit- d'interruption dans la ré-
ception du journal.
LE CHIEN DU JARDINIER
PAROLES DE L0CKR0Y ET cormon, dérangées PAR ANDRE GILL
Musique. d'Albert Grisar.
Le chien du jardinier
Est un chien bien particulier :
Devant son os qu'il considère
Il pass'le temps à ruminer
Sur ce qu'il doit faire ou n'pas faire
Pour empêcher les gens d'dîncr;
Car il préiend, manie étangs:,
Que personn'plus que lui ne mange.
C'est là son tic, son embarras ;
Mang'ra-t-on? JXe mang'ra-t-onpas?
Ah ! ah 1 comme on rirait
Le jour où quelqu'un mangerait!
Le chien du jardinier
Est eu cor bien plus singulier.
Il est sans goût pour la pâtée ;
Mais qu'un voisin étourdiment
Vienne flairer à sa portée
L'objet le plus indifférent,
Soudain sa jalousie éclate,
Et, crac ! il met dessus la patte.
C'est toujours le même embar/as :
Mang'ra-t-on? ne mang'ra-t-orr pas !
Ah ! ah ! comme on rirait
Le jour où quelqu'un mangerait !
Pour copie mal conforme :
ANDRÉ GILL.
La partition du Chien du Jardinier est en vente chez M. Colombier
éditeur, rue Vivienne, n" 6, à Paris.
LA CONCIERGE DE « L'ÉCLIPSÉ
Je lisais hier qu'un journal de province vient d'être condamné
à 500 francs d'amende pour excitation, etc., etc., vous con-
naissez la phrase.
Jusque là rien d'extraordinaire. Un journal que l'on con-
damne, cela se voit assez fréquemment. Pas aussi souvent qu'un
journal que l'on supprime sans le juger, mais enfin ça se voit
encore.
Mais en poursuivant îa lecture de cet arrêt, j'ai vu que l'im-
primeur du journal en question était frappé, lui aussi, d'une
amende assez forte.
J'ai eu Je malheur de laisser traîner ce journal. Et il est
tombé sous les yeux de la conciergj de notre imprimerie qui
l'a lu et que j'ai trouvée le lendemain matin dans des transes
horribles.
i ' '■ » -.'f- *' - .„■'
* *
En apprenant que les imprimeurs sont condamnés pour
avoir prêté leurs presses aux ennemis do l'ordre moral, la
pauvre femme croit que la mesure peut s'étendre aux concierges
de journaux, et chsque fois qu'elle voit arriver le facteur, elle
s'imagine qu'il lui apporte une citation en police correction-
nelle, conçue à peu près en ces termes :
« L'an mil huit cent soixante-quatorze, le quatorze août.
« A la requête de monsieur le Procureur de la R-publique —
« laquelle ne dit pas ce qu'elle en pense.
« J'ai, Eusèbe, Barnabé Ccquillet, huissier, donné assigna-
« tion à madame la concierge de l'imprimerie Debons et C«, rue
« du Croissant, parlant à sa portière, ainsi déclaré,
« A comparaître le jeudi, 20 août, à onze heures du matin,
« — bien que l'affaire ne doive venir qu'à cinq heures du soir,
« après la fournée des Mous et des filles, — à l'audience de la
« treizième chambre de police correctionnelle, sous la préven-
« tion d'avoir tiré h cordon au sieur André Gill, dessinateur
« de Y Éclipse, le 27 juillet dernier, et de lui avoir ainsi facilité les
« moyens d'apporter à ce journal une charge contenant un
« outrage à l'ordre moral, délit prévu par un édit a'Anne d'Au-
« triche, du 12 octobre 1046.
« Et en outre, répondre devant le tribunal, qui ne lui en lais-
« sera pas le temps, aux conclusions qui seront prises contre elle
« par M. le Procureur de la République, laquelle en demeure
« de plus en plus ébahie,
« Et j'ai, à la sus-nommée concierge, laissé copie de la pré-
« 'iggite, dont le coût — monté avec art —r est de quatre francs
soixaute-quiL^e..
