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L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré — 8.1875

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https://doi.org/10.11588/diglit.6768#0038
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L'KC H PS *

AVIS IMPORTANT. — Les sous-
cripteurs à l'Êollpse dont l'abon-
nement expire le 15 Mars j sont
priés de le renouveler sans retard,
s'ils ne veulent point subir d'Inter-
ruption dans la réception du jour-
nal.

PRIME DE L'ECLIPSE

Album de la Lune et de l'Eclipsé,

contenant cent dessins de Gill. — Beau volume
in-V à gravures coloriées.

CONDITIONS : Toute personne qui s'abonnera à
YÉclipse pourra retirer dans les bureaux de ce
journal la prime ci-dessus annoncée, moyen-
nant trois francs.

Pour les départements, en raison des frais de port,
le prix de la prime est de six francs.

AVIS TRÈS-IMPORTANT

Le volume du Musée universel que VÉCLIPSE donnait
en prime à ses abonnés est complètement épuisé. Il est done dé-
sormais impossible de faire droit aux demandes qui pourraient
parvenir pour cette prime.

DE SURPRISE EN SURPRISE

La semaine dernière, j'avais le plaisir de signaler à mes
lecteurs le grand mouvement de « détente » qui s'accomplit
en ce moment dans la politique.

Mais, dans des temps comme ceux que nous traversons,
tout va bien vite.

L'on pourrait appliquer à la rage de conciliation et de
concessions qni nous envahit, le vers célèbre :

« Vous marchez d'un tel pas qu'on a peine à voua suivre ! »

XXX

En effet, à quels spectacles surprenants n'assistons-nous
pas depuis trois semaines ?

Et à quels coups de théâtre n'allons-nous pas assister
avant trois autres ?

C'est effrayant!...

XXX

Au nombre des surprises les plus extraordinaires qui
nous sont réservées, je crois que nous pouvons, dès aujour-
d'hui, compter le brusque revirement d opinion dont l'As-
semblée de Versailles va prochainement profiter, si ce n'est
commencé déjà.

Il n'est pas nécessaire d'être doué d'une mémoire bien pro-
digieuse pour se rappeler le temps si regretté où nos 750
souverains — du moins une forte partie d'entre eux —
jouissaient d'une de ces popularités que l'on ne peut guère
comparer qu'à celle dont nous honorons les huissiers, les
belles-mères et la grêle.

XXX

De Colmar à Rennes, de Lille à Perpignan, ce n'était
qu'un cri :

— Est-ce qu'ils ne vont pas bientôt s'en aller?...
XXX

On se souvient même qu'à un moment donné, il fallut
employer des moyens assez rigoureux pour couper court à
la signature de3 pétitions réclamant la dissolution.

Bref, l'impopularité de M. Batbie et de ses collègues était
devenue en France tellement proverbiale qu'on ne pensait
plu» à se plaindre du phylloxéra.

XXX

Aujourd'hui, tout chaDge comme par enchantement.

Le vent de la concorde, qui souffle depuis quinze jours
sur nous, semble en train d'emporter tous les ressentiments,
toutes les rancunes, toute la mauvaise humeur.

XXX

Nous sommes ainsi faits, en France, et c'est presque heu-
reux. Un rayon de soleil et quelques effluves printaniers
nous font vite oublier six mois de froid, de bourrasques et
de giboulées.

Nous sommes tout prêts à ne plus nous souvenir que,
depuis quatre ans, l'Assemblée a bien souvent fait des choses
qui ne nous plongeaient pas précisément dans le ravisse-
ment.

Et qu'elle s'est, non moins souvent, refusée à en faire
d'autres qui nous eussent pourtant bien enchantés.

XXX

Qui donc, aujourd'hui, pense seulement à se rappeler
toutes ces obstinations, tous ces tiraillements, tous ces atter-
moiements, toutes ces vacances, toutes ces remises à six
mois, toutes ces allées et venues de Paris à Froshdorff,
toutes ces réticences, toutes ces intrigues qui nous ont coûté
si cher?

