L'ÉCLIPSÉ
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LES 50 LETTRES RÉPUBLICAINES DE GERVAIS MARTIAL
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MARQUONS LES POINTS
Je trouve que les prétendants et leurs cornacs n'ont pas
la moindre patience et qu'ils manquent absolument de
malice.
3 T T^>&Ad JIM à/p
Depuis longtemps déjà — mais surtout depuis que la pé-
riode électorale est sur le point de s'ouvrir — ils s'injurient
entre eux comme de véritables croelictcurs, et se jettent
réciproquement à la tète toutes leurs farces passées.
XXX
Pour des gens qui ont conclu une sainto allianco à l'effet
de prouver que les républicains sont des gredins, ce n'est
pas très-fort.
XXX
On savait certainement bien qu'unjour ou l'autre les trois
postulants pour la fameuse casquette en or ciselé devaient,
après s'être si étroitement embrassés, en arriver à se dire
brutalement leurs vérités.
Mais on ne pouvait guère prévoir qu'ils commettraient
l'imprudence de le faire sitôt et surtout dans un pareil mo-
ment où ces disputes de chiffonniers ne peuTcnt que leur
être très-préjudiciables.
: ' _..;;x><>< . :
Chaque matin, dans leurs feuilles, depuis le Pays jusqu'à
l'Union, en passant par l'Ordre, la Patrie et le Français, c'est
une série d'eng...gagements vifs et animés qui comble
largement le vide fait en France par la cessation des repré-
sentations continuelles de la Fille c2eMmo Angot.
Un jour, c'est un journal légitimiste qui dit :
—11 est impossible de comprendre l'audace du parti
bonapartiste. Comment admettre que le fils du saltim-
banque de Boulogne et de Strasbourg, le Troppmann du
trottoir de la maison Sallandrouze, etc., etc.. puisse encore
espérer régner sur la France !...
XXX
Alors la feuille impérialiste regimbe :
—Ah 1 tu ressuscites mes fredaines !... Cen'est pas de jeu.
Mais puisque tu as commencé, attends !...Et ton Condé !...
Et tes chouans'!... Et ta duchesse de Berry, allant chercher
l'étranger pour envahir et ruiner la France!... Gredin !...
Après Sedan, oses-tu bien parler d'invasion !...
XXX
Tout à coup, la question s'étend.
Des crimes des monarques, on passe à ceux des ministres.
Les Orléanistes jettent Clément Duvcrnois à la tète de
1 empire. ~<i'-v
Mais les soutiens de celui-ci ripostent :
— Qu'est-ce que c'est ?... Des pudeurs !... Eh bien !... et
ton Cubiôres?... Et ton Teste
XXX
A quoi les apostrophés répondent :
— Oui!. . mais... Et ton Janvier de la Mothe !...
XXX
— Toutce que tu voudras, reprennontles interpellés, mais...
ton Parmentier !...
— Et ton Grenier!...
— Et ton Parmentier !.-..
— Et ton Hugelniaim !...
XXX
Puis, quand la série du rétrospectif est épuisée, on passe
à celle des crimes problématiques.
C'est ainsi qu'on a pu lire récemment, dans les feuilles
monarchiques, ce qui suit, ou à peu près :
« Les bonapartistes nous accusent trop en ce moment de
« vouloir tenter quelque coup, pour n'être pas eux-mêmes
« à la veille d'une tentative quelconque.
« 11 faut s'attendre à tout de la part de gens qui, etc., etc. »
XXX
A quoi les journaux bonapartistes n'ont pas manqué de
répondre avec la légèreté de touche que nous leur connais-
sons :
XXX
« 11 n'est bruit que d'un rognon sauté qui aurait été servi
« à M. le comte de Chambord dans une casserole pleine de
« vert-de-gris.
« Il ne faudrait pas s'étonner que les d'Orléans, pour sim-
« plifler la fusion, et en vertu de leur manière d'opérer,
« bien connue depuis longtemps, aient, etc., etc.. »
Je ne saurais trop le répéter : cette conduite de nos préton-
dants et de ceux dont ils entretiennent la publicité, me sem-
ble être le comble de la maladresse.
XXX
Des... mettons : associés. Des associés intelligents ne de-
vraient jamais se dire de ces choses-là devant le monde.
OU, du moins, ils ne devraient se les dire que le jour où
ils ont mis la mnin sur le gâteau convoité, et qu'il no s'agit
plus que de se le disputer entre eux.
XXX
Oh ! alors, dans ce cas-là, tout est permis.