***
ï'ai eu toutes les peines du monde à faire comprendre à notre
bien estimable concierge que, très-probablement, elle ne serait
pas inquiétée; que jusqu'ici, il n y avait aucun exemple qu'on
eût englobé les concierges de journaux illustrés dans les pour-
suite dirigées contre les dessinateurs et les imprimeurs ; et qu'il
faudrait qu'elle eût bien de la malechanee pour voir étrenner
un pareil système par la République (??)
* *
La pauvre femme, pas calmée du tout, m'a répondu avec un
sourire amer que tout était possible, j
Et que d'ailleurs, on avait vu des choses au moins aussi
d rôles que cela.
J'ai été obligé de courber la tête en rougissant.
Le fait est qu'entre nous, maintenant que notre concierge
n'est plus là et que je n'eiplus besoin de chercher de mauvaises
raisons pour la rassurer, je crois que la chose en question
pourrait fort bien lui arriver.
.Du moment où l'imprimeur, que son métier expose à mettre
quotidiennement en circulation la valeur de quinze cent mille
lignes par jour, peut être condamné pour ne pas les avoir lues
jusqu'à la dernière virgule, il n'y a aucune raison pour que
le concierge ne tremble pas de l'être.
Et avec le concierge, le marchand de papier, le marchand
d'encre, ainsi que le directeur do la compagnie barométrique
qui vide les fosses de la maison.
Seulement, comme l'imprimeur, dans l'impossibilité où il
se trouve de lire tous les jours, en une heure, vingt-cinq ou
trente journaux d'un format extravagant, se dégoûtera d'être
exposé à faire une moyenne de quatre-vingt-deux mois de prison
par an, et à payer 00,000 francs d'amende sur ses bénéfices de
30,000.
11 arrivera fatalement qu'il divisera les journaux qu'on lui
proposera d'imprimer en deux catégories bien distinctes :
Ceux qu'il paut accepter de confiance.
Et ceux qu'il doit refuser de...défiance
*
* *
Sans aucun examen préalable, il accueillera donc les presses
ouvertes les journaux du poil de Ja Patrie.
Et enverra se faire imprimer aux îles Marquises, les feuilles
dont le ton se rapprochera de celui de la république française.
Je ne trouve pas que ce soit là précisément le comble de l'é-
quité.
Mais ce n'est à coup sûr pas non plus le comble de la bêtise
de la part d'un gouvernement que de faire supprimer les jour-
naux qui l'ennuient par les imprimeurs.
La besogne est faite tout de même, et de cette façon adroite
et indirecte, on ne s'est pas fôulé la popularité.
LÉON BIENVENU.
LA CONVENTION DE BRUXELLES
Dans un pays quelconque.
in bon bourgeois, chez lui.—Allons, bon!... encore la
guerre ! Notre prince bien-aim*, en montant, l'an dernier, sur
le trône, avait pourtant affirmé que sous son règne « la paix
ne cesserait de faire fleurir l'abondance ». Il n'y a pas de ça
quinze mois, et voilà qu'aujourd'hui.... Ça sera donc toujours
la même chose !
Ce qui me .exe, c'est que je ne comprends pas, mais pas du
tout, pourquoi l'on se bat. Enfin!... Une consolation, du
moins, c'est la Convention de Bruxelles. Les gens désintéres-
sés dans la question, ceux qui n'ont de goût ni pour les cov.ps
de canon, ni pour les coups de sabre, seront donc à peu près à
l'abri maintenant. Brave Congrès! à qui Je devrai la tranquil-
lité de aies vieux ans!,.. Pour une belle œuvre, la sienne me
parait une belle œuvre. Ne cousacre-t-elle pas le respect des
personnes et celui des propriétés? Je veux relire ce code de
l'honnêteté militaire, pour m'en bien imprégner.
Pendant qu'il lit, la canonnade se fait entendre. Un obus perce la
muraille, éclate dans la chambre et y jette un désordre indescrip-
tible.
le bon bourgeois, sortant fie dessous les débris. — Aïe!
aïe!... où suis-je? Holà! hé! c'est l'ennemi qui tire dans cette
direclion... J'en étais justement à l'article qui traite du respect
des-propriétés, lié! là-bas, dites donc!... Ah! voilà! ce n'est pas
absolument de leur faute, parce qu'ils sont trop loin. S'ils
étaient plus près, ils se feraient assurément scrupule.. (Nouvel
obus.) Sapristi! ça chauffe!... L'ennemi se rapproche... Un dé-
tachement vient de ce côté... Si je pouvais mo faire entendre..
