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Faure, Élie
Histoire de l'art (1): L' art antique — Paris: Éditions d'histoire et d'art, Librairie Plon, 1939

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https://doi.org/10.11588/diglit.70254#0050
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originel, qu’un caractère très différent du caractère des peuples qui les
adoptaient — extérieur à lui pour ainsi dire — et ne faire corps avec ces
peuples qu’ après de longs siècles de pénétration réciproque. Dans la cathé-
drale française même, où se réalise cependant leur fusion la plus étroite,
un certain dualisme — très appréciable, d’ailleurs, dans les événements
politiques qui marquent l’apparition de la commune — devait persister,
avant de provoquer l’écartèlement douloureux dont la Renaissance et la
Réforme annoncent la plus tragique minute. En Asie, au contraire, et
même dans l’ancien Orient — l’Égypte en particulier — les instincts
populaires, la religion et le sacerdoce lui-même jaillissent à la fois, et mêlés
ensemble, des mêmes sources intérieures, immémoriales, qui se confondent
avec la naissance et la croissance même de l’esprit. En Orient, il ne sau-
rait y avoir, avant le XIXe siècle, de désaccord vraiment capital et durable
entre ceux qui fixent le dogme et ceux qui en réalisent les expressions
figurées. Même si le sculpteur et le peintre ne saisissent pas le sens sym-
bolique de leurs croyances natives — sens symbolique presque toujours
surajouté par le prêtre-philosophe ou tout au moins extrait par lui de la
croyance native — même en ce cas l’art le plus spontané et la mystique
hermétique se rejoignent par d’insensibles transitions. Si l’artiste n’eût
pas été là, la religion égyptienne n’eût pas duré soixante siècles, parce
qu’elle ri eût pas vécu dans les âmes populaires dont l’artiste avait mission
de délivrer la pureté. Si la religion et celui qui la fixe, le prêtre, n’eussent
pas été là, l’art égyptien ne présenterait pas un si poignant, et si subtil et
si impénétrable mystère. Parce que la religion profite au prêtre, cela ne
veut point dire que le prêtre ne croit pas à la religion — car on ne fait
profondément croire que ce qu’on croit profondément. Parce que la reli-
gion maintient le peuple dans la servitude, cela ne veut point dire que le
peuple en veuille à la religion : elle libère ses dons instinctifs, au contraire,
en prenant sur elle et pour elle le fardeau redoutable de commander et
de choisir. Il faut donc accepter, pour l’Asie presque entière — le Japon
excepté peut-être et la Chine après le bouddhisme — et pour l’Égypte
avant tout, la solidarité presque absolue de la religion et de l’art qui
puisent l’un dans l’autre des raisons d’énergie, d’enthousiasme et de crois-
sance et manifestent presque toujours un seul et même sentiment. C’est
probablement grâce au prêtre — ne savons-nous pas, par Platon, qu’en
Égypte « aucun artiste chargé de représenter une figure quelconque
n’avait le droit d’imaginer la moindre chose contraire à la tradition » ?
— c’est grâce au prêtre que l’art nilotique, ri ayant pu sortir de ses cadres,

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