— Filou !...
— Canaille!...
— Veux-tu laisser ça?...
— Non.
— C'est moi qui ai donné le croc-en-jambe !...
— Oui... mais... qui est-ce qui lui a serré le cou?...
— Je le dis de lâcher ça, enfant de voleur !...
— Je ne lâcherai rien... fils de crapule !...
XXX
Mais, en vérité, se jeter ainsi tous leurs casiers judiciaires
à la figure !...
Et cela, devant la France!... pendant que celle-ci peut en-
core, en somme, choisir celui-là à qui elle se donnera!.,.
Oh! que c'est bête !...
XXX .
Se déshabiller réciproquement devant la femme dont ils
convoitent tous trois les faveurs (lisez : les valeurs).
Et se montrer à ses yeux couverts do plaies, d'humeurs et
de scrofules 1...
XXX
N'est-ce pas s'exposer sûrement à lui faire dire :
— Pouah !... comme ils ont bien fait de s'arracher ainsi
leurs loques !... J'étais sur le point d'oublier à quel point ils
sont dégoûtants ces trois vieux-là !...
LÉON BIENVENU
UNE BONNE FARCE DE BITGH
Un jour...
Il y a de cela bien de belles et joyeuses années !
J'avais six ans tout au plus. J'étais tout petit, tout petit,
pâlot, avec un nez retroussé, des cheveux couleur filasse et
un épi rebelle sur le sommet de la tête.
Je me rappelle que le jour dont je vous parle, mes chers
lecteurs, vêtu do ma belle veste de velours à pois blancs,
ma veste de fête, on m'avait mené dîner dans la banlieue,
du côté de Passy, chez je ne sais plus qui, un vieux mon-
sieur, je crois, ami de mon père, et qui possédait un déli-
cieux jardin rempli de grottes factices en pierre meulière, de
buissons do lilas et d'aubépine, etc.
Ah! comme on jouait bien aux voleurs dans ce jardin-là,
ou bien à llobinson !... Ma sœur faisait Vendredi. J'allais à la
chasse. On tuait des perroquets en grande quantité (les per-
roquets, c'étaient d'abord un vieux merle empaillé qu'on
nous avait donné, et ensuite un cheval de bois, privé de ses
quatre membres et un peu de sa tête).
Mais comme on jouait bien dans ce jardin-là !
Le vieux monsieur... je ne sais qui, outre son jardin, avait
encore un chien qui faisait nos délices. On l'appelait Bitch.
Bitch jouait avec nous, quand il en avait envie surtout, car
il était entêté, oh! mais entêté comme une mule. Et nous
lui faisions des farces à n'en plus finir, ma sœur et moi. Il
ne faut tromper personne, ni mentir, mais, avec Bitch, nous
inventions des histoires pour lui faire chercher dans tous
les coins des chats ou des rats imaginaires. Bitch gobait
tout cela. Bien qu'il fût gros et très-gras, l'idée seule de se
précipiter sur ces ennemis naturels le faisait sauter en l'air
et aboyer comme un fou.
Pauvre Bitch!
C'était un bien brave homme do chien. Mais, je l'ai dit, il
était très-entêté quand h s'y mettait.
Or, le jour du dîner chez le vieux monsieur, Bitch nous
joua, à ma sœur et à moi, un de ces tours pendables qu'on
n'oublie pas.
Voici l'histoire. On la raconta pendant longtemps dans
notre famillef à chacune de nos incartades. Et c'était notre
châtiment de voir que loin d'exciter la pitié, le récit qu'on
faisait de la bonne farce de Bitch amenait le rire sur les
lèvres de tout le monde.
Donc, voici l'histoire :
Au fond du jardin du vieux monsieur... je ne sais plus qui,
il y avait un mur percé d'une porte; cette porte s'ouvrait
sur une rue fort déserte, non bâtie,.et qui confinait aux
champs.
Je proposai à ma sœur, avant le dîner, de sortir par cette
porte et d'aller à la découverte en pays inconnu. Ma sœur
refusa net d'abord. Puis, vaincue par mes instances, elle
accepta. J'ouvris la porte. On appela Bitch. Le brave animal,
étonné, passant seulement son museau, huma l'air du de-
hors, cligna de l'œil et, finalement, rentra dans le jardin. Je
le priai poliment de venir, en l'assurant qu'une horde de
chats sauvages habitait dans les environs. Bitch, intrigué,
nous regarda. Il semblait nous dire : — « Très-amusant
d'aller par là, mais c'est défendu, vous savez. Vous verrez.