Hé! messieurs !... Je vous ferai observer que, d'après la Coc-
Ventiou de Bruxelles.. .
un officier. — Qu'est-ce que c'est que ce braillard-là?...
Allez d nie le faire taire 1
On fait irruplio'i. dans la maison du bon bourgeois, et, comme il
se regimbe, on lui administre quelques coups de crosse.
le bon bourgeois. — Pardon, pardon... Et la Conven-
tion de Bruxelles?... (Au soldat qui le frappe.) La Convention
de Bruxelles, militaire, vous devriez la connaître.
le soldat, frappant toujours. — Convention. Bruxelles?...
Pas comprenir.
le bon bourgeois.— Il ne compreni pas !... Aïe! aïe !...
je m'en aperçois. Sapristi!... militaire, ou ne frappe pas un
bourgeois inolfensif. Pillez-moi plutôt, si vous êleg des ban-
diîs; niais, pour Dieu ! ne me frappez pas! (Voyant que le mili-
taire le quitte pour aller fouiller les armoires.) Tiens!... il a l'air
de comprendre à présent. (Voyant que tout le monde le dévalise.)
Ah! mais, minute... je vous ai dit : « Pillez-moi plutôt!» c'est
une manière de parler. Voulez-vous laisser ça... D'abord, d'a-
près la Convention de Bruxelles, vous n'avez nullement le
droit.... Comment! Us emport nt tout! (Il crie à la fenêtre.)
lié ! dites donc ! dites donc !...
un so us-officier, paraissant. — Si vous tenez à votre
peau, mon bonhomme, vous leivz bien de descendre.
le bon bourgeois. — Si je liens à ma peau 1... Assuré-
ment. Mais pourquoi dqscendrais-je ?
un sous-officier. — Pour ne pas brûler en même temps
que votre maison. J'ai ordre d'y mettre le feu tout de suite
pour empêcher l'ennemi de s'y retrancher.
le bon bourgeois- — PardoD, l'ennemi, c'est vous,
Pscccht, pseccht, finissez donc!... Voulez-vous bien ne pas enduire
ma maison de pétrole ! Si vous connaissiez la Convention de
Bruxelles, vous sauriez...
le sous-officier.—La Convention de Bruxelles, qu'est-ce
que c'est que ça ?
le bon bourgeois.—-11 ne la connaît pas 1 Je vais la lui
mettre sous les yeux Arrêtez, militaire, arrêtez ! (Les flammes
commencent à s élever.) Mais c'est affreux ce que vous faites-là i
c'est tout à fait contraire aux idées du Congrès. Jamais la Con-
vention...
le sous-officier. — Avez-vous bientôt fini avec votr
Convention ?
le bon bourgeois, exaspéré. — Gredins ! sauvages, misé-
rables! (Un soldat lui envoie un coupde baïonnette dans la poitrine.
Aïe! (Il chancelle.)
un officier supérieur, approchant. — Qu'est-ce qu'i
y a?
le bon bourgeois (d'une voix éteinte, ense tenantla poitrine.)
— Il y a,mon officier, que je suis un pauvre diable inoffensif.
Je n'ai pas d'armes, je n'ai pas d'opinion ; je ne sais même pas
pourquoi l'on se bat. Dans ce cas je croyais que la Convention
de Bruxelles. .
l'officier supérieur, avec conviction. — La Convention
de Bruxelles, une belle chose! Je mettrai toujours tout mon
zèle à la faire respecter.
le bon bourgeois. — Ah ! tant mieux ! C'est malheureux
qu'il soit si tard. Sans provocation aucune, j'ai été démoli,
battu, pillé...
l'officier. — Vraiment? J'en suis désolé.
le bon bourgeois. — Cette maison qui brûle, c'est la
mienne. N'est-ce pas que la Convention de Bruxelles ne per-
met pas...