Personnel

XXX

On ne parle plus de cette malheureuse République si
aigrement contestée à chaque occasion, quoi qu'elle existât
pourtant de fait et qu'en son nom on eût payé les cinq mil-
liards de notre rançon.

On ne parle plus de cet empire à qui l'on faisait la part si
belle depuis deux ans, quoi qu'on l'eût répudié et condamné
solennellement.

XXX

On ne parle plus de ces malveillantes réponses faites aux
députés, demandant que Paris redevint comme il le mérite,
et n'a jamais cessé de le mériter, la capitale de la France,

On ne parle plus de ces bills de confiance dont étaient
inondés à chaque instant les ministres qui avaient suppri-
mé par centaines les journaux républicains et laissé prêcher
ouvertement l'empire par les feuilles bonapartistes.

XXX

On ne parle plus de ces excès de défiance qui faisaient
conserver en état de siège la moitié de nos départements.

On ne parle plus de M. de Broglie décorant son fils cinq
minutes avant de rendre son portefeuille.

On ne parle plus de M. de Cumont ricanant au nez de
l'opinion publique en décorant audacieusement M. Chauf-
fard fils.

XXX

Non... on ne parle plus de rien; on ne se souvient plus
de rien. Tout le passé est oublié... mort... enterré.

XXX

On ne veut plus voir qu'une chose ? c'est que le salut du
pays a focdu toutes les glaces, ouvert et tendu toutes les
mains, et que chacun a mis de côté une partie de ses con-
victions, de ses sympathies et de ses répugnances, pour tra-
vailler en commun à tirer enfin la France d'un état dans
lequel elle languissait continuellement.

XXX

Qui va profiter le plus directement de cet attendrissement
général?
L'Assemblée, sans nW doute.

Déjà aujourd'hui ôn parle avec beaucoup moins d'aigreur
de son existence prolongée outre mesure.

Demain soir, on illuminera peut-être en son honneur.

Et le mois prochain, rien ne dit que la France ne sera
pas consternée si nos 730 souverains parlent de se dis-
soudre.

XXX

Joyeux retour des choses d'ici-bas I...

Qui eût dit, il y a seulement deux mois, à pas mal de ces
messieurs, qu'un jour viendrait où la France jetterait des
fleurs sur leur passage ?

XXX

Ce sont surtout nos honorables de la faction du centre
droit qui vont trouver un changement, lorsqu'à leurs pro-
chaines vacances ils vont retourner « se retremper dans le
sein de leurs électeurs » (cliché).

Il y a longtemps qu'ils ne se sont pas vus à pareille
fête.

Plus de visages moroses, plus de reproches ; ^es arcs de
triomphe, la fanfare de la localité venant au-devant d'eux à
la gare, des banquets, des visites, des lampions, des allocu-
tions chaleureuses, des remerciements, des toasts, des poi-
gnées de main, etc., etc....

XXX

Quel baume tout cela répandra sur leurs pauvres cœurs
ulcérés depuis si longtemps p ir l'indifférence et presque
l'antipathie de leurs concitoyens !...

XXX

Vraiment, quand l'on pense à tous ces trésors de man-
suétude, d'amour et de tendresse, à côté desquels nos dé-
putés ont si dédaigneusement passé depuis deux ans au
moins, on frémit en pensint aux remords cuisants qu'ils
doivent ressentir de ne pas se les être offerts plus tôt.

C'était si facile.

XXX

Quant à nous, qui nous sommes laissés aller souvent à
de forts mouvements de mécontentement à l'égard d'une
Assemblée qui nous semblait ne tenir qu'un trop faible
compte des aspirations de ses électeurs, nous saluons avec
une joie bien vive l'ère de miel qui succède à une si longue
période de vinaigre.

Et nous félicitons de tout notre cœur l'Assemblée natio-
nale de Versailles d'avoir réussi à effacer en vingt-quatre
heures tout ce que la France avait mis à écrire de désa-
gréable contre elle sur son ardoise.

XXX

C'est là un véritable coup de maître.

