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Faure, Élie
Histoire de l'art (1): L' art antique — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librairie Plon, 1939

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https://doi.org/10.11588/diglit.70254#0049
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soit beau, non plus que le lion même, si la sensation de cruauté et de vio-
lence est communiquée par n'importe quel moyen.
De plus l’Assyrie, comme l’Asie entière — l’Inde, l’Insulinde, la
Chine, le Japon — comme l’Egypte surtout, ne se fait aucun scrupule
de combiner entre elles des formes étrangères les unes aux autres dans
la vie, de mêler la bête à la bête, et l’homme même à la bête, de munir de
plusieurs bras,.de plusieurs têtes une statue, de fabriquer sans lassitude
des monstres logiques par le seul fait qu’ils sont vivants. La Grèce
ionienne, tenant encore à ses racines asiatiques, avait bien tenté d’en
faire autant. Mais avec quelle timidité! avec quelle gaucherie! Là, au
contraire, en Égypte surtout, que le corps soit d’un lion, ou d’un bélier,
ou d’un taureau, la tête d’un homme ou d’un aigle, que le corps soit d’un
homme ou d’un aigle, la tête d’un taureau, ou d’un bélier, ou d’un lion, les
plans et les profils pénètrent les uns dans les autres avec une continuité
qui dénonce non seulement la science infaillible du statuaire, mais sa
croyance intime qu’il peut et doit tout se permettre parce que le symbole
est en lui, qu’il le pense, qu’il le vit pour ainsi dire, et que le monstre ima-
ginaire est une expression cohérente, réelle, organisée des sentiments organisés,
réels et cohérents qui habitent son propre esprit. Le subjectivisme asiatique,
qui exprime le monde intérieur en prenant pour moyen le monde extérieur
— au lieu que l’objectivisme européen décrit le monde extérieur admis,
éprouvé, contrôlé par le monde intérieur — est encore là pris sur le fait.
Il faut, pour le comprendre, invoquer la liberté de la musique. Précisé-
ment, n’est-ce pas par le détour de la musique que l’Allemagne et la
Russie, les peuples les plus asiatisés du monde occidental, sont parvenus
a entrer dans l’âme européenne et à la transformer ainsi de telle sorte
que l’art asiatique tout entier lui soit accessible aujourd’ hui?
Voilà pour quelle raison les scrupules qui m’ont saisi quand j’ai revu
ce vieil ouvrage lors de sa réimpression, reviennent me rendre visite quand
je relis l’art égyptien. La demi-ignorance où nous étions, il y a quelque
vingt ans, du réel esprit asiatique et de ce qui se rattache en partie à son
domaine dans le nord de l’Afrique et l’Orient européen, nous a fait com-
mettre bien des erreurs non seulement sur la signification vraie de cet
esprit asiatique, mais sur la signification vraie de l’esprit occidental. Il
est absurde, par exemple, de considérer du même œil l’intrusion de la reli-
gion — ou plus exactement du sacerdoce — dans l’art d’Orient et dans
l’art d’Occident. Toutes les religions de l’Occident, du moins de l’Occident
moderne, viennent d’Asie. Elles ne pouvaient donc avoir, dans leur aspect

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