l'officier. — Pas du tout.
le bon bourgeois.—A la bonne heure ! Je savais bien
que je finirais par trouver que'qu'un qui la connaisse.
l'officier. — Je ne saurais vous exprimer à quel point je
suis fâché... Mais vous êtC3 couvert de sang?
le bon bourgeois.—C'est un de vos soldats qui vient de
me percer la poitrine.
l'officier. — Lequel?
le bon bourgeois. — Je ne sais pas. Mais je crois que je
suis bien touché. Je m'en vais.
l'officier s'excusant. — Combien eet oubli de l'article 10,,
paragraphe 3 de là Convention m'est désagréable ! Croyez à
l'assurance de tous mes regrets.
le bon bourgeois, ému. — Je suis confus, monsieur...
(Portant la main à sa poitrine.) Aïe ! (A lui-même, d'un air de con-
solation :) Au moins celui-ci reconnaît qu'ils sont dans leur tort.
(Faiblissant) Dans... leur... tort. (Il expire.)
PAUL PARFAIT.
CHOSES ET AUTRES
Après un début bruyant, la comète de Choggia a disparu,
tout comme une nouvelle étoile qui a fait four à l'Opéra.
Il n'en est resté qu'une conférence, faite dimanche par un
professeur à l'affût des actualités.
— Drôle d'idée, lui dit quelqu'un, il ne yiondra personne à
votre conférence sur la comète.
— Au contraire, je suis sûr qu'il y aura une queue.
A propos de conférences, nous avons en ce moment celles
de Bruxelles. Il s'agit de déterminer dans quelles conditions
seront maltraitées les populations par une armée d'Invasion.
Il es', plus que probable que les populations consultées ré-
pondraient : Mais nous ne voulons pas être envahies du tout!
Et comme dans l'histoire du cuisinier et des dindons, les
gouvernements répopdraient :
— Vous sortez dp la question. Voyons : A quelle sauce vou-
lez-vous être mangés.
Offenbach s'est permis un mot à propos de ces mêmes confé-
rences.
— Mais, disait devant lui un philanthrope, cette conférence,
c'est la consécration du droit du plus fort. Et connaissez-vous
quelqtie chose de plus oiieux, de plus oppressif, que ce droit
du plus fort ?
— Mais oui, répondit le maestro, il y a le droit des pauvresl
Depuis la débâcle successive d'une foule de Sociétés plus ou
moins industrielles et financières, on ne rêve plus, dans un cer-
tain monde d'affaires douteuses, que procureurs, perquisitions,
gendarmes et arrestations.
Un financier do septième catégorie, habitué à côtoyer la
marge du code pénal, en respectant le tex'e, alla voir l'autre
jour un de ses confrères en tripotages.
Il ne trouva que sa femme.
Mon mari, dit-elle, est parti pour Bordeaux : il m^avait pro-
mis de rentrer aujourd'hui à Paris ; mais il s'est arrêté à Orlé-
ans.
— Lui-même! répartit l'ami.
La petite Amanda Peaudeneige a mis, pour la première fois,
la main sur un jeune gommeux, qui, comme elle dit, a le sac.
Elle l'a emmené successivement à toutes les stations de bains
connues, où elle s'amuse à le plumer en détail.
Pour faire enrager ses bonnes amies, restées à Paris, elle
leur écrit tous les trois jours une lettre datée d'une autre ville
d'eaux.
— En doit-elle dépenser de l'argent avec sa correspondance,
disait une de ses amies à une seconde.
— Mais, non, répartit l'autre, puisqu'elle a son pigeon voya-
geur !
Depuis que M. Vachot a ouvert un Casino et un Théâtre à
Enghien, il ne manque plus rien à ce Bade de la banlieue. Mais
c'est la banlieue.
— Quelle jolie ville, que cet Enghien, disait Calino dimanche ;
malheureusement c'est trop près de Paris; si c'était seulement
à trois cents kilomètres, j'y serais tous les jours !>
GEORGES STENNE.