Je serais cinglé d'importance si je vous suivais. »
Enfin, tenté de mille façons, le digne Bitch se décida à
nous accompagner.
Très-fiers tous les trois, ma sœur avec sa jolie robe bleue
et ses nattes, moi avec ma veste à pois et mon épi rebelle,
Bitch avec rien du tout, nous allâmes assez loin, conduits
par le chien qui, une fois sur la pente fatale, ne pouvait
plus s'arrêter.
Ce fut lui qui se mit à notre tête et nous entraîna certai-
' nement plus loin que nous ne l'aurions voulu.
Il y avait bien une demi-heure que nous avions quitté le
jardin, lorsque petite sœur et moi nous convînmes de re-
tourner à la maison. Mais nous avions compté sans Bitch.
Bitch avait des conversations interminables avec les amis
qu'il rencontrait. Dieu! que ce chien avait de nombreu-
ses connaissances! Il nous faisait mourir d'impatience.
11 allait de ci, de là, de coin en coin, de mur en mur, exa-
minant tout, fourrant son nez dans tous les trous, grattant
la terre, courant après les chats.
Oh! le vilain Bitch 1
Le temps se passait. Nous nous regardions avec inquié-
tude, ma sœur et moi. Et nous avions faim! Je crois bien,
au lieu de goûter, nous avions préféré sortir. Un remords
cuisant s'installa dès lors dans notre estomac. Bitch, plus
aventureux que.jamais, nous mettait en retard d'une façon
affreuse.
Ah! je vous assure que je me repentais joliment d'avoir
ouvert la porte et quitté le jardin du vieux monsieur.
Tout à coup, pour comble de malheur, Bitch, un peu lassé
sans doute, s'assit au pied d'un mur, comme pour profiter
d'un rayon du soleil couchant et se réchauffer.
Nous le suppliâmes humblement de nous suivre. Hélas!
supplications inutiles ! Bitch, indifférent et se trouvant bien
là, ne daigna même pas faire semblant de nous entendre.
Nous nous agenouillâmes (oui, à deux genoux) ma sœur
et moi, et, les bras passés autour du cou de Bitch, les lar-
mes aux yeux, nous le conjurâmes de revenir :
— Viens donc, Bitch, viens donc? je t'en prie ! Tu vas nous
faire gronder. Oh ! le méchant ! il le sait bien. C'est pour
nous faire punir qu'il reste là. Viens donc !
Je devins très-lâche. J'offris à Bitch des gâteaux énormes
pour plus tard, tout ce qui lui ferait plaisir. Bitch, insensi-
ble, opposait la force d'inertie aux vaines tentatives faites
pour l'ébranler moralement et physiquement.
Bitch était un chien boule-dogue, un terrier, comme on
dit aujourd'hui, de très-forte taille. (11 était aussi haut que
nous.)
Très-ëpaissi par la bonne chère, Bitch avait autour du cou
trois ou quatre plis de graisse qui simulaient assez bien
une cravate de l'ancien temps. Sa bonne grosse tête, ses
deux trognons d'oreilles, son nez écrasé, une tache ronde
sur la paupière qui lui constituait comme un œil au beurre
noir, faisaient de Bitch un chien d'aspect assez comique.
Adossé contre le mur, soutenant son poitrail sur ses deux
pattes grosses et trapues, il laissait négligemment son train
de derrière s'étaler sur le sol.
Il clignait de l'œil gauche, en regardant le soleil et les
nuages. Un petit bout de langue passait, entre ses crocs,
sur ses lèvres noires et luisantes. Tout cela lui donnait une
mine impudente et railleuse qui nous plongeait dans un
profond désespoir.
Oh ! le malicieux Bitch !
Nous nous mîmes, ma sœur et moi, à pleurer à chaudes
larmes, toujours tenant le chien dans nos malheureux petits
bras.
Mais, baste ! Bitch se moquait pas mal de nous. Il soupi-
rait de temps à autre et affectait dis regarder avec une atten^
tion soutenue l'astre du jour qui s'inclinait à l'horizon.
Comme nous lui faisions une dernière prière d'une voix
très-touchante, l'assurant que nous allions l'abandonner
tout seul, dans les champs pleins de loups, la nuit, s'il ne
voulait pas venir, nous reçûmes, ma sœur sur la joue
droite, et moi sur la joue gauche, un fort joli soufflet dé-
taché d'une main sûre.
En même temps, une voix terrible, et bien douce en cet
instant, la voix de notre père, se fit entendre.
