Le temple, qui résume l’Égypte, a la force catégorique des syn-
thèses primitives qui ne connaissent pas le doute et par cela même
exprimaient la seule vérité que nous sachions durable, celle de la vie
instinctive dans son irrésistible affirmation. Formée par l’oasis, l’âme
égyptienne en répétait les enseignements essentiels sur les murs et
dans les colonnes du temple. Elle pétrissait son granit, dont les massifs
rectangulaires montaient d’un bloc jusqu’aux arêtes d’angles, avec
le profil des falaises, avec le cours rectiligne du fleuve, avec la sève
brûlante qui dressait les palmiers au-dessus des champs d’émeraude,
d’or et de vermillon. Le dogme, qui est une étape, une certitude
ancienne arrêtée en formules sensibles pour le repos de notre esprit,
prend un invincible pouvoir quand il se propose à l’adoration des mul-
titudes sous un pareil vêtement, où elles retrouvent leur vraie vie,
leurs horizons familiers, la matière même des lieux où se déroule leur
activité et d’où naît leur espérance. Le prêtre peut faire sa maison
du dogme que le désir des hommes a matérialisé. Il peut assurer son
pouvoir en installant le dieu dans le réduit le plus petit, le plus obscur,
le plus secret de l’édifice. Le fidèle l’acceptera, s’il reconnaît le visage
visible de son existence accoutumée aux milliers d’autres dieux muets
qui bordent les avenues rigides conduisant aux pylônes géants, qui
peuplent les cours et les portiques et qui sont des hommes mêlés aux
monstres de l’oasis et du désert, lions, béliers, chacals, cynocéphales,
éperviers. Au milieu des colonnes épaisses, aujourd’hui couchées par
les conquérants et noyées sous les eaux et les sables, ou dressant encore
dans le désert le formidable squelette disloqué des salles hypostyles,
il se retrouvera dans ses palmeraies monotones, ses bois étranges, ses
taillis à intervalles vides, fûts droits et drus, à couronnes lourdes,
matière opulente et pulpeuse écrasée entre la boue durcie du sol et
le poids vertical du soleil. Elles ont l’élan ramassé, la rondeur rugueuse
des palmiers, l’étalement court de leur cime. Des feuilles de lotus
assemblées en bouquets, des feuilles de papyrus, des palmes, des
régimes de dattes gonflent leurs chapiteaux de la vie compacte et puis-
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thèses primitives qui ne connaissent pas le doute et par cela même
exprimaient la seule vérité que nous sachions durable, celle de la vie
instinctive dans son irrésistible affirmation. Formée par l’oasis, l’âme
égyptienne en répétait les enseignements essentiels sur les murs et
dans les colonnes du temple. Elle pétrissait son granit, dont les massifs
rectangulaires montaient d’un bloc jusqu’aux arêtes d’angles, avec
le profil des falaises, avec le cours rectiligne du fleuve, avec la sève
brûlante qui dressait les palmiers au-dessus des champs d’émeraude,
d’or et de vermillon. Le dogme, qui est une étape, une certitude
ancienne arrêtée en formules sensibles pour le repos de notre esprit,
prend un invincible pouvoir quand il se propose à l’adoration des mul-
titudes sous un pareil vêtement, où elles retrouvent leur vraie vie,
leurs horizons familiers, la matière même des lieux où se déroule leur
activité et d’où naît leur espérance. Le prêtre peut faire sa maison
du dogme que le désir des hommes a matérialisé. Il peut assurer son
pouvoir en installant le dieu dans le réduit le plus petit, le plus obscur,
le plus secret de l’édifice. Le fidèle l’acceptera, s’il reconnaît le visage
visible de son existence accoutumée aux milliers d’autres dieux muets
qui bordent les avenues rigides conduisant aux pylônes géants, qui
peuplent les cours et les portiques et qui sont des hommes mêlés aux
monstres de l’oasis et du désert, lions, béliers, chacals, cynocéphales,
éperviers. Au milieu des colonnes épaisses, aujourd’hui couchées par
les conquérants et noyées sous les eaux et les sables, ou dressant encore
dans le désert le formidable squelette disloqué des salles hypostyles,
il se retrouvera dans ses palmeraies monotones, ses bois étranges, ses
taillis à intervalles vides, fûts droits et drus, à couronnes lourdes,
matière opulente et pulpeuse écrasée entre la boue durcie du sol et
le poids vertical du soleil. Elles ont l’élan ramassé, la rondeur rugueuse
des palmiers, l’étalement court de leur cime. Des feuilles de lotus
assemblées en bouquets, des feuilles de papyrus, des palmes, des
régimes de dattes gonflent leurs chapiteaux de la vie compacte et puis-
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