AVIS IMPORTANT. — *«o« souscrip-
teurs à l*Éolix>se d-ait r&toonxierML©3st ex-
pire le 3 1 août, sont priés de le
renouveler sans retard., s'ils ne veulent
point sixbit- d'interruption dans la ré-
ception du journal.
LE CHIEN DU JARDINIER
PAROLES DE L0CKR0Y ET cormon, dérangées PAR ANDRE GILL
Musique. d'Albert Grisar.
Le chien du jardinier
Est un chien bien particulier :
Devant son os qu'il considère
Il pass'le temps à ruminer
Sur ce qu'il doit faire ou n'pas faire
Pour empêcher les gens d'dîncr;
Car il préiend, manie étangs:,
Que personn'plus que lui ne mange.
C'est là son tic, son embarras ;
Mang'ra-t-on? JXe mang'ra-t-onpas?
Ah ! ah 1 comme on rirait
Le jour où quelqu'un mangerait!
Le chien du jardinier
Est eu cor bien plus singulier.
Il est sans goût pour la pâtée ;
Mais qu'un voisin étourdiment
Vienne flairer à sa portée
L'objet le plus indifférent,
Soudain sa jalousie éclate,
Et, crac ! il met dessus la patte.
C'est toujours le même embar/as :
Mang'ra-t-on? ne mang'ra-t-orr pas !
Ah ! ah ! comme on rirait
Le jour où quelqu'un mangerait !
Pour copie mal conforme :
ANDRÉ GILL.
La partition du Chien du Jardinier est en vente chez M. Colombier
éditeur, rue Vivienne, n" 6, à Paris.
LA CONCIERGE DE « L'ÉCLIPSÉ
Je lisais hier qu'un journal de province vient d'être condamné
à 500 francs d'amende pour excitation, etc., etc., vous con-
naissez la phrase.
Jusque là rien d'extraordinaire. Un journal que l'on con-
damne, cela se voit assez fréquemment. Pas aussi souvent qu'un
journal que l'on supprime sans le juger, mais enfin ça se voit
encore.
Mais en poursuivant îa lecture de cet arrêt, j'ai vu que l'im-
primeur du journal en question était frappé, lui aussi, d'une
amende assez forte.
J'ai eu Je malheur de laisser traîner ce journal. Et il est
tombé sous les yeux de la conciergj de notre imprimerie qui
l'a lu et que j'ai trouvée le lendemain matin dans des transes
horribles.
i ' '■ » -.'f- *' - .„■'
* *
En apprenant que les imprimeurs sont condamnés pour
avoir prêté leurs presses aux ennemis do l'ordre moral, la
pauvre femme croit que la mesure peut s'étendre aux concierges
de journaux, et chsque fois qu'elle voit arriver le facteur, elle
s'imagine qu'il lui apporte une citation en police correction-
nelle, conçue à peu près en ces termes :
« L'an mil huit cent soixante-quatorze, le quatorze août.
« A la requête de monsieur le Procureur de la R-publique —
« laquelle ne dit pas ce qu'elle en pense.
« J'ai, Eusèbe, Barnabé Ccquillet, huissier, donné assigna-
« tion à madame la concierge de l'imprimerie Debons et C«, rue
« du Croissant, parlant à sa portière, ainsi déclaré,
« A comparaître le jeudi, 20 août, à onze heures du matin,
« — bien que l'affaire ne doive venir qu'à cinq heures du soir,
« après la fournée des Mous et des filles, — à l'audience de la
« treizième chambre de police correctionnelle, sous la préven-
« tion d'avoir tiré h cordon au sieur André Gill, dessinateur
« de Y Éclipse, le 27 juillet dernier, et de lui avoir ainsi facilité les
« moyens d'apporter à ce journal une charge contenant un
« outrage à l'ordre moral, délit prévu par un édit a'Anne d'Au-
« triche, du 12 octobre 1046.
« Et en outre, répondre devant le tribunal, qui ne lui en lais-
« sera pas le temps, aux conclusions qui seront prises contre elle
« par M. le Procureur de la République, laquelle en demeure
« de plus en plus ébahie,
« Et j'ai, à la sus-nommée concierge, laissé copie de la pré-
« 'iggite, dont le coût — monté avec art —r est de quatre francs
soixaute-quiL^e..