Mais, comme il est absolument convenu que le temps
des méchanceiés est passé, nous nous garderons bien de
qualifier cet acto de manœuvre habile.

Nous dirons, pour rester dans le ton de la situation, que
c'est une conversion sincère.

XXX

Que le diable coupe la la gue ou tranche le poignet à qui,
dans un pareil moment d'abandon et d'enthousiasme, oserait
par la parole ou par la plume, pousser, au milieu d'un con-
cert si louchant, la note discordante du doute, en insinuant
que ces concessions de la dernière heure sont d'adroites
amorces jetées avant l'ouverture de la pêche aux réélec-
tions.

XXX

Le moment des sublimes confiances est venu. Quand on
prend du Wallon, on n'en saurait trop prendre, et, pour
mon compte personnel» je me sens tellement entraîné par ce
courant de tendresse, d'effusion et de confiance, que je ne
me sens plus la force de douter de quoi ni de qui que ce
soit.

XXX

Comme dans Harnlet, je-me chante toute la journée en
contemplant ces suaves photographies de MM. de Broglie,
d'Audiffret et Buffet :

Doute de la lumière!...
Doute du soleil et du jour !..
Doute du ciel et de la terre.
Mais ne doute jamais... jamais de leur amour!...

XXX

En un mot, je suis dans une de ces phases où l'on pren-
drait de la revalescière> convaincu que ça va vous enlever
un œil de perdrix.

Il n'y a peut-être pas de quoi s'en vanter ; mais c'est si
doux d'aimer 1...

XXX

Profitez-en,Batbie!-1 dans mes brasl... Et vive la Répu-
blique 1...

LÉON BIENVENU

L'ENSEVELISSEMENT DU MARINIER

Un jour d'orage, comme je dérivais de côté comme ufl
crabe, sur les trottoirs du Pont-Neuf, les cils pleins de pous-
sière, et tena .t mon chapeau avec désespoir, je croisai de*
vant la statue d'Henri. IV deux croque-morts, harcelé
comme moi par les éléments, et chassés droit devant eux »
coups de brise au derrière.

Il était sept heures du soir; l'air était étouffant.

L'un des croque-morts portait sur l'épaule une longu6
bière en sapin à bon marché, dont le vent faisait résonné
les pans mal cloués.

Son camarade le suivait, aussi libre de ses mains que W
quatrième officier au convoi de Malborough.

A cette heure, et par ce chien de temps, où allaient don6
ces hommes noirs?

Le ciel était horriblement barbouillé de nuages opaques»
couleur d'encre et lourds de pluie, qui laissaient voir de«
traînées de ciel livide, chaque lois que la tempête naissant*
les écartelait.

Les peupliers du terre-plein se tordaient, et leurs feuille*
tremblantes bruissaient comme des coquilles dans u0
sac.

Les croque-morts montèrent les marches de la plate-
forme où règne le roi Vert-Galant, et, toujours bousculé
par le vent, cahin-caha, prenant des poses inattendues, sou'
tenant le cercueil que je m'attendais à chaque instant à voif
prendre son vol dans les airs, comme un ballon, ils pas'
sèrent derrière le cheval du Béarnais.

— Tiens, est-ce qu'il y a quelqu'un de décédé chez Ie
Bourbon? fis-je en me frottant les yeux.

Et sans écouter les borborygmes solennels et menaçant»
qui se faisaient entendre dans le ventre du ciel épais, je
vins réinstaller dans un des hémicycles du paraptt, juste
au-dessus du bras mort de la Seine où se trouve l'écluse d*
la Monnaie.

Araurrée aux anneaux de la pointe de l'île, une longue
péniche du Nor i, peinte en blanc rehaussé de filets et ara'
besques vert tendre, se trouvait là, le long du quai paV^
qui empêche le café-concert du Vert-Galant de choir à ls
rivière.