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ments qui désireront recevoir le volume à dr micile devront envoyer 8 fr. 80 c, représentant le prix de l'abonnement et les frais de port de la prime.
MARQUONS LES POINTS
Je trouve que les prétendants et leurs cornacs n'ont pas
la moindre patience et qu'ils manquent absolument de
malice.
3 T T^>&Ad JIM à/p
Depuis longtemps déjà — mais surtout depuis que la pé-
riode électorale est sur le point de s'ouvrir — ils s'injurient
entre eux comme de véritables croelictcurs, et se jettent
réciproquement à la tète toutes leurs farces passées.
XXX
Pour des gens qui ont conclu une sainto allianco à l'effet
de prouver que les républicains sont des gredins, ce n'est
pas très-fort.
XXX
On savait certainement bien qu'unjour ou l'autre les trois
postulants pour la fameuse casquette en or ciselé devaient,
après s'être si étroitement embrassés, en arriver à se dire
brutalement leurs vérités.
Mais on ne pouvait guère prévoir qu'ils commettraient
l'imprudence de le faire sitôt et surtout dans un pareil mo-
ment où ces disputes de chiffonniers ne peuTcnt que leur
être très-préjudiciables.
: ' _..;;x><>< . :
Chaque matin, dans leurs feuilles, depuis le Pays jusqu'à
l'Union, en passant par l'Ordre, la Patrie et le Français, c'est
une série d'eng...gagements vifs et animés qui comble
largement le vide fait en France par la cessation des repré-
sentations continuelles de la Fille c2eMmo Angot.
Un jour, c'est un journal légitimiste qui dit :
—11 est impossible de comprendre l'audace du parti
bonapartiste. Comment admettre que le fils du saltim-
banque de Boulogne et de Strasbourg, le Troppmann du
trottoir de la maison Sallandrouze, etc., etc.. puisse encore
espérer régner sur la France !...
XXX
Alors la feuille impérialiste regimbe :
—Ah 1 tu ressuscites mes fredaines !... Cen'est pas de jeu.
Mais puisque tu as commencé, attends !...Et ton Condé !...
Et tes chouans'!... Et ta duchesse de Berry, allant chercher
l'étranger pour envahir et ruiner la France!... Gredin !...
Après Sedan, oses-tu bien parler d'invasion !...
XXX
Tout à coup, la question s'étend.
Des crimes des monarques, on passe à ceux des ministres.
Les Orléanistes jettent Clément Duvcrnois à la tète de
1 empire. ~<i'-v
Mais les soutiens de celui-ci ripostent :
— Qu'est-ce que c'est ?... Des pudeurs !... Eh bien !... et
ton Cubiôres?... Et ton Teste
XXX
A quoi les apostrophés répondent :
— Oui!. . mais... Et ton Janvier de la Mothe !...
XXX
— Toutce que tu voudras, reprennontles interpellés, mais...
ton Parmentier !...
— Et ton Grenier!...
— Et ton Parmentier !.-..
— Et ton Hugelniaim !...
XXX
Puis, quand la série du rétrospectif est épuisée, on passe
à celle des crimes problématiques.
C'est ainsi qu'on a pu lire récemment, dans les feuilles
monarchiques, ce qui suit, ou à peu près :
« Les bonapartistes nous accusent trop en ce moment de
« vouloir tenter quelque coup, pour n'être pas eux-mêmes
« à la veille d'une tentative quelconque.
« 11 faut s'attendre à tout de la part de gens qui, etc., etc. »
XXX
A quoi les journaux bonapartistes n'ont pas manqué de
répondre avec la légèreté de touche que nous leur connais-
sons :
XXX
« 11 n'est bruit que d'un rognon sauté qui aurait été servi
« à M. le comte de Chambord dans une casserole pleine de
« vert-de-gris.
« Il ne faudrait pas s'étonner que les d'Orléans, pour sim-
« plifler la fusion, et en vertu de leur manière d'opérer,
« bien connue depuis longtemps, aient, etc., etc.. »
Je ne saurais trop le répéter : cette conduite de nos préton-
dants et de ceux dont ils entretiennent la publicité, me sem-
ble être le comble de la maladresse.
XXX
Des... mettons : associés. Des associés intelligents ne de-
vraient jamais se dire de ces choses-là devant le monde.
OU, du moins, ils ne devraient se les dire que le jour où
ils ont mis la mnin sur le gâteau convoité, et qu'il no s'agit
plus que de se le disputer entre eux.
XXX
Oh ! alors, dans ce cas-là, tout est permis.