***
ï'ai eu toutes les peines du monde à faire comprendre à notre
bien estimable concierge que, très-probablement, elle ne serait
pas inquiétée; que jusqu'ici, il n y avait aucun exemple qu'on
eût englobé les concierges de journaux illustrés dans les pour-
suite dirigées contre les dessinateurs et les imprimeurs ; et qu'il
faudrait qu'elle eût bien de la malechanee pour voir étrenner
un pareil système par la République (??)
* *
La pauvre femme, pas calmée du tout, m'a répondu avec un
sourire amer que tout était possible, j
Et que d'ailleurs, on avait vu des choses au moins aussi
d rôles que cela.
J'ai été obligé de courber la tête en rougissant.
Le fait est qu'entre nous, maintenant que notre concierge
n'est plus là et que je n'eiplus besoin de chercher de mauvaises
raisons pour la rassurer, je crois que la chose en question
pourrait fort bien lui arriver.
.Du moment où l'imprimeur, que son métier expose à mettre
quotidiennement en circulation la valeur de quinze cent mille
lignes par jour, peut être condamné pour ne pas les avoir lues
jusqu'à la dernière virgule, il n'y a aucune raison pour que
le concierge ne tremble pas de l'être.
Et avec le concierge, le marchand de papier, le marchand
d'encre, ainsi que le directeur do la compagnie barométrique
qui vide les fosses de la maison.
Seulement, comme l'imprimeur, dans l'impossibilité où il
se trouve de lire tous les jours, en une heure, vingt-cinq ou
trente journaux d'un format extravagant, se dégoûtera d'être
exposé à faire une moyenne de quatre-vingt-deux mois de prison
par an, et à payer 00,000 francs d'amende sur ses bénéfices de
30,000.
11 arrivera fatalement qu'il divisera les journaux qu'on lui
proposera d'imprimer en deux catégories bien distinctes :
Ceux qu'il paut accepter de confiance.
Et ceux qu'il doit refuser de...défiance
*
* *
Sans aucun examen préalable, il accueillera donc les presses
ouvertes les journaux du poil de Ja Patrie.
Et enverra se faire imprimer aux îles Marquises, les feuilles
dont le ton se rapprochera de celui de la république française.
Je ne trouve pas que ce soit là précisément le comble de l'é-
quité.
Mais ce n'est à coup sûr pas non plus le comble de la bêtise
de la part d'un gouvernement que de faire supprimer les jour-
naux qui l'ennuient par les imprimeurs.
La besogne est faite tout de même, et de cette façon adroite
et indirecte, on ne s'est pas fôulé la popularité.
LÉON BIENVENU.
LA CONVENTION DE BRUXELLES
Dans un pays quelconque.
in bon bourgeois, chez lui.—Allons, bon!... encore la
guerre ! Notre prince bien-aim*, en montant, l'an dernier, sur
le trône, avait pourtant affirmé que sous son règne « la paix
ne cesserait de faire fleurir l'abondance ». Il n'y a pas de ça
quinze mois, et voilà qu'aujourd'hui.... Ça sera donc toujours
la même chose !
Ce qui me .exe, c'est que je ne comprends pas, mais pas du
tout, pourquoi l'on se bat. Enfin!... Une consolation, du
moins, c'est la Convention de Bruxelles. Les gens désintéres-
sés dans la question, ceux qui n'ont de goût ni pour les cov.ps
de canon, ni pour les coups de sabre, seront donc à peu près à
l'abri maintenant. Brave Congrès! à qui Je devrai la tranquil-
lité de aies vieux ans!,.. Pour une belle œuvre, la sienne me
parait une belle œuvre. Ne cousacre-t-elle pas le respect des
personnes et celui des propriétés? Je veux relire ce code de
l'honnêteté militaire, pour m'en bien imprégner.
