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Faure, Élie
Histoire de l'art ([Band 3]): L'art renaissant — Paris: Librarie Plon, 1948

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https://doi.org/10.11588/diglit.71102#0039
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qu'elle est elle-même architecture, c'est qu'elle répond toujours à
la vie sociale et religieuse de tout un peuple en action dont elle résume
les aspirations générales quand les temples sont menacés. Elle n'a
pas le pouvoir de dissimuler ni de choisir, elle doit vivre dans l'espace
une vie impersonnelle, établie de tous les côtés, elle s'effondre quand
elle tente de dérober des formes à la vue pour lui imposer d'autres
formes et passer des unes aux autres par ces nuances insensibles que
la peinture excelle à ménager. Trop ardent pour rester tout à fait
maître de lui-même, trop fin pour aller droit au but, l'Italien ne parla
jamais comme les Français ou les Grecs cette langue implacable qui
défend à l'imagination de dépasser les limites des plans logiques et
des volumes définis.
Comme son ancêtre romain qui ne maintint l'esprit latin dans
Rome où les statuaires apportaient les formules grecques, qu'en creu-
sant les cuves funéraires ou les parois des arcs de triomphe, l'artiste
italien ne sut travailler réellement la pierre que quand il aborda le
bas-relief décoratif où la lumière et l'ombre s'emparent de la forme
pour la plier aux volontés sentimentales du sculpteur. La sculpture
et la peinture ont toujours suivi pas à pas les sursauts et les éclipses
de l'esprit individualiste. Le peuple le moins individué du monde
antique, les Égyptiens, ont traité en sculpteurs la peinture même qu'ils
n'ont vue que suivant des profils projetés à plat sur les murs. Le
peuple le plus individué du monde moderne, les Italiens, ont traité
la sculpture en peintres, Jacopo della Quercia peut-être excepté. Le
bas-relief alexandrin affirmait l'individualisme antique comme le bas-
relief italien allait indiquer aux artistes le moyen de se séparer du
sentiment général pour fonder un ordre intellectuel nouveau. Toutes
les fois que l'art impersonnel faiblit, la sculpture passe à la peinture
par l'intermédiaire de l'image ciselée sur les parois.
La peinture est la langue des incertitudes, des élans et des retraites
du cœur. Elle n'est plus la matière rebelle dont les blessures, une fois
faites, ne se cicatrisent pas, et qui n'obéit qu'à celui qui sait accepter
une grande idée collective et dont l'âme se meut avec sécurité dans
le cercle fermé d'un organisme social paraissant inébranlable. La
pierre domine l'esprit, elle lui est antérieure. L'homme a plié la pein-
ture aux directions de l'esprit. Elle suit ses hésitations et ses méandres,
et ses étapes, elle bondit ou se contracte ou se voile avec lui. C'est le
langage de la passion intellectuelle. Il définit l'individu.
C'est donc surtout par la peinture que l'Italie nous a parlé. Mais
là encore, elle ne pouvait avoir de la surface peinte qu'une conception
personnelle. La fonction d'un esprit supérieur est d'arracher la foule
à ses idoles habituelles pour lui imposer des idoles que l'ardeur de

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