— Filou !...
— Canaille!...
— Veux-tu laisser ça?...
— Non.
— C'est moi qui ai donné le croc-en-jambe !...
— Oui... mais... qui est-ce qui lui a serré le cou?...
— Je le dis de lâcher ça, enfant de voleur !...
— Je ne lâcherai rien... fils de crapule !...
XXX
Mais, en vérité, se jeter ainsi tous leurs casiers judiciaires
à la figure !...
Et cela, devant la France!... pendant que celle-ci peut en-
core, en somme, choisir celui-là à qui elle se donnera!.,.
Oh! que c'est bête !...
XXX .
Se déshabiller réciproquement devant la femme dont ils
convoitent tous trois les faveurs (lisez : les valeurs).
Et se montrer à ses yeux couverts do plaies, d'humeurs et
de scrofules 1...
XXX
N'est-ce pas s'exposer sûrement à lui faire dire :
— Pouah !... comme ils ont bien fait de s'arracher ainsi
leurs loques !... J'étais sur le point d'oublier à quel point ils
sont dégoûtants ces trois vieux-là !...
LÉON BIENVENU
UNE BONNE FARCE DE BITGH
Un jour...
Il y a de cela bien de belles et joyeuses années !
J'avais six ans tout au plus. J'étais tout petit, tout petit,
pâlot, avec un nez retroussé, des cheveux couleur filasse et
un épi rebelle sur le sommet de la tête.
Je me rappelle que le jour dont je vous parle, mes chers
lecteurs, vêtu do ma belle veste de velours à pois blancs,
ma veste de fête, on m'avait mené dîner dans la banlieue,
du côté de Passy, chez je ne sais plus qui, un vieux mon-
sieur, je crois, ami de mon père, et qui possédait un déli-
cieux jardin rempli de grottes factices en pierre meulière, de
buissons do lilas et d'aubépine, etc.
Ah! comme on jouait bien aux voleurs dans ce jardin-là,
ou bien à llobinson !... Ma sœur faisait Vendredi. J'allais à la
chasse. On tuait des perroquets en grande quantité (les per-
roquets, c'étaient d'abord un vieux merle empaillé qu'on
nous avait donné, et ensuite un cheval de bois, privé de ses
quatre membres et un peu de sa tête).
Mais comme on jouait bien dans ce jardin-là !
Le vieux monsieur... je ne sais qui, outre son jardin, avait
encore un chien qui faisait nos délices. On l'appelait Bitch.
Bitch jouait avec nous, quand il en avait envie surtout, car
il était entêté, oh! mais entêté comme une mule. Et nous
lui faisions des farces à n'en plus finir, ma sœur et moi. Il
ne faut tromper personne, ni mentir, mais, avec Bitch, nous
inventions des histoires pour lui faire chercher dans tous
les coins des chats ou des rats imaginaires. Bitch gobait
tout cela. Bien qu'il fût gros et très-gras, l'idée seule de se
précipiter sur ces ennemis naturels le faisait sauter en l'air
et aboyer comme un fou.
Pauvre Bitch!
C'était un bien brave homme do chien. Mais, je l'ai dit, il
était très-entêté quand h s'y mettait.
Or, le jour du dîner chez le vieux monsieur, Bitch nous
joua, à ma sœur et à moi, un de ces tours pendables qu'on
n'oublie pas.
Voici l'histoire. On la raconta pendant longtemps dans
notre famillef à chacune de nos incartades. Et c'était notre
châtiment de voir que loin d'exciter la pitié, le récit qu'on
faisait de la bonne farce de Bitch amenait le rire sur les
lèvres de tout le monde.
Donc, voici l'histoire :
Au fond du jardin du vieux monsieur... je ne sais plus qui,
il y avait un mur percé d'une porte; cette porte s'ouvrait
sur une rue fort déserte, non bâtie,.et qui confinait aux
champs.
Je proposai à ma sœur, avant le dîner, de sortir par cette
porte et d'aller à la découverte en pays inconnu. Ma sœur
refusa net d'abord. Puis, vaincue par mes instances, elle
accepta. J'ouvris la porte. On appela Bitch. Le brave animal,
étonné, passant seulement son museau, huma l'air du de-
hors, cligna de l'œil et, finalement, rentra dans le jardin. Je
le priai poliment de venir, en l'assurant qu'une horde de
chats sauvages habitait dans les environs. Bitch, intrigué,
nous regarda. Il semblait nous dire : — « Très-amusant
d'aller par là, mais c'est défendu, vous savez. Vous verrez.