Pendant qu'il lit, la canonnade se fait entendre. Un obus perce la
muraille, éclate dans la chambre et y jette un désordre indescrip-
tible.
le bon bourgeois, sortant fie dessous les débris. — Aïe!
aïe!... où suis-je? Holà! hé! c'est l'ennemi qui tire dans cette
direclion... J'en étais justement à l'article qui traite du respect
des-propriétés, lié! là-bas, dites donc!... Ah! voilà! ce n'est pas
absolument de leur faute, parce qu'ils sont trop loin. S'ils
étaient plus près, ils se feraient assurément scrupule.. (Nouvel
obus.) Sapristi! ça chauffe!... L'ennemi se rapproche... Un dé-
tachement vient de ce côté... Si je pouvais mo faire entendre..
Hé! messieurs !... Je vous ferai observer que, d'après la Coc-
Ventiou de Bruxelles.. .
un officier. — Qu'est-ce que c'est que ce braillard-là?...
Allez d nie le faire taire 1
On fait irruplio'i. dans la maison du bon bourgeois, et, comme il
se regimbe, on lui administre quelques coups de crosse.
le bon bourgeois. — Pardon, pardon... Et la Conven-
tion de Bruxelles?... (Au soldat qui le frappe.) La Convention
de Bruxelles, militaire, vous devriez la connaître.
le soldat, frappant toujours. — Convention. Bruxelles?...
Pas comprenir.
le bon bourgeois.— Il ne compreni pas !... Aïe! aïe !...
je m'en aperçois. Sapristi!... militaire, ou ne frappe pas un
bourgeois inolfensif. Pillez-moi plutôt, si vous êleg des ban-
diîs; niais, pour Dieu ! ne me frappez pas! (Voyant que le mili-
taire le quitte pour aller fouiller les armoires.) Tiens!... il a l'air
de comprendre à présent. (Voyant que tout le monde le dévalise.)
Ah! mais, minute... je vous ai dit : « Pillez-moi plutôt!» c'est
une manière de parler. Voulez-vous laisser ça... D'abord, d'a-
près la Convention de Bruxelles, vous n'avez nullement le
droit.... Comment! Us emport nt tout! (Il crie à la fenêtre.)
lié ! dites donc ! dites donc !...
un so us-officier, paraissant. — Si vous tenez à votre
peau, mon bonhomme, vous leivz bien de descendre.
le bon bourgeois. — Si je liens à ma peau 1... Assuré-
ment. Mais pourquoi dqscendrais-je ?
un sous-officier. — Pour ne pas brûler en même temps
que votre maison. J'ai ordre d'y mettre le feu tout de suite
pour empêcher l'ennemi de s'y retrancher.
le bon bourgeois- — PardoD, l'ennemi, c'est vous,
Pscccht, pseccht, finissez donc!... Voulez-vous bien ne pas enduire
ma maison de pétrole ! Si vous connaissiez la Convention de
Bruxelles, vous sauriez...
le sous-officier.—La Convention de Bruxelles, qu'est-ce
que c'est que ça ?
le bon bourgeois.—-11 ne la connaît pas 1 Je vais la lui
mettre sous les yeux Arrêtez, militaire, arrêtez ! (Les flammes
commencent à s élever.) Mais c'est affreux ce que vous faites-là i
c'est tout à fait contraire aux idées du Congrès. Jamais la Con-
vention...
le sous-officier. — Avez-vous bientôt fini avec votr
Convention ?
le bon bourgeois, exaspéré. — Gredins ! sauvages, misé-
rables! (Un soldat lui envoie un coupde baïonnette dans la poitrine.
Aïe! (Il chancelle.)
un officier supérieur, approchant. — Qu'est-ce qu'i
y a?
le bon bourgeois (d'une voix éteinte, ense tenantla poitrine.)
— Il y a,mon officier, que je suis un pauvre diable inoffensif.