Une volige mince et longue, portée sur des chevalet*
tremblants, formait un pont entre la péniche et le rivage-

Au bout de quelques instants, je revis mes deux croque-1
morts. Descendus derrière Henri IV, i's se manifestèrent
sur le quai, toujours malmenés par la brise qui se carat''
nait de plus en plus, au moment où des garçons de caf^*
prestes et rieurs, se hâtaient d'enlever les lanternes vén#
tiennes suspendues pour la représentation du soir, contf9
les palissades du concert.

Alors, celui qui portait la, funèbre caisse, après l'avotf
posée sur le sol, comme un fût de colonne, tout debout t
prit à réfléchir. Son noir camarade imita son exemple' d»
l'autre côlé de la bière jaunâtre.

Ils avaient l'air, en ce moment, de deux supports d'ar
moiries étranges.

Un individu qui contemplait ce spectacle en même terni?*
que moi, me dit :

— Gênés, les trimballeurs ? Il lenr faut passer l'ea^f
comme les petits canards, et dame, ils n'ont pas le pi6^
marin.

— Traverser l'eau ?

— Bien sûr. Us vont mettre dans le coton un marinîef
qui a lâché son gouvernail ce matin. Et dame, avec la tein'
pérature qu'il fait, il se décomposerait si on ne lui faisait so"
affaire maintenant. Demain, — il serait trop tard.

— Alors, c'est dans cette péniche-là, blanche et vert*'
qu'ils portent leur bière.

— Oui. Il faut qu'ils sautent le pas. Ça va être drôle sUr
la planche. Avec ça qu'il vous fait un souffle ce soir !

Les croque-morts prirent leur courage à deux mains, 6
l'un d'eux, tenant le cercueil en manière de balancier, s'*'
vança sur le rubm de bois qui joignait la barque au qu9*'
Ça fut drôle, en effet, îomme disait mon compagnon de fl^'
nerie. Les malheureux employés des pompes funèbres d»"'
saient malgré eux sur ce tremplin improvisé. La court'
queue de morue de leur habit se soulevait d'une façon fF0'
tesque, tandis que leur coiffure, en tuyau de poêle verfl11
semblait à tout instant prête à se précipiter dans la Sein*'

Néanmoins, ils atteignirent sans encombre le bordage ^
bateau, et furent reçus par la famille.

Ces pauvres gens, assis en rond sur l'arrière de la péni^I
avec leur cage d'oiseaux, leur chien blanc, et leur marin*
fumante au milieu d'eux, se levèrent tout d'une piècee
voyant arriver les ouvriers noirs. Les hommes mirent
pipé de côté, sur la barre du gouvernail. Les femmes ti',
rent leur mouchoir à carreaux et se mouchèrent. Enfin,
mena les croque-morts dans l'intérieur du bateau. j

Pendant que l'ensevelissement s'opérait sous les plane" ,
goudronnées du faux pont, l'orage lâchait ses premiers & .
chats sur le bitume des trottoirs, où ils s'écrasaient en étoi „
à cinq branches. Les nuages s'amoncel ient d'une façon .
rible, avec des mouvements subits de taureaux dans .
troupeau en marche, ou de wagons s'accumulant les 11
sur les autres pendant un accident. m

Des éclairs informes incendiaient l'étendue sombre! ^
éclataient à tous les points cardinaux, aveuglant ^
zigzagant dans l'épaisseur du ciel comme les feux dern*
d'un papier brûlé. ^

— Voilà le bouillon ! me dit mon compagnon d'obser
tion. Je me la brise. Bonsoir, monsieur.

— Bonsoir, monsieur. — Je vais en faire autant. jj1
Et je le suivis dans sa retraite, en effet ; mais après a ^,

jeté un dernier coup d'œil à la péniche, et vu les cV°^e(
morts, nu-tête, sortir de la cabine d'arrière, et venir se la ^
les mains à même la rivière, sur le bord du bateau, av«c
gestes des orangs-outangs dans les forêts. ^rJ
Comme ils s'essuyaient les doigts à leur mouchoir» ^
vieux marinier, peut-être le père du défunt, leur offrl a6
coup de vin. D tenait un litre d'une main et un
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