Je serais cinglé d'importance si je vous suivais. »
Enfin, tenté de mille façons, le digne Bitch se décida à
nous accompagner.
Très-fiers tous les trois, ma sœur avec sa jolie robe bleue
et ses nattes, moi avec ma veste à pois et mon épi rebelle,
Bitch avec rien du tout, nous allâmes assez loin, conduits
par le chien qui, une fois sur la pente fatale, ne pouvait
plus s'arrêter.
Ce fut lui qui se mit à notre tête et nous entraîna certai-
' nement plus loin que nous ne l'aurions voulu.
Il y avait bien une demi-heure que nous avions quitté le
jardin, lorsque petite sœur et moi nous convînmes de re-
tourner à la maison. Mais nous avions compté sans Bitch.
Bitch avait des conversations interminables avec les amis
qu'il rencontrait. Dieu! que ce chien avait de nombreu-
ses connaissances! Il nous faisait mourir d'impatience.
11 allait de ci, de là, de coin en coin, de mur en mur, exa-
minant tout, fourrant son nez dans tous les trous, grattant
la terre, courant après les chats.
Oh! le vilain Bitch 1
Le temps se passait. Nous nous regardions avec inquié-
tude, ma sœur et moi. Et nous avions faim! Je crois bien,
au lieu de goûter, nous avions préféré sortir. Un remords
cuisant s'installa dès lors dans notre estomac. Bitch, plus
aventureux que.jamais, nous mettait en retard d'une façon
affreuse.
Ah! je vous assure que je me repentais joliment d'avoir
ouvert la porte et quitté le jardin du vieux monsieur.
Tout à coup, pour comble de malheur, Bitch, un peu lassé
sans doute, s'assit au pied d'un mur, comme pour profiter
d'un rayon du soleil couchant et se réchauffer.
Nous le suppliâmes humblement de nous suivre. Hélas!
supplications inutiles ! Bitch, indifférent et se trouvant bien
là, ne daigna même pas faire semblant de nous entendre.
Nous nous agenouillâmes (oui, à deux genoux) ma sœur
et moi, et, les bras passés autour du cou de Bitch, les lar-
mes aux yeux, nous le conjurâmes de revenir :
— Viens donc, Bitch, viens donc? je t'en prie ! Tu vas nous
faire gronder. Oh ! le méchant ! il le sait bien. C'est pour
nous faire punir qu'il reste là. Viens donc !
Je devins très-lâche. J'offris à Bitch des gâteaux énormes
pour plus tard, tout ce qui lui ferait plaisir. Bitch, insensi-
ble, opposait la force d'inertie aux vaines tentatives faites
pour l'ébranler moralement et physiquement.
Bitch était un chien boule-dogue, un terrier, comme on
dit aujourd'hui, de très-forte taille. (11 était aussi haut que
nous.)
Très-ëpaissi par la bonne chère, Bitch avait autour du cou
trois ou quatre plis de graisse qui simulaient assez bien
une cravate de l'ancien temps. Sa bonne grosse tête, ses
deux trognons d'oreilles, son nez écrasé, une tache ronde
sur la paupière qui lui constituait comme un œil au beurre
noir, faisaient de Bitch un chien d'aspect assez comique.
Adossé contre le mur, soutenant son poitrail sur ses deux
pattes grosses et trapues, il laissait négligemment son train
de derrière s'étaler sur le sol.
Il clignait de l'œil gauche, en regardant le soleil et les
nuages. Un petit bout de langue passait, entre ses crocs,
sur ses lèvres noires et luisantes. Tout cela lui donnait une
mine impudente et railleuse qui nous plongeait dans un
profond désespoir.
Oh ! le malicieux Bitch !
Nous nous mîmes, ma sœur et moi, à pleurer à chaudes
larmes, toujours tenant le chien dans nos malheureux petits
bras.
Mais, baste ! Bitch se moquait pas mal de nous. Il soupi-
rait de temps à autre et affectait dis regarder avec une atten^
tion soutenue l'astre du jour qui s'inclinait à l'horizon.
Comme nous lui faisions une dernière prière d'une voix
très-touchante, l'assurant que nous allions l'abandonner
tout seul, dans les champs pleins de loups, la nuit, s'il ne
voulait pas venir, nous reçûmes, ma sœur sur la joue
droite, et moi sur la joue gauche, un fort joli soufflet dé-
taché d'une main sûre.
En même temps, une voix terrible, et bien douce en cet
instant, la voix de notre père, se fit entendre.