Je n'ai pas d'armes, je n'ai pas d'opinion ; je ne sais même pas
pourquoi l'on se bat. Dans ce cas je croyais que la Convention
de Bruxelles. .
l'officier supérieur, avec conviction. — La Convention
de Bruxelles, une belle chose! Je mettrai toujours tout mon
zèle à la faire respecter.
le bon bourgeois. — Ah ! tant mieux ! C'est malheureux
qu'il soit si tard. Sans provocation aucune, j'ai été démoli,
battu, pillé...
l'officier. — Vraiment? J'en suis désolé.
le bon bourgeois. — Cette maison qui brûle, c'est la
mienne. N'est-ce pas que la Convention de Bruxelles ne per-
met pas...
l'officier. — Pas du tout.
le bon bourgeois.—A la bonne heure ! Je savais bien
que je finirais par trouver que'qu'un qui la connaisse.
l'officier. — Je ne saurais vous exprimer à quel point je
suis fâché... Mais vous êtC3 couvert de sang?
le bon bourgeois.—C'est un de vos soldats qui vient de
me percer la poitrine.
l'officier. — Lequel?
le bon bourgeois. — Je ne sais pas. Mais je crois que je
suis bien touché. Je m'en vais.
l'officier s'excusant. — Combien eet oubli de l'article 10,,
paragraphe 3 de là Convention m'est désagréable ! Croyez à
l'assurance de tous mes regrets.
le bon bourgeois, ému. — Je suis confus, monsieur...
(Portant la main à sa poitrine.) Aïe ! (A lui-même, d'un air de con-
solation :) Au moins celui-ci reconnaît qu'ils sont dans leur tort.
(Faiblissant) Dans... leur... tort. (Il expire.)
PAUL PARFAIT.
CHOSES ET AUTRES
Après un début bruyant, la comète de Choggia a disparu,
tout comme une nouvelle étoile qui a fait four à l'Opéra.
Il n'en est resté qu'une conférence, faite dimanche par un
professeur à l'affût des actualités.
— Drôle d'idée, lui dit quelqu'un, il ne yiondra personne à
votre conférence sur la comète.
— Au contraire, je suis sûr qu'il y aura une queue.
A propos de conférences, nous avons en ce moment celles
de Bruxelles. Il s'agit de déterminer dans quelles conditions
seront maltraitées les populations par une armée d'Invasion.
Il es', plus que probable que les populations consultées ré-
pondraient : Mais nous ne voulons pas être envahies du tout!
Et comme dans l'histoire du cuisinier et des dindons, les
gouvernements répopdraient :
— Vous sortez dp la question. Voyons : A quelle sauce vou-
lez-vous être mangés.
Offenbach s'est permis un mot à propos de ces mêmes confé-
rences.
— Mais, disait devant lui un philanthrope, cette conférence,
c'est la consécration du droit du plus fort. Et connaissez-vous
quelqtie chose de plus oiieux, de plus oppressif, que ce droit
du plus fort ?
— Mais oui, répondit le maestro, il y a le droit des pauvresl
Depuis la débâcle successive d'une foule de Sociétés plus ou
moins industrielles et financières, on ne rêve plus, dans un cer-
tain monde d'affaires douteuses, que procureurs, perquisitions,
gendarmes et arrestations.
Un financier do septième catégorie, habitué à côtoyer la
marge du code pénal, en respectant le tex'e, alla voir l'autre
jour un de ses confrères en tripotages.
Il ne trouva que sa femme.
Mon mari, dit-elle, est parti pour Bordeaux : il m^avait pro-
mis de rentrer aujourd'hui à Paris ; mais il s'est arrêté à Orlé-
ans.
— Lui-même! répartit l'ami.
La petite Amanda Peaudeneige a mis, pour la première fois,
la main sur un jeune gommeux, qui, comme elle dit, a le sac.
Elle l'a emmené successivement à toutes les stations de bains
connues, où elle s'amuse à le plumer en détail.
Pour faire enrager ses bonnes amies, restées à Paris, elle
leur écrit tous les trois jours une lettre datée d'une autre ville
d'eaux.
— En doit-elle dépenser de l'argent avec sa correspondance,
disait une de ses amies à une seconde.
— Mais, non, répartit l'autre, puisqu'elle a son pigeon voya-
geur !
Depuis que M. Vachot a ouvert un Casino et un Théâtre à
Enghien, il ne manque plus rien à ce Bade de la banlieue. Mais
c'est la banlieue.
— Quelle jolie ville, que cet Enghien, disait Calino dimanche ;
malheureusement c'est trop près de Paris; si c'était seulement
à trois cents kilomètres, j'y serais tous les jours !>
GEORGES STENNE.